28 déc. 2010

LA VIE N’APPORTE JAMAIS CE QUE L’ON CHERCHE

BEST OF 2010 (publié le 1er mars)

Télescopage entre Tetro et le Prophète ou quand Coppola répond à Audiard…

Deux jeunes hommes, sortis depuis peu du monde de l'adolescence, poussent une porte qui fera que leur vie ne sera plus jamais la même.

L'un la pousse volontairement : Bennie, échappé du domicile paternel, tout habillé du blanc de son uniforme de marin, pénétrant dans l'appartement de son frère. Ce frère, nettement plus âgé que lui, l'a abandonné brutalement, sans un mot, sans une explication, le laissant désemparé. Il le retrouve ici à Buenos Aires, au milieu des jeux du théâtre et de la musique. Est là aussi celle qui a recueilli son frère et peu à peu aider à se reconstruire.

L'autre la pousse involontairement : Malik, condamné à six ans de prison, habillé d'un jogging gris, propulsé dans un univers qu'il n'a pas choisi et qui lui est étranger. Muré dans son incapacité à lire ou écrire, il n'est que le jouet des événements et la victime de ceux qui, tout puissants, règnent. Il n'a d'autre choix que de se plier à cette loi, et de devenir une sorte de bonne du chef de clan corse.


Petit à petit, Bennie va se rapprocher de ce frère qui cherche à le garder à distance. Il était venu pour fuir son père et retrouver son frère. Entremêlé dans les fils de son passé, prisonnier d'une histoire qui est bien la sienne, mais à laquelle il ne peut rien, le voilà qui finira par trouver ce qu'il n'aurait jamais pouvoir imaginer trouver. Celui qui était son père au début en sera pour une deuxième mort…

Petit à petit, Malik va faire son chemin, décryptant instinctivement les règles de ce monde qui n'était pas le sien. Se fondant dans le paysage, retournant à son profit ce que les autres prennent pour sa faiblesse, le voilà qui finira par devenir le caïd. Celui qui était son protecteur au début sera sa victime.

Drôle de parallélisme entre deux résurrections : l'une en forme de rédemption, l'autre de damnation. L'un croyait savoir ce qu'il cherchait, l'autre ne cherchait rien. L'un perd définitivement le frère qu'il voulait pour y gagner un père auquel il ne croyait plus, l'autre s'insère dans la société au moment où celle-ci a voulu l'enfermer. Les deux en viennent à tuer leur père d'origine. Et à chaque fois, la vie vient apporter des réponses à des questions que l'on ne se posait pas…
PS : Sur le film Tetro, allez lire l'excellent texte de Paule Orsoni : "Garde le fil qui te lie à ton âme"

27 déc. 2010

« IL N'Y AURA PAS DE KRACH EN 2008 »


BEST OF 2010 (publié les 15 et 16 février)

Quand on affirme tout et son contraire…

Il est bon de parcourir les archives des journaux. C'est ce que je viens de faire en regardant ce qui a été écrit dans le Monde depuis début 2004 sur la croissance mondiale et la crise des subprimes. Chacun pourra en faire son commentaire personnel…

1er janvier 2004 : Les 3 scénarios d'une croissance retrouvée
« L'optimisme est de retour. Après la stagnation (en France) et même la récession (en Allemagne), du moins dans la première moitié de 2003, la nouvelle année s'ouvre sous le signe de la reprise. Les indices sont flatteurs : le rebond est réel et même fort. L'économie mondiale, tirée par les États-Unis et l'Asie, repart rapidement. Toutefois il subsiste partout un malaise et de nombreuses interrogations persistent sur le moyen terme »

5 octobre 2004 : La spéculation a gagné l'ensemble des États-Unis
« Pour autant, les risques de voir soudain la bulle éclater sont très faibles. Le logement, contrairement aux actions, est un bien indispensable. »

11 janvier 2005 : Les trois points noirs de l'économie mondiale
« Avec un taux de près de 3 % attendu pour la zone de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de près de 4 %pour l'ensemble de la planète, les perspectives de croissance pour l'année 2005 n'ont, a priori, pas de quoi inquiéter. (…) Une envolée des taux risquerait notamment de provoquer un effondrement du marché de l'immobilier, dont beaucoup d'experts affirment qu'il est, dans de nombreux pays occidentaux, en proie à un phénomène de bulle spéculative.

5 mai 2005 : Consacrée à la consommation et à l'immobilier, la dette des ménages américains atteint 1,2 fois leur revenu annuel
« M. d'Arvisenet se montre plutôt rassurant : « L'essentiel de l'endettement est de nature hypothécaire et principalement consenti sur la base de taux fixes, ce qui protège les ménages dès à présent endettés. Le comportement récent des défauts n'est dès lors pas pour étonner.»

