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30 sept. 2013

INCERTITUDE, LÂCHER-PRISE, ACCEPTATION DU DÉPASSEMENT... ET STABILITÉ

De retour...

Depuis début juillet, pour me permettre de finaliser mon nouveau livre, "Les Radeaux de feu", et aussi de prendre le temps de découvrir de nouveaux horizons - Singapour et Philippines -, mon blog a pris de longues vacances, et un best of a été diffusé pendant tout l'été.

Retour au live à partir d'aujourd'hui, avec un titre qui reprend maintenant les titres de mes deux derniers livres... mais les thèmes que je vais y aborder ne vont pas changer.
Toujours autour de l'incertitude, de l'acceptation du dépassement. Apprendre à accepter que la solution n'est pas toujours dans davantage de compréhension et de contrôle. Comprendre que la réponse à l'instabilité ambiante n'est pas dans une réactivité vibrionnaire et une agilité croissante qui permettrait de saisir tout ce qui se présente, mais dans la recherche de points fixes, ces mers qui pourront attirer durablement le flux de nos vies et de nos entreprises...
Apparents paradoxes qui constituent l'ossature de mon nouveau livre, et sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir en détail dans les semaines à venir.

Comme la parution effective des "Radeaux de feu" n'aura lieu que dans une quinzaine de jours, je ne commencerai sa présentation en détail que dans deux semaines.
D'ici là, je partagerai avec vous un patchwork issu de ma pérégrination estivale, de quelques lectures récentes, et de nouvelles saisies au hasard de mes télescopages personnels.
Et merci pour tous vos messages encourageants et votre fidélité !

PS : J'ai choisi ce dessin de Snoopy pour illustrer ce premier billet de retour, car j'aime sa capacité à mener son chemin quoi qu'il lui arrive. Il illustre à sa façon, ce que Dominique A dit dans sa merveilleuse chanson, "Le courage des oiseaux" : « Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé »... (voir mon billet-poème : "Être là, juste là")

16 mai 2011

FAIRE LE VIDE POUR SE DONNER UNE CHANCE DE COMPRENDRE

Comment pourrait-on comprendre si l’on sait déjà ?
Première étape pour accéder à la compréhension, et donc peut-être aux faits présents dans une situation donnée, il faut faire le vide pour regarder sans a priori.
Pourquoi est-ce un préalable incontournable ? Parce que, sinon, nous allons projeter, volontairement ou involontairement, sur la situation nos référentiels et nous allons la lire au travers de notre expérience.
Notre erreur de diagnostic peut alors nous être fatale, comme pour cette dinde dont je parlais dans mon livre, les Mers de l’incertitude :
« Vraiment c’est le rêve, pensait-elle. Je suis nourrie et logée, et je n’ai rien à faire. Une nourriture riche, abondante et variée. Un logement irréprochable, à l’abri de la pluie. Aucune pression, pas de bruit, pas de contraintes. Aucune raison de s’inquiéter. C’est la belle vie. » Le fermier qui regardait la dinde, pensait lui : « Plus que deux jours avant Noël. Il ne faut pas que je la regarde de trop, je pourrais m’attacher et ne plus pouvoir la tuer. »
Certes, notre erreur de diagnostic sera rarement et heureusement aussi lourde de conséquence…
Comment faire le vide ?
Je crois qu’il y a trois dimensions essentielles(1) :
  1. Se centrer d’abord sur l’observation : Dès que l’on approche une situation au travers d’un langage – notamment via des questions –, on projette sur elle son mode de raisonnement personnel. Seule l’observation brute, c’est-à-dire sans questions posées et sans grille d’analyse préalable, peut permettre d’accéder à la logique propre de la situation observée.
  2. Accepter  de ne pas être le centre du monde : Si l’on observe depuis l’endroit où l’on se trouve, on n’a qu’une vue partielle et partiale de la situation. Pour enrichir une observation, il faut se décentrer et voir depuis ailleurs (2).
  3. Mobiliser son expertise a posteriori et non pas a priori : Plus l’expertise d’un individu ou d’un groupe d’individus est grande, et paradoxalement plus elle risque de biaiser son analyse, car on cherche alors systématiquement, le plus souvent sans s’en rendre compte, à la lire au travers des cas connus. L’expertise doit permettre de comprendre ce que l’on a observé, mais ne doit pas être un filtre préalable.
Faire le vide, c’est bien et nécessaire, mais peut-on le faire dans la précipitation et l’urgence ?
(à suivre)
(1) Ces trois points sont détaillés dans mon livre, les Mers de l’incertitude, ce essentiellement dans le chapitre « Faire le vide »
(2) Michel Serres écrit dans le  Tiers Instruit : « En traversant la rivière, en se livrant tout nu à l’appartenance du rivage d’en face, il vient d’apprendre une tierce chose. L’autre côté, de nouvelles mœurs, une langue étrangère certes. (…) Car il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre. Je ne saurai jamais plus qui je suis, d’où je viens, où je vais, par où passer. Je m’expose à autrui, aux étrangetés. »

