Savoir lâcher prise - Le management par émergence (7)
Après le lien entre
mer et action, la paranoïa optimiste et la facilité, voici le quatrième point
nécessaire à une émergence efficace : le flou.
Là encore, pour les
lecteurs réguliers de mon blog, ou ceux qui ont lu mon livre les Mers de l’incertitude, il ne s’agit
pas d’une idée neuve. Quelle est-elle ?
Elle part une fois
de plus d’une idée toute simple : comment on ne peut pas, par
construction, prévoir ce que l’on ne connaît pas, si l’on ajuste exactement une
entreprise à la vision actuelle que l’on a de la situation future, on la rendra
cassante et elle ne pourra pas faire face aux aléas à venir.
C’est pourquoi le
sous-titre de mon livre est : une entreprise anorexique ne peut pas faire
face aux aléas, et que j’y écrivais : « Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui
cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises : on
coupe tout ce qui ne sert apparemment à rien, on comprime tout ce qui n’est pas
lié directement avec ce qui est planifié. Mais si l’on améliore les résultats
immédiats, on se prépare pour un mort future certaine. L’anorexie managériale
en quelque sorte : des entreprises devenues tellement maigres qu’elles vont
être emportées par la première bourrasque. »
Est-ce donc à dire
qu’il ne faut pas se préoccuper de l’allocation des ressources, et que l’on
peut dépenser sans compter ? Évidemment non !
Pour prendre une
image : si pour démonter une prise, une personne est suffisante, inutile
d’être à deux…
Non, ce qu’il faut
préserver, c’est une part de flou, c’est-à-dire des ressources en temps, en
argent et en moyens techniques non affectées pour pouvoir faire face à
l’imprévu, pour permettre d’inventer, pour autoriser des émergences créatives.
Quelle quantité de
flou ?
Le plus possible,
en fonction de la rentabilité de l’entreprise et des moyens requis pour tout ce
qui est déjà engagé et planifié. En d’autres mots, priorité d’abord à
l’accomplissement de ce qui est prévu à court terme : inutile de se donner
une souplesse pour le futur, si l’on n’est pas capable de faire face aux
contraintes de la situation actuelle.
Ce flou ne doit pas
être réservé à des fonctions d’état-major ou d’encadrement. Il faut le répartir
dans toute l’entreprise, et apprendre à chacun à s’en servir pour tirer parti de ce qui se présente, saisir une
opportunité nouvelle, s’engager dans une pente naturelle qui était restée
jusqu’à présent cachée, entreprendre une action qui va rapprocher un peu de la
mer visée…
L’idée de flou doit
aussi être intégrée dans la conception du rôle de chacun et dans le dessin des
organisations. Comme il est impossible de tout optimiser, de tout prévoir, de
tout planifier, pourquoi vouloir tout définir ? Pourquoi ne pas lâcher prise,
et accepter de laisser le futur répondre à ce que l’on ne sait pas aujourd’hui ?
(à suivre)
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