30 août 2005 : Les banques centrales jugent que la flambée du crédit et des prix de l'immobilier n'est pas soutenable
« La flambée actuelle des prix de l'immobilier n'est-elle pas plus inquiétante et dangereuse, sur le plan économique, que l'envolée des cours pétroliers ? C'est ce que pense le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan. (…)Cette baisse de la valeur patrimoniale des ménages pourrait « faire fléchir la consommation », a averti M. Greenspan, qui a constaté que les estimations sur l'ampleur de ce phénomène sont très variables. Les excès du marché de l'immobilier seront-ils corrigés en douceur ou au contraire de façon brutale, avec le risque, dans ce cas, d'ajustements douloureux sur les revenus, la production et l'emploi ? »

31 janvier 2006 : Une économie américaine puissante mais fragilisée
« L'autre menace est la bulle immobilière. L'économie américaine a surmonté les chocs successifs depuis 2000 car les Américains ont continué de dépenser. (…) Alan Greenspan lui-même estime que les consommateurs sont devenus trop dépendants des crédits qu'ils obtiennent en mettant leurs logements en garantie. Entre un quart et un tiers des prêts accordés engageant les logements financent les dépenses personnelles. »

13 avril 2006 : Le FMI redoute l'impact économique de la hausse des taux
« Une hausse des taux pèserait aussi sur le service de la dette des personnes ayant emprunté pour acquérir leur maison. (…) Une faible culture financière, alliée à une forte prise de risques, est politiquement un cocktail explosif. »

14 mai 2007 : La croissance est de retour
« Il y a ceux qui ont la "baraka" et les autres. Jacques Chirac avait inauguré son quinquennat, en 2002, avec un retournement conjoncturel à l'origine d'une forte poussée du chômage et d'une très nette détérioration des finances publiques. Nicolas Sarkozy bénéficie d'une conjoncture autrement plus favorable. (…) "Les contraintes pesant sur l'économie française vont se lever, analyse Eric Heyer, l'un des directeurs adjoints de l'Observatoire des conjonctures économiques (OFCE). (…) Tout est donc en place pour qu'il y ait une croissance plus soutenue". (…) Même un ralentissement plus marqué de la croissance américaine, que pourrait provoquer un éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, ne devrait pas changer la donne en France, estime l'OFCE, compte tenu du découplage des cycles économiques européen et américain. »

19 juillet 2007 : A New York, l'indice Dow Jones a brièvement franchi les 14 000 points
« Pour certains analystes, les boursiers ne se sont pas focalisés sur la crise des crédits immobiliers, car elle ne présente a priori pas de risque systémique. « Une grande partie des prêts ont été reconditionnés par les banques sous forme d'instruments financiers qui, eux-mêmes, ont été mis dans d'autres actifs financiers. Le risque a, de ce fait, été atomisé et disséminé et nous ne pensons pas qu'il puisse présenter un caractère systémique.», explique Benoît Hubaud, responsable de la recherche sur les marchés de taux et de change à la Société générale. »

13 août 2007 : « Les banques risquent un mauvais troisième trimestre » (Les Échos)
« La crise des crédits immobiliers à risque est une vraie crise. Mais ce n'est pas une crise du crédit. (…) Par un effet de contagion lié au saupoudrage des crédits « subprime » dans les produits structurés (titrisation ou dérivés), les investisseurs ont arrêté, depuis deux semaines environ, d'acheter ces produits, adossés ou non à du « subprime ». (…) Nous sommes persuadés que la valeur fondamentale des actifs est supérieure à leur valeur de marché actuelle. » (Christian de Boissieu, Président du conseil d'analyse économique, et Patrick Artus, Directeur de la recherche et des études de NATIXIS)

17 août 2007 : Crise des "subprimes" : le point de vue de deux économistes
Augustin Landier : « Dans les semaines à venir, on va enfin savoir quelles sont les banques et les institutions financières qui sont touchées et à quel point elles le sont. (…) C'est un moment "darwinien" : les banques qui ont eu des politiques de gestion du risque trop laxistes vont le payer très cher, des institutions prestigieuses vont perdre leur crédibilité (comme par exemple la société de courtage Bear Stearns), et seront peut-être absorbées par d'autres. C'est de la "création destructrice". »

29 août 2007 : Dans le sillage de Wall Street, les Bourses mondiales plongent à nouveau
« L'ampleur exacte de la crise des crédits immobiliers à risques, dits "subprime", reste encore à évaluer et toute nouvelle négative a un impact fort sur les places boursières. »

10 septembre 2007 : Crise financière : la BRI souligne le risque de contagion à l'économie réelle aux États-Unis
« Il y a un risque de contagion à l'économie réelle aux États-Unis de la crise du "subprime", a estimé, lundi 10 septembre en début d'après-midi, Jean-Claude Trichet, le porte-parole du groupe du G10 et gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE), à l'issue de la réunion bimestrielle de la Banque des règlements internationaux (BRI). »

11 septembre 2007 : La crise financière ne devrait pas avoir de conséquences importantes en Europe
Jean-Paul Fitoussi : « Je ne crois pas que l'Europe soit touchée en tant que telle. (…) Donc en dehors de quelques évolutions trimestrielles heurtées, la crise ne devrait pas avoir de conséquences importantes en Europe. (…) Il n'y a pas de raison que la crise ait un impact sur le consommateur médian. »

2 novembre 2007 : Les bons chiffres de l'emploi aux États-Unis apaisent les craintes de récession
« La récession tant annoncée aux États-Unis ne semble pas pour tout de suite, même si la crise immobilière reste une inconnue déterminante pour l'avenir de la première économie mondiale. »

6 novembre 2007 : Christian de Boissieu :"Malgré la crise financière, la croissance mondiale peut tenir le coup"
« Mais il me semble que la croissance mondiale peut tenir le coup. (…) Je pense que la croissance mondiale peut résister entre 4 % et 5 % pour l'an prochain, grâce à la croissance des pays émergents et au rôle des banques centrales. L'autre scénario, qui n'est pas le mien, est celui d'une récession américaine. (…) L'effet de cette crise me paraît modéré en Europe. (…) La crise aura une conséquence sur l'Europe à travers son impact sur le change. »