26 avr. 2011

JE ZAPPE, DONC JE SUIS

Les nouveautés en sont-elles vraiment ?
Pas facile de marcher dans nos villes sans être happé par l’attrait d’une nouveauté : l’iPad2 si l’on est fan de technologie, le nouveau roman de Jonathan Coe si l’on est un fan de littérature anglaise contemporaine, ou la DS5 promise par Citroën si l’on ne rêve qu’automobile.
Quelle que soit sa passion, on va trouver matière à être séduit, attiré, voire conquis.
Et pourtant, quelques jours ou semaines plus tard, si l’on prend le temps de se poser et de réfléchir, la plus-value réelle apportée par notre nouveau jouet va nous paraître problématique et incertaine. Je me souviens personnellement de ces versions successives de logiciel Microsoft, qui, de mise à jour en mise à jour, ne venaient que diminuer le pourcentage des fonctions que j’utilisais…
Pas facile de se poser, de rester fidèle à nos choix et à ce que nous possédons. Tout nous emmène dans une perte de repères, dans une course incessante et pas vraiment justifiée.
Comme par un effet de contagion, ceci rejaillit souvent sur notre vie privée : pourquoi revoir les mêmes amis, puisque l’on sait à l’avance ce qu’ils vont dire ? Pourquoi accepter de se laisser enfermé dans des promesses données, dans des engagements passés ? Être fidèle n’est-ce pas être dépassé ?
Il est plus facile de saisir sans réfléchir la nouveauté qui passe, la silhouette entraperçue, que d’approfondir la relation dans laquelle on se trouve. Le zapping est une mode qui souvent vient nous empêcher d’approfondir ce que l’on a entrepris.
Cette manie néfaste a aussi envahi le monde des entreprises et du management…
(à suivre)

19 avr. 2011

COMMENT COMPRENDRE ET AGIR ENSEMBLE SANS CONFIANCE ?

J’ai peur de moi, de toi, de nous…
Quand on est face à une situation nouvelle, pour avoir une chance de comprendre ce qui se passe, c’est-à-dire l’appréhender, il ne faut pas l’avoir appréhendée, c’est-à-dire ne pas l’avoir envisagée avec crainte (voir mon article d’hier). Confiance en soi préalable indispensable. Comment en effet, sans confiance en soi, faire le vide, lâcher prise, et laisser venir ?
Plus l’incertitude se développe, plus ce besoin de confiance en soi est nécessaire. Or question incertitude, on est servi, non ? Il suffit malheureusement d’ouvrir un quelconque journal pour en avoir sa dose quotidienne. Je dois dire qu’en écrivant au cours de l’année 2009 mon livre, Les Mers de l’Incertitude, je n’imaginais pas que ce thème de l’incertitude serait à ce point d’actualité…
Donc mieux vaut avoir faire le plein de confiance en soi, et ce n’est pas facile.
Est-ce suffisant ? Non, car, sans confiance dans les autres, sans confiance dans les systèmes et les organisations, mon appréhension va partir du mauvais côté, c’est-à-dire de celui de la crainte et de la peur à l’avance. A nouveau, je vais être tétanisé de crainte : « Il ne sera jamais à la hauteur », « Tous des incapables ! », « On me ment », « S’ils étaient compétents, ce ne serait jamais arrivé. », …
Pas facile de lâcher prise, si on a toutes ces questions en tête ! Comment arriver à comprendre ce qui se passe si l’on est a priori persuadé de l’incompétence des autres ou des systèmes ? Et puis, à quoi bon réfléchir puisque l’on sait avant.
Passons maintenant aux entreprises. Si chacun appréhende ce qui va arriver - soit par déficit de confiance en lui, soit par déficit de confiance en les autres, son service, son usine ou son entreprise -, ce n’est pas gagné ! Peu de chance que l’entreprise parte du bon côté de l’appréhension.
Et comment construire alors une confrontation positive sans confiance ? Or comme je l’ai déjà écrit, la confrontation est un élément essentiel face à l'incertitude(1) :
-          Le monde est trop complexe et mouvant pour qu'un individu puisse à lui seul avoir une interprétation exacte d'une situation donnée.
-          L'ajustement créé par la multiplicité des confrontations permet de maintenir une cohésion au sein de l'entreprise sans la rigidifier.
Sans confiance, la confrontation tournera au conflit et au pugilat.
La confiance nécessaire doit donc être triple : confiance en soi et en ses capacités, confiance dans les autres et en leur professionnalisme, confiance dans l’organisation et dans la qualité de la mer visée.

18 avr. 2011

ON NE PEUT PAS COMPRENDRE SI L’ON S’EST INQUIÉTÉ À L’AVANCE

Ne pas appréhender pour pouvoir appréhender…

Étonnant mot que le verbe « appréhender ». Voilà un verbe qui peut signifier (source Petit Robert) :
  • Saisir au corps. Le coupable est appréhendé par la police
  • Saisir par l’esprit. Appréhender une notion, un phénomène
  • Envisager avec crainte, s’en inquiéter par avance. Il appréhende cet examen
Quel mélange, non ?
Reprenons les trois sens en commençant par la fin.
Donc d’abord on peut appréhender un événement, c’est-à-dire dans ce cas, l’envisager avec crainte. C’est donc que l’on s’en ait fait une idée a priori, que l’on a imaginé ce qui allait se passer, et plutôt le pire.
Imaginons-nous maintenant face à l’événement. Que va-t-il se passer ? Plus nous aurons appréhendé la situation, plus nous aurons du mal à vivre la situation telle qu’elle sera. Nous allons la vivre au travers de ce que nous avons imaginé. C’est tout le problème des prévisions : elles ne correspondent jamais vraiment à la réalité, au mieux, elles s’en approchent.
Si l’on veut vraiment comprendre une situation en profondeur, il faut la vivre telle qu’elle est, c’est-à-dire lâcher prise, arriver avec un regard neuf, faire le vide. (1)
Et alors on pourra donc appréhender la situation selon le 2ème sens du verbe ! 
Voilà donc bien un mot paradoxal : si j’appréhende un événement, je ne l’appréhenderai pas, et si je l’appréhende, c’est que je ne l’ai pas appréhendé. Amusant, non ?
Reste le 3ème sens, le premier dans l’ordre donné par le Petit Robert. 
Veut-il incarner une forme de condamnation de la situation dans lequel le verbe lui-même nous a mis ? Faut-il être appréhendé parce que nous n’avons pas pris la bonne décision, soit parce que nous avions trop appréhendé la situation à l’avance ou pas du tout sur le moment ?
Allez savoir…

