21 nov. 2018

LES GILETS JAUNES, CE QUI ARRIVE QUAND ON GOUVERNE LES FRANÇAIS COMME S’ILS ÉTAIENT UNE STATISTIQUE

Ce que scrutent Emmanuel Macron et son équipe resserrée d'experts, ce sont le taux d’inflation, le taux de chômage, le pouvoir d’achat. Mais pas le réel.

Il a fallu un itinéraire mémoriel, une hausse de plus du carburant, et une épidémie de gilets jaunes pour que Emmanuel Macron redécouvre ce qu’il avait oublié : les citoyens n’aiment pas leur classe dirigeante.
Étonnante amnésie d’un Président pourtant élu grâce à ce désamour : il y a moins de deux ans, c’est bien lui qui avait promis le changement et l’avènement d’un démocratie citoyenne. Surgissant d’ailleurs, ailleurs du monde politique en place, il avait inventé un cocktail gagnant en s’appuyant sur des Français en marche, avec quelques pincées de chance – défaite de Juppé, empêchement de Hollande et démêlés judiciaires de Fillon.
Et voilà élu, un Président jeune, compétent, énergique. Un Président convaincu que la solution est dans plus d’expertise, plus de savoir-faire, plus de volonté et de travail. Un Président centralisateur, s’appuyant sur une garde rapprochée – quelques conseillers, quelques ministres clés – pour aller à l’essentiel, pour piloter, pour agir vite et bien.
Sans se rendre compte que la centralisation ne pourrait que conduire à renforcer la coupure entre les Français et la classe dirigeante. Le contraire de ce pour quoi il avait été élu, et – je lui en fais le crédit – de ce qu’il voulait.
Que s’est-il passé, pourquoi la coupure s’est-elle accrue ?
D’abord parce qu’un homme seul et une équipe resserrée ne peuvent connaître que des moyennes et sont incapables d’intégrer la diversité des situations, ce même s’ils ne dorment pas la nuit… ou si peu. Ce qu’ils scrutent, ce sont le taux d’inflation, le taux de chômage, le pouvoir d’achat, etc., mais pas le réel.
Car le taux d’inflation n’est qu’une moyenne, et n’est représentatif d’aucune situation individuelle : s’il est juste au niveau macroéconomique, il est faux localement et ne dit en rien comment se modifient les dépenses de chaque Français. Celles-ci dépendent du lieu de résidence et de la structure du panier d’achats, structure elle-même fonction des habitudes personnelles, du niveau de revenu et de l’importance du capital possédé. Ainsi si le taux d’inflation est pertinent pour piloter globalement l’économie, il est peu significatif pour chaque Français pris individuellement et largement déconnecté de ce qu’ils vivent au quotidien.
Idem pour le taux de chômage. À nouveau, c’est une moyenne utile pour prévoir l’évolution des grands équilibres financiers, mais sans pertinence pour apprécier la situation d’une famille et d’un bassin d’emploi précis. Tellement de différences entre l’Ile de France, les grandes métropoles, les villes moyennes, et les zones rurales. En quoi la reprise d’activités dans les grandes zones urbaines est-elle une bonne nouvelle pour ceux qui n’y vivent pas ?
Quant au pouvoir d’achat, là encore tellement de situations individuelles différentes : ici un emploi perdu, et là une promotion ; ici des revenus immobiliers, et là un loyer qui augmente ; ici un célibataire sans réelles contraintes, et là un couple qui vient d’avoir un troisième enfant quand l’ainé rentre au lycée ; etc.
En résumé, personne ne vit dans la moyenne, personne n’est un être mathématique né de calculs, personne n’est une fiction : aucun Français n’est ce que connaît et suit une équipe centralisée. (1)
Aussi la coupure est-elle logique et inévitable entre monde calculé et monde réel, entre dirigeants et dirigés : quand le Président et le gouvernement affirment que la situation moyenne s’améliore, bon nombre vivent le contraire. Incompréhension. Et si les inégalités se creusent, la majorité peut voir sa situation se dégrader, alors que la moyenne progresse. Effet gilet jaune garanti.