7 décembre 2007 : « Le ralentissement n'est pas tragique », selon l'OCDE
« La croissance des pays de l'Organisation ne devrait pas être trop touchée par la hausse des matières premières et la crise des « subprimes ». Le ralentissement de l'économie mondiale sera à son maximum au premier trimestre 2008. Selon les perspectives semestrielles publiées jeudi 6 décembre par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la croissance du produit intérieur brut (PIB) de ses pays membres passera de 2 % au dernier trimestre 2007 à 1,9 % au premier trimestre 2008, avant d'amorcer une remontée pour atteindre 2,5 % au premier trimestre 2009. »

2 janvier 2008 : David Naud, économiste à la Deutsche Bank « Il n'y aura pas de krach en 2008 »
« Avec les interventions des banques centrales, mi-2008, la crise et les désordres du marché monétaires devraient finalement s'estomper. (…) Aux États-Unis, l'embellie arrivera certainement mi-2008. En Europe la reprise prendra sans doute quelques mois de plus. En tout cas, il n'aura pas de krach cette année ! »

9 avril 2008 : L'économie américaine va connaître une "légère récession" en 2008, selon le FMI
« "L'économie américaine connaîtra une légère récession en 2008, en raison des effets de synergie entre les cycles de l'immobilier et des marchés financiers, avant de ne se redresser que progressivement en 2009", affirme le Fonds dans ses perspectives économiques mondiales. Le produit intérieur brut (PIB) américain devrait ainsi croître de seulement 0,5 % en 2008 et de 0,6 % en 2009, ce qui représente une révision à la baisse de 1 point et 1,2 point respectivement par rapport aux prévisions de janvier. »

25 juin 2008 : Crise bancaire : pour Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, "il n'y a pas de deuxième vague"
« Il n'y a pas de deuxième vague : les pertes supplémentaires qu'annoncent les banques sont la conséquence mécanique de l'évolution des marchés. On est dans un cycle normal de provisionnement des risques, sans danger cette fois de contagion à d'autres secteurs du crédit bancaire. (…) L'exercice de transparence sera achevé d'ici au 30 juin, en France et dans tous les pays du G7. »

7 septembre 2008 : Freddie Mac et Fannie Mae mis sous tutelle gouvernementale
Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, a affiché un soutien sans détour au plan de reprise. "Ces étapes nécessaires vont aider à renforcer le marché américain de l'immobilier et à promouvoir de la stabilité sur nos marchés financiers".

16 septembre 2008 : La faillite de Lehman Brothers ébranle le système financier mondial
« Il s'agit d'un événement qui se produit une fois tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle. Il n'y a aucun doute, je n'ai jamais rien vu de pareil (...) », a commenté Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed), face à l'aggravation de la crise financière née aux États-Unis à l'été 2007.


 


 

24 déc. 2010

23 déc. 2010

« LA VÉRITÉ, C’EST QUE J’AVAIS UNE IDÉE, UNE IDÉE PAS FAMEUSE »

Comment Air Liquide est-il né ?

Le 8 novembre 1902, à Paris, Paul Delorme et Georges Claude, avec vingt-deux autres actionnaires créent, la Société Air Liquide pour l'Étude et l'Exploitation des Procédés Georges Claude. L'histoire d'Air Liquide commence.
Voilà ce que, quelques années plus tard, en a dit Georges Claude :
« La vérité, c'est que j'avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d'utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. Je voyais mon invention de l'acétylène dissous, à peine éclose, péricliter pour différentes raisons, dont l'une était le prix alors élevé du carbure de calcium. J'eus alors la pensée qu'on pourrait peut-être réduire ce prix en substituant à l'électricité, pour la production des hautes températures nécessaires à la fabrication de ce produit, la simple combustion du charbon par l'oxygène si l'oxygène lui-même pouvait être produit à bas prix.
Bien que cette conception soit restée stérile jusqu'ici et qu'on fabrique toujours le carbure par l'électricité, c'est donc cette conception tout de même – et on aura raison d'appeler cela de la chance – qui m'a amené à l'oxygène pour sauver l'acétylène dissous, avec cette chance supplémentaire et inouïe que c'est quand même cet oxygène qui l'a sauvé en lui donnant le débouché, que je ne pouvais prévoir, du soudage et du coupage. Et ainsi l'acétylène dissous est devenu le gros client de L'Air Liquide, dont il a, à son tour, assuré le succès.
Ce n'est pas tout : s'il est certain que c'est par l'acétylène que j'ai été amené à l'air liquide, il est non moins certain que l'air liquide à son tour m'a conduit à l'extraction des gaz rares, puis à l'extraction de l'hydrogène des gaz de fours à coke et à la synthèse de l'ammoniac par les hyperpressions. »(1)

No comment…

 
(1) Source « Les cents ans d'Air Liquide »

22 déc. 2010

POURQUOI AVONS-NOUS BESOIN D’EN APPELER À DES AUTORITÉS QUI NOUS DÉPASSENT ?

Nous sommes libres et responsables

Si l'on croît que le monde est régi par des logiques implacables et écrites à l'avance, on n'a plus d'autres choix que, soit de se résigner – à quoi bon entreprendre puisque tout a été écrit et décidé à l'avance ? -, soit d'en appeler à une force immanente capable, elle, de changer la logique du monde – à un Dieu qui serait le maître d'œuvre de ce monde que nous subissons, à des chefs cachés mais tout puissants qui manipulent la société.

