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4 juil. 2016

UNE DOTATION EN CAPITAL À LA MAJORITÉ ?

« Inégalités » de Anthony B. Atkinson (5)
« PROPOSITION 6 – Une dotation en capital (un héritage minimum) doit être versée à tous lors du passage à l’âge adulte. »
« Une personne qui, depuis la date de lancement du nouveau programme, a satisfait pendant x années aux conditions donnant droit au child benefit aurait droit à x/ 18 de l’héritage minimum. Cela permettrait de mettre naturellement en œuvre le programme au fil du temps. »
« Sa proposition (en 2006) a été de fixer le montant à 10 000 livres. (Alfred Doolittle explique que, si on lui donne cinq livres, il fait « juste une bonne bamboche », mais que, si on lui en donne dix, « ça rend un homme prudent ») Le Grand suggère de financer ces paiements par une hausse des droits de succession. »

29 juin 2016

SUR L’EMPLOI : VERS LA DISPARITION DU SALARIAT ?

 « Inégalités » de Anthony B. Atkinson (5)
« Avant la révolution industrielle, chacun faisait souvent coexister emplois à temps partiel et emplois indépendants, structure qui, jusqu’à une date récente, est restée caractéristique de nombreuses sociétés rurales. (…) Lorsque l’économie s’est industrialisée et la population urbanisée, l’emploi est devenu du tout ou rien. (…) Quand le travailleur indépendant médiéval devenait vieux, il travaillait moins et produisait moins, mais il continuait à travailler tant qu’il pouvait produire quelque chose. »
« Au Royaume-Uni, la proportion de ceux qui occupent un emploi atypique – selon une définition qui englobe le temps partiel, l’emploi indépendant et les contrats à durée déterminée – est d’environ un quart, et elle serait encore supérieure si l’on ajoutait les contrats zéro heure et les stages non rémunérés. (…) En Allemagne, l’emploi « normal » a reculé dans les vingt ans écoulés de 1985 à 2005 : il est passé de 42 % à 37 % de la population en âge de travailler, tandis que le taux de participation à la population active, en hausse, passait de 68 % à 76 %. (…) Il est donc de plus en plus fallacieux de parler en termes de gens qui soit ont un emploi, soit n’en ont pas. Le travail n’est pas une activité simple de type binaire. »
« Il ne suffit pas d’adopter une mesure simple comme le décompte par tête : le nombre de personnes ayant un emploi. Ils proposent de la remplacer par une mesure de l’intensité d’emploi, définie sur la base des mois travaillés et des heures travaillées par mois. »
« Comme l’écrit l’Organisation internationale du travail, « lorsque l’on traite du travail à temps partiel, il est une distinction fondamentale : celui-ci est-il volontaire ou involontaire, le travailleur a-t-il délibérément choisi de travailler à temps partiel, ou bien n’a-t-il accepté un horaire réduit que faute de trouver un emploi à temps plein ? Dans ce dernier cas, le travail à temps partiel devient une forme de sous-emploi. »
« L’objectif doit donc être de réduire le chômage involontaire à son minimum. C’est pourquoi j’estime qu’il faut exprimer notre objectif pour le marché du travail en termes, non de maximisation de l’emploi, mais de minimisation du chômage involontaire, en mesurant ce chômage d’une manière adaptée aux nouvelles caractéristiques du marché du travail du XXIe siècle. »
« Or il existe des « travailleurs pauvres », et ce problème est très sérieux : selon Ive Marx et Gerlinde Verbist, « un quart à un tiers des Européens en âge de travailler qui vivent dans la pauvreté ont en fait déjà un emploi ». »
(à suivre)

27 juin 2016

SUR LES TRÈS HAUTS REVENUS

 « Inégalités » de Anthony B. Atkinson (4)
« Le principal ressort de l’inégalité américaine n’est pas l’écart entre les salariés très instruits et les autres, ni d’ailleurs les écarts en termes d’éducation en général. C’est l’échappée extraordinairement rapide de la pointe du sommet. On y est souvent très instruit, mais juste au-dessous on l’est tout autant, et ceux-là ont été distancés. On pourrait dire que, durant les vingt-cinq dernières années, la répartition des gains en matière d’éducation (un cursus universitaire suivi avec succès pendant quatre ans, voire plus) a été beaucoup plus large que celle des gains économiques. Seule une infime lamelle de la nouvelle élite instruite est entrée dans la nouvelle élite économique. »
« Le changement de la répartition des revenus du travail a propulsé ceux qui gagnent les plus fortes rémunérations dans le 1 % supérieur tous revenus confondus. Les mieux rémunérés ont rattrapé, ou dépassé, ceux qui vivent du revenu de leur capital. Les rentiers qui détachent les coupons de leurs dividendes ont cédé la place aux gestionnaires de fonds spéculatifs, aux présidents-directeurs généraux, aux footballeurs. »
« Jon Bakija, Adam Cole et Bradley Heim ont classé les contribuables du 0,1 % supérieur aux États-Unis en 2004 par activité professionnelle : 41 % étaient des dirigeants, gestionnaires ou hauts responsables du secteur non financier et 18 % exerçaient une profession dans la finance. »
« Alfred Marshall, professeur d’économie politique à Cambridge, a montré que les meilleurs professionnels pouvaient exiger des rémunérations d’autant plus élevées que le marché desservi était plus grand. Or la taille du marché dépend de la technologie en vigueur. Il a donc compris l’importance du « développement de nouvelles facilités de communication, facilités qui font que des hommes, dès qu’ils ont atteint une haute situation, ont le pouvoir d’appliquer leur esprit inventif ou spéculatif à des entreprises plus vastes, s’étendant sur une aire plus vaste qu’il n’ait jamais été possible auparavant ». »
« La chute abrupte des taux d’imposition réels sur les très hauts revenus a pu stimuler la hausse des rémunérations des cadres supérieurs, puisque ceux-ci gardent une part bien plus importante de leurs augmentations de salaire. » 
« En 1980, le degré d’association (entre revenus du travail et du capital) n’était pas si élevé : parmi les membres du 1 % supérieur des revenus du capital, seuls 17 % se trouvaient dans le 1 % supérieur des revenus du travail. Mais, en 2000, la proportion était passée de 17 % à 27 %, et plus de la moitié des membres du 1 % supérieur des revenus du capital se trouvaient dans les 10 % supérieurs des revenus du travail. Si l’on regarde la situation dans la situation dans l’autre sens, le chevauchement est encore plus grand en 2000. Parmi les membres du 1 % supérieur des revenus du travail, près des deux tiers – 63 % – figuraient dans les 10 % supérieurs des revenus du capital. Il y a davantage de points communs entre les deux répartitions. »
(à suivre)