Autre coupure, celle qui existe entre ceux qui croient dans le changement en cours et anticipent un futur meilleur, et ceux qui n’y voient qu’une perte des acquis et sont convaincus que le pire est à venir.
Il y a tellement de ruptures en cours :
-        Technologique : Les organisations collectives comme les vies individuelles sont modifiées en profondeur. Retournez-vous en arrière pour voir combien tout a changé : essayez de repenser au temps avant le mobile ou internet. Et tout s’accélère, sans qu’il soit possible pour la plupart de savoir vers quoi ceci nous mène : intelligence artificielle, blockchain, imprimante 3D, homme augmenté, biologie, etc.  Facile alors de faire un raccourci en se disant : vers le pire.
-        Économique : La mondialisation nous fait perdre nos repères et masque les mécanismes à l’œuvre. L’entremêlement entre tous les acteurs crée une toile invisible pour la plupart d’entre nous.  Comment percevoir du fin fond d’un village, le fonctionnement réel de l’économie actuelle, et donc les conséquences de tel ou tel choix ? Impossible. Coupure entre ceux qui voyagent et peuvent se construire une image mentale de ce qui se passe, et les autres.
-        Écologique : Notre planète est menacée d’implosion à cause de la rapidité de la dégradation en cours. Dérèglement climatique, disparition d’espèces, appauvrissement des sols, contraction des ressources rares, etc. Difficile de prendre en compte les effets à long terme de nos décisions quotidiennes, difficile d’agréger individuel et collectif, difficile de changer nos comportements.
-        Géographique et religieuse : Les mouvements de population et les interventions internationales accompagnent ou précèdent les bouleversements économiques et écologiques. Il est alors tentant de voir dans celui qui est différent l’ennemi, le concurrent, celui qui est l’origine de nos problèmes. Tentant aussi de se réfugier dans un extrémisme religieux quand le discours politique est vide de sens et ne produit que des agrégats mathématiques qui ne nous disent rien. Surtout quand on a peur du futur…
Cette coupure est amplifiée par ce que nous appelions chez Bossard Consultants – un cabinet de conseil où j’ai sévi dans les années 90 – la « vallée du désespoir » : même si à terme un changement apportera du positif, il commence toujours par dérégler le présent, et donc à le dégrader. Réussir un changement suppose donc non seulement une adhésion aux raisons de la transformation, mais aussi l’explicitation de la dégradation initiale. Et de s’être assuré que cette dégradation sera supportable pour tous et d’avoir mis en place, le cas échéant, de façon préventive les accompagnements ad hoc.
Construire une vision partagée est un défi qui suppose non seulement un effort de réflexion et de pensée – produire une vision réaliste du monde vers lequel nous allons, répondre aux contraintes de notre planète et aller vers un progrès réel –, mais aussi une implication du plus grand nombre. Condition nécessaire pour redonner du sens. Pas un sens général, désincarné, théorique et autoproclamé, mais un sens qui parle à tout un chacun. Ceci est incompatible là aussi avec la centralisation.
Sinon ne restent que les peurs, les désillusions et la sensation que tout se dégrade. Sinon, tout se bloque. Syndrome bonnet rouge ou gilet jaune…
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Si, donc, sortir de la rupture entre les citoyens et la classe dirigeante est possible et nécessaire, cela suppose un changement profond : moins de centralisation, moins d’approche seulement quantitative et théorique des problèmes ; plus d’implication, plus de partage, plus d’explicitation de ce qui se passe.
C’est difficile, mais “Nobody said it would be easy” et décidément “Being President is a dirty job but somebody gotta do it” !
(1) Ceci rejoint la distinction faite par Daniel Kahneman entre les « Humans » et les « Econs »