Comme on a du mal à se résigner, on opte en général pour la deuxième solution et l'on imagine des Deus ex machina derrière tout ce qui se passe, en bien comme en mal. En caricaturant – mais si peu…–, cela donne le florilège suivant :
« Si les hommes existent, c'est qu'un Dieu l'a voulu et nous a créés. »
« Si le mal existe, c'est que les hommes ont commis, il y a très longtemps, un péché terrible, et qu'un Dieu les a punis. »
« Je ne sais pas pourquoi ceci arrive, mais eux, ils savent. Simplement, ils ne veulent pas me le dire. »
« Puisqu'ils sont à la tête des États ou des entreprises, ils savent pourquoi les choses adviennent, connaissent les conséquences de leurs actions, et décident en connaissance de cause. »

A l'inverse, si l'on croît que le monde est régi par un jeu complexe de lois contradictoires et que, du coup, l'évolution est imprévisible et est le résultat des actions locales et contingentes, on a tous les choix possibles, y compris de se sentir responsable de ce que l'on fait et décide, et ce sans avoir à en appeler à des autorités qui nous dépassent.
Cela donne alors le florilège suivant :
« Je suis né par hasard et personne n'attend rien de moi. Je suis donc libre. »
« Quand je serai mort, je n'existerai que dans la mémoire de ceux qui me survivront et par la trace de ce que j'aurai fait. Raison de plus pour agir de façon responsable. »
« Puisque rien n'est déterminé de façon fatale, comment pourrais-je accepter l'inacceptable sans agir contre ? »
« Personne n'est capable de savoir ce qui va se passer, ni les conséquences exactes de ce qu'il entreprend. C'est rassurant, car sinon, la vie pourrait être mise dans un système informatique. »

21 déc. 2010

VIVE L’ÉMERGENCE, VIVE LA DÉRIVE… ET VIVE L’INCERTITUDE !

Nous ne sommes pas prisonniers de forces qui nous dépassent

Il ne nous est pas facile d'admettre cette notion d'émergence que j'évoquais hier dans l'extrait issu de mon dernier livre. Nous restons marqués par une vision « matérialiste » qui nous a persuadé que le monde existait indépendamment de nous, et qu'il évoluait « naturellement » vers le meilleur (vison darwinienne de l'évolution).
Eh bien non ! Le monde fait comme il peut et évolue cahin-caha de possible en possible. Il dérive, il tâtonne, il expérimente, il bricole.
Pourquoi tel événement s'est-il produit ? Simplement parce qu'il s'est produit… et non pas parce qu'il devait se produire. A tout instant, le champ des possibles est si vaste, que l'on peut le considérer comme infini.
Et voilà bien la meilleure garantie de nos libertés individuelles.
Si le monde évoluait de façon inexorable vers un « monde meilleur », nous n'aurions aucune marge de manœuvre, aucun espace dans lequel exprimer notre créativité. Nous serions prisonniers de forces qui nous dépassent, nous ne serions que les pions d'une évolution qui nous domine.
C'est parce que le moteur du monde est le désordre, l'incertitude et le tâtonnement que nous avons la possibilité d'entreprendre et de peser sur le cours des choses.
Alors vive l'émergence, vive la dérive… et vive l'incertitude !

20 déc. 2010

LE MONDE ÉMERGE AVEC NOUS

Nous sommes tous acteurs

Aucun objet n'a de sens ni de finalité en soi, le sens et la finalité émergent dans et par la relation avec ce qui l'environne : l'objet reste le même, mais le sens de l'objet et sa fonction sont dépendants de ce qui se trouve face à lui et de l'interaction entre les deux. De ce point de vue, on peut dire que le réel n'existe pas a priori, mais émerge de l'interaction avec ce qui est là.
La mécanique quantique et la relativité ont mis l'accent sur l'interdépendance entre ce que l'on observe et celui qui l'observe. C'est la même idée que l'on retrouve ici.

Telle est la logique de l'émergence : la réalité n'existe pas en tant que telle, elle n'est pas un absolu immuable mais naît de l'interaction entre l'observé et l'observateur. En reprenant la terminologie de Varela, elle « enacte ».
Il ne s'agit plus seulement de co-évolution, mais bien de co-dépendance instantanée : chacun donne un sens à l'autre, chacun est dépendant continûment de l'autre. On arrive ainsi à un triptyque : co-organisation, co-dépendance, co-évolution.

Finalement, la notion même d'environnement se dissout(1), aucune frontière n'étant ni stable, ni étanche : Edgar Morin parle de système auto-éco-organisateur dans lequel le système auto-organisateur « ne peut pas se suffire à lui-même, ne peut pas s'achever, se clore, s'auto-suffire. »(2)

(Sur même thème, voir aussi mon article : « Radar ou Jeu : Et si la réponse dépendait de l'observateur »)

(1) « Oubliez donc le mot environnement, usité en ces matières. Il suppose que nous autres hommes siégeons au centre d'un système de choses qui gravitent autour de nous, nombrils de l'univers, maîtres et possesseurs de la nature. » (Michel Serres, Le Contrat naturel, p.60)
(2) Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, p.46


Extrait des Mers de l'incertitude

17 déc. 2010

LE TEMPS EN CHANSONS

_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________






16 déc. 2010

RÉGIME FLUVIAL OU TORRENTIEL ?

Le régime torrentiel n'est pas sans dangers...