22 juin 2016

SUR LES LIMITES SUR DU CALCUL ÉCONOMIQUE : TOUT EST AFFAIRE DE TRAJECTOIRE…

 « Inégalités » de Anthony B. Atkinson (3)
« La mondialisation est le résultat de décisions prises par des organisations internationales, des gouvernements nationaux, de grandes entreprises. »
« Ils ont élaboré des théories de l’« innovation induite », dans lesquelles les entreprises choisissent le degré d’inflexion du changement technologique. Elles sélectionnent dans une gamme de possibilités les options qui leur permettent de réduire leurs coûts le plus vite. »
« En somme, dès l’instant où nous comprenons que les forces du marché posent seulement des limites aux résultats possibles sur le marché du travail, nous voyons qu’une marge existe afin de prendre en compte les considérations d’équité et qu’en le faisant nous pouvons modifier la répartition des salaires. »
« En fait, l’élément « service humain » accroît la productivité relative des personnes vis-à-vis du capital. Mais cela suppose que le service humain continue à être rendu. Ici, le « deux en un » est un problème, car il n’existe aucun théorème en économie qui assure que le marché déterminera la juste dose de produit et de service humain lorsque les deux éléments ne peuvent être dissociés. »
« Expérimenter les robots nous aiguille sur une voie qui, finalement, les verra remplacer de plus en plus les êtres humains, car la substitution deviendra de plus en plus intéressante. Mais nous aurions pu suivre une autre voie, qui aurait mis l’accent sur l’élément « service humain » et développé de plus en plus les compétences des personnes. »
(à suivre)

20 juin 2016

SUR LE DANGER DES MOYENNES

« Inégalités » de Anthony B. Atkinson (2)
« Comme nous l’a appris la crise récente, regarder uniquement les agrégats macroéconomiques ne suffit pas. Les différences économiques entre personnes sont de toute première importance. Le prix Nobel Robert Solow, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), le dit clairement dans sa critique des modèles qui ont dominé la macroéconomie contemporaine : « L’hétérogénéité est l’essence d’une économie moderne. Dans la vie réelle, nous nous préoccupons des rapports entre dirigeants d’entreprise et actionnaires, entre banques et emprunteurs, entre travailleurs et employeurs, entre investisseurs en capital-risque et entrepreneurs […]. Pour nous, il va de soi que ces agents hétérogènes ont des objectifs différents et parfois contradictoires, des informations différentes, des capacités différentes de les traiter, des attentes différentes, des convictions différentes sur le mode de fonctionnement de l’économie. [Les] modèles excluent l’ensemble de ce paysage. » »
« La politique de la concurrence doit se préoccuper explicitement de la répartition. Elle doit comprendre que le bien-être du consommateur est un cumul d’intérêts individuels qui sont différents et qui ne peuvent être associés qu’en pondérant d’une façon ou d’une autre la situation des diverses catégories. »
« L’inégalité des résultats au sein de la génération actuelle est la source de l’avantage injuste reçu par la suivante. Si l’égalité des chances de demain est notre souci, l’inégalité des résultats d’aujourd’hui doit l’être aussi. »
(à suivre)

15 juin 2016

VOYAGE AU PAYS DES INÉGALITÉS

« Inégalités » de Anthony B. Atkinson (1)
Un nouveau patchwork, cette fois sur le livre « Inégalités » de Anthony B. Atkinson, économiste anglais dont les travaux ont influencé Thomas Piketty (seuls les sous-titres sont de moi)
Sur les minimums
« Rawls structure les principes de justice en termes d’accès aux « biens premiers » – « tout ce qu’on suppose qu’un être rationnel désirera, quels que soient ses autres désirs »., il énumère de vastes catégories : « les droits, les libertés et les possibilités offertes, les revenus et la richesse. ». »
« Amartya Sen a fait valoir que cette perspective, si elle nous mène bien au-delà de l’utilitarisme, ne va pas assez loin : elle ne voit pas qu’il existe entre les personnes de « grosses variations d’aptitude à convertir les biens premiers en vie satisfaisante ». Sen propose donc de passer des biens premiers aux « capabilités » – de définir la justice sociale en termes de possibilités offertes aux gens compte tenu de leur « fonctionnement » concret. L’approche des capabilités diffère de celle de Rawls à deux égards. Elle se concentre sur ce que les biens peuvent apporter à chacun dans sa situation particulière, en notant, par exemple, qu’un handicapé doit dépenser davantage pour se rendre à son travail qu’une personne valide. »
« Mais, avec le temps, l’attention s’est déplacée vers une définition plus large de la pauvreté, fondée sur la capacité de participer à la vie de la société, et cette évolution s’est accompagnée d’un intérêt pour le concept de droits minimaux à des ressources, dont l’utilisation relève de la décision individuelle. »
(à suivre)

13 juin 2016

CHÔMAGE, ÉDUCATION, SEXE ET FAMILLE, DES RELATIONS COMPLEXES

Anatomie Sociale de la France (5)
C’est sur le chômage que l’analyse de Hervé Le Bras est la plus riche. 
Difficile de la résumer ici si ce n’est que de dire que sa photographie est très fine puisqu’après avoir analysé le lien avec l’âge et le niveau d’éducation, avoir intégré le sexe, il s’interroge sur le lien avec la situation familiale. Il termine avec une dernière analyse qui, au lieu de s’intéresser à la situation d’un individu, se pose la question suivante : dans combien de ménages, y a-t-il au moins un chômeur présent ? Vraie mesure de la précarité…
Voici ci-dessous sans commentaires les quelques graphes qui m’ont paru les plus pertinents. Je vous laisse les regarder, en tirer vous-mêmes les enseignements… et comprendre pourquoi il va vous falloir lire le livre !

