31 août 2010

LA SOLUTION DOIT VENIR DES FOURMIS

Histoire de caverne (saison 5 - Épisode 8)

Les deux premières épreuves du combat du futur avaient été infructueuses. Il n'en restait plus qu'une…

La nervosité de tous était palpable. Les prières des fidèles du LSD étaient plus hachées, comme plus pressantes. Les rires et les agapes côté académie un rien forcé. L'Élu, lui-même, ne semblait plus si serein. Je le surpris, plusieurs fois, en train de lancer des regards inquiets vers le ciel. Paulo n'allait pas mieux : il venait d'échapper une tablette qui s'était brisée au contact du sol, après avoir aplati un orteil de Mathieu.

« Dernière épreuve, annonça Christina. L'épreuve des fourmis. Je vous rappelle qu'il s'agit de prédire combien, parmi les trois cents fourmis, arriveront à sortir du labyrinthe. »
Les fourmis tournaient en rond pour l'instant, inconscientes du rôle crucial qu'elles auraient à jouer prochainement. Du moins, c'est ce que je pensais. Mais comment savoir ce qui se passait dans le petit occiput de cet insecte ?
Le labyrinthe, confectionné avec soin par Christina elle-même – c'est notre meilleure experte dès qu'il s'agissait de constructions en bois –, trônait au centre de la clairière. La pluie s'était arrêtée, la pleine lune brillait, ses rayons plongeant au cœur des méandres.
« Dix minutes de réflexion, annonça Christina ».
Vingt-quatre décès animaliers et cinquante kilos de pierre plus tard, elle annonçait :
« Quarante-sept pour le Seigneur, cent quarante-sept pour les Mathématiques ».

Cette fois, plus rien à voir… Il allait être facile de les départager.
On alluma le bout de bois et mit les fourmis au centre du labyrinthe. Au début, il ne se passa rien, ou plutôt, si mais sans conséquences : les fourmis étaient pris de mouvements frénétiques, mais aucune ne sortait du labyrinthe. Il ne restait plus grand-chose du bout de bois. Avec ses quarante-sept, l'Élu semblait assuré de gagner.
Puis d'un seul coup, comme si elles s'étaient données le mot ou passées l'information, ce fut la ruée : les fourmis sortaient en masse du labyrinthe. Heureusement le jury était suffisamment nombreux pour les compter sans erreur. De plus pour éviter toutes discussions, une fois sorties, les fourmis étaient récupérées dans une boîte fermée.
Toute la foule se mit à compter avec le jury, tout en ayant les yeux rivés vers le bout de bois qui finissait de brûler.
« Quatre-vingt-onze, quatre-vingt-douze, quatre-vingt-treize, quatre-vingt-quatorze, quatre-vingt-quinze, quatre-vingt-seize, quatre-vingt-dix-sept.
- C'est fini, annonça Christina, constatant que le bout de bois venait de s'éteindre ».

A ce moment-là éclata un immense éclat de rire venant de ciel et une voix d'outre-tombe nous transperça tous :
« Et encore, aucun gagnant ! Alors vous faites quoi ? Ah, c'est trop drôle. Si je n'étais pas immortel, je pourrais en mourir de rire ! »
Je levais les yeux vers le ciel : il y régnait une lueur bizarre…

(à suivre)

27 août 2010

DEUX ÉPREUVES QUI TOMBENT À L’EAU !

Histoire de caverne (saison 5 - Épisode 7)

Le tournoi avait commencé par l'épreuve des oiseaux : la prévision faite par Paulo avait été de vingt-deux, celle de l'Élu de vingt-quatre. Qui allait gagner le premier point ?

L'ensemble de la foule comptait avec le jury. On en était déjà dix-sept oiseaux et le bois continuait de brûler, même si on voyait que la fin n'était plus très loin. Deux oiseaux de plus passèrent d'un coup, puis encore deux. Nous en étions à vingt et un. La flamme du bout de bois chancela, sembla s'éteindre, puis repartit.
C'est alors que la clairière fut plongée complètement dans l'obscurité : un épais nuage passait devant la lune. Grâce aux torches disposées autour de la clairière, on voyait assez au niveau du sol, mais impossible de distinguer quoique ce soit de ce qui se passait dans le ciel, et donc de compter des oiseaux. On entendit des piaillements, mais les oiseaux traversaient-ils ou pas ? Impossible de le savoir.
Le nuage bougea, on revit la lune et le ciel, mais, au même moment, le bout de bois s'éteignit.
« J'ai gagné, hurla Paulo. Avec vingt-deux, c'est moi le plus près.
- Pas du tout, s'écria l'Élu. Chacun a entendu les cris des oiseaux en train de passer. Au bruit, ce sont au moins quatre oiseaux qui sont passés. C'est moi qui ai gagné. »
Un silence embarrassé se répandit. Le jury délibéra et n'accorda le point à aucun des deux. Il restait donc deux épreuves pour les départager.
On passa au comptage des gouttes d'eau.

Chacun commença par observer longuement le récipient contenant le liquide, puis se livra à nouveau à son alchimie personnelle. D'autres animaux périrent, d'autres pierres furent gravées. Paulo changea de couleur pour l'occasion, prenant de très belles pierres avec des beaux reflets bleutés.
Au bout des dix minutes, Christina annonça : « Cent vingt-trois pour les mathématiques, cent vingt-huit pour le Seigneur. »
Encore une fois, je fus frappé par la proximité des prévisions. Je n'eu pas le temps de rester longtemps plongé dans mes réflexions, car le comptage des gouttes commençait.
Cette partie de l'épreuve était très technique, car il fallait garder une inclinaison faible et constante pour avoir des gouttes régulières. Les gouttes tombaient les unes après les autres.

Le regard de tous était fixé sur le récipient et les gouttes. Personne ne regardait le ciel. Aussi tout le monde fut surpris quand la pluie se déclencha brutalement. Sous la violence de l'orage, ceux qui tenaient la jarre l'échappèrent. De toutes façons, vu l'intensité de la pluie, on n'aurait pas pu continuer l'épreuve : comment compter des gouttes d'eau sous un déluge pareil ?

Deuxième épreuve sans succès donc aussi. Il ne restait plus que la dernière…


(à suivre)

24 août 2010

VINGT-DEUX OU VINGT-QUATRE OISEAUX ?

Tous les termes du combat du futur avaient été définis. Il allait déterminer quelles étaient les meilleures prévisions : celles venant du Seigneur ou celles venant des Mathématiques.