Concernant un écoulement d'eau, il y a deux types de régime, le régime fluvial et le régime torrentiel. :
Selon Wikipedia :
« Pour un cours d'eau un même débit peut être obtenu de deux façons différentes :
Fr > 1 : régime torrentiel, avec une faible hauteur d'eau et une forte vitesse (équivalent d'un régime supersonique). Dans ce régime, le fluide est "tiré" par les forces qui le meuvent (la gravité le plus souvent), sans que la masse de fluide en avant soit une gène.
Fr < 1 : régime fluvial, avec une forte hauteur d'eau et une faible vitesse (équivalent d'un écoulement subsonique). Ce régime est "piloté par l'aval" : le comportement des particules en mouvement est contraint par celles qui les précèdent.
La transition du régime torrentiel au régime fluvial provoque un ressaut hydraulique (qui ressemble à un mascaret, mais n'en est pas un) : la hauteur d'eau s'accroit brusquement. »

Tout cours d'eau a une tendance naturelle à passer à un régime fluvial. Pour cela, il va creuser son lit, et emporter les obstacles. Le régime torrentiel n'est que provisoire :
  • à la naissance du cours d'eau (cas des torrents de montagne) : Dès que la pente diminuera, dès que la rivière aura suffisamment grandie, elle passera au régime fluvial
  • pour faire face à un accident de terrain : une fois l'accident franchi, le régime redevient fluvial ; la violence de l'eau du régime torrentiel va progressivement lisser cette difficulté, jusqu'à essayer de la supprimer
  • lors de pluies exceptionnelles : la taille du lit de la rivière peut se révéler insuffisant pour écouler la quantité d'eau tombée et l'écoulement devient alors provisoirement torrentiel. Les conséquences peuvent alors être catastrophiques pour tout ce qui se trouve sur le passage de l'eau (notamment les ponts…)
Quand une entreprise va vers sa mer, je crois aussi que le régime naturel est fluvial, c'est-à-dire calme, tranquille et posé, et qu'il ne faut passer en régime torrentiel, c'est-à-dire se précipiter, que pour faire face à des circonstances exceptionnelles. Sinon, comme quand l'eau devient torrent, les conséquences peuvent être désastreuses…

15 déc. 2010

TRANSFORMATION D’ENTREPRISE ET IDENTITÉ

Comme un fleuve, une entreprise se transforme en avançant

De la même façon que la Seine n'est pas l'eau qui est en train de passer sous le pont Mirabeau, ni seulement le fleuve qui passe là, comment définir ce qui fait qu'une entreprise reste elle-même quand elle subit une transformation profonde ? On retrouve la question de l'identité de l'entreprise. Comme indiqué précédemment, cette identité est reliée à la culture de l'entreprise et repose sur les règles qui la définissent. Elle ne se décide pas brutalement, elle est le résultat de son histoire. La Direction peut vouloir l'infléchir et la faire évoluer, elle ne peut pas la changer instantanément.

Enfin, l'identité de l'entreprise doit être partagée par tous, direction comprise, et ne peut pas être imposée : la Seine ne reste un fleuve face aux aléas que parce que toutes les molécules d'eau qui la composent suivent les mêmes règles communes. Soyons clairs, il ne s'agit surtout pas de dire que tout doit être aligné dans le détail : ces règles communes ne doivent définir que quelques principes qui viennent assurer la cohésion d'ensemble, sans tout rigidifier.

Ces questions peuvent sembler un peu théoriques et loin des préoccupations habituelles qui occupent les esprits des dirigeants. Je crois pourtant qu'il est important de chercher à y répondre si l'on veut maintenir ce qui soude une entreprise, ce qui lui permet d'être auto-organisée. Sinon, l'entreprise peut soit se déliter et se désagréger, soit se rigidifier : aucune Direction Générale ne pourra maintenir de force la cohésion de l'entreprise sans la détruire.

A force de ne pas s'intéresser à ce qui fait et a fait l'identité d'une entreprise, ou de simplement ne pas y prêter une attention suffisante, on risque de voir a posteriori bon nombre de salariés se désimpliquer, ne plus comprendre quel est leur rôle et ce que l'on attend d'eux, voire la quitter. Je peux rattacher bon nombre de problèmes actuels rencontrés par ces entreprises à cette non prise en compte.


Extrait des Mers de l'incertitude

14 déc. 2010

DENTS DE LA MER OU RETOUR DU JEDI ?

Quand Hollywood envahit notre monde…

Voilà que les Dents de la mer quittent Hollywood pour se retrouver dans la mer rouge : des requins viennent d'attaquer et de tuer une nouvelle touriste sur les plages de Charm el-Cheikh (voir l'article du Monde : « Charm el-Cheikh visée par des attaques meurtrières de requin »). Comme le dit l'article dans un sous-titre avec un « understatement » très british : ce n'est pas normal !
Est-ce un nouveau signe du risque de désagrégation que j'évoquais dans mon article de mardi dernier ?

Dans ce cas, devons-nous nous attendre à une Tour infernale ou à l'ouverture de la faille de San Francisco ? A moins que nous subissions une invasion d'extra-terrestres comme dans « Mars attacks ! » ?

Comme je reste optimiste et suis certain que nous allons finir par basculer du bon côté de la force, je pense que nous allons plutôt voir arriver le retour du Jedi !

13 déc. 2010

« ON NE DOIT PAS S’INTERDIRE DE RALENTIR LA BOURSE »

Quand accélérer a-t-il une utilité sociale ?