28 mars 2011

ON NE DIRIGE PAS EFFICACEMENT EN SE TRANSFORMANT EN UNE MACHINE

Il n’y a pas d’un côté le professionnel du management, et de l’autre l’homme privé
Comme je l’ai évoqué dans mes derniers articles, ainsi bien sûr que dans mes livres, le vrai management a peu à voir avec les mathématiques, les tableurs excel et les raisonnements mécaniques :
  • Contrairement aux apparences, la réalité des processus de décision est beaucoup plus complexe et fait intervenir des inconscients multiples : ceux des acteurs en place, les acteurs cachés, les processus implicites, les habitudes… (1).
  • La pérennité d’une entreprise repose largement sur sa culture qui constitue une forme d’ADN (2)
  • .Le futur est imprévisible et non modélisable. L’élaboration d’une stratégie doit partir d’abord du futur et de la localisation des « mers » vers lesquelles l’entreprise peut aller (3). 
  • Les mathématiques doivent être utilisées avec précaution et parcimonie dès qu’il s’agit de prévision et de management (4).
Et pourtant rien – ou bien peu – ne change dans les écoles d’ingénieurs et de commerce. On continue à faire croire que le management est une affaire de mise en équation et de recherche de certitudes.
Il est à ce titre significatif que les « Mecque » du management s’appellent des MBA, c’est-à-dire des Master of Business Administration : faut-il vraiment administrer les entreprises ?
Ne serait-il pas plus judicieux de les appeler des MBU, c’est-à-dire des Masters of Business Understanding ?
A quand des cours d’histoire pour enseigner l’art de l’interprétation et la recherche des sens cachés et oubliés ?
A quand des cours de philosophie pour se préoccuper du sens à apporter aux actions ?
A quand des cours de neurosciences et psychologie pour mieux comprendre comment se forment les décisions ?
Et surtout quand fera-t-on comprendre aux managers qu’il n’y a pas deux personnes : d’un côté une personne privée qui lit des romans, ressent des émotions, aime ou déteste,  croit ou non en Dieu… et d’un autre côté un dirigeant qui serait une mécanique froide, professionnelle, faisant des calculs sans affects…
Il est urgent de réunir les deux : chacun de nous est un et indivisible !

(1) Voir Une entreprise décide-t-elle consciemment ?
(2) Voir Une entreprise est-elle seulement une juxtaposition d’individus ? 
(3) Voir notamment Réfléchir à partir du futur pour se diriger dans l’incertitude
(4) Voir On ne trouve pas dans les mathématiques la réponse à l’incertitude, et  Attention à ne pas mathématiser le monde

29 déc. 2010

UN DIRIGEANT NE DOIT PAS ÊTRE UN SHOW MAN, MAIS UN “CHAUX-MAN”

BEST OF 2010 (publié les 27, 28 et 29 mars)

"CHAUX" TIME

Nous vivons de plus en plus dans un monde de l'immédiateté et de l'apparence :
  • Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire à de multiples reprises, nous vivons de plus en plus dans l'instant et nous avons un rapport maladif avec le temps. Nous avons peur de perdre du temps, alors que le temps est une des rares choses que l'on ne peut pas perdre (voir « Non, vous ne perdez jamais du temps ! »)
  • Parallèlement, nous ne prenons plus le temps (eh oui, le temps est là à nouveau…) de réfléchir et de comprendre. Du coup, nous en restons aux apparences et à la surface des phénomènes. Nous ne sommes même plus victimes des modes, nous vivons au travers d'elles et grâce à elles.
Notre société devient ainsi un grand amplificateur des rumeurs, des opinions et des « on dit ». Mais comme nous sommes une société évoluée et sophistiquée, nous nous méfions des idées qui ne sont pas ni « scientifiquement » prouvées, ni « technologiquement » portées.

Mais si un modèle mathématique nous démontre que tel phénomène est en train de se produire, ou même risque de se produire…
Mais si Internet véhicule vers nous la nouvelle nouvelle, l'information brute sans intermédiaire ou le scoop venant de nulle part…
Alors tout le système média-politique s'emballe… et chacun d'entre nous le relaye sans problème.

Auparavant nous ne nous levions que pour faire des holàs dans des stades ; aujourd'hui le monde entier fait des holàs numériques.
Sans réfléchir, nous passons collectivement d'un tsunami thaïlandais à des cendres islandaises, d'une crise des subprimes au dernier incident amoureux de David Beckham. Nous nous émouvons d'un réchauffement climatique potentiellement à venir, tout en laissant mourir de faim ou du sida une partie de l'Afrique…



Je suis assis sur la terrasse de ma maison perdue dans la campagne provençale quand je tape ces lignes. Et j'ai dans les mains encore les traces de cette chaux que je viens d'appliquer au mur Est de mon hangar. « Chaux » time…
 
Je viens de passer une bonne partie de l'après-midi à reprendre à la chaux le mur Est du hangar de ma maison en Provence. En fait, j'ai commencé cela depuis quelques jours.
J'aime cette activité où l'on travaille à la fois sur l'apparence des choses – si le mélange de sables a été judicieusement fait, le mortier à la chaux se fond en une aquarelle qui vient souligner le contour des pierres –, et sur la solidité du mur – la chaux est d'abord là pour maintenir les pierres en place et les lier entre elles.
C'est aussi une matière naturelle que l'on mélange avec du sable et de l'eau. Du choix des sables dépendra l'apparence : comme un peintre joue de la palette de ses couleurs, je vais jouer de celle de mes sables. Plus ou moins fin, avec ou sans des particules colorées, jaune, blanc ou gris…
Ensuite la mise en œuvre d'un mortier à la chaux ne peut pas être accélérée, il faut en respecter les rythmes et les caprices.

