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6 juin 2018

LES CINQ CLÉS DU DOCTEUR HOUSE POUR RÉUSSIR SES DIAGNOSTICS

Confrontation, ouverture, test, sérendipité, ailleurs
Au détour d’une série, la télévision apporte parfois des réponses pertinentes et synthétiques. Ainsi le Docteur House et sa science dans les diagnostics.
Il applique une recette en cinq points :
1. Une confrontation constante au sein de l'équipe: Chacun est tenu de formuler à haute voix ses hypothèses, d'expliquer ce qui les sous-tend et d'accepter l'exercice de démolition venant du reste de l'équipe, et souvent de House lui-même.
2. Un recueil large des faitsqui va bien au-delà du classique questionnaire médical: Tous les éléments de contexte, y compris via une fouille de l'appartement du malade, sont collectés.
3. Des tests successifs: Toute hypothèse, même incertaine, à condition d’être envisageable, c’est-à-dire possible, est immédiatement testée, et donc vérifiée.
4. Du temps passé à « ne rien faire »: L'essentiel de l'activité de House n'est pas planifiée, ni affectée à une recherche opérationnelle. Il passe son temps à discuter, critiquer les personnes qui l'environnent, jouer avec une balle, regarder une émission de télévision.
5. Une solution qui vient d'ailleurs: La solution émerge toujours à partir d'une analogie externe. Confronté à une situation de la vie courante, House va y trouver la clé qui lui permet de relier les faits et comprendre ce qui lui échappait. De plus, pendant tout l'épisode, House va veiller à s'impliquer au minimum dans la relation au patient. Il est intensément au courant des faits, mais il reste ailleurs, à distance.
A quand des séminaires de formation à la méthode House ?
Simplement attention à ne pas prendre le Docteur House comme un modèle en matière de management : c'est son point faible et ses méthodes de management House n'en sont pas !

1 févr. 2018

COMMENT FAIRE LA DIFFÉRENCE ENTRE UNE BROSSE À DENTS ET UN ÉCUREUIL ?

Faire attention plus aux actes qu’aux discours
Depuis la culture grecque, le « logos » est premier et nous avons souvent tendance à voir les actes comme seconds, comme le moment de la mise en œuvre.
Nous sommes ainsi des experts des mots : 
- Lors du Grand oral du concours d’admission à l’ENA, on juge de la capacité du candidat à « improviser » brillamment sur un sujet qu’il ne connaît pas. Le discours en lui-même et pour lui-même.
- Ouvrez un journal, écoutez ce débat ou assistez à ce congrès : le plus souvent, l’art de la dialectique y règne davantage que la connaissance et l’analyse des faits.
Or, comme le sait la culture populaire, avec les mots, on peut faire dire ce que l’on veut. Mais dans l’action, c’est plus difficile.
Ainsi comment distinguer à coup sûr une brosse à dent d’un écureuil ?
Si je me contente de rester au niveau des mots, je vais progressivement gommer les différences : les deux ont une queue, des poils, et leurs longueurs ne sont pas si éloignées…
Au bout d’un moment, vous verrez les différences s’estomper, et vous aurez du mal à savoir qui est qui.
Si, plutôt que de parler, j’agis, tout sera plus simple : mettez les deux au pied d’un arbre et regardez ce qui se passe. Personnellement, je n’ai jamais vu une brosse à dents être capable de monter !
Ou si vous préférez, lavez-vous les dents avec un écureuil : je parie qu’il ne se laissera pas faire !
Aussi un conseil : accorder plus d’importance aux actes et méfier vous des discours. Car, le meilleur moyen de savoir qui est capable de quoi, n’est pas d’écouter ce qu’il dit, mais de regarder ce qu’il fait.
Et si vous voulez savoir ce qu’untel est capable de faire, créez donc une situation concrète test, et observez comment il agit.

7 févr. 2012

COMMENT POSER UN BON DIAGNOSTIC

Sortir de l’œil du cyclone (3)
Le projet connaît une crise majeure. Les inquiétudes de la Direction Générale sont prises en charge par des réunions et un agenda ad-hoc. Comment maintenant procéder au diagnostic et trouver les origines réelles du décalage ?
Il ne peut être question ici d’apporter une solution miracle, car il n’y en a pas. Toute situation est spécifique, et je ne crois pas à l’efficacité des recettes toutes faites.
Je vais « seulement » fournir trois clés qui sont utiles pour poser un bon diagnostic :
  •  Comprendre que chacun est « prisonnier » de son langage,
  • S’arrêter sur les situations où « Tout le monde est bien d’accord que… » et celles où « L’on ne comprend pas ce qui se passe, mais il est évident que ce n’est pas grave… »
  • Continuer tant que l’on n’est pas arrivé à formuler simplement le diagnostic
Revenons successivement sur ces trois points.
1. Comprendre que chacun est « prisonnier » de son langage
J’ai déjà eu l’occasion sur ce blog à de multiples occasions d’insister sur l’importance du langage, et des sources de malentendus qu’il provoque1. Pour résumer à l’extrême mon propos, je dirais que chacun pense d’abord au travers des mots qu’il emploie, avant de s’en servir pour communiquer. Ainsi l’action entreprise par chacun est dépendante de son propre langage.
Or, une action n’est que rarement juste ou fausse dans l’absolu, elle l’est par rapport à un contexte. Il faut donc faire exprimer à chacun les interprétations qui sous-tendent ses décisions, et sa compréhension de ce que l’on attend de lui.
Porter un diagnostic pertinent suppose donc de promouvoir une culture de la confrontation qui permet d’amener les équipes en place à matérialiser les vraies divergences et les vrais écarts.
2. S’arrêter sur les situations où « Tout le monde est bien d’accord que… » et celles où « On ne comprend pas ce qui se passe, mais il est évident que ce n’est pas grave… »
Compte-tenu de la complexité du projet, de la diversité des métiers et de la multiplicité des langages, il n’est pas normal d’être spontanément d’accord. L’accord doit être construit à partir d’une confrontation et d’un échange. Quand il est immédiat et à l’origine, c’est le plus souvent qu’il y a eu évitement et ignorance d’un point de vue. C’est une des sources potentielles majeures de dérive… car ce que l’on a évité, n’en est pas moins pas moins réel pour autant.
Idem pour les cas qui posent problème, mais ne semblent pas graves. Ce sont autant de signaux d’alerte sur lesquels il faut s’arrêter pour creuser, et chercher ce qui peut se cacher dessous.
3. Continuer tant que l’on n’est pas arrivé à formuler simplement le diagnostic
C’est peut-être le point qui vous paraîtra le plus surprenant, mais cela a toujours été un guide personnel : je sais, par expérience, que, si je ne suis pas capable d’expliquer quelque chose dans des termes simples, évidents et comme allant d’eux-mêmes, c’est que je ne suis allé assez en profondeur dans mon analyse.
Si l’explication du diagnostic est compliquée, si vous avez du mal à convaincre autour de vous de la justesse de votre analyse, un conseil : ne vous obstinez pas et retournez travailler un peu plus…
(à suivre)
(1) Voir mes articles ayant trait au langage