(Article paru dans le Huffington Post)

1 oct. 2018

HALTE AUX GASPIS : VIVE LA STRATÉGIE DURABLE

Pour ne plus jeter son argent, son temps… et ses salariés par la fenêtre
Et si on arrêtait de payer des études des centaines de milliers d’euros, quand ce ne sont pas des millions, pour qu’elles finissent dans des placards.
Oui, le monde est incertain et turbulent, mais ce n’est pas en le mettant en équation à coup de tableurs excel et de simulations multicritères que l’on pourra trouver la martingale magique. Et inutile de croire que l’on peut sous-traiter la pensée stratégique à des gurus externes : la pensée hors-sol ne produit de la valeur que dans l’imaginaire, mais pas dans la réalité.
Et si on arrêtait de réserver la pensée stratégique à l’équipe de direction en lui faisant passer des heures en séminaires pour concevoir des stratégies impossibles à mettre en œuvre ou caduques avant que l’on ait pu commencer à les mettre en œuvre.
Oui, elle doit participer à la construction de la stratégie, mais pas au cours de séminaires clos. La pensée stratégique suppose de trouver des points fixes qui pourront guider l’action immédiate. Ce n’est possible qu’au travers d’un processus structuré, et non pas dans des conclaves dont on doit sortir à tous prix avec la bonne réponse. Ne rêvons plus d’une fumée blanche annonçant : « Habemus strategia ! ». On parle d’open innovation, pourquoi pas une open stratégie ?
Et si on arrêtait de ne pas tirer les leçons de sa propre histoire, en s’étonnant ensuite qu’il soit impossible de faire ce qui avait été imaginé dans la théorie de bureaux perchés au sommet de tours confortables.
Oui, on ne doit pas être prisonnier de son histoire, et il faut partir du futur pour y trouver ces points fixes auxquels on pourra arrimer solidement sa stratégie. Mais s’ils ne peuvent pas être reliés à son passé et son présent, ce ne sont que des mirages, de dangereuses illusions. Se fixer pour horizon ce qui ne pourra jamais être atteint, revient à gaspiller ses ressources en temps, argent et ressources humaines.
Et si on arrêtait de faire de ceux qui composent l’entreprise des spectateurs désengagés et désimpliqués, en se privant de leurs savoir-faire et de leurs connaissances.
Oui, un processus stratégique ne peut pas être complètement ascendant et il est illusoire de croire que l’on peut concevoir une stratégie au travers d’une immense agora, genre « Nuit debout » en version entreprise. Mais faut-il pour cela passer en pertes et profits tous les savoir-faire, toutes les expériences, et s’interdire de tirer parti de l’énergie collective ? N’est-ce pas aussi augmenter les risques de voir la stratégie retenue rejetée par ceux qui auront à la faire vivre ?
En résumé, stop aux stratégies jetables et hors-sol, et passons à une stratégie durable, doublement enracinée, à la fois dans le futur et dans le présent :
- Une stratégie résiliente ancrée sur des points fixes pour ne pas être remise en cause chaque matin :
Elle aura ainsi le temps d’être mise en œuvre et de créer de la valeur. Car agir avec ambition prend des années : on ne devient pas un leader mondial rapidement et facilement. Par exemple, L’Oréal n’était au départ qu’une entreprise moyenne ; sans la stabilité de sa stratégie – devenir un leader dans l’univers de la Beauté dans les domaines du cheveu, de la peau et du parfum –, rien aurait été possible. Ce n’est pas en allant un jour à gauche et le lendemain à droite que l’on avance vraiment.
- Une stratégie conçue et pensée par l’équipe de direction, et non pas par des sous-traitants externes :
Des experts, fussent-ils les meilleurs, ne peuvent pas connaître intimement la réalité de l’entreprise, de son histoire, de ses contraintes, et ne seront pas les porteurs de sa mise en œuvre. L’apport externe doit se limiter à des supports méthodologiques – comment mieux travailler ensemble, comment séquencer le travail, comment ne pas manquer une étape, comment identifier des points fixes, … –, ou à des éclairages ponctuels sur une technologie nouvelle, un concurrent, ou une réglementation.
- Une stratégie enrichie et challengée dès sa conception par des membres de l’entreprise issus de tous les départements et pays :
Indispensable pour ne pas se priver des connaissances accumulées par tous, pour mesurer le plus tôt possible l’écart entre le présent et ce que l’on commence à imaginer, pour disposer demain de relais facilitant l’explication des choix faits et l’implication de tous dans la mise en œuvre. Contribuer, c’est faire soi un objectif : engager chaque ligne de management, c’est démultiplier la puissance d’action du terrain.
Pour sauver notre planète et mettre fin au gaspillage collectif de nos ressources limitées, nous sommes en train de prendre conscience qu’il nous faut quitter le culte du jetable pour passer à l’économie durable : mort à l’obsolescence programmée, vive les circuits courts et l’économie circulaire.
Pourquoi ne pas en faire de même pour les entreprises et arrêter le gâchis stratégique ?

