1 juin 2010

LA COMPRÉHENSION PASSE SOUVENT PAR L’ABANDON DE LA PENSÉE LOGIQUE ET RATIONALISANTE

Que veut dire David Lynch ?

Une route sinueuse, un accident la nuit. Une jeune femme s'en extrait, chemine péniblement au milieu des broussailles. Elle échoue dans la première maison rencontrée. Deux femmes alors se retrouvent face à face : Rita, celle qui vient d'avoir cet accident, et Betty, celle qui vient de l'accueillir. L'une et l'autre, l'une ou l'autre vont alors essayer démêler les fils de la mémoire perdue de Rita.

Nous sommes spectateurs de ce cheminement aléatoire. David Lynch nous donne, les unes après les autres, des pièces de puzzle et, comme ses héroïnes, nous laisse essayer de reconstituer l'histoire. Mais avons-nous toutes les pièces ? Est-ce que les pièces qu'il nous donne, se rapportent bien à une seule histoire ? Ou alors comme un enfant malicieux ou maladroit, a-t-il mélangé sans nous le dire plusieurs puzzles, puis en a extrait quelques morceaux pris au hasard ?

Comme savoir ? Nous n'avons pas accès à la réalité, mais seulement à la vision que nous en propose David Lynch. Nous sommes vite pris dans les méandres de ce puzzle diabolique, nous aussi nous sommes bringuebalés dans les secousses de Mulholland Drive. Comment accéder à ce qu'il veut nous dire ? Comment comprendre son langage ?

Si j'applique à ce film les clés classiques de l'analyse et de la logique, je bute sans cesse sur des contradictions et des impossibilités. Certains s'obstinent et veulent faire rentrer ce film dans une construction classique : ils cherchent à rationaliser la construction de David Lynch.

Quelle erreur commentent-ils ? Celle de vouloir plaquer sur ce film un langage qui n'est pas le sien. On ne peut comprendre et aimer les films de David Lynch, et singulièrement Mulholland Drive, qu'en oubliant ce que l'on a l'habitude de faire, et en se laissant porter par ce langage qui lui est propre. Comme des toiles d'art moderne, comme des tableaux surréalistes, ces films se contemplent en acceptant de ne pas rationaliser ce que l'on voit.

C'est cette attitude qu'il faut avoir dans la vie face à des problèmes complexes : ne pas chercher à les faire rentrer de force dans nos logiques, mais les accepter comme ils sont. Chaque situation a son propre langage, et nous ne pourrons l'interpréter qu'à partir de ce langage.


4 commentaires:

chria a dit…

J'adore ce film. Il peut être considéré comme un test sur les gens : il y a ceux qui comprennent que comprendre un film n'est pas obligatoire, et ceux détestent ne pas comprendre (pour différentes raisons : critique de soi, rabaissement, incapacité à se poser des questions, à vivre l'incertitude, etc.). On pourra aussi observer que les personnes religieuses ou du moins qui ont une cosmogonie mythique détestent ce genre de film (bon je résume pour faire vite). Il est intéressant aussi de constater que Lynch baigne dans le monde artistico-scientifique et que l'on trouve dans cette sphère sûrement le plus grand nombre d'agnostique ou d'athée (ou entre les deux)...
Enfin bon, loin de moi l'envie de faire du déterminisme.

J'utilise souvent cette phrase : la seule chose à comprendre c'est qu'il n'y a rien à comprendre (chria); D'autant plus que cela n'empêche absolument pas de se poser des questions et de chercher des réponses. Il faut juste apprendre à accepter "l'incertitude" et la complexité du monde .
J'ai beaucoup aimé aussi "la fin des certitudes" de Prigogine, même si je pense que vous l'avez lu, monsieur Branche.

Robert Branche a dit…

Je n'ai pas lu ce livre de Prigogine et, du coup, je viens de le commander...

chria a dit…

Vous avez bien fait, bonne lecture

Unknown a dit…

on compte tout mais ce qui compte n'est pas compté (Albert)et les problèmes d'aujourd'hui sont les solutions d'hier(toujours Albert)

de quel film parle t'on?

Prigogine c'est du dur du vrai, j'ai aimé, mais à titre perso il est ou était très prétentieux, pas grave il pouvait vu sa hauteur intellectuelle, du très très haut.