8 juin 2016

FÉCONDITÉ ET GRAND REMPLACEMENT

Anatomie Sociale de la France (4)
L’arrêt de l’immigration ne signifie pas l’arrêt de la mixité :
« En conservant le même apport migratoire à chaque génération, sur les 72 % d’enfants qui n’ont aucun parent immigré, seuls 41 % n’ont aucun grand-parent immigré, soit 58 %. (…) En remontant encore d’une génération, la réduction sera encore plus drastique puisque 14 % seulement des enfants dont les deux parents ne sont pas immigrés n’auront aucun arrière-grand-parent immigré. En grimpant d’un cran dans l’ascendance, ce sont donc 0,14 × 14 % =  2 % des enfants qui n’auront aucun arrière-arrière-grand-parent immigré. »
« Les calculs précédents ont été menés dans l’hypothèse d’une continuation de l’immigration à son rythme actuel. Pour enrayer la disparition du peuple d’origine française, les théoriciens du grand remplacement demandent un arrêt immédiat de l’immigration. (…) L’arrêt de l’immigration n’affecte donc guère le mélange de la population. La notion de « deux peuples », l’un immigré, l’autre non immigré n’a rigoureusement aucune signification dès que les unions mixtes sont fréquentes. Peut-on tracer une frontière telle qu’à partir d’un certain nombre d’ancêtres non immigrés, on soit considéré comme non immigré ? (…) La distribution du nombre d’ancêtres immigrés est sans rupture et largement étalée dès que l’on remonte à quatre ou cinq générations. Aucun critère ne permet de définir un seuil à partir duquel on cesserait d’être considéré comme un immigré. Il n’y a pas deux peuples mais un seul, mélange d’une quasi-infinité d’ascendances diverses. »
De plus la fécondité des immigrés converge vers la fécondité du pays :
« Arrivées de pays où le niveau de fécondité est élevé, les immigrées visent une descendance plus faible à mesure que leur niveau d’éducation s’élève. Le lien entre éducation et baisse de la fécondité a été constaté dans le monde entier et il a été mis en avant par les organisations mondiales s’occupant de population. Ce faisant la composition de la famille des immigrées rejoint celle des originaires du pays où elles se sont installées, ce qui est une indication (parmi d’autres) de leur intégration. 
On peut aussi faire référence à la théorie de Gary Becker selon lequel, avec l’investissement dans l’éducation, la qualité des enfants remplace leur quantité. Une fois la jonction opérée, au contraire, la fécondité s’élève avec le niveau d’éducation et le niveau d’activité féminine, autre régularité observée dans les pays de l’Union européenne où les plus fortes fécondités coïncident avec les plus fortes participations des femmes à l’emploi (pays nordiques, Royaume-Uni, France) et les plus faibles avec leurs plus faibles participations (Italie, Espagne, Grèce). Cette dernière relation semble en contradiction avec la théorie de Becker. Elle s’explique cependant assez facilement. Les femmes veulent à la fois construire une famille et accéder à l’emploi à égalité avec les hommes. »
Le lien durable est entre fécondité et géographie
« En France, pays longtemps inquiet du risque de dépopulation, une forte fécondité est connotée positivement, mais ce n’est pas le cas dans les pays voisins dont l’attitude est plus malthusienne au sens exact du terme et beckerienne (la qualité plutôt que la quantité). C’est aussi une explication possible de la fécondité française actuelle qui est la plus forte de l’Union européenne (avec l’Irlande). Inquiets devant la mondialisation, méfiants envers le monde extérieur qu’il s’agisse de l’Europe, de l’immigration ou des réfugiés, les Français ont tendance à se réfugier dans la vie familiale. 
Les deux niveaux géographiques utilisés ici conduisent à deux types d’explications différents. Au niveau des départements, et plus généralement des grandes régions qui constituent l’espace français, les variations de fécondité reflètent des comportements très anciens qui tiennent à des conceptions différentes de la vie familiale, de la succession et des rapports entre générations. Les niveaux de fécondité diffèrent aussi beaucoup dans chaque région selon que l’on habite en agglomération ou dans les zones rurales. Il s’agit là de comportements actuels. Les contraintes et les choix de logements y jouent le rôle principal. Une sélection s’opère. Ceux qui souhaitent une famille assez nombreuse, ce qui signifie dans le monde moderne deux ou trois enfants, rarement plus, ont tendance à s’établir assez loin du centre où ils trouvent des logements plus spacieux et moins chers. Considérer la fécondité globalement empêche de saisir les différences de comportement puisque ville et campagne, Ouest fécond et Sud-Ouest peu fécond se retrouvent mêlés. »
(à suivre)

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