De la société de semblables à la
nouvelle similarité (Démocratie 3)
Parallèlement au passage d’un
capitalisme organisation à un capitalisme cognitif ou de singularité (voir mon
article d’hier), Pierre Rosanvallon analyse la transformation dans la société,
et la nouvelle perception de la similarité : vouloir être quelqu’un.
Pendant
longtemps, être égal, c’était être reconnu pour la généralité qu’il y a en soi,
généralité qui s’apparente à une forme d’indistinction.
Mais
aujourd’hui on ne peut pas accepter d’être considéré comme quelconque : on
veut être regardé aussi avec sa singularité, avec ses traits propres.
La
similarité révolutionnaire, telle qu’instituée en 1789, était la reconnaissance
de l’humanité présente en chacun de nous, l’appartenance à une commune
humanité. Elle avait eu à faire face aux trois déviations de la similarité :
- Conformisme
: ce qui est similaire devient la masse commune, la médiocrité populaire, le
troupeau humain (versus l’homme romantique, l’artiste),
- Indifférenciation
: il n’y a plus d’individu, et on n’existe plus qu’en tant que membre d’un
groupe. On parle alors des noirs ou des blancs.
- Uniformisation
: chacun n’existe plus que comme statut de sujet de droit, comme une abstraction
juridique.
Cet
excès de similarité, s’il n’y a plus de distinction, arrive à nier l’humain.
En
réponse à cette fusion dans le groupe, est apparu la mode, qui est à la fois
assimilation et distinction : dans un processus choisi, on fait société
avec ce que l’on a de singulier. Il y a eu aussi le développement d’une
nouvelle recherche identitaire comme réponse à un déni d’intégration : les
communautés de résistance (les noirs, les femmes, les gays), l’égalité
dissociative fondée sur la discrimination (qui est perçue comme l’application
d’une règle générale incorrecte : comme le mariage interdisant les gays).
Ainsi,
la similarité s’est-elle doublement approfondie :
- en
multipliant les singularités à respecter,
- en
soumettant les règles à une discussion permanente
Mais
dès lors face aux changements économiques qui prônent l’individualisation comme
moteur du collectif, et à la nouvelle perception de la similarité qui pousse
chacun à vouloir être « quelqu’un », comment peut-on encore penser
l’égalité ?
(à suivre)
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