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20 janv. 2016

CRÉER DE LA VALEUR EST UNE AFFAIRE D’ATTENTION

La création de la valeur comme le bonheur sont là juste devant nous … à condition que nous fassions suffisamment attention.

Extraits de « Bonheur et création de valeur » de Bernadette Babault (2002 - document d'origine en anglais « Happiness and Value Creation ») : 

« Les entreprises et les hommes sont prises dans un piège tendu par un malentendu similaire : les entreprises veulent créer de la valeur, les hommes du bonheur. Nous sommes convaincus que c'est notre but, aussi voulons-nous le faire arriver volontairement. Le malentendu est que, si c'est bien notre but d'atteindre bonheur et création de la valeur, ce n'est pas quelque chose que nous avons à faire advenir. Il est déjà là devant nous ; ce qui nous rend aveugle est notre besoin de le voir volontairement…
La création de valeur arrive partout et tout le temps. C'est un processus fait d'ajustements locaux et de coévolutions… Et ce qui prend une voie ou une autre est bien au-delà des procédures écrites, et ainsi restera invisible aux systèmes d'évaluation. Le système conscient d'une organisation ne peut pas saisir de quoi il est fait. Le management peut voir les résultats, définir des structures, des systèmes et des stratégies et vérifier que les buts sont atteints. Il peut sentir que quelque chose manque dans le paysage, mais il ne peut pas combler ce manque…

Mon approche du conseil est maintenant d'encourager les managers à observer « ce qui est là »… Observer une organisation sereinement et consciemment consiste à écouter des histoires sans les juger...

La première fois que des dirigeants sont encouragés à s'informer sur les situations quotidiennes sans réagir, ils sont sceptiques : « Je suis supposé avoir une opinion, une réponse, autrement pourquoi serais-je le patron ? »… Un PDG m'a dit un jour : « J'incarne la création de valeur ». Quel fardeau !...
Il faut de la compassion et de la patience pour rester attentif sans réagir, mais c'est aussi très gratifiant. Il faut de la force pour voir quelqu'un dans la douleur et résister à la tentation de l'aider, de lui proposer une solution, ou de s'excuser… On suppose que ne pas s'inquiéter est montrer que ce n'est pas important. Or être présent sans s'inquiéter, c'est dire sans aucun mot que « non seulement c'est important pour moi, mais j'ai aussi assez confiance en toi pour te laisser t'en sortir tout seul »…

Pendant que les autres décident où ils veulent aller avant d'embaucher des managers, les grands dirigeants (selon le dernier livre « Good to Great » de Jim Collins) embauchent des managers avec qui ils sentent qu'ils peuvent s'embarquer quel que sera le voyage à faire. Ils cherchent d'abord à avoir les bonnes personnes dans le bus, plutôt que savoir où va le bus. »

4 janv. 2016

ON NE GAGNE PAS AU GO EN FAISANT DES PRÉVISIONS

Savoir se centrer sur ce que l'on fait
Arrêtons-nous pour regarder comment procède un bon joueur de go (qu'est-ce que le go ?).
Comme le damier est composé de 19 lignes et 19 colonnes, soit donc 361 intersections, et que chaque joueur a 180 pions, le nombre de combinaisons théoriquement possibles est considérable. L'incertitude est donc forte et cela fait bien sur du plaisir du jeu.
Que fait donc ce joueur ? Est-ce qu'il focalise son énergie sur le calcul de probabilités ? Essaie-t-il de limiter cette incertitude ? Cherche-t-il à modéliser les futurs possibles ?
Non. Il se focalise sur ce qu'il peut faire, sur les pions qu'il pose. Il a en tête un dessin qu'il va chercher à mettre en œuvre : ce dessin est une perspective qui oriente ses choix, mais ne constitue pas une forme précise ; viser ce dessin est son dessein. Pion après pion, il est préoccupé par ses degrés de liberté : il cherche à construire un ensemble le plus solide possible et le plus « résistant » à toute attaque.
Il ne se préoccupe pas vraiment de ce que fait son adversaire, ou, du moins, pas tant que cela ne vient pas interférer dans son propre dessein.
Souvent il ne gagnera que par l'effet et la puissance de la forme qu'il a dessinée.
Pourquoi ne pas faire de même en entreprise ? Pourquoi s'épuiser à vouloir prévoir l'évolution de son marché ? Pourquoi construire des tableaux excel avec de multiples « macro » (ces fameuses règles de calcul « automatiques » qui vont tout actualiser et tout relier), et, à partir de la situation actuelle, itérer pour produire un futur théorique et représentatif uniquement des hypothèses mises ?
Comment imaginer que l'on pourra obtenir une prévision fiable avec un damier est infini, un nombre de dimensions bien supérieur à 2, des acteurs fluctuants ? Prévoir le temps est un jeu d'enfants à côté !
Pourquoi ne pas se centrer sur ce que l'on veut faire – son dessein – et sur ce que l'on peut faire ? Pourquoi ne pas chercher « simplement » à se rapprocher de son objectif tout en renforçant la solidité de son entreprise face aux aléas, sa résilience ?
Et s'il faut fournir une prévision pour son marché – le monde financier vit encore dans l'illusion des prévisions –, ne pas y passer trop de temps…

15 juil. 2015

S’ACCEPTER TEL QUE L’ON EST POUR POUVOIR LÂCHER-PRISE

Comprendre que l'on n'est pas "deux"
Diriger efficacement, c’est aussi ne pas penser qu’il y a d’un côté celui qui travaille, de l’autre celui qui a des émotions. Les deux sont indissociables, nous ne sommes pas multiples, nous ne sommes qu’un, et toute tentative de division est un déni de soi-même. Celui qui vibre devant un match de football, à la lecture de Marcel Proust ou devant un film de Woody Allen, est aussi celui qui a à choisir quel investissement faire, relire un business plan ou évaluer la performance de ses collaborateurs. Lors de nos formations, on nous a fait croire que le management serait du domaine du rationnel et de la science, alors que l’être privé relèverait lui d’une autre sphère. Cette frontière est fausse et artificielle.
Cette acceptation de soi-même dans toutes ses composantes, toute sa diversité et tous ses mystères est un préalable pour pouvoir lâcher-prise, et avoir confiance en soi et en les autres. C’est un défi, car nous ne pouvons pas nous empêcher de comprendre ou de vouloir le faire : la tension entre cette volonté et l’acceptation du dépassement est réelle et irréductible. On ne peut que vivre avec, chaque jour un peu mieux.
C’est une condition nécessaire pour accepter ses intuitions, et ne pas se réfugier derrière une mathématisation artificielle du monde : on ne peut pas trouver une mer à l’issue d’un cheminement logique, car partir du futur est d’abord affaire d’imagination. Certes, cette imagination se nourrit de faits et d’informations, et il ne s’agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n’est pas par un raisonnement rationnel et séquentiel que l’on passe de ces faits à la mer, c’est par un saut créatif. Sans rêve, pas de créativité.