Pourcentage de chômeurs de longue durée (plus d’un an) par âge seul et par niveau d’éducation seul (en haut) et selon les deux critères simultanément (en bas).

Taux de chômage des hommes et des femmes selon la catégorie sociale de l’homme et de la femme de chaque couple en 2011.

Pourcentage de ménages avec au moins un chômeur selon le type de ménage et la catégorie sociale de la personne de référence en 2011

8 juin 2016

FÉCONDITÉ ET GRAND REMPLACEMENT

Anatomie Sociale de la France (4)
L’arrêt de l’immigration ne signifie pas l’arrêt de la mixité :
« En conservant le même apport migratoire à chaque génération, sur les 72 % d’enfants qui n’ont aucun parent immigré, seuls 41 % n’ont aucun grand-parent immigré, soit 58 %. (…) En remontant encore d’une génération, la réduction sera encore plus drastique puisque 14 % seulement des enfants dont les deux parents ne sont pas immigrés n’auront aucun arrière-grand-parent immigré. En grimpant d’un cran dans l’ascendance, ce sont donc 0,14 × 14 % =  2 % des enfants qui n’auront aucun arrière-arrière-grand-parent immigré. »
« Les calculs précédents ont été menés dans l’hypothèse d’une continuation de l’immigration à son rythme actuel. Pour enrayer la disparition du peuple d’origine française, les théoriciens du grand remplacement demandent un arrêt immédiat de l’immigration. (…) L’arrêt de l’immigration n’affecte donc guère le mélange de la population. La notion de « deux peuples », l’un immigré, l’autre non immigré n’a rigoureusement aucune signification dès que les unions mixtes sont fréquentes. Peut-on tracer une frontière telle qu’à partir d’un certain nombre d’ancêtres non immigrés, on soit considéré comme non immigré ? (…) La distribution du nombre d’ancêtres immigrés est sans rupture et largement étalée dès que l’on remonte à quatre ou cinq générations. Aucun critère ne permet de définir un seuil à partir duquel on cesserait d’être considéré comme un immigré. Il n’y a pas deux peuples mais un seul, mélange d’une quasi-infinité d’ascendances diverses. »
De plus la fécondité des immigrés converge vers la fécondité du pays :
« Arrivées de pays où le niveau de fécondité est élevé, les immigrées visent une descendance plus faible à mesure que leur niveau d’éducation s’élève. Le lien entre éducation et baisse de la fécondité a été constaté dans le monde entier et il a été mis en avant par les organisations mondiales s’occupant de population. Ce faisant la composition de la famille des immigrées rejoint celle des originaires du pays où elles se sont installées, ce qui est une indication (parmi d’autres) de leur intégration. 
On peut aussi faire référence à la théorie de Gary Becker selon lequel, avec l’investissement dans l’éducation, la qualité des enfants remplace leur quantité. Une fois la jonction opérée, au contraire, la fécondité s’élève avec le niveau d’éducation et le niveau d’activité féminine, autre régularité observée dans les pays de l’Union européenne où les plus fortes fécondités coïncident avec les plus fortes participations des femmes à l’emploi (pays nordiques, Royaume-Uni, France) et les plus faibles avec leurs plus faibles participations (Italie, Espagne, Grèce). Cette dernière relation semble en contradiction avec la théorie de Becker. Elle s’explique cependant assez facilement. Les femmes veulent à la fois construire une famille et accéder à l’emploi à égalité avec les hommes. »
Le lien durable est entre fécondité et géographie
« En France, pays longtemps inquiet du risque de dépopulation, une forte fécondité est connotée positivement, mais ce n’est pas le cas dans les pays voisins dont l’attitude est plus malthusienne au sens exact du terme et beckerienne (la qualité plutôt que la quantité). C’est aussi une explication possible de la fécondité française actuelle qui est la plus forte de l’Union européenne (avec l’Irlande). Inquiets devant la mondialisation, méfiants envers le monde extérieur qu’il s’agisse de l’Europe, de l’immigration ou des réfugiés, les Français ont tendance à se réfugier dans la vie familiale. 
Les deux niveaux géographiques utilisés ici conduisent à deux types d’explications différents. Au niveau des départements, et plus généralement des grandes régions qui constituent l’espace français, les variations de fécondité reflètent des comportements très anciens qui tiennent à des conceptions différentes de la vie familiale, de la succession et des rapports entre générations. Les niveaux de fécondité diffèrent aussi beaucoup dans chaque région selon que l’on habite en agglomération ou dans les zones rurales. Il s’agit là de comportements actuels. Les contraintes et les choix de logements y jouent le rôle principal. Une sélection s’opère. Ceux qui souhaitent une famille assez nombreuse, ce qui signifie dans le monde moderne deux ou trois enfants, rarement plus, ont tendance à s’établir assez loin du centre où ils trouvent des logements plus spacieux et moins chers. Considérer la fécondité globalement empêche de saisir les différences de comportement puisque ville et campagne, Ouest fécond et Sud-Ouest peu fécond se retrouvent mêlés. »
(à suivre)