D'abord l'application du mortier. A coups de truelle, on vient garnir les pierres de mortier. Au besoin, de ci de là, on met une pierre si le mur est trop dégarni. Puis environ une heure après, toujours avec la truelle, on écrase le mortier pour renforcer son adhérence et on enlève ce qui est en excès. On se sert aussi de ses doigts – un conseil : n'oubliez pas de porter des gants en caoutchouc si vous ne voulez pas voir votre peau disparaître au fur et à mesure que le mur se reconstruit. Un peu après – la durée n'est pas fixe. Elle est fonction de l'épaisseur de mortier mis et de la température extérieure. Il va falloir prendre le temps d'observer… –, avec une brosse métallique, on enlève tout le mortier qui recouvre les pierres et on creuse entre les pierres.

Rejointer un mur à la chaux est donc bien une activité qui joue sur l'apparence, mais qui sait dépasser l'immédiateté.

Un « chaux » time qui n'est plus un show-time.

J'ai comme l'impression que l'on devrait proposer des stages de mortier à la chaux à bon nombre de nos concitoyens…


Bizarrement, je ressens de plus en plus ce travail à la chaux comme une métaphore pertinente pour approcher ce que doit être le rôle d'un dirigeant.

Lui aussi, il doit se préoccuper de trouver le bon liant, celui qui va venir assurer les bonnes liaisons, celui qui va donner force et cohésion à l'ensemble. Ce liant doit venir se fondre avec ce qui préexistait. Des mois ou des années plus tard, il doit être encore là, mais invisible, noyé dans la masse. Ce liant doit aussi laisser respirer, il ne doit pas constituer une chape de plomb, mais, comme la chaux sait laisser l'humidité, l'action du dirigeant doit fluidifier les échanges et non pas les contraindre. Un liant souple, perméable, naturel…

Lui aussi, il est confronté au rythme et au bon enchaînement des gestes. Au début de l'action, un maximum de fluidité est nécessaire, mais pas trop non plus : comme le mortier à la chaux, il doit avoir cette consistance pâteuse, mi-fluide mi-solide, qui va se glisser là où il faut. Puis il va falloir suivre le durcissement du mortier, l'effet des actions. Venir appuyer un peu là, enlever ce qui est en trop… Enfin, quand les choses seront en place, mais pas encore tout à fait figées, venir faire un dernier lissage.

Le métier d'un dirigeant n'est surtout pas de faire du spectacle, cela ne doit pas être un show-man… mais je le vois bien être un « chaux-man ».


 

14 oct. 2010

HISTOIRE DE CHAMPIGNONS

Certains champignons se mangent, d'autres sont là pour le plaisir des yeux et pour stimuler notre imagination...

La saison des truffes n'a pas encore commencé : elle ne commencera que début novembre. Mais celle des champignons, oui. Et effectivement dans le terrain de ma maison en Provence, ils sont légion.
Ne m'y connaissant que bien peu en botanique et dans l'art de distinguer quels champignons sont comestibles, ils constituent pour moi d'abord un élément du paysage, comme des mini- sculptures venues égayer de façon fugace le sous-bois. Si l'on oublie la recherche de la productivité, de l'utilité immédiate, pour se laisser aller au plaisir des yeux et à la rêverie, ils sont l'occasion de rencontres étonnantes.

Ainsi ce champignon rouge-orangé vient en contrepoint de celui qui est rouge-rosé. Se font-ils une forme de compétition ? Sont-ce des frères qui ont fait des choix différents et ont divergé ? Le rouge-orangé veut-il à tout prix être vu ? A-t-il choisi délibérément cette nuance pour ne pas passer inaperçu ? Mais est-il alors conscient qu'il risque encore plus d'être cueilli ? Ou croit-il faire peur ? A l'inverse, le rouge-rosé, par son choix de ton plus pastel, cherche-t-il à se fondre dans les feuillages ? Regrette-t-il d'être né rouge ? Se rêve-t-il en blanc ? Suit-il une cure de dépigmentation ?

Et que penser des ces autres champignons recouverts de moisissure bleue ? Est-ce que je fais face à une tentative d'invasion : la moisissure, qui est elle-aussi une forme de champignons, est-elle un parasite ? Ou alors, ces champignons ont-ils une crise d'identité et se prennent-ils pour des roqueforts ? Les Causses ne sont pas si loin et, comme les spores peuvent voyager dans le vent, ces champignons ont peut-être des ancêtres nés à Roquefort. Mais dans ce cas, quelle pathétique perte de repère et de confusion ! Bel exemple des dangers de la globalisation et de l'effondrement des frontières…

Comment savoir ? On ne peut pas, et c'est tout le charme de cette marche dans les sous-bois. Ah, si seulement les champignons pouvaient parler…

28 sept. 2010

NE RIEN SAVOIR À L’AVANCE POUR POUVOIR DÉCOUVRIR

Seul dans les rues de Calcutta

Voyager seul, c'est se rendre plus disponible, plus ouvert à l'endroit où l'on passe. Qu'on le veuille ou non, dès que l'on est deux, on commence à être en soi. Les autres viennent moins vous parler. Peur de déranger. Être seul, c'est comme lancer un appel, inviter l'autre à venir vous parler. Quant aux voyages en groupe, c'est un peu comme ces séjours linguistiques que bon nombre d'entre nous avons fait enfants en Angleterre : nous passions plus de temps entre Français qu'avec des Anglais !
Non seulement, j'aime voyager seul, mais j'aime me laisser glisser, sans savoir où je vais, ni ce que je vais faire ou trouver. Je n'aime pas lire à l'avance ce qu'il faut faire, ce qu'il faut voir, ce qu'il ne faut pas manquer. Je ne veux pas vivre l'histoire des autres, je veux vivre la mienne. Si je passe des heures et des jours à préparer mon voyage, je vais être ensuite à la recherche de ce que j'ai lu, je ne serai plus disponible à l'imprévu, à ce qui advient, à ce qui est réel. Certains me disent : « Oui, mais vous risquez de manquer quelque chose d'essentiel. ». Que veut dire essentiel ? Pourquoi devrais-je me conformer à un système de valeurs préétabli ?