13 juil. 2011

CHERCHER À COMPRENDRE LES SYSTÈMES CONSCIENTS ET INCONSCIENTS D’UNE ENTREPRISE

Passer du diagnostic au « Neurodiagnostic »
Partir sans a priori, sans jugement initial. Repérer les courants, les logiques, les contradictions. Laisser la synthèse émerger presque d’elle-même. « Neurodiagnostiquer ».
Neurodiagnostiquer c’est chercher non pas à juger le résultat obtenu ou la qualité des décisions prises, mais bien à comprendre les systèmes, conscients et inconscients, qui sous-tendent l’action de l’entreprise et génèrent les décisions. C’est identifier aussi les décalages éventuels par rapport au réel et les interprétations majeures qui sous-tendent les actions.
D’une certaine façon, il s’agit de développer vis-à-vis de l’entreprise une approche de type « psychanalytique », c’est-à-dire amenant à exprimer les interprétations émises par l’organisation et les logiques sous-jacentes. Soyons clairs, il n’est bien sûr pas dans mon propos de dire qu’il faut considérer l’entreprise comme un organisme malade : je n’emploie l’expression « psychanalytique » que pour exprimer que, ici encore, il s’agit, sans a priori, de faire retrouver à l’entreprise pourquoi elle agit et de l’aider à tirer par elle-même ses propres leçons.
Tout au long de ce neurodiagnostic, une phrase clé est à garder en mémoire : « Si je ne comprends pas pourquoi un système ou quelqu’un fait quelque chose, la seule chose que je dois comprendre, c’est que je ne comprends pas… et que je dois continuer à chercher. »
La recherche de l’anomalie, du fait que l’on ne peut pas expliquer et des interprétations « aberrantes », voilà la clé d’entrée. Ainsi que l’écrivent Michel Crozier et Erhard Friedberg dans l’Acteur et le Système : « Au lieu de considérer les comportements imprévus comme des exceptions, n’est-il pas en fin de compte plus fructueux de les utiliser comme des points de départ pour comprendre les limites et la signification réelle des contraintes et des conditionnements ». Il s’agit ensuite de remonter progressivement et d’en trouver l’origine… 

11 juil. 2011

ON N’EST PAS VIEUX DANS L’ABSOLU

Qu’est-ce qu’une vieille église ?
Il y a quelques années, je marchais dans Chicago avec un consultant de notre bureau américain. C’était la fin de l’après-midi, et notre rendez-vous venait de se terminer. Nous étions en train d’échanger à ce sujet, quand il s’interrompit pour me dire :
« Regarde. C’est une de nos vieilles églises.
– Ce bâtiment-là, répondis-je ? Mais il est récent.
– Oui, c’est bien de lui dont je te parle, mais il est ancien : il date de la fin du dix-neuvième siècle.
– C’est bien ce que je disais : s’il date de la fin du dix-neuvième siècle, cette église est moderne.
– Mais non, pour nous, fin du dix-neuvième siècle, c’est ancien. »
Un peu plus tard, quand ce même consultant apprit que ma maison en Provence avait des parties datant d’environ 1700 – ce qui est classique en Europe –, il s’exclama :
« Quoi, ta maison est plus vieille que les États-Unis ! »
Décalage.
À nouveau, quand les référentiels sont distincts, les interprétations divergent…