La nuit de pleine lune allait bientôt commencer quand un tremblement saisit les fidèles du LSD. Une silhouette noire venait d'apparaître à la limite Nord de la clairière. L'Élu arrivait. Toujours aussi fidèle à son image, il avançait lentement, le regard fixe, comme perdu à l'intérieur de lui-même. Dernière nouveauté et ultime coquetterie, un faucon noir était juché sur son épaule droite. Au bout de quelques pas, il s'arrêta, toucha du doigt l'oiseau qui s'envola alors mystérieusement en poussant des cris perçants, non sans avoir préalablement décrit plusieurs cercles autour de l'Élu. Quelques instants plus tard, il était au milieu des siens et commençait ses mystérieux préparatifs.

Tout le monde était tellement absorbé par l'entrée spectaculaire de l'Élu, que personne ne fit attention à celle de Paulo. Il faut dire que celle-ci fut l'inverse : pas de spectacle, pas de tenue particulière, rien qu'une banale tunique de peau de mammouth sobre. Derrière Paulo, suivait Mathieu, ployant sous une pile de tablettes de pierres.
Au bout de quelques minutes, comme l'obscurité se répandait dans la clairière, Christina se leva et rejoignit le centre de la clairière. Elle tapa dans ses mains et déclara : « Je déclare ouvert le combat du futur ». Compte-tenu de sa relative neutralité due à la distance, c'est elle qui avait été choisie comme maîtresse de cérémonie. Elle poursuivit en rappelant les règles et termina par un classique : « Que le meilleur gagne ».
En moi-même, je ne pus m'empêcher de penser : « Celui qui va gagner le sait déjà, puisque c'est celui qui sait prévoir ! ».

Commença alors la première épreuve : prévoir, durant le temps qu'un morceau de bois d'une longueur d'un bras brûle, combien d'oiseaux passeraient dans le ciel de la clairière.

Paulo et l'Élu s'avancèrent l'un vers l'autre, se saluèrent et repartirent, chacun vers le côté de la clairière occupé par ses partisans. Ils avaient dix minutes (1) exactement pour donner leur prévision.
L'Élu commença à entreprendre moult sacrifices (2) et se livra à des danses qui, si l'on n'en comprenait pas le sens, eurent l'intérêt de faire passer le temps. En effet, la démarche suivie par Paulo était visuellement moins intéressante pour les spectateurs, puisqu'il ne s'agissait que de faire des encoches sur des pierres.
Au bout des dix minutes (ou plutôt un tas de sable moyen), Christina alla vers Paulo, puis l'Élu pour recueillir leurs prévisions. Elle se tourna alors vers la foule :
« Pour Paulo au nom de l'Académie des mathématiques, vingt-deux oiseaux passeront dans la clairière. Pour l'Élu au nom du Seigneur et du LSD, vingt-quatre. »
Je ne pus m'empêcher d'être frappé par la proximité des prévisions : c'étaient des approches plus précises que je ne le pensais.
« Que le jury se tienne prêt et que l'on allume le bout de bois. Le comptage va commencer. »

(à suivre)

(1) Je parle en minutes par simplification, et simplifier la compréhension des lecteurs. En fait, je devrais dire : « Ils avaient un tas de sable moyen exactement pour… ». En effet, le temps était alors mesuré par des écoulements de sable. Une des inventions récentes de Johnny avait été de normaliser la taille des récipients utilisés, permettant ainsi un début de normalisation du déroulement du temps. Il y avait trois tailles de récipients : petit, moyen et grand. Grosso modo, le petit correspondait à une minute de notre temps, le moyen à dix et le grand à soixante. Personne n'a jamais su expliquer pourquoi, dès cette époque, on avait introduit le notion de soixante minutes comme élément de base. Certains pensent que c'est parce que cela correspondait à une taille de récipient facile à fabriquer et que nous avons ainsi hérité de cette unité, d'où nos heures de soixante minutes. Tout lecteur disposant d'information sur ce sujet peut évidemment me les faire parvenir. Le progrès scientifique est aussi une affaire d'effort collectif.
(2) Selon des sources fiables, il aurait sacrifié deux serpents, un poulet, trois scarabées, puis trois tortues après les avoir fait tourner préalablement sur le dos.

20 août 2010

LES PRÉPARATIFS DU COMBAT DU FUTUR

Histoire de caverne (saison 5 - Épisode 5)

La guerre entre l'Académie des mathématiques et le LSD avait abouti à une neutralisation stérile dont il fallait sortir.

« Cela ne peut plus continuer ainsi, commença Jacques. Le prix de toutes les tours s'effondrent : à force de répéter que les prévisions des uns et des autres sont fausses, le seul résultat certain, c'est que plus personne ne croît à rien. Or pour investir dans le futur, il faut d'abord croire à quelque chose. »
Nous étions tous réunis pour un CCC exceptionnel.
« Tu as raison, lui répondis-je. J'en arrive à penser que l'important, c'est que l'un ou l'autre gagne. Après tout, nous nous sommes toujours accommodés des prévisions fantaisistes de Jojo quand il n'était que sorcier, c'est même ce qui m'a aidé à démarrer.
- Oui, mais maintenant qu'il est devenu l'Élu, poursuivit Christina (1), il est un fondamentaliste, opposé à tout développement économique, au sexe et à tout mélange entre humains et gorilles.
- C'est vrai, et nous devons aussi lutter contre cela. Mais je crois que d'abord, il faut arrêter cette guerre suicidaire sur les prévisions. Quelqu'un a-t-il une idée ?
- Je suis tellement sûr de la supériorité de mes tableurs, dit Paulo, que je suggère un combat entre Jojo et moi. Que le meilleur gagne !
- Pourquoi pas. On pourrait appeler cela le combat du futur. Reste à convaincre l'Élu – s'il te plaît, Paulo, essaie de ne plus l'appeler Jojo, cela ne fait que le mettre de mauvaise humeur ! – et à définir les modalités du combat. »

Il fut facile de convaincre l'Élu – lui aussi en avait assez du blocage actuel –, mais plus difficile de se mettre d'accord sur le déroulement du combat. L'enjeu était d'importance, et aucun des deux protagonistes ne voulaient risquer de se trouver défavorisé.

Au bout de près d'un mois de discussions, voici ce qui fut convenu :
- Le combat se déroulerait un soir de pleine lune et commencerait au coucher du soleil et se terminerait quand toutes les épreuves seraient effectuées. (2)
- Il aurait lieu dans la clairière nord du pays des cavernes. L'éclairage serait fourni par six torches attachées aux six grands arbres de la clairière. (3)
- Le combat comprendrait 3 épreuves, chacune valant un point. En cas d'égalité lors d'une épreuve, elle serait recommencée jusqu'à ce qu'il y ait un vainqueur. (4)
- La première épreuve consisterait à prévoir combien d'oiseaux passeraient dans le ciel de la clairière, le temps qu'un morceau de bois d'une longueur d'un bras brûle. (5)
- Pour la deuxième, il s'agissait de prévoir combien il y avait de gouttes d'eau dans un tronc préalablement évidé et rempli à ras bord. (6)
- La dernière consisterait à lâcher trois cents fourmis dans un labyrinthe et à prédire celle qui sortirait la première, toujours le temps d'un bout de bois comme pour la première épreuve. (7)

Le jour J – ou plutôt la nuit N –, tout le gratin des deux Mondes étaient là, même Christina avait fait le déplacement. La partie droite de la clairière avait été réservée aux fidèles du LSD : ils étaient tous habillés d'une grande tunique noire et enchaînaient prière sur prière. En face, ce n'étaient que rires, libations et danses, mélangeant humains, gorilles et chimpanzés.