Il est suffisamment rare de voir un dirigeant en appeler à un ralentissement, pour ne pas relever les propos tenus le 9 décembre dernier par Jean-Pierre Jouyet, Président de l'Autorité des marchés financiers, dans le Monde et repris par le Figaro.
Dans cet article, en réponse à la question « Doit-on ralentir le marché ? », il répond :
« Cela relève plus d'une réflexion du G20 que de l'Europe, mais il faut réfléchir à ce qu'apporte cette accélération des échanges : quels sont les bénéfices financiers, économiques, pour quelle utilité sociale ? On ne doit pas s'interdire de ralentir les transactions si cela fait courir un risque systémique et facilite les abus de marché. »

Enfin la bonne question : en quoi, l'accélération des échanges crée-t-elle une valeur réelle ? Et j'ajouterais : en quoi la volonté de tout faire plus vite, crée-t-il une valeur réelle ?
Comme j'aime à le dire, on ne peut pas réfléchir vite à long terme. Ou encore, s'il suffisait de courir pour être efficace, toutes les entreprises le seraient, car je n'y vois que des gens courir (1)
Il est donc urgent de prendre le temps… de réfléchir sur le temps et la vitesse. Mon propos n'est évidemment de proposer de tout ralentir, mais de se poser la question de l'adéquation entre la vitesse et le sujet traité.

(1) Voir « À force de zapper, on ne sait plus prendre le temps de la réflexion : Prendre son temps, est-ce perdre du temps ? » et « Ne plus être malade du temps : On ne peut pas penser vite à long terme »

10 déc. 2010

9 déc. 2010

POURQUOI LUTTER CONTRE L’INCERTITUDE, C’EST LUTTER CONTRE LA VIE

Un nouvelle critique de mon livre

EPEE, société de conseil en intelligence stratégique, créée pour servir et accompagner le développement international des entreprises françaises et européennes, vient de mettre en ligne une critique de mon livre « les mers de l'incertitude » (voir l'article). La voilà in extenso.

« COMMENT DIRIGER AVEC L'INCERTITUDE

Prévisions démenties, informations contradictoires, statistiques battues en brèche, événements inattendus, retournements de situation, surprises « stratégiques », crises imprévues,… l'incertitude est omniprésente dans notre quotidien, privé ou professionnel. Dans la sphère de l'entreprise (où nombre d'entre nous passons plus de temps que dans nos familles), dirigeants et responsables doivent composer avec elle tout en assurant le maximum, possible, de sécurité et de sérénité au sein des équipes et dans leurs relations avec leur environnement.
Entre renforcement et emprise constante d'une discipline collective affirmée autour d'objectifs précis et chiffrés, que l'on espère fédérateurs et assurant la rentabilité à long terme « contre vents et marées », et politique de « l'abandon consenti aux aléas » dont il convient au contraire de tirer avantage en privilégiant la rentabilité à court terme, quel parti choisir ?
Pour Robert Branche, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, haut fonctionnaire (peu de temps !) puis responsable de la stratégie chez L'Oréal (1), et aujourd'hui consultant auprès des dirigeants de plusieurs grands groupes français, une troisième voie existe pourtant, qu'il explore dans cet ouvrage tout à fait original, aux titres et sous-titres intrigants et un brin provocateurs.
Fort d'une longue expérience du conseil stratégique, il développe ici l'idée selon laquelle « une entreprise, comme un fleuve, doit se fixer pour objectif une mer, qui sera son attracteur stable dans les aléas de l'incertitude ».
Mais quand on a écrit cela… il convient d'en dire plus et surtout de le démontrer faute à passer pour un doux rêveur, ce que n'est à l'évidence pas notre auteur ! Alors, après, dans une longue mais indispensable première partie, exposé pourquoi l'incertitude n'est pas provisoire mais bien structurelle, « pourquoi elle n'est pas le témoin de l'incomplétude de notre savoir, mais le moteur permanent de notre monde », et pourquoi « lutter contre elle, c'est lutter contre la vie même », Branche s'attache à répondre, avec une multitude d'exemples concrets tirés de la réalité de la vie de ses « clients », aux trois questions suivantes : quelle attitude doit avoir le dirigeant ? Comment doit-il se fixer un ou des objectifs ? Comment doit-il agir au quotidien ?
Ceci en évitant deux pièges symétriques : penser que l'on peut s'abstraire de l'incertitude : « mon entreprise est protégée ; elle maîtrise son futur et s'organise en conséquence ; elle sait mieux que les autres et le futur sera ce que j'ai prévu pour elle » et a contrario, renoncer à toute anticipation et confier son avenir à la chance : « puisque rien ne peut être prévu de façon fiable, seule l'action immédiate compte ; il est illusoire de penser le futur ». Autant de citations exactes entendues, ici reproduites par l'auteur…
… Qui recommande plutôt de tirer parti de l'incertitude, de « diriger en lâchant prise », en « abandonnant l'idée de prévoir et planifier au-delà de l'horizon immédiat », en refusant de « tout contrôler et tout piloter depuis le sommet (…), de se laisser emporter par les mouvements ambiants, de mieux maîtriser « son » temps, et d'accepter les intuitions ».
Sauf et seulement, consent-il, si l'entreprise est dans une situation d'urgence extrême, si sa survie à court terme est en jeu, si le dépôt de bilan menace…
Nous n'en dirons pas plus pour laisser à ceux que ce concept de management novateur intéresse découvrir par eux-mêmes pourquoi Robert Branche conseille à ses clients de « faire le vide », sans a priori, de ne plus être « malades du temps », tout en étant « intensément attentifs », de ne plus « tout prévoir sur tableur Excel » mais de « choisir à partir du futur et des « mers » accessibles pour choisir au présent », d'apprendre à « mettre du flou dans l'organisation », renforçant ainsi singulièrement la résilience de l'entreprise.
Et pour ceux que ce concept de « mer » intriguerait toujours, je leur conseille à mon tour la lecture (pour commencer…) des pages 108 et 109, qui ne devrait pas les laisser indifférents. »


(1) En fait j'ai été chef de groupe marketing, et non pas responsable de la stratégie

8 déc. 2010

TRAVAILLE-T-ON À SON BUREAU ?