Seul, solitaire, sans informations, je suis comme une éponge, plein d'un vide que les rencontres vont combler. Marcher sans poser de questions, éviter toute projection, juste observer, regarder, repérer l'insolite, ce que l'on ne comprend pas pour s'y arrêter, un moment, avant de reprendre son mouvement. La chanson de Gérard Manset, « Il voyage en solitaire » résonne en moi : « Il voyage en solitaire. Et nul ne l'oblige à se taire. Il chante la terre. »
Ainsi, je me laisse perdre dans les méandres de la vie, dans les aléas des rues. Vais-je tourner à droite ou à gauche ? Pousser la porte de ce café pour un thé ou une bière ? M'asseoir par terre pour rêver et regarder ce qui se passe autour ? Je ne sais pas, du moins pas à l'avance. Je regarde ce qui se passe autour de moi, essaie de ressentir vers quoi peut me conduire mon choix, j'hume les possibles instantanés.
Depuis le temps que je pratique ces navigations au jugé, j'ai appris à lire les villes, les courants, les flux d'énergie. Savoir par exemple regarder les flux des passants, interpréter leurs façons de marcher ou leurs habillements, se sentir se refroidir ou se réchauffer comme dans son jeu où l'on guide quelqu'un vers un but en lui disant : « Là, c'est froid. Là, c'est chaud. ». Simplement ici personne ne me guide à part mon inconscient. Je ne marche pas consciemment, je laisse mes émotions et mes sensations m'emmener là où elles veulent.

26 juil. 2010

LE COURAGE D’UN SEUL PEUT TOUT DYNAMITER

Beaucoup plus qu'une comédie italienne sur le coming-out

Tout démarre banalement sous le soleil d'une petite ville d'Italie du Sud : joie d'agapes familiales autour d'une table joyeusement arrosée, plaisir des parents, de la grand-mère et du frère de retrouver le jeune Tommaso étudiant à Rome. Puis conversation entre Tommaso et Antonio, le frère aîné : pour échapper au poids de son père et à la fabrique de pâtes familiales, Tommaso va annoncer, à l'occasion du dîner du lendemain, son homosexualité. Antonio le regarde, interloqué mais sans être choqué.
Le dîner arrive et tout bascule : Antonio coupe l'herbe sous les pieds de son jeune frère pour avouer en premier… son homosexualité.
S'ensuit une comédie à l'italienne autour de l'acceptation ou non par cette famille bourgeoise, et un rien « confite », de l'homosexualité de ses fils. A un moment, on a même droit à des scènes qui s'inséreraient sans problème dans un nouveau remake de la Cage aux folles (notamment un verre cassé n'est pas sans rappeler le bris de la biscotte…)

Mais ce film est bien plus qu'une farce et un plaidoyer pour le droit des gays à vivre comme ils l'entendent – ce qui ne serait déjà pas si mal ! –, car ce coming-out à double détente va servir de révélateur aux différentes vérités ou vies cachées. On assiste à un effeuillage qui semble sans fin des heurs et malheurs de chacun : l'amour et la fugue finis en impasse de la tante, la perte jamais comblée d'une mère, des sexualités incertaines et surtout l'amour caché de la grand-mère qui n'avait pas épousé le « bon frère »…
Tout finit dans un ballet métaphorique où chacun se mêle à l'autre, découvrant et acceptant ce qu'il est vraiment, ce sous les yeux du pyromane, Tommaso, qui les regarde à distance.

Nous sommes ainsi, chacun de nous, trop souvent prisonniers des vies que nous n'avons pas voulu ou pu vivre, de ces moments que nous avons laissé échapper, de ces mensonges que nous avons laissé se construire. Nous ne savons plus regarder le réel tel qu'il est, mais nous ne le voyons qu'au travers du prisme de l'histoire, la nôtre comme la leur. Soyons disponibles à ces moments de rupture, ces failles, ces coming-out soudains et imprévus et servons-nous en revisiter notre compréhension du monde.
Le titre français du film joue dans la superficialité n'évoquant que le déclencheur, « le Premier qui l’a dit ». Le titre original est, comme souvent, bien meilleur et beaucoup plus évocateur de la vraie profondeur du film : « Mine Vaganti » soit « les Mines Errantes ». En effet, les mots de Tommaso et la liberté de ses mouvements vont faire sauter, au hasard des croisements, les défenses installées. Et aussi toutes nos lâchetés sont autant de mines qui ne demandent qu’à sauter au premier geste malheureux. Alors mieux vaut lâcher prise...

Parfois en poussant la porte d'un cinéma, on croise un grand film. C'est ce qui m'est arrivé ce vendredi dernier...