Florence Cathala (Présidente d’Overthemoon) et Robert Branche

2 août 2018

MA MAMAN, C'EST LA PLUS GRANDE DES MAMANS


Pour les fêtes de Noël, je suis allé chez mon papa et ma maman. Les fêtes de Noël c'est important de les passer en famille et spécialement avec son papa et sa maman. En plus de mon papa et de ma maman, il y aura mes sœurs et leurs enfants, ceux qui sont mes neveux et nièces – à vrai dire j'ai comme l'impression qu'il n'y en a pas d'autres, car je ne les ai toujours pas vus -.
Je ne suis pas venu en train, parce que j'avais tout plein de paquets à porter : j'ai toujours du mal à choisir ce que je dois apporter, alors je finis par avoir beaucoup de valises à prendre. Il y avait du monde sur la route, mais j'étais content parce que j'étais en route pour aller chez mon papa et ma maman.
Quand je suis arrivé, ma maman à moi elle m'a proposé quelque chose à boire. Ma maman elle est toujours gentille et elle cherche toujours à me faire plaisir. Ma maman à moi, c'est la plus grande des mamans. Bon c'est vrai, je suis sûr qu'il y en a qui diront que ma maman à moi, elle est petite. C'est rien que des pas gentils, d'abord parce que ma maman elle est pas si petite que cela, et puis c'est dans la tête qu'elle est grande.
Et pour ceux qui ne sont pas convaincus – ils n'ont pas intérêt à me rencontrer, parce que, même je leur casserais bien la figure -, ils n'avaient qu'à être là pour le jour de Noël chez mon papa et ma maman à moi. Vous allez me dire que, puisque c'était chez mon papa et ma maman à moi, ils n'étaient pas invités. Et bien, même si c'est vrai, je m'en fous !
Bon donc s'ils étaient là, ils auraient vu comme ma maman à moi elle est grande : elle avait fait plein de bonnes choses et même que, à la fin de l'après-midi, toutes les assiettes étaient vides. Et même qu'en plus qu'Elton – c'est le chien de ma sœur, une de celles qui ont la même maman que moi – il a mangé tout plein de truffes que ma maman à moi elle avait faites. Après il a été malade, pas parce que les truffes elles étaient pas bonnes – c'était ma maman à moi qui les avait faites -, mais parce qu'il en avait mangé trop. Alors vraiment, ma maman à moi c'est la plus grande des mamans.
La veille au soir, pour le réveillon de Noël nous étions allés chez ma sœur aînée – c'est-à-dire celle qui est la plus grande, mais pas aussi grande que ma maman à moi - : c'est moi qui ai conduit à l'aller et au retour. Nous avons bien mangé et j'ai essayé d'être très sage. Je n'ai pas pleuré, ni mis le doigt dans mon nez, ni pris la main de ma maman dans ma main – quand j'étais petit je le faisais toujours, mais je sais que ma maman elle ne veut plus que je le fasse -, alors ma maman elle a été très contente. Dans la voiture au retour, elle m'a félicité en me disant que j'étais devenu un vrai grand. Elle est gentille, mais je sais bien que je ne serai vraiment jamais grand, du moins pas aussi grand qu'elle, parce qu'elle, elle est la plus grande des mamans.