21 juin 2011

LES CINQ CLÉS DU DOCTEUR HOUSE POUR RÉUSSIR SES DIAGNOSTICS

Confrontation, ouverture, test…
Au détour d’une série, la télévision apporte parfois des réponses pertinentes et synthétiques. Ainsi le célèbre Docteur House présente une méthode en cinq points pour réussir ses diagnostics.
En effet, comment procède-t-il pour résoudre les cas impossibles qui lui sont à chaque fois présentés ?
1. Une confrontation constante au sein de l'équipe : Chacun est tenu de formuler à haute voix ses hypothèses, d'expliquer ce qui les sous-tend et d'accepter l'exercice de démolition venant du reste de l'équipe, et souvent de House lui-même.
2. Un recueil large des faits qui va bien au-delà du classique questionnaire médical : Tous les éléments de contexte, y compris via une fouille de l'appartement du malade, sont collectés.
3. Des tests successifs : Toute hypothèse, même incertaine, à condition d’être envisageable, c’est-à-dire possible, est immédiatement testée, et donc vérifiée.
4. Du temps passé à « ne rien faire » : L'essentiel de l'activité de House n'est pas planifiée, ni affectée à une recherche opérationnelle. Il passe son temps à discuter, critiquer les personnes qui l'environnent, jouer avec un balle, regarder une émission de télévision.
5. Une solution qui vient d'ailleurs : La solution émerge toujours à partir d'une analogie externe. Confronté à une situation de la vie courante, House va y trouver la clé qui lui permet de relier les faits et comprendre ce qui lui échappait. De plus, pendant tout l'épisode, House va veiller à s'impliquer au minimum dans la relation au patient. Il est intensément au courant des faits, mais il reste ailleurs, à distance.
A quand des séminaires de formation à la méthode House ?
Attention par contre à ne pas prendre le Docteur House comme un modèle en matière de management : c'est  son point faible et ses méthodes de management House n'en sont pas !
Reste enfin bien sûr que l'on peut employer sa méthode de diagnostic, sans être obligé d'avoir un comportement aussi pénible que le sien !

17 mai 2011

ON NE PEUT PAS COMPRENDRE DANS LA PRÉCIPITATION

Faire le vide prend du temps…
J’ai terminé mon billet d’hier sur cette question : peut-on faire le vide dans l’urgence et dans la précipitation ?
La réponse est évidemment non. En effet si l’on ne dispose pas du temps suffisant : 
  • On ne pourra pas se consacrer d’abord à l’observation brute, on cherchera tout de suite des réponses à des questions,
  • On ne se décentrera pas, car cela demande un effort et du temps… apparemment perdu
  • On mobilisera tous les experts disponibles pour comprendre le plus vite possible
Bref, pour avoir une chance de faire le vide, il faut prendre son temps : comme l’a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(1), travailler sans recul « pour un canon, c’est un progrès. Pas pour un cerveau. »
Dans les Mers de l’incertitude, j’ai cité l’anecdote suivante :
« Dernièrement, un journaliste vedette a déclaré à la radio : « Entre mon rôle de rédacteur en chef de mon journal et d’éditorialiste, plus toutes les émissions auxquelles je participe, c’est bien simple, je n’ai plus cinq minutes de libre pour m’arrêter ». Il disait cela comme la preuve de sa performance et de son importance. Son interlocuteur en sembla d’ailleurs impressionné. En moi-même, je pensais : « Mais quand réfléchit-il ? Comment peut-il vraiment faire son métier d’éditorialiste et de journaliste en courant tout le temps de la sorte ? ». »
Un peu plus loin, j’y écrivais : 
« La question n’est pas d’aller vite dans l’absolu, mais d’adapter la vitesse à ce que l’on veut faire, d’ajuster rythme et durée. Une idée centrale est de comprendre l’interaction entre la durée d’observation et l’analyse que l’on peut mener : un corps observé sur une courte durée peut sembler solide, alors qu’il ne le sera plus au bout d’un certain d’observation. »
Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’urgences et que l’on doit toujours prendre son temps ? Non, bien sûr ! Parfois, un individu ou un groupe d’individus se trouvent face à une situation d’urgence, positive ou négative. Le temps est alors à l’action et non plus à la compréhension. On ne peut alors que mobiliser ce que l’on a appris et compris, on ne peut plus comprendre en profondeur…
Mais quand on n’est pas dans l’urgence, quand on a pris le temps de se poser pour faire le vide, une fois le vide fait, comment arriver à comprendre vraiment une situation ?
(à suivre)
(1) Le Nouvel art du temps

16 mai 2011

FAIRE LE VIDE POUR SE DONNER UNE CHANCE DE COMPRENDRE

Comment pourrait-on comprendre si l’on sait déjà ?
Première étape pour accéder à la compréhension, et donc peut-être aux faits présents dans une situation donnée, il faut faire le vide pour regarder sans a priori.
Pourquoi est-ce un préalable incontournable ? Parce que, sinon, nous allons projeter, volontairement ou involontairement, sur la situation nos référentiels et nous allons la lire au travers de notre expérience.
Notre erreur de diagnostic peut alors nous être fatale, comme pour cette dinde dont je parlais dans mon livre, les Mers de l’incertitude :
« Vraiment c’est le rêve, pensait-elle. Je suis nourrie et logée, et je n’ai rien à faire. Une nourriture riche, abondante et variée. Un logement irréprochable, à l’abri de la pluie. Aucune pression, pas de bruit, pas de contraintes. Aucune raison de s’inquiéter. C’est la belle vie. » Le fermier qui regardait la dinde, pensait lui : « Plus que deux jours avant Noël. Il ne faut pas que je la regarde de trop, je pourrais m’attacher et ne plus pouvoir la tuer. »
Certes, notre erreur de diagnostic sera rarement et heureusement aussi lourde de conséquence…
Comment faire le vide ?
Je crois qu’il y a trois dimensions essentielles(1) :
  1. Se centrer d’abord sur l’observation : Dès que l’on approche une situation au travers d’un langage – notamment via des questions –, on projette sur elle son mode de raisonnement personnel. Seule l’observation brute, c’est-à-dire sans questions posées et sans grille d’analyse préalable, peut permettre d’accéder à la logique propre de la situation observée.
  2. Accepter  de ne pas être le centre du monde : Si l’on observe depuis l’endroit où l’on se trouve, on n’a qu’une vue partielle et partiale de la situation. Pour enrichir une observation, il faut se décentrer et voir depuis ailleurs (2).
  3. Mobiliser son expertise a posteriori et non pas a priori : Plus l’expertise d’un individu ou d’un groupe d’individus est grande, et paradoxalement plus elle risque de biaiser son analyse, car on cherche alors systématiquement, le plus souvent sans s’en rendre compte, à la lire au travers des cas connus. L’expertise doit permettre de comprendre ce que l’on a observé, mais ne doit pas être un filtre préalable.
Faire le vide, c’est bien et nécessaire, mais peut-on le faire dans la précipitation et l’urgence ?
(à suivre)
(1) Ces trois points sont détaillés dans mon livre, les Mers de l’incertitude, ce essentiellement dans le chapitre « Faire le vide »
(2) Michel Serres écrit dans le  Tiers Instruit : « En traversant la rivière, en se livrant tout nu à l’appartenance du rivage d’en face, il vient d’apprendre une tierce chose. L’autre côté, de nouvelles mœurs, une langue étrangère certes. (…) Car il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre. Je ne saurai jamais plus qui je suis, d’où je viens, où je vais, par où passer. Je m’expose à autrui, aux étrangetés. »