30 juin 2010

LES MERS SONT NOTRE FUTUR

Dans le monde de l'incertitude, il ne faut plus penser à partir du présent

« Vous êtes appuyé sur le rebord du pont, vous regardez la Seine et vous voulez savoir où elle va. Si vous cherchez à le deviner en la regardant couler, ou même si vous suivez son parcours, vous n'êtes pas prêt de trouver la bonne réponse : elle va fluctuer au hasard des méandres. Vous allez probablement rapidement jeter l'éponge en vous disant que la Seine n'en fait qu'à sa tête, qu'elle ne sait pas où elle va.
En fait si, elle le sait très bien : c'est un fleuve, et comme tous les fleuves, elle va se jeter dans une mer ou un océan. Lequel ? Celui qui est déterminé par la logique des bassins versants. Donc où elle va, elle le sait. Comment exactement va-t-elle y aller ? Là, elle ne sait pas très bien, elle verra, elle s'adaptera. Elle avance et chemine, en tirant parti du terrain. Si jamais, le niveau d'eau monte, elle pourra même s'étaler plus largement et emprunter de nouvelles voies. Mais, ce qui ne changera pas, c'est que toute cette eau, c'est dans la mer qu'elle finira. Quels que soient les aléas du trajet, on peut d'ores et déjà prévoir où elle va aller ; ce que l'on ne sait pas, c'est simplement à quelle vitesse et si le trajet fluctuera ou pas.

Ainsi, si vous voulez comprendre où va la Seine, ne regardez pas ce qu'elle fait, mais prenez le temps de comprendre « qui elle est » et qu'est-ce qui l'attire. Comprenez que c'est un fleuve, analysez les bassins versants et vous trouverez la bonne mer. Ne regardez pas le cours des choses, ne regardez pas le présent, cela ne sert à rien, cela ne peut que jeter le trouble. La mer est un attracteur qui attire à lui toute l'eau qui tombera tout autour. Comme les attracteurs des mathématiques du chaos, peu importe l'incertitude en amont, tout converge vers elle : c'est un système structurellement stable, un point fixe. Plus ou moins vite, plus ou moins directement, tout ce qui passe à proximité finit par converger vers elle.

Quand une équipe de direction cherche à construire une stratégie en partant du présent, et en imaginant qu'elle va pouvoir prévoir où vont les choses en observant ce qui s'est passé et se passe aujourd'hui, elle fait la même erreur que celui qui cherchait à deviner où allait la Seine depuis le pont Mirabeau. Comme dans le principe d'Heisenberg, mieux je sais où je me trouve, moins je vais savoir où je vais, et réciproquement. Comme pour la météo, si l'on prolonge les tendances immédiates, on aura tellement d'imprécisions et d'aléas qu'on ne pourra même pas quantifier le taux d'erreur. Quand on prévoit le futur à partir du présent, on croit que l'on peut encadrer le taux d'erreur via des hypothèses hautes et basses : il n'en est rien. Comme dans les mathématiques du chaos, rien ne va permettre d'affirmer que l'on peut borner l'incertitude.

Pour savoir où va la Seine, il faut oublier le présent, identifier les mers qui attirent le cours des choses et trouver la bonne. Où sont-elles ces mers ? Quelque part dans le futur des fleuves… »1

(1) Extrait des Mers de l'incertitude, p.108-109

16 juin 2010

COMMENCER PAR FAIRE LE VIDE

Le passé nous trompe souvent

Le premier des quatre points que je développe dans la deuxième partie des Mers de l'incertitude est la nécessité de commencer par faire le vide. En voici l'introduction :

«  « Vraiment c'est le rêve, pensait-elle. Je suis nourrie et logée, et je n'ai rien à faire. Une nourriture riche, abondante et variée. Un logement irréprochable, à l'abri de la pluie. Aucune pression, pas de bruit, pas de contraintes. Aucune raison de s'inquiéter. C'est la belle vie. »
Le fermier qui regardait la dinde, pensait lui : « Plus que deux jours avant Noël. Il ne faut pas que je la regarde de trop, je pourrais m'attacher et ne plus pouvoir la tuer. »
Caricatural ? Oui, bien sûr ! Mais cette histoire évoquée par Nassim Nicholas Taleb1 peut nous arriver à tous. Combien d'entreprises se sont endormies dans le confort de leur situation présente sans voir qu'elles allaient droit à l'abattoir ? Un grand nombre ! Combien de commentaires pendant l'année 2007 et même 2008, nous disant que tout allait bien, que le pire était derrière nous…

« Chaque homme, écrit Chateaubriand, porte en lui un monde composé de tout ce qu'il a vu et aimé, et où il rentre sans cesse, alors même qu'il parcourt et semble habiter un monde étranger. »2 Ainsi sommes-nous tous potentiellement victimes de nos habitudes, de notre expertise, de notre vision du monde. Nous avons tous tellement peur de l'incertitude que nous ne sommes pas naturellement enclins à nous remettre en cause. Nous aimons les recettes de cuisine prêtes à l'emploi. Ceci est vrai individuellement et collectivement.

La culture de l'entreprise qui est faite de la sédimentation de son passé peut la tromper et l'empêcher de voir ce qui risque réellement de se passer. Pas facile pour une dinde de comprendre ce que veut dire Noël et en quoi cela la concerne. Si la dinde cherche autour d'elle ce qu'elle a toujours connu, pensé ou rencontré, elle n'a aucune chance.

Tout commence donc par faire le vide pour être prêt à recevoir, percevoir et comprendre ce qui se passe et vers quoi vont les choses :
- Apprendre à être là sans a priori pour être réceptif à l'autre et à l'inattendu,
- Développer une capacité d'attention qui dépasse la simple observation passive,
- Ne pas se contenter d'accepter intellectuellement l'incertitude, mais mettre ses actes en conformité avec cette acceptation. »3
(1) Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne Noir, p.71-72
(2) Issu des Voyages en Italie, à la date du 11 décembre, et cité par Claude Lévi-Strauss (Tristes Tropiques, p.44)

(3) Extrait des Mers de l'incertitude p.82-83

15 juin 2010

COMMENT PARTIR DU FUTUR POUR TIRER PARTI DE L’INCERTITUDE

Les quatre leviers d'action des Mers de l'incertitude

Voilà donc les dirigeants face cette question-clé : comment, en tenant compte de cette impossibilité de prévoir le futur, prendre aujourd'hui des décisions qui engagent l'entreprise au-delà cet horizon du flou ?
- Comment décider sans pouvoir prévoir et sans disposer d'une information  complète ?
- Comment dégager des rentabilités futures pour financer les sommes nécessaires à tout projet significatif ?
- Comment identifier les opportunités qui se cachent dans le flou, celles qui seront les leviers de la performance de l'entreprise demain ?
- Comment, au moment où les exigences du monde financier et des salariés en matière de sécurité sont croissantes, construire une croissance rentable et résiliente ?

