Sans règles, sans culture, une entreprise n’existe pas en tant que tout
Comme un individu, l’identité d’une entreprise, ce qui fait qu’elle perdure dans le temps, qu’elle se transforme tout en restant elle-même, est la résultante de son histoire, de sa mémoire emmagasinée et des processus sédimentés.
Sa mémoire et son histoire sont multiplement éclatées et recomposées. Elles émergent de chacun des morceaux qui la composent, des sociétés absorbées et fusionnées, des pays où elle s’est développée, des produits et des services lancés et abandonnés, de ses succès et de ses échecs… et bien sûr surtout des hommes et des femmes qui la composent.
Quel est l’ADN qui lui permet de réagir et de s’adapter ? Quel est ce liant qui fait qu’elle existe comme un tout, et non pas seulement comme une juxtaposition fragile et aléatoire, une simple collection de structures, d’objets et de personnes hétérogènes ? Comment peut-elle perdurer malgré, voire à cause, des arrivées et des départs, des débuts et des fins ?
Dans les Mers de l’Incertitude, j’écrivais :
« C’est l’existence de règles propres qui fait qu’une entreprise existe en tant que telle, et n’est pas qu’une juxtaposition d’individus. Ces règles peuvent comprendre des éléments objectifs comme le cadre juridique, les systèmes d’information ou l’organisation interne, mais aussi subjectifs comme des us et coutumes, un langage propre. (…) Comme tout organisme vivant, une entreprise se compose et se décompose sans cesse. (…) Elle vit. Sans l’existence de ses règles et de sa culture, l’identité de l’entreprise ne perdurerait pas au travers de ces transformations continues. Si ce ciment venait à disparaître, l’entreprise, en tant que système collectif, cesserait d’exister pour ne devenir plus qu’une collection d’individus juxtaposés. Elle perdrait sa cohésion et ne pourrait plus être dirigée. Si, suite à une fusion, une culture commune n’est pas mise en place, on aura une juxtaposition et non pas une entreprise.
Quand IBM devient une entreprise centrée sur le software et sur la prestation intellectuelle, est-elle toujours IBM ? Après avoir absorbé successivement Fina, puis Elf, Total est-il resté Total ? Quand Veolia nait à partir de la scission des activités environnement issues de la Générale des Eaux redevient-elle la Générale des Eaux sous un autre nom ? Quand France Télécom cesse d’être une entreprise publique et s’internationalise de plus en plus, est-elle toujours France Télécom ? Quand BSN devient Danone s’agit-il d’une création nouvelle ou d’une transformation d’une identité ?
(…) De la même façon que la Seine n’est pas l’eau qui est en train de passer sous le pont Mirabeau, ni seulement le fleuve qui passe là, comment définir ce qui fait qu’une entreprise reste elle-même quand elle subit une transformation profonde ? On retrouve la question de l’identité de l’entreprise. (…) Elle ne se décide pas brutalement, elle est le résultat de son histoire. La Direction peut vouloir l’infléchir et la faire évoluer, elle ne peut pas la changer instantanément.
(…) A force de ne pas s’intéresser à ce qui fait et a fait l’identité d’une entreprise, ou de simplement ne pas y prêter une attention suffisante, on risque de voir a posteriori bon nombre de salariés se désimpliquer, ne plus comprendre quel est leur rôle et ce que l’on attend d’eux, voire la quitter. Je peux rattacher bon nombre de problèmes actuels rencontrés par ces entreprises à cette non prise en compte. »
Et qu’en est-il des processus conscients et inconscients ? L’entreprise décide-t-elle aussi sans s’en rendre compte ?
(à suivre)
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