Une conférence qui remet la notion de travail en perspective

Jason Fried, dans une conférence qui vient d'être mise en ligne sur TED.com (voir l'intégrale ci-dessous) porte un regard intéressant et amusant sur les conditions de travail au bureau. Il commence avec cette question « simple » : "Pourquoi toutes les entreprises dépensent-elles autant d'argent pour créer et équiper des bureaux, alors que, quand on interroge quelqu'un sur l'endroit où il veut aller pour réellement faire quelque chose, il ne répond jamais 'son bureau' ? »

Voici un florilège de cette conférence :

« Vous n'avez plus jamais une journée de travail, vous avez des moments de travail. »

« A cinq heures de l'après-midi, vous réalisez que vous n'avez pas fait grand chose. (…) J'étais au travail, assis à mon bureau ; je me suis servi de mon ordinateur dernier cri et du nouveau logiciel pour lequel j'ai été formé. Je suis allé aux réunions auxquelles je devais assister. J'ai eu des conférences par téléphone. J'ai fait des choses, mais je n'ai rien accompli de vraiment important. »

« Vous êtes comme quelqu'un qui, quand il se lève le matin, se dit : je n'ai pas bien dormi. J'ai fait ce qu'il fallait, je suis allé au lit, je me suis couché, mais je n'ai pas vraiment dormi. On dit que l'on va dormir, mais, en réalité, on ne va pas dormir, on s'en rapproche et cela prend un moment. (…) Aussi comment bien dormir si l'on est interrompu tout le temps ? (…) Alors pourquoi s'attendre à ce que les gens travaillent bien au bureau alors qu'ils y sont tout le temps interrompus ? »

« Toutes les discussions et décisions que vous pensiez avoir à prendre à 9 heures du matin le lundi, oubliez-les simplement et tout ira bien. Les gens auront le matin libre, ils pourront vraiment réfléchir, et vous verrez que peut-être tout ce que vous aviez prévu de faire, vous n'aviez pas vraiment à le faire. »


7 déc. 2010

SALUTAIRE CONTRE-POUVOIR OU DÉBUT DE DÉSÉGRÉGATION ?

Un avion pris en otage, un appel contre les banques, la divulgation des notes confidentielles…

Ce week-end, une centaine de passagers, mécontents d'un changement de plan de vol, essaient de prendre en otage leur propre avion (voir « Les passagers se révoltent: un avion de Jet4you bloqué une nuit à Toulouse ».

La semaine dernière, Cantona a lancé son appel à un boycott des banques. Cet appel relayé par Facebook et repris par tous les média se trouve amplifié par la polémique qu'il a déclenchée.

Ces jours derniers, impossible d'échapper au phénomène Wikileaks. Personne ne parle du contenu des informations diffusées – ou si peu –, non, ce qui anime toutes les rédactions, c'est le principe de la diffusion d'informations confidentielles.
Étrange comme ces trois informations qui n'ont rien à voir entre elles, ni par le sujet traité, ni par leur importance, viennent se télescoper et mettent en lumière une forme de perte de repères et de confiance : perte de confiance dans la compagnie à laquelle on a acheté son billet, perte de confiance dans ces banques qui contribuent au fonctionnement de l'économie, perte de confiance dans la diplomatie et les gouvernements qui dirigent le monde.
Est-ce le signe d'un salutaire contre-pouvoir, un lutte saine face à la célèbre sentence de Lord Acton « Le pouvoir corrompt. Le pouvoir absolu corrompt absolument » ?
Ou le signe d'une désagrégation du ciment qui fait que nos sociétés collectives existent ?

Manifestement, de plus en plus de personnes ont aujourd'hui peur de l'incertitude qui les entourent et de moins en moins confiance dans les réponses qui sont données par les pouvoirs en place – économiques comme politiques –.
Si l'on ne veut pas basculer du mauvais côté de la force, il est urgent de reprendre confiance les uns dans les autres. Or ceci ne passe certainement pas par l'attisement des peurs individuelles et collectives.
Et c'est malheureusement ce que fait un média comme TF1 : par exemple, dans le digest accessible le 6 décembre matin par les liens RSS issus du site TF1.fr, sur les dix informations mises en avant, on a :
  • Le crash du Concorde,
  • Un policier renversé volontairement,
  • Trois morts dans une avalanche,
  • Cherbourg sous un mètre d'eau,
  • Le cambriolage chez Ségolène Royal (deux fois)
  • Les passagers qui bloquent l'avion,
  • Deux enfants sauvés, suite à une rupture de la glace,
  • Un SDF qui meurt de froid,
  • La relaxe de Mauroy et Cohen-Solal concernant les emplois fictifs
Soit donc huit informations négatives sur dix… et les deux « positives » sont implicitement inquiétantes car l'un parle de rupture de glace et l'autre d'emplois fictifs.
Or une telle focalisation de TF1 sur les drames est habituelle. Une réponse du type «  C'est ce qui est nécessaire pour développer l'audience » ne serait pas pour me rassurer…