Il y a deux pièges symétriques à éviter :
- Penser que finalement, on peut s'abstraire de l'incertitude : oui, le reste du monde est incertain, mais mon entreprise, protégée au sein de lignes Maginot, maîtrise son futur et s'organise en conséquence. Elle sait mieux que les autres, et le futur sera ce qu'elle a prévu.
- Renoncer à toute anticipation et confier sa vie à la chance : puisque rien ne peut être prévu de façon fiable, seule l'action immédiate compte. Le succès à terme ne sera que le résultat des actes immédiates et du hasard des rencontres. Il est illusoire de penser au futur. Éventuellement, on peut aller voir des cartomanciennes ou lire des horoscopes.

Je crois à une position apparemment paradoxale et résumée dans le sous-titre de mon livre : Diriger en lâchant prise.
Diriger, c'est sentir cette mer vers laquelle on peut aller, fixer des règles collectives qui cadrent et écartent, focaliser les efforts de tous pour tirer collectivement parti des opportunités décelées localement, aider à l'émergence d'une intelligence collective par la confrontation.
Lâcher prise, c'est savoir accepter l'incertitude en abandonnant l'idée de prévoir et planifier au-delà de l'horizon immédiat, ne pas vouloir tout contrôler et tout piloter depuis le sommet, ne pas se laisser emporter par le mouvement ambiant et mieux maîtriser son temps, accepter les intuitions.

Le propos de la deuxième partie de mon livre « Les mers de l'incertitude » est de montrer que ces deux leviers ne sont pas antagonistes, mais complémentaires. Pour cela, je développe quatre points(1) :
1. S'être mis en situation de pouvoir tirer parti de l'incertitude : l'attitude quotidienne, les formations reçues tant dans les écoles d'ingénieurs que commerciales ou économiques, et la peur du vide nous amènent trop souvent à chercher des certitudes, à partir de notre expertise pour lire une situation, à nous méfier de notre intuition, à mathématiser les situations… Tout doit donc commencer par le désapprentissage de pratiques et convictions acquises, l'apprentissage de comment faire le vide et être là sans a priori, le développement de la qualité d'attention pour dépasser les apparences et sentir les courants.
2. Partir du futur pour construire une stratégie résiliente : il ne faut plus partir du présent pour se projeter dans le futur, mais, au contraire, avoir l'audace d'imaginer le futur et partir de lui, car, au-delà de l'horizon du flou, il est impossible de savoir ce qui va se passer en partant du présent, au mieux on ne pourra que dessiner le champ des possibles sans avoir une idée de ce vers quoi une situation va évoluer. En univers incertain, il faut partir du futur en cherchant vers quelles mers, il est susceptible d'aller ; identifier, parmi ces mers possibles, lesquelles sont accessibles à l'entreprise ; analyser tout ce qui pourrait rendre caduques tant l'existence de ces mers que la capacité à les atteindre.
3. Développer une écologie de l'action(2) et un management durable : l'action doit reposer sur le suivi des effets complexes et multiples des actions entreprises, effets qui ne pourront jamais être réellement anticipés. Elle ne consistera pas à dérouler des plans détaillés prévus à l'avance, mais à se centrer sur l'immédiat en tirant parti au mieux des moyens dont on dispose et de tout ce qui advient : se confronter à l'intérieur de l'entreprise et avec l'extérieur pour ajuster les visions collectives et rester tous connectés à ce qui se passe vraiment ; mettre de la vie dans l'organisation et les structures, ce qui suppose un mélange d'ordre et de désordre ; agir dans la durée en veillant à garder du flou dans tous les systèmes.
4. Transformer les méthodes d'évaluation : ne demander des prévisions détaillées et chiffrées qu'en deçà de l'horizon du flou, c'est-à-dire la plus plupart du temps uniquement dans le cadre budgétaire ; ne pas se fier à des plans chiffrés à trois ou cinq ans, ni a fortiori en demander ; chercher à comprendre les dynamiques et ne pas porter de jugements seulement à partir de clichés instantanés ; tester la fiabilité et la résilience du projet de l'entreprise ; analyser comment elle est connectée à ce qui est susceptible d'advenir et comment elle s'est préparée à faire face à l'imprévu.

Dans les jours qui viennent, je vais vous donner un peu plus de détail sur le contenu de chacun de ces 4 points.

(1) Vous pouvez cliquer sur la photo pour avoir la vue du plan de la deuxième partie
(2) Expression reprise à Edgar Morin

3 juin 2010

A VAINCRE SANS COMPRENDRE, ON TRIOMPHE INUTILEMENT !

Veni, vidi, vici, sed concepi ? (1)

Difficile de comprendre que pour précisément comprendre, il faut d'abord oublier ce que l'on sait.

Comme je l'ai écrit dans les extraits publiés depuis le début de la semaine, ainsi que dans mon billet sur Mulholland Drive, comprendre, c'est accéder au langage de l'autre, que cet autre soit un individu, un groupe d'individus ou une situation. Si je cherche à comprendre à partir de ce que je sais, je vais projeter mon langage et mes a priori. Il faut d'abord faire le vide, et ne mobiliser que dans un deuxième temps son expertise, ses connaissances, ses langages.

