27 janv. 2020

TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LE POPULISME SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER

Un regard critique, argumenté et acéré sur le sens de la montée des populismes
En ces temps de perte de repères, de remise en cause de la démocratie dans des pays où elle semblait ancrée pour toujours – y compris en France… –, de montée en puissance de pensées et mouvements « populistes » venant de gauche comme de droite – inutile malheureusement d’avoir besoin d’aller dans les extrêmes pour les trouver –, voilà un livre plus que bienvenu : « Le siècle du populisme » de Pierre Rosanvallon.
Pierre Rosanvallon y déploie de façon claire et synthétique une analyse sur les ressorts de cette montée en puissance en prenant appui à la fois sur l’histoire et sur le présent.
Un diagnostic froid et glaçant qui se termine fort heureusement par une esquisse de pistes de solutions.
Impossible de résumer ce livre sans le dénaturer. A vous de le découvrir. N’hésitez pas car il est limpide et accessible à tous. Et tellement indispensable qu’il devrait figurer parmi les livres de classe, et être envoyé à tout adulte qui sait lire J
Voici juste quelques citations en guise d’apéritif, en espérant qu’elles vous donneront envie d’accéder à l’original !
Extraits tirés de « Le siècle du populisme » de Pierre Rosanvallon :
Ce livre a pour objet de proposer une première esquisse de cette théorie manquante (la théorie du populisme). Avec l’ambition de le faire dans des termes qui permettent une confrontation radicale – c’est-à-dire qui va à la racine des choses – avec l’idée populiste. Ce qui implique de la reconnaître comme étant l’idéologie ascendante du XXIe siècle, une reconnaissance nécessaire à l’instruction de sa critique approfondie sur le terrain de la théorie démocratique et sociale. »
« L’empereur n’est pas un homme, c’est un peuple. » (Louis Napoléon, 2 décembre 1851) (…) Alors que les libéraux pensent que la représentation a pour but de refléter la diversité et de constituer ensuite une forme de cohérence à travers les mécanismes de la délibération parlementaire, les bonapartistes voulaient qu’elle exprime immédiatement une unité présupposée.
« Il y a une chose plus forte que la Constitution […] c’est la volonté du peuple. Qu’est-ce qu’une Constitution en effet ? C’est une production du peuple ; c’est lui, le peuple, la première source du pouvoir et, s’il le souhaite, le peuple peut abolir la Constitution. » (George Wallace, gouverneur de l’Alabama au tournant des années 1970). Populistes de gauche et populistes de droite ne diffèrent pas sur ce point : la Constitution est pour eux la simple expression momentanée d’un rapport de forces. C’est estimer, en d’autres termes, que la sphère du droit n’a aucune autonomie, et que tout est donc politique.
On peut rappeler à ce propos la fameuse apostrophe à ses adversaires d’un socialiste français en 1981 : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires. »
C’est ainsi toute une conception du public qui est en cause dans la vision césarienne du politique. Le public n’est jamais compris comme l’espace en travail de l’interaction et de la réflexion entre les groupes et les individus ; il n’est appréhendé que sous les espèces figées des institutions légitimées par l’élection.
Les journaux étaient appréhendés dans cette perspective comme « des centaines de petits États au milieu de l’État », des institutions privées qui jouaient un rôle politique. Ils étaient une puissance publique en mains particulières : le journaliste, résumait ce théoricien du régime, intervient dans la vie publique avec sa conscience ou ses intérêts personnels comme seul mandat. Il n’est élu par personne alors qu’il incarne un véritable pouvoir social. (…) Pour dire les choses autrement, le journal peut être considéré comme une puissance aristocratique dans un monde démocratique. (…) « Les journaux, qui ne représentent et ne sauraient représenter que des intérêts individuels, doivent être subordonnés aux intérêts généraux », disaient-ils (les bonapartistes).
 Les cours constitutionnelles et les institutions indépendantes de régulation ont souvent été décrites comme « libérales », au sens où elles protégeraient les individus des risques de tyrannie de la majorité. Il est vrai qu’elles ont de ce point de vue un « effet libéral ». Mais il faut en même temps bien les considérer comme des institutions pleinement démocratiques, c’est-à-dire participant à la mise en œuvre d’une souveraineté collective. (…) Ce caractère démocratique doit d’abord s’attacher au mode de nomination de ceux qui composent ces institutions, les soumettant à diverses séries d’épreuves et de vérifications (conditions de compétence ; critères d’indépendance ; soumission à des auditions publiques ; transparence de tous ces éléments et encadrement de l’intervention du pouvoir exécutif). La qualité démocratique d’une institution doit par ailleurs s’apprécier au regard de ses conditions d’organisation (le caractère collégial de ces institutions ayant une importance décisive). Elle doit enfin se lier à des règles spécifiques de fonctionnement (transparence ; publicité des délibérations ; reddition de comptes ; évaluation ; communication citoyenne ; interaction avec des organismes de la société civile intervenant dans le même champ). On voit là qu’il reste beaucoup à faire pour définir et organiser la qualité démocratique de ce type d’institution.