12 mai 2011

FAUT-IL PESER LA PEINTURE POUR ANALYSER UN TABLEAU ?

Comment faire un diagnostic complexe ?
L’équipe scientifique était en place et avait un double défi à relever : analyser un tableau de Van Gogh et une symphonie de Mozart.
Quelques heures plus tard, ils avaient terminé leur travail et purent nous délivrer les faits capables de tout savoir sur ces œuvres.
Concernant le tableau de Van Gogh :
  • L’analyse aux rayons X avait permis de donner toutes les caractéristiques de la toile utilisée. L’équipe avait ensuite, sur la base de ces éléments, reconstitué un morceau virtuel qui avait été joint au dossier.
  • Une étude chromatique fine avait montré que le peintre avait utilisé vingt-deux tubes différents. La quantité prise dans chaque tube avait aussi été précisée. On attendait les résultats d’une étude complémentaire pour connaître la date exacte de fabrication de chaque tube. Pour l’instant, elle n’était estimée qu’à cinq ans près.
  •  L’ordre dans lequel avaient été déposées les différentes couleurs, avait été reconstitué.
  • Le mouvement précis du pinceau restait lui inconnu. Le professeur chargé de l’évaluation demanda pourquoi cette lacune. Il ne fut pas satisfait par la réponse donnée.
  • Le temps de séchage de la peinture, ainsi que le comportement du vernis dans le temps avaient été modélisés.


Concernant la symphonie de Mozart :
  • Pour chaque instrument, a été précisé combien de temps il est utilisé. Cet élément a été introduit dans la base de données des fabricants, pour préciser le risque d’avoir une rupture à l’occasion d’une symphonie, ainsi que la fréquence recommandée pour les révisions pour des instruments qui ne joueraient que cette symphonie.
  • La quantité de décibels a été calculée tant en moyenne qu’en pointe. Pour cela, ont été modélisées plusieurs salles de concert, ainsi que plusieurs positions dans la salle.
  • Les fréquences émises ont été analysées, en tenant compte du temps d’émission et de la puissance du son émis. Un calcul statistique et la mise en œuvre de techniques de recherche opérationnelle mathématique sophistiquées ont permis de trouver toutes les corrélations entre fréquences, ainsi que le calcul de toutes les moyennes et écarts-types.

A l’issue de la présentation de ces résultats, une personne qui avait assisté sans avoir été invité, émit un jugement très critique sur ces deux analyses, en prétextant que l’équipe avait oublié de parler de la peinture de Van Gogh et la musique de Mozart. Elle n’avait visiblement pas été sensible à la pertinence de ce travail scientifique qui, pourtant, avait effectivement réunis tous les faits composant cette peinture et cette musique.
Cette anecdote, évidemment totalement imaginaire, ne vous rappelle-t-elle pas pourtant certains approches faites dans des diagnostics ?
Et si pour comprendre un tableau ou une symphonie, il fallait surtout le regarder ou l’écouter attentivement en faisant le vide ? Mais comment que veut dire développer l’attention et faire le vide ?
C’est ce sur quoi je reviendrai à partir de lundi prochain…

13 avr. 2011

FAIRE UN DIAGNOSTIC, CE N’EST PAS PRENDRE UNE PHOTO

Comment évaluer la performance d'une entreprise… vraiment ?

« Mon diagnostic a commencé, il y a maintenant trois jours. Les interviews se succèdent, celui-là est le vingtième. Le déroulement initial est immuable : je commence par me présenter en deux minutes, et puis, première question : « Et vous ? »
Comme d'habitude, mon interlocuteur, à son tour, me dit qui il est, d'où il vient. Essentiel pour comprendre de savoir « d'où » il va me parler. En fait je me suis présenté surtout pour cela : pour qu'il trouve naturel de me dire même rapidement son parcours personnel. Réciprocité.

« Donc, vous êtes arrivé dans cette entreprise depuis maintenant plus de dix ans. En quelques mots, pourriez-vous m'en parler : y a-t-il eu des étapes importantes, des ruptures ? Ou alors cela a-t-il été un long fleuve tranquille ? »

Les questions s'enchainent. Je rebondis sur ses réponses, l'aide à approfondir, à remonter à la source de ses convictions. Mentalement, je ne suis plus assis face à lui, mais à côté pour voir la situation de son point de vue, pour comprendre sa vision de son rôle, de celui des autres.

« Et l'entreprise plus globalement, quels sont les défis auxquels elle a à faire face ? ».

Je fais attention à oublier ce que je sais déjà, à ne pas reproduire vers lui mes interprétations naissantes. Comme c'est la vingtième interview, forcément une image commence à se dégager. Mais je dois rester en éveil, le moins projectif possible, le moins inductif.