6 juin 2016

IMMIGRATION ET COUPLES MIXTES

Anatomie Sociale de la France (3)
Pour analyser l’intégration des immigrés, Hervé Le Bras prend l’angle des couples mixtes.
Voici d’abord ci-dessous le lien entre proportion des couples mixtes et niveau d’éducation : le constat est sans appel et le lien est direct et spectaculaire. Seuls les immigrés sans diplôme – et ce quelque soit leur âge – se marient entre eux très majoritairement.
Un peu plus loin, Hervé Le Bras analyse la relation entre la mixité des couples et la densité de la population immigrée. Il montre que, contrairement à une idée reçue, plus les immigrés sont nombreux dans un territoire donné, plus la mixité s’y développe :
« La préférence pour les unions mixtes est plus importante dans la plupart des zones où les immigrés sont les plus nombreux. Loin de mener à une séparation des populations, l’immigration en se développant favoriserait donc la mixité. Là où les immigrés sont nombreux, ils se mêlent à la population native dans la vie quotidienne et nouent des relations avec elle. C’est le contraire de l’appellation de ghetto ou de celle d’apartheid brandie par les partis de droite comme de gauche. Là où ils représentent une faible minorité, les immigrés tendraient à vivre, au contraire, en circuit fermé pour protéger leurs habitudes culturelles qu’ils sentent menacées par l’environnement différent dans lequel ils sont en général arrivés plus récemment que dans les zones traditionnelles d’immigration. »
« Si l’on se fie à la simple proportion d’unions endogames, on affirmera que l’intégration est plus facile quand les immigrés forment une faible proportion de la population. Si l’on se fie au calcul des préférences qui a été argumenté plus haut, c’est au contraire quand les immigrés sont en proportion non négligeable que les unions mixtes sont plus recherchées et que l’intégration réussit. »
(à suivre)

1 juin 2016

UN INDIVIDU NE PEUT PAS ÊTRE COMPRIS INDÉPENDAMMENT DE SON ENVIRONNEMENT

Anatomie Sociale de la France (2)
Voici pour commencer comme Hervé le Bras introduit son propos :
« Une personne n’est pas successivement un ouvrier, un homme, un jeune, un titulaire du bac, un habitant d’une commune rurale. Elle est tout cela à la fois, et plus encore. Elle n’est pas non plus isolée et réduite à ses attributs individuels. Elle vit en général au sein d’une famille, elle habite un endroit précis où se nouent une grande part de ses contacts amicaux et sociaux. Son comportement dépend des attributs de son entourage proche autant sinon plus que des siens propres. 
Pour le saisir, il faut donc disposer d’une masse énorme d’informations où l’on pourra croiser les nombreuses caractéristiques individuelles et celles des proches, une sorte de big data social. Le recensement qui correspond assez bien à cette exigence sert de base aux développements de cet ouvrage. Grâce aux données individuelles et surtout grâce aux caractéristiques des ménages et à leur localisation, qu’il collecte, il permet de sonder en détail les conduites des Français. 
Pour cela trois sujets sont privilégiés : la composition des couples, l’immigration et le chômage. Ils sont croisés entre eux et avec d’autres critères, en particulier l’éducation, la catégorie sociale, la taille de la famille, et le lieu de résidence. L’image des Français qui en résulte est plus sophistiquée que celle véhiculée par les sondages et amplifiée par les médias. Elle prouve que les difficultés économiques et politiques de la France ne se déclinent pas selon celles, générales, que rencontrent les ouvriers, ou bien les jeunes, ou bien les femmes, ou bien les immigrés, mais au cas par cas. 
Pour prendre un exemple, selon celle plus particulière de la femme âgée de 25 à 30  ans, employée de profession, titulaire du brevet seulement, habitant sans conjoint dans le Languedoc rural. »
(à suivre)

30 mai 2016

QUAND UN DÉMOGRAPHE ME RÉCONCILIE AVEC LES MATHÉMATIQUES !

Anatomie Sociale de la France (1)
J’ai souvent écrit sur les dangers de la mathématisation du monde et de construire à partir d’un calcul une vision erronée du monde, « hors sol ». 
Le livre « Anatomie sociale de la France » que Hervé Le Bras vient de publier, en est une démonstration paradoxale : parce qu’il sait manier les statistiques intelligemment et ne pas se contenter de visions simplificatrices, parce qu’il utilise la puissance du Big Data et la richesse du recensement français de 2011, parce qu’il affine progressivement son analyse en zoomant à l’intérieur de la France et en croisant les critères, il déconstruit les moyennes mathématiques et les pseudo-certitudes pour élaborer une vision toujours mathématique, mais cette fois exacte parce que fine et ancrée dans le réelle.
Je conseille très vivement la lecture de ce livre à tous ceux qui veulent comprendre la situation de la France sur des données aussi majeures que l’immigration, la natalité et le chômage, et leurs liens avec la géographie, l’éducation et la situation familiale.
En voici donc un patchwork qui n’est vraiment qu’un apéritif pour vous donner envie d’une plongée complète !

(à suivre)

9 mai 2016

PROMOUVOIR À TOUS CRINS LA DÉFENSE DES DROITS DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE SUR L’IMMATÉRIEL

Tous rentiers : Cinq idées reçues à combattre pour avoir une chance d’agir juste (5)
Le développement de nos économies contemporaines s’est largement construite grâce au développement des brevets, et donc de la privatisation de biens immatériels.
Philippe Askenazy met l’accent sur le danger de ceci dans des domaines comme la santé (surtout si les systèmes de soin sont éclatés et faibles face aux groupes pharmaceutiques), et surtout la connaissance : peut-on laisser des intérêts privés s’approprier ceci sans risque ?
Étrangement dans son livre, il ne parle pas de l’agriculture et des semences : comment ne pas non plus s’inquiéter de voir une entreprise comme Monsanto s’approprier ce qui était un bien commun ?
Supprimer tout droit de  propriété sur l’immatériel n’est pourtant pas la solution, car il est légitime et nécessaire de rémunérer et protéger des investissements faits. 
Trouver le bon équilibre avec la nécessité de protéger les libertés individuelles et de lutter contre l’émergence d’inégalités socialement insupportables, est certainement un de nos défis contemporains.

