Promenade en terres indiennes (4)
« L’air qui passait par les barreaux des fenêtres
était chargé d’humidité, comme si la nature elle aussi transpirait. Tout était eau.
Les molécules d’oxygène avaient du mal à passer au travers et accédaient
difficilement à ses poumons. Le couloir était rempli de corps suants, assis sur
un patchwork de paquets de toutes sortes. (…)
En plus de sa sensation d’étouffement, elle
détestait se voir enfermée comme derrière des grilles de prison. Le monde
extérieur qui défilait sous ses yeux, lui était inaccessible, séparé par des
tubes de métal qui remplaçaient le vitrage. Si seulement cela avait permis le
passage d’un peu de fraîcheur…
« Je ne supporte plus d’être recluse comme cela,
dit-elle à Jean en se tournant vers lui.
- Calme-toi. C’est toi qui as voulu voyager dans
ces conditions. Alors détends-toi, et à défaut d’apprécier, ce que je comprends
tu n’arrives pas, dis-toi qu’il y a pire. Imagine-toi par exemple être vraiment
en prison. Ces barreaux ne seraient pas là pour quelques heures, mais pour des
années !
- Tu en as de bonnes ! Maintenant, pour m’aider à
supporter ce qui se passe en ce moment, tu veux m’enfermer à vie !
- Tu sais très bien que ce n’est pas ce que j’ai
dit. Pour ta gouverne, ces barreaux ont une utilité. Ils sont là pour empêcher
que des passagers clandestins ne pénètrent lors des arrêts en gare, ou que des
voleurs à la tire ne s’en prennent aux passagers.
- Tu tiens cela d’où ?
- D’un Indien avec qui je viens de discuter dans
le couloir. Nous ne sommes pas enfermés, nous sommes protégés. Un peu comme ces
maisons dont toutes les ouvertures sont garnies de grilles pour les garantir
contre les cambrioleurs.
- Peut-être, mais je ne le vis pas comme cela.
Pour moi, c’est nous les détenus, je ne me sens pas du tout à l’abri. A tout
moment, je m’attends à voir arriver un garde-chiourme. » »