Vers la fin, j'injecte au travers de mes questions les lignes de force actuelles de mon diagnostic. Pour voir comment il va réagir : va-t-il confirmer, compléter, infirmer ?

Partir sans a priori, sans jugement initial. Repérer les courants, les logiques, les contradictions. Laisser la synthèse émerger presque d'elle-même. « Neurodiagnostiquer ».

De quoi s'agit-il ?

D'aller bien au-delà d'une simple analyse des actions, de la véracité des chiffres ou de l'exactitude d'une politique. Certes, de telles analyses peuvent apporter des données intéressantes mais elles ne prennent qu'une photographie instantanée de l'entreprise :
  • Si les éléments recueillis sont satisfaisants, comment savoir si cette performance sera maintenue dans la durée ? L'exactitude est-elle le fruit de la chance ou de la performance du système ? Symétriquement si les résultats recueillis ne sont pas satisfaisants, est-ce qu'il s'agit d'une erreur provisoire ou permanente ?
  • Quels sont les éléments qui expliquent ces résultats – positifs ou négatifs – ?
  • En quoi l'analyse du résultat va-t-elle permettre de comprendre comment il a été obtenu ?
  • Qu'en déduire pour le futur et les actions à entreprendre ?
« Neurodiagnostiquer » c'est chercher non pas à juger le résultat obtenu ou la qualité des décisions prises, mais bien à comprendre les systèmes, conscients et inconscients, qui sous-tendent l'action de l'entreprise et génèrent les décisions. C'est identifier aussi les décalages éventuels par rapport au réel et les interprétations majeures qui sous-tendent les actions.
D'une certaine façon, il s'agit de développer vis-à-vis de l'entreprise une approche de type « psychanalytique », c'est-à-dire amenant à exprimer les interprétations émises par l'organisation et les logiques sous-jacentes. Soyons clairs, il n'est bien sûr pas dans mon propos de dire qu'il faut considérer l'entreprise comme un organisme malade : je n'emploie l'expression « psychanalytique » que pour exprimer que, ici encore, il s'agit, sans a priori, de faire retrouver à l'entreprise pourquoi elle agit et de l'aider à tirer par elle-même ses propres leçons.
Tout au long de ce « neurodiagnostic », une phrase clé est à garder en mémoire : « Si je ne comprends pas pourquoi un système ou quelqu'un fait quelque chose, la seule chose que je dois comprendre, c'est que je ne comprends pas… et que je dois continuer à chercher. » »

________________________________
(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

(Première diffusion le 5 mars 2009)

4 janv. 2011

IL EST MOINS DANGEREUX D’INVENTER UN LION QUE D’EN MANQUER UN


BEST OF 2010 (publié le 7 septembre)

Nous avons été sélectionnés pour notre capacité à nous inventer des ennemis

Dans sa conférence diffuse par TED (voir ci-dessous), Michael Shermer parle de notre propension à construire des causalités artificielles.
Il commence en disant : « Croire est notre état naturel, notre option par défaut… L'incrédulité, le scepticisme, la science ne sont pas naturels. C'est plus difficile, plus inconfortable de ne pas croire. » D'où cela vient-il ? De nos origines animales.
Ainsi qu'il l'explique, quand on est dans la jungle, il vaut mieux se tromper en prenant le bruit du vent pour celui de la marche du lion que l'inverse : dans le premier cas, on a seulement fait une erreur de jugement et on n'en ressort qu'un peu plus stressé, mais toujours vivant ; dans le deuxième cas, on n'aura aucune chance de s'améliorer, car on sera devenu le déjeuner du lion. Il fait donc l'hypothèse que l'évolution a renforcé les individus qui attribuaient des causes à tout ce qu'ils percevaient.

D'où notre tendance à chercher constamment ce qui est caché derrière ce que l'on voit ou entend, ce qu'il appelle notre « pattern-seeking brain process ».
Au besoin, non seulement nous « inventons » des liens, des configurations, mais nous leur prêtons des intentions : d'abord le bruit que nous entendons, n'est pas le fruit du hasard, ensuite il devient provoqué par quelque chose qui poursuit un but, celui de nous attaquer. Nous passons ainsi de la création de liens artificiels à l'invention de buts et de finalités.
Et, plus notre survie sera en jeu, la situation incertaine, notre sensation de contrôle faible, plus nous inventerons des menaces qui rodent et rampent autour de nous.
A méditer…



28 sept. 2010

NE RIEN SAVOIR À L’AVANCE POUR POUVOIR DÉCOUVRIR

Seul dans les rues de Calcutta

Voyager seul, c'est se rendre plus disponible, plus ouvert à l'endroit où l'on passe. Qu'on le veuille ou non, dès que l'on est deux, on commence à être en soi. Les autres viennent moins vous parler. Peur de déranger. Être seul, c'est comme lancer un appel, inviter l'autre à venir vous parler. Quant aux voyages en groupe, c'est un peu comme ces séjours linguistiques que bon nombre d'entre nous avons fait enfants en Angleterre : nous passions plus de temps entre Français qu'avec des Anglais !
Non seulement, j'aime voyager seul, mais j'aime me laisser glisser, sans savoir où je vais, ni ce que je vais faire ou trouver. Je n'aime pas lire à l'avance ce qu'il faut faire, ce qu'il faut voir, ce qu'il ne faut pas manquer. Je ne veux pas vivre l'histoire des autres, je veux vivre la mienne. Si je passe des heures et des jours à préparer mon voyage, je vais être ensuite à la recherche de ce que j'ai lu, je ne serai plus disponible à l'imprévu, à ce qui advient, à ce qui est réel. Certains me disent : « Oui, mais vous risquez de manquer quelque chose d'essentiel. ». Que veut dire essentiel ? Pourquoi devrais-je me conformer à un système de valeurs préétabli ?