Tout était prêt pour le grand combat…

(à suivre)

(1) Rappelons que Christina n'est jamais présente physiquement aux réunions du CCC, car elle réside au pays des cabanes dont elle est la chef. Elle participe aux réunions grâce à une liaison par le réseau Internex. Pour plus d'informations, revoir les épisodes de la saison 3 et de la saison 4.
(2) L'Élu tenait absolument à ce choix d'un soir de pleine lune. Pendant longtemps, Paulo refuse cette condition, pensant qu'il y avait un coup fourré caché derrière. J'ai réussi à le persuader d'accepter ce point en lui faisant faire une prédiction sur l'impact de la notion de pleine lune. La prévision révéla que cet impact était nul, et comme Paulo ne pouvait pas ne pas croire à ses propres prévisions, l'affaire fut entendue.
(3) L'idée de la clairière vint de Paulo. Il y avait beaucoup joué enfant et s'y sentait à l'aise. Comme de son côté, l'Élu se sentait conforté par la présence des arbres, ce point ne posa pas de problèmes. Quant au nombre de torches, personne ne sait bien d'où il vient.
(4) Le nombre impair permettait de garantir un vainqueur à l'issue du combat.
(5) Cette épreuve a été rendue possible par le choix de la pleine lune qui assurait une bonne visibilité des oiseaux. Pour compter les oiseaux, il fut convenu qu'un jury composé de quatre membres, deux issus de chaque camp, statuerait. La complexité de l'épreuve tenait d'une part à l'évaluation du temps que mettrait le bout de bois à brûler, et bien sûr au nombre d'oiseaux qui passerait dans cet intervalle.
(6) Cette épreuve témoigne, si cela était nécessaire, de la faiblesse des connaissances scientifiques de l'époque, car la notion même de « goutte d'eau » est bien imprécise. Mais les deux parties acceptèrent les termes de l'épreuve. Il fut convenu que l'on compterait les gouttes d'eau en vidant lentement le tronc, le jury assurant le comptage. Le déroulé de l'épreuve montra les limites de la méthode.
(7) Le labyrinthe était constitué de petits morceaux de bois enduit de graisse de mammouth afin que les fourmis ne puissent pas les escalader. Les fourmis seraient choisies au hasard parmi une colonie habitant à proximité de la clairière. Aucun membre du conseil du LSD, du CCC ou de l'Académie ne pourrait les approcher. Le choix serait fait par un enfant de trois ans, sourd, aveugle et muet. Une fois le choix fait, l'enfant serait mis à part, ainsi que sa famille, tant que le combat ne serait pas terminé.

17 août 2010

UN PARTOUT, BALLE AU CENTRE !

Histoire de caverne (saison 5 - Épisode 4)

En réponse à la création de l'Académie des Mathématiques, l'Élu venait de se lancer dans le marketing religieux en rebaptisant son association LSD.

Rapidement la situation échappa à tout contrôle.
Contrairement à ce que j'avais cru, ma puissance économique associée à la force industrielle de Johnny n'avait pas permis de balayer l'Élu et son LSD. A l'inverse, plus nous cherchions à le déstabiliser, plus il se renforçait, prenant intelligemment appui sur chacune de nos attaques.

Ainsi, lorsque l'Académie des Mathématiques avait sorti sa nouvelle génération de tableur, cela s'était rapidement retourné contre elle : ces nouveaux tableurs ne permettaient pas seulement de modéliser des phénomènes aussi compliqués que les résultats des courses de mammouths (1), mais pouvaient être personnalisés au goût de son utilisateur. Ainsi on pouvait choisir la couleur de sa pierre, une forme ronde ou carrée, une tablette plus ou moins fine. Mathieu était même allé jusqu'à proposer une variation dans la taille des colonnes, mais Paulo y avait mis le holà :
« Tu es bien gentil avec tes idées foisonnantes, mais tu n'as pas idée des surcoûts de production ensuite. Couleur, forme et épaisseur, cela va suffire.
- OK, c'est toi le chef.
- Il reste à trouver un nom sexy. Un truc qui fasse sérieux et dont personne ne comprenne bien ce que cela veut dire. Quelque chose qui renforce le côté mystérieux de ce nouveau tableur.
- J'y ai pensé. Je te propose : « Personnalisation de l'interface utilisateur ». Cela te va ?
- Vendu ! »

Une semaine après le lancement de ces nouveaux tableurs, des séries de graffitis étaient apparus un peu partout, gravés sur les murs des cavernes ou sur le bois des cabanes. On pouvait y lire : « Avec ces tableurs qui sont soi-disant le must des mathématiques, vous ne payez qu'un supplément d'apparence ! Plutôt que de gaspiller vos billes, revenez à l'essentiel : pourquoi chercher à mathématiser le futur quand il suffit de vivre mieux ici et maintenant ».
Du coup, ce fut un grand fiasco.


Mais symétriquement, nous arrivions à neutraliser chacune des initiatives de l'Élu. Je ris encore du souvenir de ce que nous avions fait de ses prières vendues en pack de trois pour le prix de deux.
En prenant appui sur notre journal, l'Écho des Deux Mondes, nous avions lancé une série d'articles autour d'une idée simple : « Si une prière est efficace, pourquoi devrions-nous prier deux fois ? ». J'avais enchaîné par un éditorial dans lequel, je démontrais que, si l'Élu était vraiment l'élu du Seigneur et si celui-ci était bien un Dieu tout puissant, une seule prière par famille devrait suffire. Le succès fut au-delà de mes espérances : tous les fidèles du LSD demandèrent le remboursement pour toutes les prières n'ayant pas donné le résultat attendu ! Un vrai plaisir !


Résultat, nous étions, l'un comme l'autre, bloqués dans un affrontement stérile. Il fallait que l'on en sorte. C'est ainsi que naquit l'idée du combat du futur …



(à suivre)

(1) Notons que les résultats réels n'avaient jamais rien à voir avec les prévisions, mais tout le monde en avait l'habitude et personne n'y faisait vraiment attention : on aimait ces prévisions sur tableur pour la beauté esthétique du dessin sur les tables de pierre

13 août 2010

L’ÉLU LANCE LE LSD

Histoire de caverne (saison 5 -Épisode 3)

Pour contrer l'activisme de l'Élu et sa volonté d'en revenir au troc, le CCC poussé par Bobby venait de créer l'Académie des Mathématiques.