4 mai 2016

FAIRE CONFIANCE AUX VERTUS DU DÉVELOPPEMENT DE LA PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE

Tous rentiers : Cinq idées reçues à combattre pour avoir une chance d’agir juste (4)
On a tendance à affirmer que l’accession à la propriété est vertueuse, ce pour plusieurs raisons : amortisseur à la crise, préparation à la retraite, meilleure socialisation, meilleur entretien des logements. Mais est-ce si sûr ? 
Ainsi que Philippe Askenazy le rappelle, la crise des subprimes aux USA a montré qu’au contraire, l’acquisition d’un logement pouvait être source de faillite financière.
C’est aussi un frein à la mobilité : si la situation de l’emploi local vient à se dégrader, les salariés propriétaires de leurs logements se retrouvent piégés, car non mobiles. Comment en effet revendre son bien immobilier, sans avoir à faire face à des pertes importantes, parfois incompatibles avec les prêts contractés ?
C’est d’ailleurs un des points que met en avant Christophe Guilluy dans son livre la France Périphérique : « Les problèmes financiers sont structurels (ayant du mal à s’acquitter du paiement des traites de leur maison, des nombreux déplacements, de l’obligation de posséder deux voitures) et l’endettement, voire le surendettement, répandu. Quand le chômage frappe, l’éloignement des zones les plus dynamiques rend difficile un retour à l’emploi. Le piège se referme sur « cette classe moyenne inférieure » caractéristique en réalité de ces nouvelles catégories populaires fragilisées. »
Enfin Philippe Askenazy met le doigt sur un autre risque, celui du lien avec le populisme : « La transformation dans les décennies suivantes des sociétés scandinaves en sociétés de propriétaires occupants ne semble pas avoir amélioré leur fonctionnement. Pis, elles n’ont pas échappé à la montée des partis populistes d’extrême droite depuis le début du siècle (les Vrais Finlandais, le Parti populaire danois, le Parti du progrès norvégien, les Démocrates suédois). De fait, les contradictions des électeurs propriétaires servent partout de terreau aux populismes, du Tea Party américain au mouvement Cinq Étoiles italien en passant par UKIP, le Front national ou Pegida. (…) Ils désignent un tiers comme le responsable de leurs difficultés : en premier lieu, les immigrés mais aussi les assistés souvent identifiés aux premiers. »
Notons enfin que l’Allemagne se singularise par rapport à tous les autres pays européens avec presque la moitié des ménages locataires, versus un tiers en France, et 30% dans la moyenne de l’Union européenne.[i]
(à suivre)

[i] Source Eurostat, données 2013

2 mai 2016

PENSER QUE LA DYNAMIQUE DE L’EMPLOI EST PORTÉE PAR LES INDÉPENDANTS ET LES PETITES ENTREPRISES

Tous rentiers : Cinq idées reçues à combattre pour avoir une chance d’agir juste (3)
Concernant l’emploi indépendant, à l’appui du livre, voici quelques données statistiques :
 Selon l’INSEE, la part de l’emploi non salarié progresse lentement depuis 2006, en passant de 8,9% de l’emploi total à 10,6% en 2014, mais reste inférieure à son niveau de 1989 qui était de 13,4%.
Derrière cette évolution globale, deux mouvements contraires :
- Depuis 1989, une baisse régulière de l’emploi non salarié dans l’agriculture qui, tout en y étant dominant, ne représente plus de 63,4 % en 2014 contre 82,4 % en 1989. Ceci correspond à la montée en puissance d’une « agriculture industrielle ».
- Depuis 2004, une croissance dans la construction : la part de l’emploi non salarié est passée de 15,1 à 19,9 % en 2014. C’est à rapprocher des attaques régulières dans cette profession contre le statut du travailleur indépendant.
- Par contre dans les secteurs de l’industrie et du tertiaire, les évolutions sont certes positives, mais très lentes, avec un passage depuis 2004 de 3,2 à 4,4 % pour l’industrie, et de 7,3 à 9 % pour le tertiaire.
Selon le Bureau International du travail, il y a une forte baisse de l’emploi non salarié de 1982 à 2004 où il passe de 17,9 à 10,8 %, puis remonte à 11,5 % en 2014. Des données donc différentes, mais des évolutions synchrones. 
Concernant l’ancienneté dans les entreprises, on ne constate pas une progression de la tranche des salariés ayant moins d’un an d’ancienneté, mais au contraire, une baisse puisqu’ils sont passés de 17 % des salariés en 2000 à moins de 13 % en 2014. 
Bref, tout sauf un raz de marée des travailleurs indépendants… au moins pour l’instant.
Qu’en est-il de la création d’emploi ? A nouveau, quelques données statistiques, fruit d’une recherche personnelle :
Une note publiée par l’INSEE en 2010[i] constate que la part des salariés travaillant dans des entreprises de plus de 1000 personnes est passée de 27 à 33 % entre 1985 et 2006, alors que celle étant dans des entreprises de moins de 20 personnes stagnait autour de 30 %. La part des entreprises ayant une taille comprise entre 20 et 1000, elle, baisse, et ce dans chacune des tranches à l’intérieur de cet ensemble. D’où le titre de cette note : « Depuis trente ans, les grandes entreprises concentrent de plus en plus d’emploi »
Une analyse par secteur, dans cette même note, montrent des vitesses différentes : dans les services et le commerce, la part des grandes entreprises progresse très fortement (augmentation d’environ 15 points de leur poids dans l’emploi), alors que dans l’industrie, on n’a qu’un très faible gain.
Les statistiques les plus récentes de l’INSEE portent sur les années de 2009 à 2012, et procèdent selon un regroupement différent : 
- Dans les micro-entreprises (moins de 10 salariés), croissance de l’emploi entre 2009 et 2010 de 7%, et depuis, baisse de 1% par an,
- Dans les PME (de 10 à 250 salariés) et les grandes entreprises (plus de 5000 salariés), croissance d’environ 1% par an (1,3 pour les PME et 0,7 pour les grandes),
- Dans les entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 5000 salariés), croissance de 2% par an
Si l’on rapproche ceci de l’étude de 2010 (il n’y aucune raison de penser qu’une rupture s’est produite entre les deux), le segment en croissance serait donc d’abord celui des entreprises de 1000 à 5000 personnes, et le plus fragile celui des plus petites, l’emploi au sein de celles de plus de 5000 restant quasiment stable.
Pourquoi donc affirme-t-on constamment que ce sont les petites entreprises qui créent de l’emploi ? Parce que l’on ne regarde que les créations brutes en ignorant les destructions d’emplois : le tissu de petites entreprises est en mouvement constant, et il s’y crée sensiblement autant d’emplois qu’il s’en détruit. Ou autre façon de  formuler : l’emploi y est fragile et très incertain. Rien que de très normal finalement.
Plus inquiétante est le peu de dynamisme des entreprises de taille moyenne, c’est à dire celles ayant un effectif de quelques centaines de personnes : c’est un indicateur de la vulnérabilité globale du tissu industriel français. Témoignage de la difficulté des petites entreprises à grandir, ce qui entrave le renouvellement.
Quant aux grandes entreprises, elles résistent globalement… peut-être justement au préjudice des entreprises moyennes.
(à suivre)