Seul, solitaire, sans informations, je suis comme une éponge, plein d'un vide que les rencontres vont combler. Marcher sans poser de questions, éviter toute projection, juste observer, regarder, repérer l'insolite, ce que l'on ne comprend pas pour s'y arrêter, un moment, avant de reprendre son mouvement. La chanson de Gérard Manset, « Il voyage en solitaire » résonne en moi : « Il voyage en solitaire. Et nul ne l'oblige à se taire. Il chante la terre. »
Ainsi, je me laisse perdre dans les méandres de la vie, dans les aléas des rues. Vais-je tourner à droite ou à gauche ? Pousser la porte de ce café pour un thé ou une bière ? M'asseoir par terre pour rêver et regarder ce qui se passe autour ? Je ne sais pas, du moins pas à l'avance. Je regarde ce qui se passe autour de moi, essaie de ressentir vers quoi peut me conduire mon choix, j'hume les possibles instantanés.
Depuis le temps que je pratique ces navigations au jugé, j'ai appris à lire les villes, les courants, les flux d'énergie. Savoir par exemple regarder les flux des passants, interpréter leurs façons de marcher ou leurs habillements, se sentir se refroidir ou se réchauffer comme dans son jeu où l'on guide quelqu'un vers un but en lui disant : « Là, c'est froid. Là, c'est chaud. ». Simplement ici personne ne me guide à part mon inconscient. Je ne marche pas consciemment, je laisse mes émotions et mes sensations m'emmener là où elles veulent.

7 sept. 2010

IL EST MOINS DANGEREUX D’INVENTER UN LION QUE D’EN MANQUER UN !

Nous avons été sélectionnés pour notre capacité à nous inventer des ennemis

Dans sa conférence diffuse par TED (voir ci-dessous), Michael Shermer parle de notre propension à construire des causalités artificielles.
Il commence en disant : « Croire est notre état naturel, notre option par défaut… L'incrédulité, le scepticisme, la science ne sont pas naturels. C'est plus difficile, plus inconfortable de ne pas croire. » D'où cela vient-il ? De nos origines animales.
Ainsi qu'il l'explique, quand on est dans la jungle, il vaut mieux se tromper en prenant le bruit du vent pour celui de la marche du lion que l'inverse : dans le premier cas, on a seulement fait une erreur de jugement et on n'en ressort qu'un peu plus stressé, mais toujours vivant ; dans le deuxième cas, on n'aura aucune chance de s'améliorer, car on sera devenu le déjeuner du lion. Il fait donc l'hypothèse que l'évolution a renforcé les individus qui attribuaient des causes à tout ce qu'ils percevaient.

D'où notre tendance à chercher constamment ce qui est caché derrière ce que l'on voit ou entend, ce qu'il appelle notre « pattern-seeking brain process ».

Au besoin, non seulement nous « inventons » des liens, des configurations, mais nous leur prêtons des intentions : d'abord le bruit que nous entendons, n'est pas le fruit du hasard, ensuite il devient provoqué par quelque chose qui poursuit un but, celui de nous attaquer. Nous passons ainsi de la création de liens artificiels à l'invention de buts et de finalités.
Et, plus notre survie sera en jeu, la situation incertaine, notre sensation de contrôle faible, plus nous inventerons des menaces qui rodent et rampent autour de nous.
A méditer…


6 mai 2010

« SI TU M’APPRIVOISES, NOUS AURONS BESOIN L’UN DE L’AUTRE »

Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants…

Le hasard de mes lectures m'a fait me replonger dernièrement dans le Petit Prince d'Antoine de Saint Exupéry. En voici un patchwork personnel :

« Si vous leur dites, « la preuve que le petit prince a existé c'est qu'il était ravissant, qu'il riait, et qu'il voulait un mouton. Quand on veut un mouton, c'est la preuve qu'on existe. », (les grandes personnes) hausseront les épaules et vous traiteront d'enfant ! Mais si vous leur dites : « La planète d'où il venait est l'astéroïde B612 », alors elles seront convaincues, et elles vous laisseront tranquille avec leurs questions. »
« Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L'autorité repose d'abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d'aller se jeter dans la mer, il fera la révolution. J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables. »
« Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque personne avant moi n'a songé à les posséder. »
« Que les volcans soient éteints ou soient éveillés, ça revient au même pour nous autres, dit le géographe. Ce qui compte pour nous, c'est la montagne. Elle ne change pas. »
« Tu n'es encore qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. »
« On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! »

1 févr. 2010

POURQUOI LE DOCTEUR HOUSE RÉUSSIT-IL SES DIAGNOSTICS ?

Les cinq clés de la réussite

La série TV « Docteur House » met en scène, à chaque épisode, un diagnostic médical quasiment impossible : chaque fois, un patient présente un ensemble de symptômes apparemment contradictoires, et tous les tests viennent successivement éliminer les hypothèses faites. In fine, comme un magicien, le docteur House va trouver la solution, celle qui réunit tous les faits et va résoudre le cas.

Comme émerge cette solution ? Si j'analyse le déroulé du diagnostic, je trouve toujours : 
- Une confrontation constante au sein de l'équipe : Chacun est tenu de formuler à haute voix ses hypothèses, d'expliquer ce qui les sous-tend et d'accepter l'exercice de démolition venant du reste de l'équipe, et souvent de House lui-même.
- Un recueil large des faits qui va bien au-delà du classique questionnaire médical : Tous les éléments de contexte, y compris via une fouille de l'appartement du malade, sont collectés.
- Des tests successifs : Toute hypothèse est immédiatement testée, même si elle n'est pas certaine. Il suffit qu'elle soit envisageable, c'est-à-dire possible pour être vérifiée.
- Du temps passé à « ne rien faire » : L'essentiel de l'activité de House n'est pas planifiée, ni affectée à une recherche opérationnelle. Il passe son temps à discuter, critiquer les personnes qui l'environnent, jouer avec un balle, regarder une émission de télévision.
- Une solution qui vient d'ailleurs : La solution émerge toujours à partir d'une analogie externe. Confronté à une situation de la vie courante, House va y trouver la clé qui lui permet de relier les faits et comprendre ce qui lui échappait. De plus, pendant tout l'épisode, House va veiller à s'impliquer au minimum dans la relation au patient. Il est intensément au courant des faits, mais il reste ailleurs, à distance.