« Il est temps que nous professionnalisions un peu plus notre pratique. Si nous laissons monter en puissance l'Académie des mathématiques sans réagir, plus personne ne va croire à mes prières et mes prévisions. »
Ainsi venait de s'exprimer l'Élu en introduction du conseil extraordinaire de l'APIHLE. Il poursuivit.
« Le marketing n'est pas fait simplement pour assurer le succès des objets et des pensées impies, il est aussi fait pour servir les intérêts de la Voix. En conséquence, voilà les décisions que j'ai prise, ou plutôt les décisions que m'a soufflées la Voix :
- Premièrement à partir de demain, pour toutes les cérémonies, je porterai une nouvelle robe noire qui renforcera le côté solennel de mes apparitions.
- Deuxièmement, la Voix ne veut plus être appelée la Voix, mais le Seigneur. Cela lui donne plus de majesté et va permettre d'élargir le champ de ses manifestations. Le mode uniquement vocal était devenu trop contraignant.
- Troisièmement, afin de promouvoir le changement de nom, toutes les cérémonies comme tous les écrits, commenceront par un double « Louez le Seigneur ». Afin de marquer les esprits, ce troisième point sera repris dans un acronyme qui servira à partir maintenant de nom à notre association. »

L'Élu s'arrêta un instant pour observer l'effet de ses paroles. Tout le conseil était comme suspendu à ce qu'il allait dire.
« Et quel sera-t-il, demanda Marcel ? »

L'Élu ne répondit pas, se leva et sortit de la pièce, laissant tout le monde interloqué. Quelques minutes plus tard, il revenait vêtu d'une majestueuse robe noire, brodée simplement de trois lettres.
« Nous allons nous appeler LSD, pour Louez le Seigneur Deux fois. Levez-vous, mes frères, et prions.»(1)
L'ensemble du conseil se leva et pria.

Les termes de la bataille étaient maintenant en place : d'un côté la puissance économique de la finance, de l'industrie et du sexe soutenant l'académie des mathématiques ; de l'autre la force de la religion, de la croyance au Seigneur et la volonté d'en revenir aux valeurs morales d'antan soutenant la LSD…

(à suivre)

(1) Le succès de cette appellation fut tel qu'elle arriva à se prolonger bien au-delà de la durée de vie de l'Association. C'est en effet en référence à la puissance hallucinatoire des prévisions de l'Élu et par la suite des grands prêtres qui lui ont succédé que le mot LSD est devenu synonyme de drogue puissante et dangereuse.

10 août 2010

AINSI NAQUIT L’ACADÉMIE DES MATHÉMATIQUES

Histoire de caverne (saison 5 -Épisode 2)

Poussé par la Voix, Jojo, devenu l'Élu, en appelait à un abandon de la monnaie et au retour à l'économie de troc

- Oui, les mathématiques sont bien une forme de religion, poursuivit Mathieu. Paulo explique-leur ce que sont les mathématiques et comment tu les as inventés.
- C'est simple, les mathématiques sont un nouveau langage, un mode de représentation du monde, une clé de lecture, si vous voulez.
- Si c'est une clé de lecture, exprime-toi clairement, car là, vraiment je ne comprends rien, m'exclamai-je.
- Bon, je vais te donner un exemple : tu vois le tas de billes que tu as devant toi. Combien contient-il de billes ?
- Vingt-deux, répondis-je après les avoir comptées.
- Fais deux tas de la taille que tu veux, et dis-moi combien il y en a dans chaque tas.
- En voilà un de sept billes, et l'autre de quinze.
- Bien maintenant, sur cette pierre, je fais sept traits en haut, en dessous j'en mets quinze. Puis je tire un trait et dessous, je mets vingt-deux traits.
- Mais pourquoi ne leur montres-tu pas ta nouvelle façon d'écrire les nombres, intervint Mathieu ?
- Pour ne pas compliquer ma présentation. Mais allons-y si tu veux. Comme je trouvais fatigant d'avoir à tracer autant de traits, j'ai mis au point un système permettant de limiter le nombre de traits : un V pour cinq traits, un X pour dix, un C pour cent(1). Cela va beaucoup plus vite comme cela, dès que le nombre a représenté est grand. Donc je reviens à mon exposé. Sur cette pierre, tu as une représentation de deux tas de billes et de leur réunion. On peut donc imaginer que tu n'as même plus besoin d'emmener les billes avec toi, mais simplement cette pierre sur laquelle elles sont représentées.
- Et je pourrai payer en donnant une telle pierre, dis-je ?

- Oui, pourquoi pas. Ceci n'est qu'un exemple simple. De façon plus générale, avec l'aide de Mathieu, nous avons créé les tableurs et les méta-tableurs, ces systèmes qui permettent de savoir ce qui va se passer.(2)
- Oui, je me souviens très bien. C'est ce qui a failli tous nous emmener à notre perte : toutes vos prévisions étaient fausses !
- Disons que l'on ne maitrisait pas bien alors la méthode de calcul. Depuis nous avons fortement progressé. Et puis est-ce que les prévisions de Jojo étaient meilleures ?
- Non, mais lui, il s'abrite derrière la puissance magique de la Voix.
- Eh bien, je te propose que nous nous abritions derrière la puissance magique des mathématiques. La question n'est pas de savoir si nos calculs sont justes, mais d'obtenir qu'un maximum de gens les croit. Notre premier objectif doit être de démontrer que la Voix, c'est le passé, et que les mathématiques, c'est l'avenir.
- Je commence à comprendre ton idée. Il faut que nous donnions corps à cela. Il nous faut des sortes de grands prêtres que nous pourrons opposer à ceux qui parlent au nom de la Voix.
- Pourquoi ne pas créer un conseil des mathématiques ?
- Non, cela ne sera pas suffisant. Restons-en là pour aujourd'hui. Je vais provoquer une réunion spéciale du CCC pour statuer sur ton idée.

Une semaine plus tard, le CCC réuni créait l'Académie des Mathématiques avec Paulo comme 1er Président et Mathieu comme Secrétaire Général. Cette création fit la une de l'Écho des Deux mondes. On y expliquait que l'Académie avait pour rôle la promotion des idées modernes et la lutte contre tous les obscurantismes, notamment religieux.

Le lendemain de cette publication, l'Élu rassembla le bureau de l'Apilhe. Il se devait de réagir, et lança le LSD….

