7 mars 2012

ÉVITONS LE TRIATHLON SI L’ON NE SAIT PAS NAGER

Rechercher la facilité pour pouvoir faire face à l’imprévu - Le management par émergence (6)
Comment passer de la métaphore des caravanes de l’Ouest américain sur laquelle je finissais mon article d’hier, a un éloge de la facilité ? N’y a-t-il pas une contradiction à vouloir allier les deux ?
Non, je ne crois pas… à la condition expresse de ne pas faire de contresens sur la notion de facilité : je ne l’emploie pas dans le sens occidental du terme, c’est-à-dire celui d’une paresse ou d’une inclination à fuir la difficulté, mais dans le sens asiatique, c’est-à-dire celui de la pente naturelle ou de l’inclination à fuir l’adversité.
Pour ceux qui ne l’ont pas encore lu, je conseille fortement la lecture de la Conférence sur l’efficacité de François Jullien. Ce court ouvrage – il ne comprend que quatre-vingt-douze pages – est un modèle de concision et de clarté. Sa qualité est une forme de démonstration de l’efficacité dont il traite ! Dans mon article Le grand général remporte des victoires faciles, j’en ai donné mon best of.
J’aime particulièrement ce qu’il dit des plantes et de la façon dont elles poussent : « Méditer la poussée des plantes : Ni volontarisme, ni passivité ; mais, en secondant dans le processus de poussée, on tire parti des propensions à l'œuvre et les porte à leur plein régime. (…) Comme est indirect de biner au pied de la plante pour la faire pousser. (…) On ne voit pas la plante pousser. (…) La grande stratégie est sans coup d'éclat, la grande victoire ne se voit pas. »
Sur ce même thème, j’écrivais dans les Mers de l’incertitude : « Comme un fleuve, la voie vers la mer doit « couler de source », elle doit prendre appui sur la géographie de l’entreprise : les tendances de fonds de la situation actuelle ; les savoir-faire de l’entreprise, sa position, son histoire, ses hommes ; ceux de la concurrence actuelle et potentielle… On teste la faisabilité du chemin à parcourir sans entrer dans le détail, car il est inutile et même dangereux de vouloir dessiner trop précisément le chemin : il se dessinera au fur et à mesure de l’avancée en fonction. »
De ce point de vue, la culture judéo-chrétienne nous a vraiment bien peu préparés à cette recherche de la facilité. Je vois trop de dirigeants qui se font les chantres de l’effort, de la transpiration, de montagnes à escalader… Pour eux, seule, la recherche de la difficulté semble noble.
Mais si l’on part à contre-courant, si, dès le départ, on n’a pas privilégié ce qui était le plus naturel, comment faire face à l’imprévu, à la difficulté qui surgit sans qu’on l’attende ?
J’ai couru plusieurs marathons, et je dois – au risque de vous décevoir – dire que, pour cela, je m’étais entraîné, avais perdu un peu de poids, avais fait attention la veille de bien dormir, et m’étais alimenté tout au long de l’épreuve. Pour être plus méritant, aurait-il fallu que je le coure avec un sac à dos plein de cailloux, aurais-je dû arriver fatigué le matin de la course, et ai-je eu tort de boire et manger durant les un peu plus de quarante-deux kilomètres ?
Ou encore si l’on ne sait pas nager, n’est-il pas raisonnable d’éviter le triathlon ? Ou si l’on a le vertige, est-il vraiment nécessaire de monter en haut de la Tour Eiffel ?
(à suivre)

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