Création, voyage et lâcher prise - Interview
imaginaire (3)
N’est-ce pas une vision bien
pessimiste de la vie et du rôle de l’artiste ? N’est-il que le spectateur de sa
création ?
Oui, je me sens d’abord spectateur, avant d’être acteur. Mais revenons
d’abord sur ma vision que vous qualifiez de pessimiste.
Je la crois d’abord réaliste. Le monde nous dépasse ; pour chacun de nous,
il est, au sens fort, inatteignable, incompréhensible, divin. La vie, la vôtre,
la mienne, s’inscrit dans ce monde, elle y dérive de possible en possible, et
émerge progressivement. Le plus important est donc de percevoir les lignes de
force de ce monde, de les percevoir sans pouvoir les comprendre, puisque la
compréhension est hors de notre portée.
Alors, et alors seulement, nous pourrons agir et construire notre espace
de liberté et de responsabilité. Voilà le chemin que je suis, petit à petit,
chaque jour après l’autre.
Je reviens à la deuxième partie de votre question : oui, je suis
spectateur, spectateur de ce monde qui me dépasse et auquel j’appartiens. Comment
pourrais-je en être acteur, alors que, vis-à-vis de lui, je ne suis que
poussière ? Je ne suis qu’une pomme perdue dans le monde, en aucun cas la pomme
du jardin de l’Éden. Rien ne me distingue, rien ne me fait sortir de
l’ordinaire du monde.
Une fois que j’ai accepté cette position de spectateur essentiellement
passif, alors je peux localement et contingentement agir, et peindre. Cet acte
est local, infinitésimal et sans portée… comme moi, comme vous, comme chacun
d’entre nous. C’est tout ce que je peux faire, et c’est très bien ainsi.
(à suivre)
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