(à suivre)


(1) Ce système fut repris beaucoup plus tard par les Romains. Sont-ils tombés sur des inscriptions issues du Temps des cavernes ? Ce mode de calcul s'est-il transmis de génération en génération jusqu'à eux ? Je ne sais pas. Dès que j'ai une réponse, je vous le ferai savoir.
(2) Voir les épisodes
1, 2 et 3 de la saison 3

6 août 2010

QUAND LA VOIX EN APPELLE AU RETOUR DU TROC

Histoire de caverne (saison 5 -Épisode 1)

Quelques mois s'étaient écoulés depuis la rupture avec Jojo, ou plutôt avec l'Élu comme il se faisait maintenant appeler.
Au début, je n'avais éprouvé qu'un vide, un manque, une absence : le CCC sans lui était comme incomplet. Les autres arrivaient à s'y faire, mais moi, j'avais vraiment du mal : je l'avais connu enfant, nous avions grandi côte à côte. Jamais, je n'aurai pu imaginer qu'il me trahirait ainsi. Car c'est bien d'une trahison qu'il s'agissait : comment avait-il préféré sa Voix à notre amitié ?

Mais rapidement, il fallut me rendre à l'évidence : son départ n'était pas que cela, c'était une menace réelle pour notre communauté et la solidité de nos affaires. Tout était allé très vite :
- D'abord les incendies des maisons du plaisir et de temples de jeu se multipliaient : trois le premier mois, quatre le suivant, et six à huit par mois depuis,
- Puis les attaques contre les tours avaient commencé : l'Élu voulait que les humains aillent retourner vivre dans les cavernes, et se passent des services des gorilles et des chimpanzés. Les gens prenaient peur, le prix des tours commençait à chuter, le marché immobilier vacillait.
- Enfin, le plus grave, c'étaient toutes les prévisions alarmistes que propageait l'Élu : comme il était reconnu de tous temps comme celui qui savait prédire le futur, la moindre de ses paroles était d'évangile(1)
Résultat, une pagaille totale et une désorganisation de tous les flux financiers : Jacques et Jordana ne trouvaient plus d'acquéreurs pour les nouvelles tours, même celles de loisir construites au bord du lac n'étaient remplies qu'à moitié ; Isabelle voyait ses cavernes se vider ; des manifestations anti-gorilles et chimpanzés fleurissaient de partout. Et moi, je me retrouvais avec un effondrement de la valeur de mes billes.

Le comble avait été la réapparition du troc. L'Élu avait affirmé qu'il fallait en revenir aux vraies valeurs, que le mal était dans le changement et dans le pouvoir de l'argent. Il avait lancé un appel lors d'un de ses sermons à un retour au troc :
« Pourquoi avez-vous besoin de billes dans vos poches ? Vous sentez-vous plus heureux et plus puissants ? Pourquoi ne pas simplement aller voir votre voisin, celui qui est là à côté de vous, et lui proposer une peau de buffle ou un silex taillé en échange d'un morceau de l'antilope qu'il vient de chasser ? Je sais, j'ai été le premier pendant longtemps à vous pousser à recourir aux billes. J'ai été séduit par Bobby et la force de ses affirmations : avec la monnaie, tout allait être plus fluide, plus efficace. Mais j'ai retrouvé la chemin de la Voix : elle est notre vrai et seul guide. La Voix existe depuis toujours. Elle était là avant que les parents de nos parents n'existent, avant même que ce monde – celui qui nous entoure –, n'existe. La Voix n'a pas eu besoin de monnaie pour se développer. La Voix n'aime pas le pouvoir de l'argent. La Voix vous demande de rendre toutes vos billes et de réapprendre à vivre sans. »
Il se dressa alors, plongea sa main dans sa poche, la ressortit remplie de billes et, dans un geste théâtral, les jeta.
« Voilà mes frères. Voilà le geste qu'attend de vous la Voix : plongez les mains dans vos poches, dans vos sacoches ou dans vos coffres. Saisissez-vous de vos billes et jetez-les à la face du CCC qui prétend décider pour vous. Ou mieux allez donc les rendre à Bobby en les jetant au pied de sa caverne ! ».

Quelques heures plus tard, au pied de ma caverne, commençaient à s'accumuler des billes. A dire vrai, leur nombre resta limité : bien peu avaient envie d'abandonner si vite un confort chèrement gagné. Mais je pris la menace au sérieux et organisais un conseil de ma garde rapprochée : Johnny l'inventeur, Paulo le magicien et mon fils Mathieu.
« Nous ne pouvons pas rester à regarder ce maudit Jojo, l'Élu comme on dit maintenant, détruire tout ce que nous avons construit, sans réagir, commençai-je.
- Pour l'instant, c'est surtout toi qui es dans la ligne de mire, répondit Johnny.
- Parce que tu crois que, sans mes billes, tu vas pouvoir continuer à financer toutes tes inventions ?
- Bobby a raison, Johnny, dit Paulo. Jojo – désolé, je me refuse à l'appeler autrement ! – va tous nous détruire : il commence à insinuer que mes prévisions sont sans valeur, car je n'écoute pas la Voix. Il est gonflé. Quand on sait que c'est grâce à mes calculs mathématiques(2) que même ses prévisions ont réussi.
- Et si, pour contrer la Voix, nous faisions des mathématiques une religion, dit Mathieu.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là, lui demandai-je ?

(à suivre)

(1) L'utilisation de l'expression « parole d'évangile » est restée très obscure. Je la reprends ici par fidélité par rapport à ce qui s'était passé alors. Personne n'a jamais su comment, au temps des cavernes, on avait pu imaginer l'existence future des évangiles. Était-ce une forme de divination ? Un hasard ? Nul ne sait.
(2) Voir les épisodes 6 et 7 de la saison 2 au cours desquels Paulo invente la prévision mathématique

2 août 2010

DU PAYS DES CAVERNES À CELUI DES DEUX MONDES…

Histoire de caverne (saison 5 -Épisode 0)

Tout a commencé, il y a très très longtemps, à l'époque lointaine du temps des cavernes. Depuis déjà 4 saisons(1), je vous ai raconté comment ont émergé progressivement la finance, l’industrie, les médias, l’immobilier, les syndicats ou le divertissement.

