23 mars 2009

CIEL, DIEU ME PARLE !


Et si Dieu était né au moment de l'émergence des premières pensées…

Voici un florilège commenté de « A tort et à raison » de Henri Atlan
« On voit mal comment des interactions neuronales pourraient être considérées comme responsables d'un crime ou d'un bienfait, apprécié comme tel et jugé par d'autres interactions neuronales. À l'autre extrême, si un observateur extérieur observe le comportement d'un réseau d'automates probabilistes avec auto-organisation fonctionnelle sans en connaître la structure, il sera tenté de lui attribuer une intentionnalité… Et pourtant nous n'attribuons pas une intention à ce comportement finalisé... Entre ces comportements de cellules isolées et ceux du chien, nous mettons une barrière quelque part qui nous interdit de parler en termes d'intention pour les cellules et pas pour le chien… Les raisons qui nous font placer la barrière de l'intention et de la signification – sans lesquels la créativité et la responsabilité n'existent pas – ici ou là ne peuvent pas être des raisons objectives… L'intentionnalité au même titre que d'autres phénomènes psychiques serait traitée comme une propriété émergente. Celle-ci serait le propre d'un niveau d'organisation où un tel comportement intentionnel ne pourrait pas ne pas être décrit sans que ce niveau ne perde sa spécificité... Il s'agit là d'un postulat encore plus fort que celui d'une intelligibilité rationnelle de la nature, celui d'une rationalité intentionnelle dans la nature. »
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je ressens comme un vertige à la lecture de ces quelques lignes : si l'on réfléchit effectivement à l'emboîtement qui sous-tend tout être humain, où commence la responsabilité, et où finit la seule signification ? Revisiter ce qui fait la conscience de soi et l'identité individuelle…
« Une pensée inhabituelle mais intelligente et profonde sera souvent vue comme irrationnelle ; tandis qu'une pensée banale, dogmatique et appauvrissante voire fausse, mais rassurante par son caractère habituel et familier, sera parfois vue comme rationnelle. »
Prenez un journal au hasard ou un discours d'un expert à une quelconque émission, repensez à cette phrase, et… No comment !
« Comment réagissaient la plupart des individus à qui il arrivait de recevoir, impromptu, des décharges d'électricité statique avant que l'électricité ait été découverte ? Sans aucun doute, en invoquant l'action des démons… Prouver l'impossibilité d'un phénomène lui dénie à la fois une existence logique et une existence réelle. Mais prouver la possibilité d'un phénomène ne lui accorde pas pour autant et du même coup qu'il soit réel : c'est seulement prouver que la possibilité de son existence existe logiquement. »
Comment faire exister les démons ? Facile, leur attribuer le pouvoir d'être l'origine de tout ce que nous ne comprenons pas. Tiens, et la crise actuelle ? N'y-a-t-il pas derrière un grand méchant démon qui nous veut du mal ?
« La fonction du langage, tout comme celle du système nerveux, du système digestif, du système cardio-vasculaire, etc., dans les organismes humains, est de contribuer à l'auto-organisation d'un organisme doué de ses facultés de digestion, de traitement d'information, de circulation et de respiration,… et aussi de parler et écrire… Le langage acquis de l'enfant limite son pouvoir de création. Il est limité par le champ des possibles à l'intérieur du langage lui-même. En effet, tout n'y est plus possible, car n'importe quoi n'y a pas (ou n'y a plus), a priori, un sens. »
Et dire qu'il semble que bon nombre de jeunes français sortent du système scolaire sans maîtriser le français. Et si précisément c'était une des causes de la dégradation du fonctionnement de notre société, par perte de sa capacité auto-organisatrice…
« Avant, il y avait une absence de conscience de soi capable de dialoguer intérieurement avec soi-même... L'intériorisation de ces voix, donnant la possibilité d'une conscience de soi susceptible de discours intérieur et de dialogue avec soi-même ne serait survenue que progressivement à une date relativement récente qui signe la fin de l'époque mythologique... Dans cette société, les individus de plus en plus rares continuant à vivre de plain-pied dans la réalité hallucinatoire antérieure recevaient le statut particulier de devins et de prophètes. »
Selon cette hypothèse, Dieu serait né au moment où l'homme se serait mis à penser. Comme il ne comprenait pas d'où lui venaient ses idées, comme il n'avait pas réalisé que c'était son propre cerveau qui en était à l'origine, il est allé inventer un Être tout puissant, lui insufflant cette vie interne. Comme depuis nous avons compris que nous étions capables de penser par nous-mêmes, et quand on voit les dégâts multiples faits par les différents Dieux et leurs représentants, il serait peut-être temps de reprendre notre liberté, non ?


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