[i] Depuis trente ans, les grandes entreprises concentrent de plus en plus d’emploiINSEE PREMIERE, N°1289, AVRIL 2010

27 avr. 2016

AFFIRMER QUE LES MÉTIERS LES MOINS PAYÉS NE SONT PAS QUALIFIÉS

Tous rentiers : Cinq idées reçues à combattre pour avoir une chance d’agir juste (2)
Autre lieu commun : la disparition de la classe moyenne avec la fracturation croissante du marché du travail entre des emplois très qualifiés fortement rémunérés et des peu qualifiés faiblement rémunérés.
Or, s’il y a bien une fracturation accompagnée la disparition de la catégorie intermédiaire, en conclure que ceci correspond à une rupture parallèle dans les qualifications est erroné.
D’abord comme indiqué précédemment, ce n’est pas parce qu’un emploi est de plus en plus qualifié qu’il est de mieux en mieux payé, mais simplement parce que le rapport de force lui est de plus en plus favorable : par exemple, la croissance des revenus dans l’immobilier ou la finance est sans relation directe avec un écart de compétence vis à vis des autres professions.
Ensuite il est faux de dire que les emplois dits non qualifiés le sont : le déploiement des nouvelles technologies, la suppression de l’encadrement intermédiaire, et l’enrichissement des tâches des personnes en première ligne conduisent à une complexité croissante des tâches. Un des exemples est celui des caissières de supermarché qui deviennent maintenant des « hôtesses de clientèle » dont l’activité dépasse largement celle de simplement taper sur une machine.
Ceci se retrouve dans le niveau de qualification du personnel : entre 1996 et 2014, en Europe, la part des salariés n’ayant eu qu’une formation du premier cycle a systématiquement baissé de l’ordre de 20% pour tous ces métiers[i].
D’aucuns pensent que ceci est le résultat de l’élévation du niveau de formation. Mais n’est-il pas plus pertinent de dire, comme le fait Philippe Eskenazy, que cette élévation a été rendue nécessaire par la montée de la complexité de ces tâches ? Le fait que le chômage en France soit directement corrélé avec le niveau de formation vient à l’appui de cette lecture. 
Dès lors, comment ne pas comprendre l’amertume des personnes exerçant ces métiers, quand, face à la progression de la complexité et de leurs qualifications personnelles, leurs rémunérations relatives baissent, ainsi que leurs reconnaissances sociales ?
(à suivre)


[i] Tous Rentiers, Source OCDE (2013), Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013

25 avr. 2016

CROIRE QU’UNE RÉMUNÉRATION EST LE REFLET DE LA PRODUCTIVITÉ

Tous rentiers : Cinq idées reçues à combattre pour avoir une chance d’agir juste (1)
On parle souvent d’une classe politique hors sol et de propositions déconnectées de la réalité. Une des raisons en est souvent des raisonnements qui, au lieu de partir du réel, reposent sur des lieux communs qui sont autant d’idées reçues erronées.
De ce point de vue, le dernier livre « Tous rentiers ! » de Philippe Askenazy est plus que salutaire, car il nous amène à revisiter précisément quelques lieux communs, source d’autant d’erreurs.
Cinq me semblent essentiels.
Commençons par la liaison entre rémunération et productivité
D’aucuns pensent qu’il y a un lien direct entre la productivité d’un métier et la rémunération correspondante. En fait, non, car le niveau d’une rémunération se corrèle d’abord à la capacité ou non de bénéficier d’un rapport de force favorable.
Quelques exemples tirés du livre, Tous rentiers ! : comment expliquer autrement qu’un pharmacien français gagne trois fois plus que son homologue anglais, ou qu’un conducteur du métro new-yorkais le double de son alter ego parisien ? Ou encore pour rester dans la même catégorie, qu’un conducteur londonien ait une rémunération de 50% supérieure à un pharmacien de la même ville ?
Autre absurdité d’un calcul à partir de la productivité apparente : « La valeur ajoutée apparente d’un psychanalyste est égale à la somme des paiements des clients, diminuée de quelques consommations intermédiaires (électricité, ménage…) : si le psychanalyste augmente le prix de sa consultation, donc sa rémunération, on observera que sa productivité apparente progresse. ».
Je corrèle ceci à l’absurdité de la mesure de la performance de l’économie à partir de l’évolution du PIB : le développement de tâches inutiles ou la destruction de biens existants pour leur remplacement à l’identique font progresser le PIB, alors que la meilleure utilisation de biens existants – comme par exemple le partage des voitures particulières ou de logements inoccupés – a un effet négatif. 
Une étude de McKinsey qui vient de paraître, montre aussi que les développements couplés du numérique et de l’impression 3D font diminuer le transfert de produits au profit de celui de data.
C’est ainsi que la plupart des économistes en arrivent à dire que la révolution numérique en cours ne crée pas de croissance, sans se rendre compte que c’est leur outil de mesure qui est déficient. 
Autre remarque de Philippe Askenazy : l’amélioration de la qualité n’est pas prise en compte dans les calculs : faire bien ou mal son travail n’est pas mesuré. Il le complète avec l’exemple d’un hôtel où l’on a changé les matelas, agrandi les chambres et construit une piscine : analyser la variation de prix en considérant que c’est la même prestation est faux.
Une conclusion à retenir en synthèse de tout cela : attention aux calculs mathématiques, car le réel ne se met pas en équation !
Ainsi que j’ai eu l’occasion de l’écrire dans mon dernier livre, "2017 : Le réveil citoyen" : « il est pertinent de multiplier et additionner pour calculer le coût de la trousse d’un élève, mais absurde pour savoir comment s’en servir. Pertinent pour évaluer le niveau de dépenses de l’État et des prélèvements publics, ou la part restant disponible pour les ménages et les entreprises, mais absurde pour en simuler les effets sur l’économie. »
(à suivre)