Tout a tourné au départ autour de quelques personnages principaux et emblématiques qui ont su marquer de leurs empreintes ces temps reculés :
- A tout seigneur, tout honneur, commençons par Bobby, le roi de la finance, et à ce titre l'homme le plus puissant des cavernes. C'est lui qui nous raconte cette histoire de caverne et qui la commence quand il a inventé la monnaie : bridé par le troc, il n'arrivait plus à développer ses affaires de décoration de cavernes. Depuis il a fait pas mal de chemin avec ses partenaires et/ou rivaux.
- Parmi eux, le plus important est sans contexte Johnny. Johnny s'est bien à ses débuts opposés à Bobby, mais après de débuts chahutés, ils ont fini par se mettre d'accord : à lui le monde de l'industrie, de l'innovation et de la production, à Bobby la finance.
- Ceci n'aurait pas été possible sans le célèbre duo des rois de la prévision et de l'anticipation : Jojo le Devin et Paulo le Magicien. Jojo est le compagnon de toujours de Bobby et fut toujours à ses côtés. Paulo est arrivé ensuite, d'abord en concurrençant Jojo – il opposait son approche scientifique de la prévision à celle religieuse promue par Jojo –, puis en fondant avec lui « Prévoir et Savoir », l'entreprise qui fournit une offre complète allant des prévisions standards à des études ad-hoc alliant la religion à la science.
- A eux quatre, ils avaient créé le « média group » qui détenait deux actif essentiels : le journal « Écho des cavernes »(2) et un réseau d'espaces publicitaires. Le journal et le réseau partageaient une équipe capable de graver rapidement que ce soit une information ou une publicité.
- Il faut enfin rajouter Jacques, un entrepreneur de cavernes, spécialisé dans le loisir. Il avait fait fortune grâce à sa location à la semaine de caverne avec vue sur le lac. N'oublions pas non plus le fils de Bobby, Matthieu(3) qui, devenu un expert dans la manipulation des calculs et des prévisions, travaille avec Jojo et Paulo.

Le monde des cavernes a basculé avec l'arrivée de femmes venant du bout du bout du monde, c'est-à-dire de l'autre côté des montagnes. Au terme d'une bataille farouche, de nouveaux équilibres ont été trouvés. On peut résumer ceci en présentant les nouvelles héroïnes qui ont complété l'équipe dirigeante :
- Jordana est celle qui est apparue au pays des cavernes comme surgie de nulle part. Après avoir cherché à concurrencer Bobby et Johnny, elle a compris qu'ils étaient plus complémentaires que concurrents. Elle a notamment apporté le concept de cabanes(4), ce qui a permis l'explosion de la promotion immobilière. Associée avec Jacques, elle a lancé « les cabanes de rêve ». Ensemble ils sont devenus les rois de l'immobilier.
- Christina est la chef du monde des cabanes, celui qui réside de l'autre côté du bout du monde et d'où venait Jordana. Elle s'est associée au monde des cavernes. Ceci a été notamment rendu possible par le charme de Johnny qui a su conquérir son cœur. Johnny a eu aussi l'idée, lui, d'empiler les cabanes, les unes sur les autres, et de lancer ainsi les tours du futur. Un accord passé avec des gorilles et chimpanzés a fourni le moyen de déplacer humains et objets verticalement.
- Pour assurer la liaison entre les deux mondes, celui des cabanes et celui des cavernes, a été mise en place une infrastructure de communication reposant sur des signaux lumineux, Internex. Ceci a été intégré dans le media group et est maintenant géré par Mathieu.
- Isabella a été au départ la compagne de Jordana. Arrivée avec elle au pays des cavernes, elle s'est retrouvée isolée quand Jordana s'est rapprochée de Jacques. Elle s'est alors mise en travers de notre prospérité en poussant les chimpanzés et les gorilles à se mettre en grève(5), et en faisant s'effondrer le marché immobilier. Tout est rentré dans l'ordre quand on l'a laissé développer son affaire de maisons du plaisir, maisons dans lesquelles gorilles et chimpanzés venaient dépenser les augmentations de salaire qu'on avait dû leur accorder.
Tout allait donc parfaitement au pays des deux mondes. Bobby avait dernièrement créé une structure politique pour mieux asseoir le pouvoir de ses amis, et le sien au passage : il s'agit du CCC, le Conseil des cavernes et des cabanes. Ce conseil qu'il préside regroupe tous ceux dont je viens de rappeler le parcours.

Mais on vît alors monter en puissance l'APIHLE (Association pour la préservation de l'identité humaine et la lutte contre les élixirs) : présidée par Marcel(6), elle prenait de plus en plus d'importance au nom de la défense de la moralité et de la supériorité de l'espèce humaine. En fait, le vrai moteur n'était pas Marcel, mais Jojo. En effet celui-ci, repensant à la foi de ses débuts, pris de remords face à ce qu'il était devenu, avait décidé de s'opposer à moi et au CCC.

La saison 4 se terminait ainsi :
« Jojo avait face à lui la puissance de l'argent, du plaisir et de l'industrie réunies, une union politique forte des deux mondes, le contrôle des média avec l'Écho du Monde et le réseau Internex. Mais il n'avait pas peur : il était l'Élu, celui par lequel parlait la Voix.
Il se devait de détruire le CCC qui n'était qu'une association de malfaiteurs dont le but était de faire sortir les hommes des cavernes et de promouvoir le progrès. Car ce n'était pas le fait que le CCC soit un organe de pouvoir au profit d'un tout petit nombre de personnes qui gênait Jojo – lui-même n'était pas du tout un démocrate et comptait bien concentrer un maximum de pouvoirs entre ses mains. Non, c'était que ce pouvoir pour exister poussait les hommes vers le progrès. Or le progrès était le grand ennemi de la Voix. Elle le lui avait dit.
Jojo quitta sa retraite pour rejoindre Marcel et les troupes de l'APIHLE. Le combat pour la Voix allait commencer. Il serait sans merci. »

(à suivre)

(1) Pour plus de détails vous pouvez relire les quatre saisons précédentes : saison 1, saison 2, saison 3, saison 4
(2) Lancé initialement sous le nom de « Ici, la caverne »
(3) Matthieu fut dénommé par erreur Thomas dans les saisons précédentes.
(4) Les cabanes sont de drôles de cubes en bois, suffisamment grands pour que l'on puisse habiter à l'intérieur.
(5) Elle les avait notamment poussés à créer la CGC, la confédération des gorilles et des chimpanzés
(6) Marcel était au départ un spécialiste de peintures rupestres travaillant pour moi quand je n'étais qu'un décorateur de cavernes. Il avait assisté jalousement à mon ascension.