20 oct. 2014

COMMENT METTRE EN ŒUVRE LE LÂCHER-PRISE POUR RÉUSSIR LA COLLABORATION ET LE CHANGEMENT ?

Vidéo sur Caféine TV (2)
Les fourmis de feu grâce à leurs radeaux sont capables de créer collectivement de la stabilité dans l'incertitude. Et nous ?

31 mars 2014

S’ACCEPTER TEL QUE L’ON EST POUR POUVOIR LÂCHER-PRISE

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (5)
Diriger efficacement, c’est aussi ne pas penser qu’il y a d’un côté celui qui travaille, de l’autre celui qui a des émotions. Les deux sont indissociables, nous ne sommes pas multiples, nous ne sommes qu’un, et toute tentative de division est un déni de soi-même. Celui qui vibre devant un match de football, à la lecture de Marcel Proust ou devant un film de Woody Allen, est aussi celui qui a à choisir quel investissement faire, relire un business plan ou évaluer la performance de ses collaborateurs. Lors de nos formations, on nous a fait croire que le management serait du domaine du rationnel et de la science, alors que l’être privé relèverait lui d’une autre sphère. Cette frontière est fausse et artificielle.
Cette acceptation de soi-même dans toutes ses composantes, toute sa diversité et tous ses mystères est un préalable pour pouvoir lâcher-prise, et avoir confiance en soi et en les autres. C’est un défi, car nous ne pouvons pas nous empêcher de comprendre ou de vouloir le faire : la tension entre cette volonté et l’acceptation du dépassement est réelle et irréductible. On ne peut que vivre avec, chaque jour un peu mieux.
C’est une condition nécessaire pour accepter ses intuitions, et ne pas se réfugier derrière une mathématisation artificielle du monde : on ne peut pas trouver une mer à l’issue d’un cheminement logique, car partir du futur est d’abord affaire d’imagination. Certes, cette imagination se nourrit de faits et d’informations, et il ne s’agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n’est pas par un raisonnement rationnel et séquentiel que l’on passe de ces faits à la mer, c’est par un saut créatif. Sans rêve, pas de créativité.
(extrait des Radeaux de feu)

19 févr. 2014

APPRENDRE ET AUTORISER LE LÂCHER-PRISE

Pour une ergonomie des actions émergentes (1)
Léon Tolstoï, dans Guerre et Paix, dresse un tableau de la campagne de Russie de Napoléon, bien éloigné de ce que j’avais retenu de mes cours d’histoire : le déroulement y est d’abord le fruit de hasards, de malentendus, de chances et malheurs. Selon lui, Napoléon se croyait, aux commandes, alors que, dans la réalité, sa Grande Armée agissait largement d’elle-même : « A la suite de ces rapports, faux par la force même des circonstances, Napoléon faisait des dispositions qui, si elles n’avaient pas déjà été prises par d’autres d’une manière plus opportune, auraient été inexécutables. Les maréchaux et les généraux, plus rapprochés que lui du champ de bataille et ne s’exposant aux balles que de temps à autre, prenaient leurs mesures sans en référer à Napoléon, dirigeaient le feu, faisaient avancer la cavalerie d’un côté et courir l’infanterie d’un autre. Mais leurs ordres n’étaient le plus souvent exécutés qu’à moitié, de travers ou pas du tout. »
Pourquoi diable certains dirigeants d’entreprises se croient-il plus forts que Napoléon et que les plus grands chefs de guerre ? Pourquoi n’admettent-ils pas que l’art du management est souvent, certes d’aller vers l’objectif que l’on s’est fixé, vers cette mer qui, à l’horizon, attire le cours du fleuve de l’entreprise, mais sans suivre des plans détaillés, des business plans ciselés, ou des tableurs Excel prétendant modéliser le futur ?
Il est temps qu’ils comprennent que, s‘ils élaborent une pensée théorique détaillée et se raidissent dans la volonté de la mettre en œuvre telle quelle, alors, puisque rien ne se passera comme prévu, la réalité de ce qui advient n’aura pas de lien avec cette théorie, et rien ne sera, de fait, piloté.
Comprenons que l’incertitude donne tout son poids et sa noblesse au rôle de ceux qui sont en première ligne. Comme l’exprime le prince André Bolkonsky, héros de Guerre et Paix : « Le rapport des forces de deux armées, reste toujours inconnu. Crois-moi : si le résultat dépendait toujours des ordres donnés par les états-majors, j’y serais resté, et j’aurais donné des ordres tout comme les autres; mais, au lieu de cela, tu le vois, j’ai l’honneur de servir avec ces messieurs, de commander un régiment, et je suis persuadé que la journée de demain dépendra plutôt de nous que d’eux ! ».
L’art du management est de faire de l’entreprise un corps vivant, réactif alliant souplesse et cohésion. Les matriochkas stratégiques, – une mer visée dans un cadre stratégique et des principes d’actions qui se traduisent par des chemins stratégiques –, autorisent le lâcher-prise, car elles apportent la direction et la stabilité qui fédèrent les initiatives et construisent dans la durée. Les actes quotidiens et concrets mettent en œuvre effectivement la stratégie, développent des produits et des services, et les amènent jusqu’aux clients.
Mais pour cela, il ne suffit pas de ces matriochkas, il faut aussi qu’un certain nombre de conditions soient réunies : de réelles marges de manœuvre pour tout un chacun, un cadre stratégique compris, vécu et partagé, la confiance en soi et en les autres.
Ceci suppose une ergonomie des actions émergentes.
(extrait des Radeaux de feu)