26 févr. 2016

UN DÉSESPOIR SANS FOND

Un plongeon dans une douleur infinie, un puits sans fond dans lequel on descend mot à mot, des pelures d'émotion que l'on arrache avec lui.
On aimerait être là pour le consoler, le prendre dans nos bras, le rassurer. Mais à quoi bon. Il est évident que ce serait vain et sans résultat.
Ses phrases s'enchaînent et nous emportent dans le tourbillon de sa dépression. Une langue brute, râpeuse, à fleur de peau. 
Pour son deuxième livre, Édouard Louis réussit la prouesse de dépasser encore la justesse du premier. Dans "Histoire de la violence", le désespoir est tel que "En finir avec Eddy Bellegueule" prend presqu'une allure de bluette. C'est tout dire.
Une chose de sûr, nous avons bien un nouveau grand écrivain français. 
Après avoir fermé ce livre, sans que je puisse expliquer pourquoi une citation me hante : "Est-ce qu'on suit une procédure parce qu'elle est une procédure ou est-ce qu'une procédure ne sert pas à faire en sorte que tout se passe au mieux."
Lui, Édouard, pour son malheur, ce n'est pas une procédure qu'il a suivi mais Reda. Longtemps après il le regrettera. Comment vivre après un viol ? Comment émerger après une telle peur ? Pour sûr, avec Reda, rien ne s'est passé au mieux...

20 janv. 2016

CRÉER DE LA VALEUR EST UNE AFFAIRE D’ATTENTION

La création de la valeur comme le bonheur sont là juste devant nous … à condition que nous fassions suffisamment attention.

Extraits de « Bonheur et création de valeur » de Bernadette Babault (2002 - document d'origine en anglais « Happiness and Value Creation ») : 

« Les entreprises et les hommes sont prises dans un piège tendu par un malentendu similaire : les entreprises veulent créer de la valeur, les hommes du bonheur. Nous sommes convaincus que c'est notre but, aussi voulons-nous le faire arriver volontairement. Le malentendu est que, si c'est bien notre but d'atteindre bonheur et création de la valeur, ce n'est pas quelque chose que nous avons à faire advenir. Il est déjà là devant nous ; ce qui nous rend aveugle est notre besoin de le voir volontairement…
La création de valeur arrive partout et tout le temps. C'est un processus fait d'ajustements locaux et de coévolutions… Et ce qui prend une voie ou une autre est bien au-delà des procédures écrites, et ainsi restera invisible aux systèmes d'évaluation. Le système conscient d'une organisation ne peut pas saisir de quoi il est fait. Le management peut voir les résultats, définir des structures, des systèmes et des stratégies et vérifier que les buts sont atteints. Il peut sentir que quelque chose manque dans le paysage, mais il ne peut pas combler ce manque…

Mon approche du conseil est maintenant d'encourager les managers à observer « ce qui est là »… Observer une organisation sereinement et consciemment consiste à écouter des histoires sans les juger...

La première fois que des dirigeants sont encouragés à s'informer sur les situations quotidiennes sans réagir, ils sont sceptiques : « Je suis supposé avoir une opinion, une réponse, autrement pourquoi serais-je le patron ? »… Un PDG m'a dit un jour : « J'incarne la création de valeur ». Quel fardeau !...
Il faut de la compassion et de la patience pour rester attentif sans réagir, mais c'est aussi très gratifiant. Il faut de la force pour voir quelqu'un dans la douleur et résister à la tentation de l'aider, de lui proposer une solution, ou de s'excuser… On suppose que ne pas s'inquiéter est montrer que ce n'est pas important. Or être présent sans s'inquiéter, c'est dire sans aucun mot que « non seulement c'est important pour moi, mais j'ai aussi assez confiance en toi pour te laisser t'en sortir tout seul »…

Pendant que les autres décident où ils veulent aller avant d'embaucher des managers, les grands dirigeants (selon le dernier livre « Good to Great » de Jim Collins) embauchent des managers avec qui ils sentent qu'ils peuvent s'embarquer quel que sera le voyage à faire. Ils cherchent d'abord à avoir les bonnes personnes dans le bus, plutôt que savoir où va le bus. »

6 janv. 2016

« LE CHANGEMENT SE SUFFIT À LUI-MÊME, IL EST L’ÉTOFFE MÊME DU MOI ET DU MONDE »

Patchwork tiré de « Leçon sur la perception du changement de Henri Bergson par Jacques Ricot »