6 déc. 2010

« TU M’EN DONNES COMBIEN DE MON LOT ? »

Un samedi matin au marché aux truffes de Richerenches

Tous les samedis matins, se tient à Richerenches, en Drôme provençale, le plus important marché aux truffes de France. Drôle de marché…
Du côté des offreurs, impossible de savoir exactement quelle est la quantité qui est proposée. Chacun arrive avec une sacoche plutôt ventrue. Mais ne contient-elle que des truffes ? Est-elle gonflée par d'autres objets ? Et comment savoir quelles sont la taille et la qualité de ces truffes ? Quelle est la proportion de melanosporum et de tuber ? Sont-elles noires ou blanches ?...
Du côté des acheteurs, chacun est recroquevillé dans le coffre de sa voiture, là où se passent les discussions et les transactions éventuelles. A quel prix est-il prêt à acheter ? Combien vient-il de proposer ? N'est-il intéressé que par des grosses truffes ?
Comment savoir ?

Aucune chambre de compensation n'existe, aucun tableau d'affichage n'indique le prix actuel des transactions, aucune donnée sur les quantités proposées et recherchées. Tout se passe sur le mode heuristique. On est entre soi : on n'achète qu'à un producteur connu, on ne vend qu'à un acheteur connu. On regarde, on se promène, on demande à un ami. Les allées bruissent de « Combien t-a-il proposé ? », « T'en a combien ? Elles sont comment ? », « T'as déjà vendu ? Moi, je préfère attendre, cela devrait monter ».
L'un préfère attendre, pensant que, dans quelques minutes, il pourra vendre 50 ou 100 € de plus le kilo. Un autre a vendu et se demande déjà s'il a bien fait. Un peu comme un casino, comme une roulette. Il ne manque que la présence d'une voix qui annoncerait « Attention, attention, les jeux seront bientôt faits » !

Étonnante métaphore réelle de ces marchés qui régentent le monde et fixe le prix de la plupart de nos biens. A bien y penser, il n'y a pas tant de différences entre le fonctionnement d'un marché aux truffes et celui de l'immobilier parisien ou celui de la fixation d'un cours de bourse ou d'une monnaie.
Simplement, ici à Richerenches, il n'y a ni électronique, ni d'ordinateur, et les sommes en jeu sont sans commune mesure. Finalement, c'est encore ce marché là qui reste le plus transparent…

3 déc. 2010

2 déc. 2010

NOUS SOMMES LIBRES ET RICHES DU CHAOS DE NOTRE PASSÉ ET DE NOS RACINES

Ah, si nous pouvions parcourir notre passé !

Dans le roman de Paul Auster, La nuit de l'oracle (*), l'écrivain Sydney Orr invente un monde qui maitrise le voyage dans le temps :
« Conscient des risques de rupture et de désastre qu'elle implique, l'État n'accorde à chacun qu'un seul voyage durant sa vie. (…) Vous commencez deux cents ans avant votre naissance, en remontant à peu près sept générations, et puis vous revenez progressivement au présent. Le but de ce voyage est de vous enseigner l'humilité et la compassion, la tolérance envers le prochain. Parmi la centaine d'aïeux que vous rencontrerez en chemin, la gamme entière des possibilités humaines vous sera révélée, chacun des numéros de la loterie génétique aura son tour. Le voyageur comprendra qu'il est issu d'un immense chaudron de contradictions et qu'au nombre de ses antécédents se comptent des mendiants et des sots, des saints et des héros, des infirmes et des beautés, de belles âmes et des criminels violents, des altruistes et des voleurs. A se trouver confronté à autant de vies au cours d'un laps de temps aussi bref, on gagne une nouvelle compréhension de soi-même et de sa place dans le monde. On se voit comme un élément d'un ensemble plus grand que soi, et on se voit comme un individu distinct, un être sans précédent, avec son avenir personnel irremplaçable. On comprend, finalement, qu'on est seul responsable de son devenir. »

J'aime vraiment cette idée, non pas seulement par sa dimension poétique, mais parce que cela permettrait effectivement à chacun de percevoir combien la vie procède par tâtonnements, hasards et bifurcations. Ceci nous montrerait aussi que nous sommes le fruit de métissages, de mélanges et de transformations.

Peut-être reviendrions-nous de tels voyages un peu plus ouvert à l'autre et comprenant mieux que le choc des cultures et des différences est ce qui crée le progrès ?

Et comme l'a écrit Paul Auster, on comprendrait « qu'on est seul responsable de notre devenir » et que nous sommes libres et riches du chaos de notre passé et de nos racines.


 

(*) Éditions Babel, Actes Sud 2004

1 déc. 2010

LES MERS DE L’INCERTITUDE EN VIDÉO

Un condensé en 4 fois 2 minutes

Tout au long de ces dernières semaines, j'ai mis en ligne régulièrement des vidéos – au moins une par semaine –. Elles contribuent, – du moins  je l'espère! – à rendre ce blog plus vivant.

Parmi cette liste qui commence à être longue, quatre me semblent particulièrement illustratives de mon propos.

J'ai pensé qu'il serait utile de les rediffuser dans un même article. Les voilà donc réunies :