14 juin 2012

LOST IN CONNECTIONS

Création, voyage et lâcher prise - Interview imaginaire (4)
Vous avez dit, prenant le contre-pied du film célèbre de Sofia Coppola, que vous vouliez être « Lost in connections ». N’était-ce qu’un jeu de mots ?
Non, ce n’était pas qu’un jeu de mots. Au travers de ce contre-pied, je cherchais à expliciter le cœur de ma démarche : me laisser perdre pour trouver les vraies connexions
Dans le film de Sofia Coppola, Lost in Translation, Bill Murray incarne un acteur perdu dans un Japon qu’il ne comprend pas, et ne veut pas comprendre. Il s’enferme dans son hôtel pour s’en protéger, sorte de moustiquaire qui l’isole de ce qu’il sent comme une agression. Séparé par les vitres qui l’entourent, baigné dans le décor d’un luxe anonyme et international, il pourrait être n’importe où. Il est perdu, sans repères, sans lien. Coupé par sa langue et sa culture, il est Lost in translation, car, au lieu de vivre ce qui se passe, il veut le traduire. Il est emmuré, – « en-Muray » si j’osais… –, dans ses habitudes, ses connaissances, sa vie passée.
Pour entrer en relation, c’est l’inverse qui est nécessaire. Pour accéder au réel, il faut avoir le culot d’abaisser ses protections, se mettre à nu et plonger dans le moment tel qu’il est. S’immerger profondément avec un minimum de repères, sans guide, sans plan, sans projets. Lâcher prise pour dépasser les limites et les différences apparentes, trouver ou retrouver les connexions, se laisser aller au gré des télescopages, des rapprochements incongrus.
Ne rien lire à l’avance, surtout pas, ne pas savoir ce qu’il « faut voir », ce qu’il « faut faire », ce qu’il « ne faut surtout pas manquer », ne pas inscrire ses pas dans les pas des autres et de la foule, ne pas chercher à vivre ce qui a déjà été vécu, ne pas avoir des idées préconçues… ou le moins possible, car nous restons tous – moi y compris –, prisonniers de nos habitudes, nos racines, notre identité. Nous emportons toujours avec nous, – que nous le voulions ou pas –, là où nous sommes nés, là où nous avons grandi, la famille qui nous a donné naissance, les rencontres que nous avons faites, les métiers que nous avons exercés…
Quand je suis seul, solitaire, sans informations, je suis une éponge, plein d’un vide que les rencontres vont combler. Je regarde sans poser de questions, avec un minimum de projection et un maximum d’observations, juste ouvrir les yeux, regarder, repérer l’insolite, ce que je ne comprends pas, et m’arrêter alors. Me laisser aller, me laisser perdre pour entrer en relation et vibrer, me préparer à être « lost in connections ».
Oui, cette expression résume bien ma façon de vivre en tant qu’artiste : je suis « lost in connections ».

13 juin 2012

SAVOIR ÊTRE SPECTATEUR POUR AGIR UN PEU, ICI ET MAINTENANT

Création, voyage et lâcher prise - Interview imaginaire (3)
N’est-ce pas une vision bien pessimiste de la vie et du rôle de l’artiste ? N’est-il que le spectateur de sa création ?
Oui, je me sens d’abord spectateur, avant d’être acteur. Mais revenons d’abord sur ma vision que vous qualifiez de pessimiste.
Je la crois d’abord réaliste. Le monde nous dépasse ; pour chacun de nous, il est, au sens fort, inatteignable, incompréhensible, divin. La vie, la vôtre, la mienne, s’inscrit dans ce monde, elle y dérive de possible en possible, et émerge progressivement. Le plus important est donc de percevoir les lignes de force de ce monde, de les percevoir sans pouvoir les comprendre, puisque la compréhension est hors de notre portée.
Alors, et alors seulement, nous pourrons agir et construire notre espace de liberté et de responsabilité. Voilà le chemin que je suis, petit à petit, chaque jour après l’autre.
Je reviens à la deuxième partie de votre question : oui, je suis spectateur, spectateur de ce monde qui me dépasse et auquel j’appartiens. Comment pourrais-je en être acteur, alors que, vis-à-vis de lui, je ne suis que poussière ? Je ne suis qu’une pomme perdue dans le monde, en aucun cas la pomme du jardin de l’Éden. Rien ne me distingue, rien ne me fait sortir de l’ordinaire du monde.
Une fois que j’ai accepté cette position de spectateur essentiellement passif, alors je peux localement et contingentement agir, et peindre. Cet acte est local, infinitésimal et sans portée… comme moi, comme vous, comme chacun d’entre nous. C’est tout ce que je peux faire, et c’est très bien ainsi.
(à suivre)

12 juin 2012

SAVOIR TOMBER SANS BUT ET SANS RAISON

Création, voyage et lâcher prise - Interview imaginaire (2)
Récemment, vous avez affirmé que vous cherchiez à être la pomme de Newton. Vous prenez-vous vraiment pour une pomme quand vous peignez ?
C’est évidemment une image ! Ce que je veux dire, c’est que je vise à atteindre le mouvement pur et net, le déplacement brut, comme une pierre qui tombe, comme une pomme qui suit l’attraction qui la dépasse.
La pomme qui est tombée un jour sur Newton, est tombée sans raison, sans projet, sans but, elle est juste tombée parce qu’elle le devait, mûre à point, incapable de résister à la force de la gravitation qui l’attirait vers le bas. Est-elle tombée pour Newton, pour lui permettre cette percée conceptuelle qui allait révolutionner la physique ? Non, évidemment non. Elle est tombée gratuitement. Elle se sentait bien sur son arbre, elle ne voulait pas le quitter, cela s’est produit, voilà tout… et cela a tout changé… ou beaucoup.
Quand je peins ou quand je voyage, ce qui est un peu la même chose pour moi, je cherche à me rapprocher de la pomme, à avoir sa force, la force d’attendre sur mon arbre le moment où je devrai tomber, sans projet, sans envie, simplement par nécessité, par gravité, parce que je serai mûr.
Rêve impossible, horizon ultime. Suis-je devant une toile ou dans un lieu comme une pomme, vide d’a priori, vide de projet ? J’aimerais, car je serais alors dans l’émotion pure, dans la réceptivité maximum à l’instant, à ce qui advient ou serait susceptible d’advenir. Mais non, probablement non, certainement non. Dommage. J’aimerais devenir une pomme et attendre sur mon arbre.
Ou alors être une bouteille à la mer ballottée par les courants. Mais pas une bouteille jetée intentionnellement, une bouteille avec un message dedans, une bouteille dont on attend quelque chose. Non, surtout pas. Non, je voudrais être une bouteille partie d’on ne sait où, pour aller nulle part. Une bouteille qui flotte au hasard des flux et reflux.
Je repense aussi à ce que disait Giacometti. Il affirmait travailler comme une mouche. La mouche, elle vole à l’aveuglette, elle ne sait pas où aller, elle se heurte contre une vitre, encore et encore. Je n’ai évidemment pas le talent de Giacometti, mais j’aime cette image de la mouche. Pourquoi imaginons-nous que nous comprenons l’univers ? Pourquoi avons-nous la fatuité de nous croire supérieurs aux mouches ? Nos vitres sont plus complexes, plus sophistiquées, mais comme nous les heurtons, encore et encore… comme les mouches.
(à suivre)