Sur le mouvement et le changement…
« A vrai dire, il n'y a jamais d'immobilité véritable, si nous entendons par là une absence de mouvement. Le mouvement est la réalité même, et ce que nous appelons immobilité est un certain état de choses analogue à ce qui se produit quand deux trains marchent à la même vitesse, dans le même sens, sur deux voies parallèles : chacun des deux trains est alors immobile pour les voyageurs assis dans l'autre. »
« Mais de quel droit avons-nous confondu le mouvement et l'espace qu'il parcourt ?... L'objet n'est pas un point, il y passe… L'immobilité n'est qu'une illusion spéculative née des besoins de la vie usuelle… Et, d'un but atteint à un autre but atteint, d'un repos à un repos, notre activité se transporte par une série de bonds, pendant lesquels notre conscience se détourne le plus possible du mouvement s'accomplissant pour ne regarder que l'image anticipée du mouvement accompli … Notre intelligence pense toujours en vue de l'action et c'est pourquoi elle doit prendre des vues stables sur le mouvant… Et la distance infranchissable qui sépare l'immobilité de la mobilité est de même nature que celle qui différencie les lettres de l'alphabet de la signification d'un poème. »

Sur la vue et l'ouïe…
« Écoutons une mélodie en nous laissant bercer par elle : n'avons-nous pas la perception nette d'un mouvement qui n'est pas attaché à un mobile, d'un changement sans que rien qui change ? Ce changement se suffit, il est la chose même… Sans doute nous avons une tendance à la diviser et à nous représenter, au lieu de la continuité ininterrompue de la mélodie, la juxtaposition de notes distinctes (…) parce que notre perception auditive a pris l'habitude de s'imprégner d'images visuelles… Faisons abstraction de ces images spatiales : il reste le changement pur, se suffisant à lui-même, nullement divisé, nullement attaché à une « chose » qui change… La vue est le sens de l'espace, l'ouïe est le sens du temps… Ainsi la page d'un livre est-elle composée d'un arrangement de lettres et de mots que l'on peut parcourir plusieurs fois et sur lesquels ont peut revenir… Par l'oreille, nous vivons au rythme de l'écoulement temporel et le champ auditif est celui de l'enchaînement inéluctable de sons que nous ne pouvons aménager à notre guide, car la propriété essentielle du temps est l'irréversibilité.»

Sur le moi et l'identité… 
« Mais nulle part la substantialité du changement n'est aussi visible, aussi palpable, que dans le domaine de la vie intérieure. Les difficultés et contradictions de tout genre auxquelles ont abouti les théories de la personnalité viennent de ce que l'on s'est représenté, d'une part, une série d'états psychologiques distincts, chacun invariable, qui produiraient les variations du moi par leur succession même, et d'autre part un moi, non moins invariable, qui leur servirait de support… Il y a simplement la mélodie continue de notre vie intérieure, - une mélodie qui se poursuit et se poursuivra, du commencement à la fin de notre existence consciente. Notre personnalité est cela même… : La personnalité est tout entière dans la continuité mouvante et indivisible de la vie intérieure. Et c'est dans cette continuité que réside la substance du moi. »

Sur la conscience, le passé et le présent…
« Notre conscience nous dit que, lorsque nous parlons du présent, c'est à un certain intervalle de durée que nous pensons. Quelle durée ? Impossible de la fixer exactement ; c'st quelque chose d'assez flottant… En un mot, notre présent tombe dans le passé quand nous cessons de lui attribuer un intérêt actuel… Le passé est très exactement ce que l'attention ne tient plus sous son regard. »
« Le passé se conserve de lui-même, automatiquement… Ces faits, avec beaucoup d'autres, concourent à prouver que le cerveau sert ici à choisir dans le passé, à le diminuer, à le simplifier, à l'utiliser, mais non pas à le conserver… Mais cette opération n'appartient pas à la conscience, c'est la nature qui a inventé ce mécanisme, le cerveau, chargé de filtrer le passé. Le cerveau élimine le passé inutile à l'action pour ne retenir que ce qui peut servir le moment présent. ».

Sur ce qui existe vraiment…
« Il suffit d'être convaincu une fois pour toutes que la réalité est changement, que le changement est indivisible, et que, dans un changement indivisible, le passé fait corps avec le présent. »
« L'idée de détermination nécessaire perd toute espèce de signification, puisque le passé y fait corps avec le présent et crée sans cesse avec lui – ne fut-ce que par le fait de s'y ajouter – quelque chose d'absolument nouveau… Dans une situation analogue à celle des deux trains (…), c'est un certain réglage de la mobilité sur la mobilité qui produit l'effet de l'immobilité. »

9 mars 2015

CROISSANCE ZÉRO ?

N’attendons pas qu’un miracle nous tombe du ciel et nous sauve ! (1)
Dans son livre publié en janvier dernier, « Croissance Zéro », Patrick Arthus expose pourquoi la France serait condamnée à faire face durablement à une croissance nulle. Pour lui, tout viendrait d’une érosion de la croissance mondiale, liée à un ralentissement de l’accroissement de la productivité.
Pourquoi ? Parce que le développement d’internet et du numérique ne s’accompagnerait pas des gains de productivité attendus. Toujours selon lui, ceci pourrait être dû à 3 raisons possibles :
- Il est encore trop tôt pour les constater : ce n’est qu’au bout de 40 ans, que le moteur électrique a donné tous ses effets,
- La population mondiale n’a pas assez été formée, et nous ne savons pas comment tirer parti des ces nouvelles technologies,
- Internet n’est pas une réelle révolution, et n’est qu’une amélioration marginale.
Je ne crois pas personnellement que la troisième hypothèse soit la bonne, mais je remarque que les deux premières ne sont que les deux faces d’une même hypothèse : il était trop tôt pour en voir les effets.
Je suis persuadé que ce n’est que maintenant que les choses commencent :
- Une nouvelle génération, la fameuse génération Y, arrive dans les entreprises et a grandi avec Internet. Elle sait intuitivement comment en tirer parti.
- Chaque homme ou femme, ou presque, est aujourd’hui connecté à haut débit, et dispose dans sa poche ou dans sa main d’un terminal avec un écran à haute définition.
- Le développement du Big Data ouvre des horizons inconnus en matière de personnalisation, d’organisation du travail et de désintermédiation.
Pour compléter le tableau, je citerais aussi la multiplication et la sophistication croissante des imprimantes 3D. Sans parler des liens prometteurs avec la biologie.
Bref tout commence !
(à suivre)