30 juil. 2010

29 juil. 2010

IL FAUT POURTANT SAVOIR SORTIR DE SON LANDAU

Se mettre à marcher n'est pas une décision raisonnable

« A neuf mois, dans son landau, il est le roi. Tout serait parfait, si l'on n'attendait pas qu'il se mette à marcher.
Comme ce n'est pas une décision anodine, il s'est lancé dans une étude approfondie :
- Les premières semaines, il ne maîtrisera pas son équilibre. Or tomber fait mal.
- Ensuite, il aura à affronter des interdits multiples. Pourquoi marcher si l'on ne peut pas reconfigurer l'installation informatique de Papa ?
- Enfin, il devra sortir dans le monde extérieur, un monde hostile où il fait, tour à tour, froid ou chaud, où traverser une rue est un challenge, où des écoles vous attendent.
Son choix est fait : il restera dans ce landau. (…)
Est-il raisonnable de se mettre à marcher quand on voit tous les périls auxquels on aura à faire face ? Pourtant, il va bien falloir le faire, non ? On ne peut pas rester immobile, tétanisé dans son landau.
De même, au moment d'évaluer une stratégie, il faut développer suffisamment de paranoïa pour identifier les ruptures majeures improbables, mais il faut ensuite savoir se décider à agir et choisir les risques que l'on va accepter de courir. »(1)

(1) Extrait des Mers de l'incertitude p.130-131

28 juil. 2010

DESTROY MY OWN STRATEGY

Attention aux cygnes noirs

« On a donc identifié des mers accessibles, sélectionné celles qui correspondaient aux savoir-faire de l'entreprise et pour lesquelles des voies d'accès multiples étaient possibles, et prévu quelles actions immédiates pouvaient enclencher le mouvement. Tout semble prêt pour se lancer en avant.
Oui, mais que va-t-il se passer si survient un cygne noir, une rupture majeure improbable ? Quelles seront les conséquences ? La stratégie retenue va-t-elle voler en éclat, tous les accès à la mer visée étant coupés ?
A la fin des années 90, inquiet de la montée en puissance d'Internet et de toutes les dot.com, Jack Welch, alors Président-Directeur Général de General Electric, avait lancé une grande action appelée « Destroy your own business ». Il s'agissait pour chaque manager de concevoir comment, grâce à Internet, il pouvait mettre en péril le business existant dont il avait la charge. Ceci avait pour but de tester la solidité de la stratégie actuelle de General Electric, et aussi d'identifier de nouvelles opportunités.
Il faut faire de même : avant de choisir sa stratégie, il faut avoir essayé de la détruire pour tester ainsi sa résilience. »(1)

(1) Extrait des Mers de l'incertitude p.126

27 juil. 2010

DU MBA AU MBU : ADMINISTRER OU COMPRENDRE ?

L'art du management serait-il d'administrer des recettes toutes faites ?

Dans le nirvana des diplômes internationaux, les MBA, ces "Master of Business Administration", planent au-dessus du lot. Ils sont devenus la référence absolue, une sorte de Saint Graal pour tout cadre voulant passer à la catégorie dirigeant.

Sans entrer dans l'analyse du contenu de ces MBA, ni vouloir remettre en cause la pertinence de ces formations, je trouve très symptomatique cette appellation « Administration ».
Entendue depuis le sens du mot en français, elle renvoie à des références pour le moins surprenantes : est-ce à dire que le management moderne cherche ses références dans l'Administration ? Ou alors que l'art du management est celui d'administrer des médicaments ou des suppositoires ?
Entendue depuis le sens du mot en anglais, elle renvoie à la gestion de ce qui existe : diriger serait alors celui de simplement gérer au mieux, le bon manager étant un bon administrateur ? Cela suppose-t-il que l'entreprise doit être mathématisée pour pouvoir être comptée et additionnée ?

Je sais bien sûr que les MBA ne tombent pas dans ces caricatures, mais il n'est pas innocent d'avoir choisi ce nom. Ne serait-il pas préférable de les appeler des MBU, « Master of Business Understanding » ?

Car, dans ce monde de l'incertitude et de la complexité, être un bon dirigeant, c'est sentir les mers qui attirent les évolutions, imaginer les chemins pouvant réunir le présent et ce futur, trier parmi les activités actuelles celles qui concourent à se rapprocher de cette mer, développer une culture alliant confiance et confrontation, permettre à l'entreprise de décider et évoluer efficacement…
Réussir repose alors d'abord sur la capacité à comprendre en profondeur, et bien peu sur celle d'administrer…

26 juil. 2010

LE COURAGE D’UN SEUL PEUT TOUT DYNAMITER

Beaucoup plus qu'une comédie italienne sur le coming-out

Tout démarre banalement sous le soleil d'une petite ville d'Italie du Sud : joie d'agapes familiales autour d'une table joyeusement arrosée, plaisir des parents, de la grand-mère et du frère de retrouver le jeune Tommaso étudiant à Rome. Puis conversation entre Tommaso et Antonio, le frère aîné : pour échapper au poids de son père et à la fabrique de pâtes familiales, Tommaso va annoncer, à l'occasion du dîner du lendemain, son homosexualité. Antonio le regarde, interloqué mais sans être choqué.
Le dîner arrive et tout bascule : Antonio coupe l'herbe sous les pieds de son jeune frère pour avouer en premier… son homosexualité.
S'ensuit une comédie à l'italienne autour de l'acceptation ou non par cette famille bourgeoise, et un rien « confite », de l'homosexualité de ses fils. A un moment, on a même droit à des scènes qui s'inséreraient sans problème dans un nouveau remake de la Cage aux folles (notamment un verre cassé n'est pas sans rappeler le bris de la biscotte…)

Mais ce film est bien plus qu'une farce et un plaidoyer pour le droit des gays à vivre comme ils l'entendent – ce qui ne serait déjà pas si mal ! –, car ce coming-out à double détente va servir de révélateur aux différentes vérités ou vies cachées. On assiste à un effeuillage qui semble sans fin des heurs et malheurs de chacun : l'amour et la fugue finis en impasse de la tante, la perte jamais comblée d'une mère, des sexualités incertaines et surtout l'amour caché de la grand-mère qui n'avait pas épousé le « bon frère »…
Tout finit dans un ballet métaphorique où chacun se mêle à l'autre, découvrant et acceptant ce qu'il est vraiment, ce sous les yeux du pyromane, Tommaso, qui les regarde à distance.

Nous sommes ainsi, chacun de nous, trop souvent prisonniers des vies que nous n'avons pas voulu ou pu vivre, de ces moments que nous avons laissé échapper, de ces mensonges que nous avons laissé se construire. Nous ne savons plus regarder le réel tel qu'il est, mais nous ne le voyons qu'au travers du prisme de l'histoire, la nôtre comme la leur. Soyons disponibles à ces moments de rupture, ces failles, ces coming-out soudains et imprévus et servons-nous en revisiter notre compréhension du monde.
Le titre français du film joue dans la superficialité n'évoquant que le déclencheur, « le Premier qui l’a dit ». Le titre original est, comme souvent, bien meilleur et beaucoup plus évocateur de la vraie profondeur du film : « Mine Vaganti » soit « les Mines Errantes ». En effet, les mots de Tommaso et la liberté de ses mouvements vont faire sauter, au hasard des croisements, les défenses installées. Et aussi toutes nos lâchetés sont autant de mines qui ne demandent qu’à sauter au premier geste malheureux. Alors mieux vaut lâcher prise...

