Affichage des articles dont le libellé est Règle. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Règle. Afficher tous les articles

7 juin 2010

LA VIE NAÎT DU DÉSORDRE

C'est beau la vie, mais quelle pagaille !

Poursuite de la promenade au sein des « Mers de l'incertitude » avec des extraits issus de la première partie et portant sur la vie et l'évolution.

« Quand je me penche à l'intérieur de la vie pour voir un peu ce qui se passe, je n'y trouve que des séries de désordres emboîtés les uns dans les autres : chaque fois que j'ouvre la poupée d'un niveau, j'en trouve une autre plus petite, à l'intérieur. Interminable jeu de poupées russes.
A chaque niveau, l'instabilité est la règle, et seul le mouvement permet au système de tenir debout et d'avancer. Ainsi ce ne sont pas des poupées russes qui sont emboîtées, mais plutôt des « vélos russes » : des vélos qui pédalent sans cesse emboîtés les uns dans les autres. Chaque particule de matière infinitésimale va de déséquilibre en déséquilibre ; chaque cellule est composée d'une multitude de particules qui entrent et sortent de la cellule ; chaque être vivant est un ensemble dynamique de cellules qui collaborent provisoirement, naissent et meurent sans cesse, s'hybrident constamment avec le dehors. Et, cerise sur le gâteau, nous, humains, nous avons en plus un cerveau sophistiqué composé de milliards de neurones et d'un nombre quasi incalculable de connexions synaptiques : le tout n'arrête pas d'intégrer de nouvelles informations, de recomposer ses interprétations passées et d'en construire de nouvelles. Nous ne sommes donc qu'un gigantesque désordre, une pagaille à faire peur si nous pouvions la voir.
De tout cela, émergent notre conscience et notre conviction d'exister, c'est-à-dire une sensation de continuité et de responsabilité dans le temps : je suis celui que j'ai été et je me sens responsable de ce que j'ai fait. Nos systèmes de pensée et de droit sont fondés sur ce sentiment d'identité et de responsabilité.
Ainsi de ce fouillis indescriptible, de ces vélos russes qui tournent sans cesse les uns dans les autres, sommes-nous nés. (…)

Ordre et désordre sont donc indissociables : c'est la présence des deux qui apporte à la vie la capacité à s'adapter, indispensable pour inventer par tâtonnements et ajustements successifs, et la continuité, nécessaire à la construction de l'identité et de l'expérience.
La vie se nourrit aussi d'elle-même : tout organisme vivant absorbe constamment d'autres organismes vivants, avant d'être lui-même absorbé. Nous sommes tous des cannibales du vivant.
Pour être vivante, l'entreprise a besoin aussi de dualité et de cannibalisme : une forme d'ADN qui va lui apporter stabilité et continuité, des réactifs élémentaires changeants et volatils capables de se composer et décomposer rapidement ; la croissance externe qui est une des sources essentielles de son développement, en lui permettant d'absorber l'énergie accumulée par les autres. »
1

(1) Extraits des Mers de l'incertitude p.57-58 et 60

29 mars 2010

UNE ENTREPRISE SE COMPOSE ET SE DÉCOMPOSE SANS CESSE

Les règles communes cimentent les systèmes


"A l'échelon le plus élémentaire, on trouve les composants de base de la matière. Ces composants se combinent pour donner des photons, des neutrinos, des électrons ou des quarks. En continuant la remontée, on arrive aux briques de base dont nous avons tous entendu parler depuis longtemps : hydrogène, oxygène, carbone, fer… A leur tour, ces briques se composent pour créer des molécules complexes : eau, gaz carbonique,…

De cette matière, émerge la cellule, l'échelon de base du vivant. Assemblées ensuite dans des schémas plus ou moins sophistiqués, ces cellules donnent naissance à un être vivant allant de l'amibe à l'homme. 
Enfin ces êtres vivants interagissent entre eux et donnent naissance à des systèmes : des tribus d'animaux, des écosystèmes (la fleur et l'abeille), des entreprises, des organisations sociales… Puis tous ces systèmes s'articulent entre eux pour donner notre univers. Et au-dessus ? On ne sait pas…

Qu'est-ce qui fait qu'une collection d'éléments n'est pas seulement une juxtaposition, mais crée un niveau ? C'est l'existence d'au moins une règle commune et nouvelle qui fait que c'est bien un niveau et non pas une collection d'éléments : une collection de stylos ne devient pas un niveau et reste un ensemble d'objet ; une collection de personnes devient un groupe et donc un niveau, si elles suivent des règles communes (des lois, des us et coutumes, …). C'est l'existence de ces règles qui lui apporte ses propriétés spécifiques. 


De même, c'est l'existence de règles propres qui fait qu'une entreprise existe en tant que telle, et n'est pas qu'une juxtaposition d'individus. Ces règles peuvent comprendre des éléments objectifs comme le cadre juridique, les systèmes d'information ou l'organisation interne, mais aussi subjectifs comme des us et coutumes, un langage propre. Les éléments qui composent une grande entreprise (filiales, pays, divisions…) n'existeront en tant que niveau propre, que si ils sont eux-mêmes dotés de règles propres, celles-ci pouvant n'être que culturelles.

Comme tout organisme vivant, une entreprise se compose et se décompose sans cesse : elle consomme des produits et en crée d'autres, elle intègre des individus et se séparent d'autres, elle crée des alliances avec certaines entreprises et en attaque d'autres… Elle vit. Sans l'existence de ses règles et de sa culture, l'identité de l'entreprise ne perdurerait pas au travers de ces transformations continues. Si ce ciment venait à disparaître, l'entreprise, en tant que système collectif, cesserait d'exister pour ne devenir plus qu'une collection d'individus juxtaposés. Elle perdrait sa cohésion et ne pourrait plus être dirigée. Si, suite à une fusion, une culture commune n'est pas mise en place, on aura une juxtaposition et non pas une entreprise.


Quand IBM devient une entreprise centrée sur le software et sur la prestation intellectuelle, est-elle toujours IBM ? Après avoir absorbé successivement Fina, puis Elf, Total est-il resté Total ? Quand Veolia nait à partir de la scission des activités environnement issues de la Générale des Eaux redevient-elle la Générale des Eaux sous un autre nom ? Quand France Telecom cesse d'être une entreprise publique et s'internationalise de plus en plus, est-elle toujours France Telecom ? Quand BSN devient Danone s'agit-il d'une création nouvelle ou d'une transformation d'une identité ?"

(Ce texte est un extrait de mon nouveau livre "Les mers de l'incertitude" - p. 58-59 - à paraître fin mai)