MON PAPA, C'EST LE PLUS FORT DES PAPAS



Ce week-end, je suis allé dans ma famille : j'ai vu mon papa, ma maman, ma grande sœur et ses enfants.
Le samedi matin, j'ai pris le train pour Lyon. Je suis arrivé à 9h40. Mon papa et ma maman m'attendaient à la gare. Tous les trois, dans la voiture de mon papa, nous sommes allés à Roanne pour les fiançailles du dernier fils de ma sœur aînée. C'est mon filleul : c'est pour cela que j'étais invité. C'est un bien gentil garçon, bien comme il faut, hétérosexuel et tout. Il a bien de la chance, PACS ou pas, son avenir, heureux et responsable, est assuré.
Il y a eu beaucoup de pluie sur la route, mais je n'avais pas peur, car mon papa il conduit très bien. Mon papa, c'est le plus fort des papas. Une fois arrivé, j'ai essayé de me tenir bien comme il faut à table, de dire bonjour aux messieurs et aux dames, même ceux que je ne connaissais pas. On a bien mangé et en fin d'après-midi, toujours avec mon papa et ma maman, on est revenu à Lyon. Quelle belle journée !
Le dimanche matin, il ne faisait toujours pas beau, mais il ne pleuvait plus. Alors j'ai pu aller courir un peu dans un parc. C'est bon et c'est important de faire de l'exercice. C'est mon papa qui me l'a dit, donc c'est forcément vrai. Mon papa il a toujours raison, c'est le plus fort des papas !
Pour le déjeuner, mon papa avait fait la cuisine. Mon papa, quand il travaillait, il était cuisinier alors la cuisine il sait bien la faire. C'était des côtes de veau à la crème. C'est bon les côtes de veau, surtout quand c'est mon papa qui les a cuisinées. Mon papa, c'est le plus fort des papas.
Ma maman, elle était là aussi. J'aime bien aussi ma maman, mais ce n'est pas un papa, puisque c'est une maman.
Ensuite avec mon papa et ma maman, on a regardé une émission sur les gays qu'ils avaient enregistrée. Je ne l'avais pas vue quand elle était passée, alors j'étais content. C'était très bien et très intéressant : je comprends mieux qui je suis grâce à la télévision française. C'est bien la télévision française. Et puisque c'était mon papa qui avait enregistré cette émission et décidé que je devais la voir, cela ne pouvait que me faire du bien. Mon papa, il sait toujours ce qui est bien pour moi. Mon papa, c'est le plus fort des papas.
En fin d'après-midi, j'ai dit au revoir à ma maman parce qu'il était temps que je parte pour la gare : c'était mon papa qui l'avait dit ; mon papa il sait toujours quand c'est l'heure de partir. Ensuite, il m'a emmené dans sa voiture. Il est gentil mon papa. Une fois arrivé à la gare, je suis descendu de la voiture et j'ai embrassé mon papa. J'étais un peu triste, mais je sais que je vais le revoir bientôt.
 Il me dira quand je pourrai revenir. Il sait toujours tout mon papa.
Mon papa, c'est le plus fort des papas.

4 juil. 2018

ON NE PEUT PAS GAGNER UN MARATHON EN PARTANT SUR LE RYTHME D’UN CENT MÈTRES

Il faut choisir la voie la plus facile
Le discours actuel dominant – fortement relié à la pensée judéo-chrétienne – met en avant la noblesse et l'importance de l'effort et de la souffrance : une victoire facile n'est pas une vraie victoire ; les vraies victoires doivent être obtenues au prix d'un combat long et difficile.
Métaphoriquement, nous ne croyons pas que le paradis puisse être atteint si l'on n'a pas souffert préalablement sur terre.
Ceci colore aussi le management et la façon d'aborder la réflexion stratégique : on n'a pas peur de la difficulté, du combat, on craint la facilité et le confort.
Or, comme nous vivons dans le monde de l'incertitude, comme le pire peut survenir à tout moment, comment y faire face si l'on est déjà parti à bloc dès le départ ?
Si nous choisissons la voie la plus difficile, la plus risquée, celle qui donc nous paraîtra la plus noble, comment réussir alors que, très probablement, rien ne va se passer comme prévu ?
A l'opposé, les stratèges chinois ont développé une apologie de la facilité.
Ne nous trompons pas : cela ne veut pas dire qu'aucun effort, aucun travail ne seront nécessaires. Non, cela signifie que toute action pour être efficace doit prendre appui sur le potentiel de situation et la configuration du terrain, qu'elle doit être amplifiée et relayée par les forces naturelles. A l'inverse, il est inutile et illusoire de penser que l'on peut lutter contre le cours des choses.
Comme un fleuve, la mise en œuvre doit « couler de source », c'est-à-dire prendre appui sur la géographie de l'entreprise : les tendances de fonds de la situation actuelle ; les savoir-faire de l'entreprise, sa position, son histoire, ses hommes ; ceux de la concurrence actuelle et potentielle…
C'est ce qui permettra de résister au mieux aux aléas du trajet et aux « cygnes noirs » qui peuvent survenir.