11 juin 2012

FAIRE LE VIDE POUR SE DONNER UNE CHANCE DE DÉCOUVRIR

Création, voyage et lâcher prise - Interview imaginaire (1)
Vous avez dit que, pour vous, peinture et voyage étaient indissociables. Qu’entendez-vous par là ?
Peindre est pour moi un voyage dans l’inconnu. Quand je commence un nouveau travail, je ne sais pas ce que je vais faire. Je n’ai pas d’envie, pas de direction, pas de projet, à part celui de créer et d’inventer. Je pars en exploration, en découverte, en terre inconnue, et je laisse ma main agir et décider.
Du coup, pour me préparer à peindre, pour nourrir ma main, pour engranger des émotions nouvelles, je voyage. Je pars en quête de différences, de décalages, de télescopages. Ces voyages peuvent proches ou lointains, cela n’a pas d’importance, ce qui compte c’est que je me laisse perdre dans l’inconnu.
Nombreux sont les voyageurs qui ne découvrent rien et reviennent aussi vides qu’en partant. Pourquoi ? Parce qu’ils sont partis à la recherche de quelque chose ou quelqu’un. Un souvenir, une photo entraperçue, un amour évanoui, une silhouette effacée, un rêve d’enfance, un cri évanescent, un mouvement dans les blés, un clair obscur… enfin quelque chose ou quelqu’un, quoi… Dans ce cas, ils ne seront pas disponibles à ce qui se présentera à eux, et, bien sûr, ce graal pour lequel ils étaient partis, ils reviendront sans.
Pour être en situation de découvrir, il faut partir pour rien, ce n’est qui n’est ni facile, ni naturel. Juste se déplacer pour aller ailleurs, sans espoir, sans attente, sans compte à régler. Juste comme cela. Pour changer d’endroit, sans savoir ce que l’on va y trouver, sans non plus rien à fuir.
(à suivre)

4 avr. 2012

ACCEPTER DE NE PAS ÊTRE LE CENTRE DU MONDE

J’ai tourné un peu dans mon planisphère personnel et les perspectives sont changées
Extrait des Mers de l’incertitude
Centré sur le développement de son système d’exploitation et de sa suite office, Microsoft n’a pas vu initialement la montée en puissance d’Internet ; bon nombre d’opérateurs historiques de télécommunications ont sous-estimé la portée de la téléphonie mobile, laissant le champ libre à de nouveaux acteurs ; des transporteurs aériens trop focalisés sur le développement des segments de clients à forte contribution ont été déstabilisés par l’apparition d’opérateurs à bas coût… La liste est longue des entreprises qui, centrées sur elle-même, n’ont pas vu ou compris ce qui se passait.
En introduction de l’Atlas des Atlas, Christine Chameau et Philippe Thureau-Dangin écrivent : « Cet atlas ne cherche pas à donner une vision cohérente, européo-centrée du globe. Il invite au contraire à décentrer le regard, en prenant d’autres points de fuite et d’autres angles. » 1 Dans ce livre, selon le continent auquel on appartient, le planisphère tourne et chacun se voit toujours au cœur du monde. Chaque rotation modifie la compréhension, et masque ou révèle des proximités : ainsi notre vue depuis l’Europe nous masque la proximité entre la Californie et l’Asie.
Tant que nous ne prenons pas le temps de nous décentrer, nous ne pouvons pas comprendre la réalité d’une situation. Il faut désapprendre pour apprendre, il faut sortir de nos habitudes. Michel Serres écrit : « En traversant la rivière, en se livrant tout nu à l’appartenance du rivage d’en face, il vient d’apprendre une tierce chose. L’autre côté, de nouvelles mœurs, une langue étrangère certes. (…) Car il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre. Je ne saurai jamais plus qui je suis, d’où je viens, où je vais, par où passer. Je m’expose à autrui, aux étrangetés. »2
François Jullien passe lui par la Chine pour mieux nous comprendre : « Passant par la Chine, j’y trouve là un point d’écart, ou de recul, pour remettre en perspective la pensée qui est la nôtre, en Europe. Car, vous le savez, une des choses les plus difficiles à faire, dans la vie, est de prendre du recul dans son esprit. Or la Chine nous permet ainsi de remettre à distance la pensée d’où nous venons, de rompre avec ses filiations et de l’interroger du dehors (…), éclairer de biais, à partir du dehors chinois, les choix implicites, enfouis, qui ont porté la raison européenne. »3
Personnellement, je me déplace physiquement pour prendre du recul et de la distance. Voyages multiples, et alternance entre Paris et ma maison en Drôme provençale. Quand je pose des pierres pour construire un mur en pierres sèches, quand je retourne la terre pour aider un jeune chêne à émerger du chiendent, quand je tronçonne des arbres pour dessiner un chemin dans le bois, mon esprit flotte sans but, sans aspérités, sans raison. Je regarde celui que je suis à Paris, je repense à un dossier en cours, je vois se dessiner avec un relief différent les situations. J’ai tourné un peu dans mon planisphère personnel et les perspectives sont changées.
(1) Atlas des Atlas, élaboré par Courrier International
(2) Michel Serres, Le Tiers Instruit, p.27
(3) François Jullien, Conférence sur l'efficacité, p.14