Voilà cinq points à garder en mémoire pour tout diagnostic complexe… On n'est toutefois pas obligé d'avoir un comportement aussi pénible que celui de House !


22 janv. 2010

SANS COMPRÉHENSION NI VISION COLLECTIVES, NOUS RÊVONS D’UN PASSÉ, D’UN PRÉSENT ET D’UN FUTUR, TOUS TROIS IMAGINAIRES

______ Éditorial du vendredi ____________________________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Toute interprétation est contingente. Si nous n'y prenons pas garde, nous cherchons dans ce que nous observons ce que nous croyons savoir. Aussi les mêmes faits ne seront-ils pas compris de la même façon, et seule une « approche d'historien » peut-elle s'approcher du réel.
- Mardi : En prenant appui sur le système Facom qui reposait sur un catalogue et des camions apparemment inutiles, on peut prendre conscience que des approches simplistes de productivité peuvent conduire à la mort : l'anorexie n'est pas une preuve de bonne santé.
- Mercredi : Nous naissons en continu et non pas seulement le jour de l'accouchement ou de la fécondation. Entreprises comme individus se composent sans cesse au hasard des rencontres, des décisions et des apprentissages. Notre identité est ce sentiment de continuité qui nous fait relier nos états passés à notre présent et notre futur possible.
- Jeudi : La vision et la compréhension des risques futurs ne doivent pas nous amener à rester dans notre landau. Fort de leurs expériences et de leurs expertises, entreprises comme individus, doivent sentir où sont les mers et se lancer dans le mouvement des flots qui les y conduisent.

Bon nombre des réflexions et travaux portant sur l'évolution de la société française pêchent par une mauvaise prise en compte de ces différents éléments :
- L'évaluation de l'efficacité des structures publiques : Bien peu d'analyses sont menées en prenant le soin d'une approche de type « historien » qui va s'en tenir au maximum aux faits et qui va confronter les points de vue. Souvent les analyses expriment les a priori de ceux qui les mènent, sans parler des manipulations… Attention aux approches simplistes de productivité : comme pour les individus et les entreprises, un État anorexique n'est pas un État en bonne santé. Nous sommes ainsi en déficit d'une compréhension commune et partagée de notre présent.
- La réflexion et le débat sur l'identité française : Ils tombent à tout moment dans le risque de vouloir figer cette identité, au lieu de la penser en dynamique. En quoi la notion même de France est-elle porteuse de sens pour demain ? Comment relier cette idée d'un futur, cette mer que collectivement nous visons, à notre passé ? Comment notre identité collective peut-elle nous aider à vivre cette transformation ? 
- Le principe de précaution : Nous sommes tellement en déficit d'adhésion à un projet collectif, nous ne savons tellement plus quelle mer viser, nous avons tellement peur du futur, que nous refusons collectivement de bouger tant que nous ne sommes pas certains de ne courir aucun risque. Faisons attention, car si cela continue, nous n'apprendrons plus les nouvelles « marches » nécessaires à notre évolution et nous nous anesthésierons dans le rêve d'un landau fictif et perdu.

19 janv. 2010

POURQUOI DÉPENSER AUTANT D’ARGENT DANS UN CATALOGUE ET DES CAMIONS QUI NE VENDENT RIEN

Un avantage marketing ne doit pas financer des usines obsolètes

Facom a été pendant de longues années l'entreprise leader de l'outillage à main. Sa force reposait sur la qualité de ses outils, et leur adéquation aux besoins des ouvriers, notamment de maintenance. Cette performance était soutenue essentiellement par deux leviers marketing : le catalogue et les camions de démonstration.

Le catalogue était « la bible de l'outillage » pour les ouvriers et techniciens : il comprenait non seulement toutes les offres Facom, mais surtout des explications générales pour chaque famille d'outils, avec photos à l'appui. Doté d'une couverture de qualité et extrêmement résistante, réalisé avec soin par des spécialistes, il était donné gratuitement dans toutes les usines. Quand on circulait dans les ateliers, il n'était pas rare de voir un ouvrier en train de le feuilleter.

Remplis d'outils présentés comme sur un linéaire de magasin, les camions sillonnaient la France, allant d'usine en usine. Leur visite était attendue par les ouvriers et techniciens de maintenance, car elle leur permettait de toucher directement les outils et d'avoir une discussion avec un spécialiste de la marque. Les camions étaient de fait des catalogues vivants et itinérants.

Or ni le catalogue, ni les camions n'étaient des moyens de vente directe : on ne pouvait pas commander à partir du catalogue, on ne pouvait pas acheter dans les camions. Toutes les commandes passaient par des distributeurs indépendants et spécialisés : le catalogue comme les camions renvoyaient vers eux. Catalogue et camions étaient là pour soutenir le premium de la marque, donner envie aux ouvriers d'acheter et faciliter les ventes pour les distributeurs.

Grâce à cela, Facom pouvait défendre des prix nettement plus élevés que ses concurrents directs (au moins 50% d'écart de prix). Cet écart de prix n'avait pu être créé, puis défendu que, d'une part à cause de la qualité des outils, d'autre part de ce double apport marketing. C'est cet écart de prix qui permettait à Facom de financer catalogue et camions, tout en conservant in fine une meilleure rentabilité.

