Rechercher la facilité pour pouvoir faire face à l’imprévu - Le management par émergence (6)
Comment passer de
la métaphore des caravanes de l’Ouest américain sur laquelle je finissais mon
article d’hier, a un éloge de la facilité ? N’y a-t-il pas une
contradiction à vouloir allier les deux ?
Non, je ne crois
pas… à la condition expresse de ne pas faire de contresens sur la notion de
facilité : je ne l’emploie pas dans le sens occidental du terme,
c’est-à-dire celui d’une paresse ou d’une inclination à fuir la difficulté,
mais dans le sens asiatique, c’est-à-dire celui de la pente naturelle ou de
l’inclination à fuir l’adversité.
Pour ceux qui ne
l’ont pas encore lu, je conseille fortement la lecture de la Conférence sur l’efficacité de François
Jullien. Ce court ouvrage – il ne comprend que quatre-vingt-douze pages – est
un modèle de concision et de clarté. Sa qualité est une forme de démonstration
de l’efficacité dont il traite ! Dans mon article Le grand général remporte des victoires faciles, j’en ai donné mon best of.
J’aime
particulièrement ce qu’il dit des plantes et de la façon dont elles
poussent : « Méditer la poussée des
plantes : Ni volontarisme, ni passivité ; mais, en secondant dans le processus
de poussée, on tire parti des propensions à l'œuvre et les porte à leur plein
régime. (…) Comme est indirect de biner au pied de la plante pour la faire
pousser. (…) On ne voit pas la plante pousser. (…) La grande stratégie est sans
coup d'éclat, la grande victoire ne se voit pas. »
Sur ce même thème,
j’écrivais dans les Mers de l’incertitude : « Comme un fleuve, la voie vers la mer doit « couler de source », elle
doit prendre appui sur la géographie de l’entreprise : les tendances de fonds
de la situation actuelle ; les savoir-faire de l’entreprise, sa position, son
histoire, ses hommes ; ceux de la concurrence actuelle et potentielle… On teste
la faisabilité du chemin à parcourir sans entrer dans le détail, car il est
inutile et même dangereux de vouloir dessiner trop précisément le chemin : il
se dessinera au fur et à mesure de l’avancée en fonction. »
De ce point de vue,
la culture judéo-chrétienne nous a vraiment bien peu préparés à cette recherche
de la facilité. Je vois trop de dirigeants qui se font les chantres de
l’effort, de la transpiration, de montagnes à escalader… Pour eux, seule, la
recherche de la difficulté semble noble.
Mais si l’on part à
contre-courant, si, dès le départ, on n’a pas privilégié ce qui était le plus
naturel, comment faire face à l’imprévu, à la difficulté qui surgit sans qu’on
l’attende ?
J’ai couru
plusieurs marathons, et je dois – au risque de vous décevoir – dire que, pour
cela, je m’étais entraîné, avais perdu un peu de poids, avais fait attention la
veille de bien dormir, et m’étais alimenté tout au long de l’épreuve. Pour être
plus méritant, aurait-il fallu que je le coure avec un sac à dos plein de
cailloux, aurais-je dû arriver fatigué le matin de la course, et ai-je eu tort
de boire et manger durant les un peu plus de quarante-deux kilomètres ?
Ou encore si l’on
ne sait pas nager, n’est-il pas raisonnable d’éviter le triathlon ? Ou si
l’on a le vertige, est-il vraiment nécessaire de monter en haut de la Tour
Eiffel ?
(à suivre)
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