8 mars 2012

NE PAS TOUT DÉFINIR, NE PAS TOUT OPTIMISER

Savoir lâcher prise - Le management par émergence (7)
Après le lien entre mer et action, la paranoïa optimiste et la facilité, voici le quatrième point nécessaire à une émergence efficace : le flou.
Là encore, pour les lecteurs réguliers de mon blog, ou ceux qui ont lu mon livre les Mers de l’incertitude, il ne s’agit pas d’une idée neuve. Quelle est-elle ?
Elle part une fois de plus d’une idée toute simple : comment on ne peut pas, par construction, prévoir ce que l’on ne connaît pas, si l’on ajuste exactement une entreprise à la vision actuelle que l’on a de la situation future, on la rendra cassante et elle ne pourra pas faire face aux aléas à venir.
C’est pourquoi le sous-titre de mon livre est : une entreprise anorexique ne peut pas faire face aux aléas, et que j’y écrivais : « Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises : on coupe tout ce qui ne sert apparemment à rien, on comprime tout ce qui n’est pas lié directement avec ce qui est planifié. Mais si l’on améliore les résultats immédiats, on se prépare pour un mort future certaine. L’anorexie managériale en quelque sorte : des entreprises devenues tellement maigres qu’elles vont être emportées par la première bourrasque. »
Donc place au flou.
Est-ce donc à dire qu’il ne faut pas se préoccuper de l’allocation des ressources, et que l’on peut dépenser sans compter ? Évidemment non !
Pour prendre une image : si pour démonter une prise, une personne est suffisante, inutile d’être à deux…
Non, ce qu’il faut préserver, c’est une part de flou, c’est-à-dire des ressources en temps, en argent et en moyens techniques non affectées pour pouvoir faire face à l’imprévu, pour permettre d’inventer, pour autoriser des émergences créatives.
Quelle quantité de flou ?
Le plus possible, en fonction de la rentabilité de l’entreprise et des moyens requis pour tout ce qui est déjà engagé et planifié. En d’autres mots, priorité d’abord à l’accomplissement de ce qui est prévu à court terme : inutile de se donner une souplesse pour le futur, si l’on n’est pas capable de faire face aux contraintes de la situation actuelle.
Ce flou ne doit pas être réservé à des fonctions d’état-major ou d’encadrement. Il faut le répartir dans toute l’entreprise, et apprendre à chacun à s’en servir pour tirer parti de ce qui se présente, saisir une opportunité nouvelle, s’engager dans une pente naturelle qui était restée jusqu’à présent cachée, entreprendre une action qui va rapprocher un peu de la mer visée…
L’idée de flou doit aussi être intégrée dans la conception du rôle de chacun et dans le dessin des organisations. Comme il est impossible de tout optimiser, de tout prévoir, de tout planifier, pourquoi vouloir tout définir ? Pourquoi ne pas lâcher prise, et accepter de laisser le futur répondre à ce que l’on ne sait pas aujourd’hui ?
(à suivre)

28 févr. 2012

SUFFIT-IL DE NE RIEN FAIRE ?

On n’est pas efficace par hasard ou par chance - Le management par émergence (3)
Comment donc procéder par émergence ?
Peut-on se dire qu’il n’y a qu’à laisser faire, que l’entreprise trouvera bien d’elle-même le bon cap, qu’attirée par sa mer(1), elle ira cahin-caha dans la bonne direction ? Que la bonne façon de diriger est de prendre de longues vacances, et de ne surtout pas intervenir ?
Évidemment non !
Que risque-t-il de se passer ? Elle va être prise entre deux risques symétriques :
  • Premier cas de figure : sans leadership, l’entreprise va se désagréger aux hasards des initiatives prises. Comme chacune de ses composantes est soumise à un champ de forces spécifique, comme chaque dirigeant local va progressivement se construire sa propre interprétation et sa propre compréhension de ce qu’il faut faire, elle va imploser. Rapidement la culture commune n’existera plus, et ses différentes composantes ne se comprendront plus. Dans le meilleur des cas, la solution passera par sa scission en autant d’ensembles qu’il y aura eu de dérives locales. Le plus souvent, elle disparaîtra, sans laisser d’autres traces que des souvenirs et des regrets.
  • Autre cas de figure : elle restera soudée, mais va dériver et, sans s’en rendre compte, s’éloignera de la mer visée. Ou elle continuera en s’en rapprocher, mais trop lentement, sans voir qu’elle s’est faite doubler par des concurrents plus efficaces. Forte de ses convictions internes, persuadée de sa supériorité, aveuglée par son expertise passée, elle se réveillera trop tard, soit perdue et loin de tout, soit irrémédiablement distancée.
Comment faire alors ? Comment agir pour permettre des émergences efficaces ?
Je crois que cela repose sur le cocktail suivant : lien action/mer + paranoïa optimiste + facilité + flou + confrontation + rythme.
Inutile, je crois, de revenir en détail sur l’idée de mer, car je l’ai fait à de multiples reprises(1). Si vous ne deviez retenir que deux idées la concernant, je vous suggère les deux suivantes :
  • Dans le monde de l’incertitude, notre Neuromonde, comme tout est tourbillonnant, c’est en partant du futur que l’on peut trouver des points fixes, des attracteurs, vers lesquelles les courants convergent.
  • Ces attracteurs doivent être accessibles pour l’entreprise, c’est-à-dire qu’ils doivent être compatibles avec son histoire, et que, avec ses savoir-faire immédiats, elle doit pouvoir apporter une innovation immédiate et palpable, facilitant l’accès à cette mer.
Dans les articles à venir, je vais reprendre chacun de ces points, avant de conclure sur une approche de la transformation en opposition à celle du changement.
Demain donc, le lien entre action et mer…
(à suivre)
(1) Sur le concept de mer qui est au cœur de mon livre, voir notamment mon article Réfléchir à partir du futur pour se diriger dans l’incertitude

18 janv. 2012

EST-IL RAISONNABLE DE CONTINUER À DÉRAISONNER EN ÉCONOMIE ?