Mais comme, dès les années 80, Facom a laissé déraper ses coûts industriels et a consacré une part croissante de l'écart de prix au comblement de ce handicap de prix de revient, elle a insuffisamment développé le catalogue et les camions. Quand, dans les années 90, la situation a commencé à se dégrader, il a été tentant de commencer à diminuer les dépenses qui ne créaient pas directement du chiffre d'affaires : à quoi bon, dépenser autant d'argent pour un catalogue et des camions qui ne vendent pas ? Le cercle fatal était enclenché. Aujourd'hui Facom a perdu son indépendance et a été rachetée en 2005 par Stanley.

« Moralité » : attention aux approches simplistes de productivité. Certaines, comme les mauvais régimes alimentaires, peuvent conduire à la mort.

10 juin 2009

SI AGITATION RIMAIT AVEC EFFICACITÉ, TOUTES LES ENTREPRISES SERAIENT PERFORMANTES

Apprendre à développer l'attention

Cette entreprise est une vraie ruche : partout, on sent une activité trépidante. Pas un bureau vide, pas une tête songeuse, personne ne traine devant la machine à café. Dès que l'on marche dans un couloir, on est bousculé par des gens qui courent en tous sens, les bras chargés de dossiers. Dès 8 heures le matin, l'effervescence commence et elle va durer jusqu'à 20 heures.

Et pourtant, elle n'est pas si performante que cela : Elle est moins réactive que ses concurrents, a une compréhension superficielle de sa performance, a des ratios financiers très moyens… Encore une entreprise qui confond activité avec performance, agitation avec progression…

Classique « maladie » que j'ai souvent rencontrée dans mes pérégrinations de consultant, mais qui a tendance à s'aggraver dans cette période de crise et de stress. La peur de mal faire et d'être distancé déclenchent des réflexes issus de nos « cerveaux reptiliens » : la crainte pour la survie n'est pas toujours bonne conseillère.

L'analogie avec le cerveau humain peut là encore être éclairante. Comme cette ruche, notre cerveau saute d'une pensée à l'autre, et s'épuise souvent dans une ébullition inefficace. Comme l'écrit Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation :

« Au début, vous serez sans doute étonné par la quantité et la diversité des pensées qui traversent votre conscience avec autant de force que l'eau qui tombe d'une falaise à pic. Cette sensation n'est pas un signe d'échec. Au contraire, elle montre que vous avez commencé à reconnaître le nombre de pensées qui traversent normalement votre esprit sans même que vous vous en aperceviez… L'esprit est, par bien des aspects, comparable à l'océan. Sa « couleur » change de jour en jour, d'instant en instant, à mesure qu'il reflète les pensées, les émotions et tout ce qui passe dans son ciel, pour ainsi dire. Mais, à l'instar de l'océan, l'esprit en lui-même ne change jamais. Quelles que soient les pensées qui s'y reflètent, il est toujours pur et clairSi vous vous contentez d'observer ce qui se passe en vous, sans essayer d'arrêter quoi que ce soit, vous finirez par éprouver une sensation extraordinaire de détente et d'espace dans votre esprit : c'est votre esprit naturel, l'arrière-plan naturellement non troublé sur lequel vos pensées vont et viennent.»

Ainsi pour une entreprise, je crois que, de même, il faut d'abord faire prendre conscience de cette effervescence, mais sans jugement, sans a priori : apprendre ou réapprendre à se regarder individuellement et collectivement agir. Puis ensuite comme pour la méditation, chercher quel est l'arrière-plan stable sur lequel va et vient cette agitation permanente. A partir de là, on va pouvoir « se calmer » et trier un peu dans ce que l'on fait.

Et si jamais on a du mal à trouver un arrière-plan stable, alors on est face à un problème plus grave…

20 mai 2009

COMMENT FAIRE BOUILLIR DE L’EAU ?

Ne pas lire une situation avec les a priori issus de sa propre expérience

« Je vous donne une casserole, de l'eau froide et une plaque électrique en fonctionnement, me dit-il. Comment procédez-vous pour faire bouillir de l'eau ?

- Facile, lui répondis-je. Je mets l'eau dans l'eau dans la casserole et je pose le tout sur la plaque électrique. Peu de temps après, l'eau bouillera.

- Bien. Maintenant, au lieu de vous donner de l'eau froide, je vous donne de l'eau à 50°C. Vous avez toujours une casserole et une plaque. Comment procédez-vous cette fois pour faire bouillir l'eau ?

- Facile aussi. Je jette l'eau chaude pour me ramener au cas précédent ! »

Voilà le bon réflexe du polytechnicien : toujours se ramener à une situation connue …

Évidemment cette histoire est inventée et caricaturale. Si l'on me proposait de l'eau à 50°C, je me rendrai compte qu'il est encore plus facile de la porter à ébullition que de l'eau froide.

Mais posez-vous la question suivante : dans vos activités quotidiennes – professionnelles comme privées –, analysez-vous une nouvelle situation telle qu'elle est, ou cherchez-vous à retrouver en elle ce que vous avez déjà rencontré et vécu ?

Attention à ne pas vous laisser berner par une trop grande expertise : à force de savoir très bien « faire bouillir de l'eau froide », on peut ne pas comprendre les possibilités ouvertes par une « eau chaude ».

Apprenons à faire le vide et à ne mobiliser notre expertise qu'a posteriori.

(Sur ce thème voir aussi :

- « Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide »

- « Comment lire derrière les apparences ? »

- « Quand on se pose une question qui n'existe pas »

- « Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise »)