Je marche maintenant dans une ville inconnue. Depuis combien de temps ? Je ne sais pas, mais certainement depuis longtemps. Pourquoi ? Pour trouver un nouveau corps à tatouer. Je tourne en rond. Les murs sont gris, ternes, les rues étroites, sombres. Et vides. Je suis seul. Aucun bruit, aucun mouvement autour de moi. Un peu de vent, c’est tout. Chaud, désagréable, chargé de poussière.
J’ai soif. À droite, justement, l’enseigne d’un bar luit faiblement. Je jette un coup d’œil à l’intérieur : glauque, quelques tables, un petit comptoir dans un recoin. Je n’aperçois personne. Trop soif. Je pousse la porte.
Aussitôt une musique de rock se déchaîne, un éclairage au néon s’allume, quelques danseurs se déhanchent sur une petite piste. Je m’approche du barman qui, sans un mot, me tend une bière. Je la saisis et me tourne vers la salle. Que des hommes. Une ambiance sexe, la plupart sont torse nu.
Vais-je trouver ici celui que je cherche ? Ce soir, je le veux captif, rebelle, révolté. Je le veux criant, se débattant, se refusant. En vain, car il sera solidement attaché sur un lit.
Écrire dans sa peau ne sera pas intellectuel, mais physique : mes mots pénétreront son corps. Littéralement. Au sens propre.
D’abord, avant de commencer, lentement, je pincerai sa chair, la soulèverai et la relâcherai. Puis je recommencerai, encore et encore. Comme certains joueurs de tennis font rebondir la balle avant de servir, je ferai rebondir sa peau avant de la tatouer.
Puis avec mon stylet, je le violerai en franchissant la résistance de son derme pour entrer en lui. Le glissement ne sera pas une caresse, mais une griffure. L’encre sera rouge, le sperme ensanglanté de mon sexe scriptural.
Envie de provoquer une douleur vraie et non plus superficielle. Envie de le faire souffrir. Envie de l’entendre gémir. Envie de le soumettre à ma volonté sadique.
Mon stylet sera un fouet, le rouge son sang. Je le frapperai régulièrement et méthodiquement. Jusqu’à plus soif. Jusqu’à ne plus avoir la moindre énergie. Jusqu’à ne plus tenir debout.