Parfois en poussant la porte d'un cinéma, on croise un grand film. C'est ce qui m'est arrivé ce vendredi dernier...

21 juil. 2010

LE FUTUR COMMENCE AUJOURD’HUI

Être précis et détaillé à court terme

« Autant l'horizon à moyen et long terme est flou, car masqué par le jeu combiné des incertitudes environnantes, autant l'avenir immédiat est planifiable : les ressources de l'entreprise, tant qualitatives que quantitatives, sont connues ; l'évolution du marché et des attentes des clients sont analysables ; les positions des concurrents le sont aussi. Il reste bien sûr des aléas – on ne peut pas savoir à l'avance ce que va faire tel ou tel concurrent, un accident peut survenir dans telle ou telle usine… –, mais ils peuvent être cernés et probabilisés : on est en deçà de l'horizon du flou. Nous sommes dans l'horizon des plans d'action et du budget.
Comment cet horizon se raccorde-t-il avec celui du long terme ? Comment les plans d'actions se relient-ils avec le chemin qui doit conduire à la mer ?

La liaison entre les deux est simple, et peut être illustrée au travers du jeu de go.
Au début de la partie, un joueur de go a en tête un dessin qu'il va chercher à mettre en œuvre et qui oriente ses choix. Ce n'est pas une forme précise, ce dessin est surtout un dessein. Il se focalise ensuite sur ce qu'il peut faire. Pion après pion, il cherche à construire l'ensemble le plus résistant à toute attaque. Puisqu'il ne peut pas savoir ce qui va se passer, ce qui lui importe est la solidité de ce qu'il fait. Le dessin qu'il avait initialement en tête prend donc forme progressivement, chaque fois qu'il pose un pion.
Il ne se préoccupe pas vraiment de son adversaire, ou, du moins, pas tant que cela ne vient pas interférer dans son propre dessin. Il sait quels sont les actes qui pourraient faire s'effondrer son projet, les pions dangereux porteurs de ruptures futures majeures. Il sait qu'il ne gagnera que par l'effet et la puissance de la forme qu'il a dessinée, et par la pertinence de ses actes. Comme un attracteur qui attire les pions, son dessein se dessine petit à petit. Il y a donc un lien étroit entre ce qu'il vise et chacun de ses actes : chaque pion doit le rapprocher de ce qu'il vise. »(1)

(1) Extrait des Mers de l'incertitude p.123-124

20 juil. 2010

SI ON SE MET DANS LA DIFFICULTÉ DÈS LE DÉPART, ON N’ATTEINDRA JAMAIS SA MER

C'est parce que le monde est incertain qu'il faut choisir la facilité

Comme le chemin sera long et difficile, il faut choisir la facilité pour avoir une chance d'arriver au bout.


19 juil. 2010

CHOISIR LA FACILITÉ

Les saumons meurent au bout de leur course

« Les stratèges chinois ont développé une apologie de la facilité. Ne nous trompons pas : cela ne veut pas dire qu'aucun effort, aucun travail ne seront nécessaires. Non, cela signifie que toute action pour être efficace doit prendre appui sur la configuration du terrain, qu'elle doit être amplifiée et relayée par les forces naturelles. A l'inverse, il est inutile et illusoire de penser que l'on peut lutter contre le cours des choses.
C'est ce qui amène Sun Tzu à dire que le grand général est celui qui remporte des victoires faciles. Laozi prolonge en disant que « le bon général a si bien su détecter le potentiel de situation, a si bien su favoriser les facteurs favorables, que, quand il engage enfin le combat, eh bien, oui, c'est " facile" »

Les saumons sont un exemple de courage et de volonté. Pour aller pondre là où ils sont nés, ils sont capables de trouver leur chemin dans l'océan, puis de remonter le courant des rivières. Rien ne les arrête et ils peuvent remonter même les chutes d'eau. Vraiment, ils ne choisissent pas la facilité. Et, dès qu'ils sont arrivés et ont libéré leurs œufs, ils meurent…
Comme un fleuve, la voie vers la mer doit « couler de source », elle doit prendre appui sur la géographie de l'entreprise : les tendances de fonds de la situation actuelle ; les savoir-faire de l'entreprise, sa position, son histoire, ses hommes ; ceux de la concurrence actuelle et potentielle… Notamment si la position concurrentielle est trop défavorable, inutile de viser cette mer, car cela ne sert à rien d'y arriver après les autres. »(1)

(1) Extrait des Mers de l'incertitude p.120

13 juil. 2010

COMMENT UNE ENTREPRISE PEUT-ELLE CHOISIR SA MER ?

Y a-t-il un chemin entre ce que je suis aujourd'hui et ce point du futur ?




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12 juil. 2010

PEUT-ON LUTTER CONTRE DES PARASITES À COUP DE TRAINS D’ONDES ?

La musique adoucit les mœurs, mais peut-elle faire pousser les plantes ?

Au hasard d'une conférence à laquelle j'assistais, j'ai rencontré un des fondateurs de la société Genodics. L'objet de cette start-up est de promouvoir la « Génodique ». De quoi s'agit-il ? Selon ses promoteurs, il serait possible d'influencer la croissance de toute protéine – en la stimulant ou en l'inhibant – par l'émission d'une musique bien précise, c'est-à-dire d'un train d'ondes adapté, appelée « protéodie ». Selon cette théorie, « les recherches, depuis plus de 40 ans, ont prédit et indirectement mis en évidence que :
- les différents niveaux d'organisation de la matière (inerte ou vivante) sont reliés par des « ondes d'échelle » qui en assurent la cohérence ;
- lors du processus de synthèse des protéines, les acides aminés émettent des séquences de signaux quantiques qui constituent une mélodie spécifique de chaque protéine ;
- par les ondes d'échelle, les transpositions de ces mélodies dans la gamme musicale sonore peuvent influer sur le taux de synthèse des protéines. » (1)

Je ne sais pas si cette théorie est exacte, et si cette jeune pousse(2) réussira à mettre en œuvre cette nouvelle approche, mais je la trouve poétiquement intéressante. J'aime à nous imaginer tous reliés par des harmonies et des trains d'onde.

Donc je souhaite plein de croissance à cette pousse… mais à une condition : que ce ne soit pas l'occasion de poursuivre une mathématisation du monde, mais celle de profiter de cette musique des ondes par adoucir nos mœurs collectives qui en ont bien besoin en ces moments troublés !

(1) Voir leur site http://www.genodics.com
(2) J'aime bien cette expression et elle me semble tellement plus adaptée que le nom de start-up pour un tel projet !