Défiance, affirmation et autoréalisation
Dans un article paru sur ce blog le 15 mars 2010, je me faisais l’écho de la conférence tenue par Yann Algan en décembre 2009 à l’École Normale Supérieure. Dans cette conférence, il montrait  qu’il y a un lien direct entre le niveau de confiance dans un pays et la performance économique : par exemple, plus le degré de confiance est élevé, plus le pourcentage d’investissement l’est aussi, ce qui « est d’autant plus fondamental dans nos économies d’innovation ». Ou encore, moins il y a de confiance, moins il est facile de créer une entreprise, car plus les contrôles sont tatillons et multiples.
Or que faisons-nous en ce moment en Europe, et singulièrement en France, à part développer un climat de défiance ? Et cette défiance est généralisée : vis-à-vis des dirigeants publics comme privés, vis-à-vis du futur comme du présent, vis-à-vis du reste du monde comme de ses voisins immédiats.
Cette défiance est notamment nourrie par la cascade constante des calculs économiques et des prévisions. Défiance qui accélère donc la récession et la dimension des problèmes… rendant les prévisions pessimistes encore plus vraies.
Que pensent les économistes de leurs prévisions et du sérieux du calcul économique ?
La lecture du numéro de juin-juillet 2010, de la revue Jaune et la Rouge, revue des anciens de l’École Polytechnique, qui était consacré aux « Nouveaux défis de la théorie économique »1, est instructive :
- Patrick Artus, Directeur des études et de la recherche de Natixis, y disait que les économistes utilisaient des « modèles mathématiques (…) très éloignés de la réalité » et qu’il était difficile de « prévoir l’économie dans un monde d’équilibres multiples, ou, de manière équivalente, de crises systémiques ».
- André Lévy-Lang, ancien Président de Paribas, écrivait que : « C’est sans doute la faiblesse la plus grave des premiers modèles utilisés par les financiers, ils ne prennent pas en compte le comportement des acteurs des marchés. ». Il ajoutait ce propos paradoxal et du style méthode Coué : « Et pourtant, avec ces modèles très imparfaits, voire faux, les marchés de dérivés se sont développés, et ils ont permis, en trente ans, de créer beaucoup de richesses, non seulement pour les financiers mais pour l’ensemble des économies mondiales. »
- Thierry de Montbrial,  fondateur de l’Institut français des relations internationales et ancien Directeur Général du Centre d’analyse et de prévision, était encore plus net en disant que : « L’incertitude pure affecte à des degrés divers la vie de tous les hommes. Chacun a sa part, fut-elle modeste, de création et de liberté. C’est pourquoi aucun raisonnement probabiliste ou statistique ne pourra jamais enfermer durablement les comportements humains même agrégés. (…) On ne doit pas prendre la science économique trop au sérieux, c’est-à-dire jusqu’au point de métamorphoser des modèles théoriques en dogmes ou idéologies, ce qui est manifestement une tentation pour certains scientifiques en mal de notoriété. »
Mais donc si l’on ne peut pas prendre la science économique au sérieux, pourquoi donne-t-on tant d’importance à des données comme le PIB ou le taux de croissance ? Pourquoi s’appuie-t-on dessus pour évaluer la performance d’un pays, son risque et le taux d’intérêt pour ses emprunts ?
Car ce taux d’intérêt sera lui bien réel, et conditionnera alors la capacité du dit pays à faire face à ses dettes, dettes qui sont elles-aussi bien réelles ?
Est-ce bien raisonnable de continuer à déraisonner ?

7 oct. 2011

« AYEZ LE COURAGE DE SUIVRE VOTRE CŒUR ET VOTRE INTUITION »

Le 6 septembre de l'année dernière, j'ai publié un article sur l'intervention faite par Steve Jobs à Stanford, le 12 juin 2005. Elle illustre bien la qualité non seulement professionnelle, mais humaine de Steve Jobs. Le voici à nouveau...

Quand Steve Jobs parle de son adoption, de son échec à 30 ans et de la mort…

Quel meilleur démarrage pour mon blog que ce billet consacré à l'intervention, faite le 12 juin 2005, lors de la remise des diplômes de l'Université de Stanford (voir la vidéo ci-dessous). En quinze minutes, il explique comment trois épisodes clés de sa vie ont construit l'homme qu'il est. Ces moments sont éminemment personnels.
En voici le résumé :
 

- « Vous ne pouvez pas relier des événements à l'avance, vous ne le pouvez qu'en regardant en arrière »(1) : Dans la première, il raconte qu'il a été adopté, car sa mère biologique voulait qu'il puisse suivre des études universitaires, et qu'elle savait n'en avoir jamais les moyens. Des années plus tard, il fut effectivement admis à l'Université, mais ne put finalement faire face aux coûts de la scolarité que pendant six mois. Il a alors quitté le parcours officiel pour ne suivre que les cours qui lui plaisaient vraiment. C'est ainsi qu'il s'est intéressé à l'art de la calligraphie. Dix ans plus tard, c'est ce qui lui permit de donner naissance au design d'Apple et à sa typographie.
- « La seule façon de faire du bon travail est d'aimer de ce que l'on fait »(2) : Dans la deuxième, il explique comment il a été licencié de l'entreprise qu'il avait créée, Apple. A trente ans, il a dû se remettre en question et supporter la perte de ce qu'il avait construit. Après un moment de doute, il a compris que, même rejeté, il aimait toujours ce qu'il avait fait et qu'il devait recommencer de nouvelles aventures. Sont ainsi nés Pixar et Next. Pixar a révolutionné le monde des dessins animés, et Next a finalement été rachetée et sa technologie est au cœur aujourd'hui d'Apple.
-  « Si ce jour était le dernier jour de ma vie, est-ce que je voudrais faire ce que j'ai prévu de faire aujourd'hui ? »(3) : Dans la troisième, il dit que l'arrivée possible de la mort a toujours conduit ses choix. Face à la mort, on comprend que l'on n'a rien à perdre. Il y a un an, il a appris qu'il avait un cancer du pancréas et qu'il n'avait plus que quelques mois à vivre. Finalement il s'est avéré qu'il avait une des rares formes de ce cancer susceptible d'être traité, et le voilà donc aujourd'hui guéri.

Il termine en disant aux étudiants que, reprenant une devise qu'il avait toujours suivie, de « rester affamé et stupide »(4) !
Au-delà de la richesse et la profondeur des propos tenus, ce qui me frappe est leur sincérité et la capacité de Steve Jobs à parler vrai : il parle simplement de lui-même, montrant qu'il n'y a pas deux Steve Jobs, l'un qui dirige Apple, l'autre qui est un homme privé. Il est un et unique, et c'est sa force.