Ensuite, comment savoir si ce que l'on observe est constitué de faits indépendants ou reliés : comment savoir si ce cercle et ce rectangle ne sont que les intersections d'un même cylindre ? Comment reconstruire le puzzle en ne prenant que les pièces qui correspondent à celui-là ?

Difficile si l'on n'est que de passage et impossible si l'on reste à la surface des choses : on ne peut pas savoir ce qui se passe au travers de tableurs excel ou de prétendus systèmes expert. Plus le management sera durable, plus il aura une connaissance intime et personnelle, plus il sera à même de reconstituer les bonnes images et de faire les bonnes liaisons.

A condition que cette connaissance, il ne la mobilise que dans un deuxième temps. Mais s'il n'a pas cette connaissance, il n'aura rien à mobiliser, restera à la surface et ne pourra pas accéder à une compréhension réelle. Comment pourrait-il alors diriger efficacement ? A vaincre sans comprendre, on triomphe inutilement !

(1) Je suis venu, j'ai vu, j'ai gagné, mais ai-je compris ?

1 juin 2010

LA COMPRÉHENSION PASSE SOUVENT PAR L’ABANDON DE LA PENSÉE LOGIQUE ET RATIONALISANTE

Que veut dire David Lynch ?

Une route sinueuse, un accident la nuit. Une jeune femme s'en extrait, chemine péniblement au milieu des broussailles. Elle échoue dans la première maison rencontrée. Deux femmes alors se retrouvent face à face : Rita, celle qui vient d'avoir cet accident, et Betty, celle qui vient de l'accueillir. L'une et l'autre, l'une ou l'autre vont alors essayer démêler les fils de la mémoire perdue de Rita.

Nous sommes spectateurs de ce cheminement aléatoire. David Lynch nous donne, les unes après les autres, des pièces de puzzle et, comme ses héroïnes, nous laisse essayer de reconstituer l'histoire. Mais avons-nous toutes les pièces ? Est-ce que les pièces qu'il nous donne, se rapportent bien à une seule histoire ? Ou alors comme un enfant malicieux ou maladroit, a-t-il mélangé sans nous le dire plusieurs puzzles, puis en a extrait quelques morceaux pris au hasard ?

Comme savoir ? Nous n'avons pas accès à la réalité, mais seulement à la vision que nous en propose David Lynch. Nous sommes vite pris dans les méandres de ce puzzle diabolique, nous aussi nous sommes bringuebalés dans les secousses de Mulholland Drive. Comment accéder à ce qu'il veut nous dire ? Comment comprendre son langage ?

Si j'applique à ce film les clés classiques de l'analyse et de la logique, je bute sans cesse sur des contradictions et des impossibilités. Certains s'obstinent et veulent faire rentrer ce film dans une construction classique : ils cherchent à rationaliser la construction de David Lynch.

Quelle erreur commentent-ils ? Celle de vouloir plaquer sur ce film un langage qui n'est pas le sien. On ne peut comprendre et aimer les films de David Lynch, et singulièrement Mulholland Drive, qu'en oubliant ce que l'on a l'habitude de faire, et en se laissant porter par ce langage qui lui est propre. Comme des toiles d'art moderne, comme des tableaux surréalistes, ces films se contemplent en acceptant de ne pas rationaliser ce que l'on voit.

C'est cette attitude qu'il faut avoir dans la vie face à des problèmes complexes : ne pas chercher à les faire rentrer de force dans nos logiques, mais les accepter comme ils sont. Chaque situation a son propre langage, et nous ne pourrons l'interpréter qu'à partir de ce langage.


20 mai 2010

« N’ESSAIE PAS. FAIS. OU NE FAIS PAS. »

Au pays des Jedis

Dès le début, il l'avait vu arriver. Comment manquer la chute brutale de son X-Wing au beau milieu de la jungle ? Il l'avait ensuite entendu jurer contre ce marécage dans lequel il voyait son engin s'enfoncer doucement. Puis il avait suivi son cheminement maladroit au milieu de la végétation jusqu'à ce qu'il ne se retrouve plus qu'à deux pas de lui. Là, Yoda s'était manifesté :
« T'aider, je peux, lui dit-il.
- Je ne pense pas, lui répondit Luke, à la fois interloqué et irrité. Je cherche un grand guerrier.
- Ahhh ! Un grand guerrier. »
Yoda eut un rire, secoua la tête et continua : « Les guerres ne font pas grandir. »

Difficile pour Luke d'imaginer que cet être chétif et à l'allure improbable était ce grand maître qui allait de faire de lui un Jedi.

L'entrainement de Luke put alors commencer. Succession de courses, d'épreuves diverses, toutes apparemment plus impossibles les unes que les autres. La progression était trop lente pour Luke qui supportait mal ses échecs. Il arrivait bien à faire bouger des pierres, mais pas moyen de faire sortir son X-Wing du marécage. Yoda, imperturbable, lui demandait de recommencer.
« Maitre, faire bouger des pierres, c'est une chose. Là, c'est totalement différent.
- Non ! Pas différent ! Seulement dans ton esprit différent. Tu dois oublier ce que appris tu as.
- Bon, je vais essayer.
- Non ! N'essaie pas. Fais. Ou ne fais pas. D'essai il n'y a pas. »

Luke se concentra, le X-Wing commença à s'élever, avant de retomber brutalement.
« Je ne peux pas. C'est trop gros.
- La taille ne compte pas. Regarde-moi. Me juger pas la taille, tu fais ? Mmmmm. »
Luke secoua la tête et Yoda lui expliqua alors l'importance de la force qui les entourait et sur laquelle Luke devait prendre appui.
« Je n'arrive pas à y croire.
- C'est pourquoi tu échoues. »

J'ai toujours trouvé ces dialogues entre Yoda et Luke moins superficiels qu'ils n'y paraissent. Pas vous ?