Imaginerait-on un dirigeant français être capable de tels accents de sincérité et de se mettre ainsi en jeu aussi personnellement ? Et un homme politique ?
(1) "You can't connect the dots looking forwards, you can only connect them looking backwards."
(2) "The only way to do great work is to love what you do"
(3) "If this day was the last day of my life, would I want to do what I am about to do today?"(4) "Stay hungry, stay foolish"





6 oct. 2011

VIRTUEL OU RÉEL ?


Emporter son monde avec soi
Je viens de laisser pour un moment les silhouettes chaotiques des temples d’Angkor, et marche dans les rues de Siem Reap. Banalité du centre de la ville, un de ces carrefours mondiaux du tourisme : les mêmes bars, les mêmes restaurants, les mêmes boutiques… ou presque. Perte de repère et d’identité.Je viens de laisser pour un moment les silhouettes chaotiques des temples d’Angkor, et marche dans les rues de Siem Reap. Banalité du centre de la ville, un de ces carrefours mondiaux du tourisme : les mêmes bars, les mêmes restaurants, les mêmes boutiques… ou presque. Perte de repère et d’identité.
Je regarde ces touristes, assis devant une bière et pianotant sur leurs iPod. Voyagent-ils encore ? Qu’est-ce qui est le plus réel : le temps qu’ils ont passé tout à l’heure au milieu de ces pierres ancestrales, ou ce monde qu’ils emportent avec eux dans leur écran de poche ? Sont-ils seulement partis ?
On dit qu’Internet est le virtuel, mais est-ce si vrai ? Quand je suis connecté avec mon pays, mes racines, mes proches, est-ce que cela ne rend pas virtuel au contraire l’endroit où physiquement je me trouve ?
Ils sautent d’avion en avion, s’arrêtent pour un jour ou deux, enchaînent les visites, relisent leur guide pour vérifier qu’ils n’ont rien manqué. Leur seul point fixe, c’est leur iPod qui les relie constamment à ce que finalement ils n’ont jamais quitté… ou si peu. Connectés en permanence, ils sont incapables de s’immerger. Ils reviendront avec des images, comme s’ils avaient vu un magnifique film vidéo en 3D…

29 sept. 2011

LOST IN CONNECTIONS

Pour être présent au présent (dans l’avion vers Bangkok) (suite)
La vie ne répond à aucun projet, elle advient, elle dérive de possible en possible, elle émerge des chocs immanents. Comme le dit joliment Francesco Varela, elle enacte. Comment pourrais-je dès lors avoir une chance de témoigner de cette naissance improvisée si je n’étais pas improvisé moi-même ? Comment pourrais-je être sensible à ce qui émerge devant moi, si je lis le monde au travers de guides, de projets préétablis, prépensés, de prêt-à-porter mentaux ?
Dans le film Lost in Translation, Bill Murray incarne un acteur perdu dans un Japon qu’il ne comprend pas, et ne veut pas comprendre. Il s’enferme dans son hôtel pour s’en protéger, sorte de moustiquaire qui l’isole de ce qu’il sent comme une agression. Séparé par les vitres qui l’entourent, baigné dans le décor d’un luxe anonyme et international, il pourrait être n’importe où. Il est perdu, sans repères, sans lien. Coupé par sa langue et sa culture, il est Lost in translation, car, au lieu de vivre ce qui se passe, il veut le traduire. Il est emmuré, – « en-Muray » si j’osais… –, dans ses habitudes, ses connaissances, sa vie passée.
Pour entrer en relation avec l’autre, c’est l’inverse qui m’est nécessaire. Pour accéder au réel, il me faut avoir le culot d’abaisser mes protections, me mettre à nu et plonger dans le moment tel qu’il est. M’immerger profondément avec un minimum de repères, sans guide, sans plan, sans projets. Lâcher prise pour dépasser les limites et les différences apparentes, trouver ou retrouver les connexions, me laisser aller au gré des télescopages, des rapprochements incongrus.
C’est une des vertus de ce moment suspendu, de ce non-être dans les airs. Il agit comme une douche qui me vide de mon passé et de ma volonté. Je monte dans un avion avec une idée de pourquoi je pars, pourquoi je monte, pourquoi je vais là-bas. J’en redescends non pas nettoyé de fonds en comble, mais plus propre, moins pollué, un peu plus vierge, un peu plus prêt à suivre les imprévus du déplacement. Je ne comprends pas ceux qui voudraient que le déplacement soit instantané, que l’on puisse aller d’Europe en Asie en quelques minutes. Au contraire, je trouve cela toujours trop rapide, trop brutal.

28 sept. 2011

COMME UNE BOUTEILLE À LA MER

Pour être présent au présent (dans l’avion vers Bangkok)
Le plus souvent quand on voyage, on va quelque part parce que l’on y recherche quelque chose ou quelqu’un. Un souvenir, une photo entraperçue, un amour évanoui, une silhouette effacée, un rêve d’enfance, un cri évanescent, un mouvement dans les blés, un clair obscur… enfin quelque chose ou quelqu’un, quoi…
Pas facile de partir pour rien. Juste pour se déplacer pour aller ailleurs, sans espoir, sans attente, sans compte à régler. Juste comme cela. Pour changer d’endroit, sans savoir ce que l’on va y trouver, sans non plus rien à fuir. Un mouvement pur et brutal. Simplement un déplacement, comme une pierre qui tombe, suivre une attraction qui nous dépasse.
La pomme qui est tombée un jour sur Newton, est tombée sans raison, sans projet, sans but, elle est juste tombée parce qu’elle le devait, mûre à point, incapable de résister à la force de la gravitation qui l’attirait vers le bas. Est-elle tombée pour Newton, pour lui permettre cette percée conceptuelle qui allait révolutionner la physique ? Non, évidemment non. Elle est tombée gratuitement. Elle se sentait bien sur son arbre, elle ne voulait pas le quitter, cela s’est produit, voilà tout… et cela a tout changé… ou beaucoup.

Quand je voyage, je cherche à me rapprocher de la pomme, à avoir sa force, la force d’attendre sur mon arbre le moment où je devrai tomber, sans projet, sans envie, simplement par nécessité, par gravité, parce que je serai mûr… Rêve impossible. Suis-je dans cet avion comme une pomme, vide d’a priori, vide de projet ? J’aimerais, car je serais alors dans l’émotion pure, dans la réceptivité maximum à l’instant, à ce qui advient. Mais non, probablement non, certainement non. Dommage. J’aimerais devenir une pomme et attendre sur mon arbre.
Ou alors être une bouteille à la mer ballottée par les courants. Mais pas une bouteille jetée intentionnellement, une bouteille avec un message dedans, une bouteille dont on attend quelque chose. Non, surtout pas. Non, je voudrais être une bouteille partie d’on ne sait où, pour aller nulle part. Une bouteille qui flotte au hasard des flux et reflux.
Seule chance de saisir ce qui se passe, de profiter des moindres forces de la vie. Pouvoir être dans la vie, neuf, vide de mon passé, de mes racines et de mes pensées. Être simplement présent au présent, à cette tranche flottante entre le passé qui s’enfuit et le futur qui apparaît. Pouvoir ensuite être le témoin, le metteur en mots, et exprimer ce que j’ai vu, ce qui m’a interpellé.
(à suivre)

12 août 2011

SE CRÉER UN COMPOST MENTAL POUR POUVOIR INNOVER

Accepter de passer du temps pour rien… du moins apparemment ! (26 juin 2009)

Mon livre Neuromanagement est largement « né par hasard ». Qu'est-ce à dire ?
Bien sûr que son écriture à proprement dite a été un acte volontaire ! Mais sa naissance a été involontaire. Comment cela s'est-il passé ?


Tout a commencé par un dîner au cours duquel un ami m'a parlé des neurosciences : depuis qu'il était à la retraite, il avait assisté à des conférences en France et aux États-Unis, rencontré un bon nombre de chercheurs, lu leurs livres et avait amorcé une réflexion personnelle. A l'issue de cette discussion qui m'avait passionné, il m'a envoyé un mail avec les livres à lire en priorité (Damasio, Ledoux, Naccache et … Spinoza).
Je me suis alors plongé dans cette lecture sans autre raison que la curiosité. Au milieu de ce « chemin », ceci m'a rappelé la vision de la mémoire qui émane de « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust, une mémoire qui se compose et de recompose sans cesse. J'ai décidé alors de faire une pause et de relire Proust. Vraiment rien de logique donc. Une forme de promenade…

Fin 2007, j'avais fini cette plongée et, sans y prendre garde, cela avait été intégré dans mon activité professionnelle. En effet, je me suis mis, au début quasiment involontairement, à me servir des neurosciences comme une clé de lecture pour penser le management : comme un individu, l'entreprise est largement mue par ses processus inconscients et son efficacité repose sur le mariage entre processus conscients et inconscients.

Un jour de mi-février, au cours d'un déjeuner avec un responsable d'entreprise auquel je parlais de ceci à bâtons rompus, il m'a dit :
« Tu sais que tu as un livre.
- Non, ce sont juste des idées, lui répondis-je. »
En sortant du restaurant, je repensais à son propos. Et après tout ? Je suis allé dans un café et ai ouvert mon ordinateur. Une heure après, j'avais un plan. Une semaine après, cent pages. J'ai alors croisé un camarade d'école, ai appris qu'il avait monté une maison d'édition et était intéressé par mon livre potentiel. C'était parti !
A partir de là, je me suis organisé pour mener à bien ce projet.

Je crois que ce déroulement est assez représentatif de ce que peut être un processus d'innovation en univers incertain et aléatoire : se garder du temps non finalisé, c'est-à-dire du temps au cours duquel on va pouvoir faire des choses sans savoir pourquoi exactement et accumuler ainsi des informations et des expériences. Laisser tout ceci incuber dans un « compost mental » en le laissant se confronter à sa vie quotidienne. Il se produit alors une « fermentation mentale » qui va transformer cet amas en un « engrais intellectuel » qui va faire pousser de nouvelles idées.
Finalement l'innovation est le fruit d'une maturation largement inconsciente et d'une émergence…

13 juil. 2011

CHERCHER À COMPRENDRE LES SYSTÈMES CONSCIENTS ET INCONSCIENTS D’UNE ENTREPRISE

Passer du diagnostic au « Neurodiagnostic »
Partir sans a priori, sans jugement initial. Repérer les courants, les logiques, les contradictions. Laisser la synthèse émerger presque d’elle-même. « Neurodiagnostiquer ».
Neurodiagnostiquer c’est chercher non pas à juger le résultat obtenu ou la qualité des décisions prises, mais bien à comprendre les systèmes, conscients et inconscients, qui sous-tendent l’action de l’entreprise et génèrent les décisions. C’est identifier aussi les décalages éventuels par rapport au réel et les interprétations majeures qui sous-tendent les actions.
D’une certaine façon, il s’agit de développer vis-à-vis de l’entreprise une approche de type « psychanalytique », c’est-à-dire amenant à exprimer les interprétations émises par l’organisation et les logiques sous-jacentes. Soyons clairs, il n’est bien sûr pas dans mon propos de dire qu’il faut considérer l’entreprise comme un organisme malade : je n’emploie l’expression « psychanalytique » que pour exprimer que, ici encore, il s’agit, sans a priori, de faire retrouver à l’entreprise pourquoi elle agit et de l’aider à tirer par elle-même ses propres leçons.
Tout au long de ce neurodiagnostic, une phrase clé est à garder en mémoire : « Si je ne comprends pas pourquoi un système ou quelqu’un fait quelque chose, la seule chose que je dois comprendre, c’est que je ne comprends pas… et que je dois continuer à chercher. »
La recherche de l’anomalie, du fait que l’on ne peut pas expliquer et des interprétations « aberrantes », voilà la clé d’entrée. Ainsi que l’écrivent Michel Crozier et Erhard Friedberg dans l’Acteur et le Système : « Au lieu de considérer les comportements imprévus comme des exceptions, n’est-il pas en fin de compte plus fructueux de les utiliser comme des points de départ pour comprendre les limites et la signification réelle des contraintes et des conditionnements ». Il s’agit ensuite de remonter progressivement et d’en trouver l’origine…