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16 mars 2020

BON NOMBRE DE NOS ENTREPRISES ONT ÉTÉ RENDUES CASSANTES ET INCAPABLES À FAIRE FACE À L’IMPRÉVU

Trop de productivité a conduit à la disparition des réserves et à l’anorexie économique
Dans le tsunami économique déclenché par le coronavirus, les entreprises qui ont gardé de la souplesse et des réserves, seront mieux à même de résister. 
Celles qui ont fait de l’optimisation financière leur seul credo se sont rendues fragiles et "cassantes", incapables de faire face à l’inattendu, car tellement ajustées à leur vision du présent et du futur...
Ce que j’ai écrit dans mon livre "Les Radeaux de feu" à ce sujet est totalement d'actualité  :
« Faut-il encore que ceux qui sont sur le terrain aient les moyens d’agir et de faire face à ce qui n’a été ni prévu, ni planifié. Ceci suppose des réserves disponibles. Redonnons à nouveau la parole aux militaires. Selon le Général Vincent Desportes, sans réserves, toute bataille est perdue : « Quand un chef n’a plus de réserves, il a perdu la bataille (…) Pour affaiblir l’adversaire, le plus efficace est d’attaquer ses réserves, car ce sont la source de sa puissance ». Il complète dans son livre, Décider dans l’incertitude : « Pour Churchill, l’engagement de la réserve représente même la responsabilité majeure du chef ; cette décision prise, ce dernier ne peut plus guère influer sur l’événement : c’est dans l’utilisation et la préservation de leurs réserves que les grands chefs ont généralement fait preuve d’excellence ; après tout, une fois que la dernière réserve a été engagée, leur rôle est achevé … L'événement peut être confié au courage et aux soldats. »
Et un peu plus loin, il prolonge en interpellant les dirigeants d’entreprises : « La question des réserves financières renvoie plus largement à celle de la logistique et des principes de « flux tendus » ou du « juste à temps ». (…) On connaît les effets désastreux produits par les aléas (les grèves en particulier) sur des entreprises ayant abusé de ces principes pour diminuer leurs coûts de revient. »
On ne saurait mieux dire. Ceci rejoint ce que j’appelle le risque de l’anorexie : de plan de productivité en plan de productivité, d’une application sommaire du lean management à la recherche de la rentabilité immédiate, on rend les entreprises de plus en plus ajustées à ce que l’on croît juste, et on les rend cassantes. J'ai parfois l'impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l'éloge de la maigreur excessive : il n'y a qu'un pas du lean management à l'« anorexic management » !
En effet, comment procède-t-on pour améliorer la productivité ? On met en regard les actions de l’entreprise – présentes et projetées –, avec les résultats obtenus. Pour ce faire, on dispose d’une grille qui précise ce qui crée de la valeur, et hiérarchise ce qui est fait en fonction de la contribution à cette création de valeur. Mais cette grille, par construction, ne tient pas compte de ce que l’on ne connaît pas, et est directement issue de la vision actuelle et historique de la situation. On va ainsi considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu.
Conséquemment, on supprime tout ce qui est jugé inutile : si jamais la vision actuelle est fausse ou incomplète, il n’y a plus aucune réserve disponible susceptible d’être mobilisée. Or une chose est sûre, c’est que c’est le cas ! Donc si l’on se réfère à la théorie militaire, l’entreprise a déjà perdu la bataille… Elle est fragilisée et cassera faute de souplesse. Elle est rigide comme le verre.
Certes, être plus léger, c’est aussi consommer moins de ressources et être plus mobile : je ne fais pas l’éloge de l’obésité, mais celle de l’importance de réserves.
Pour préciser mon propos, je pose quelques questions « simples » :
- Un coureur de marathon a-t-il la moindre chance d'arriver au bout de la course, s'il part sans aucune réserve ? N'a-t-il pas pris la peine de manger des sucres lents qu'il a stockés préalablement dans son organisme ? La mise en œuvre d'un plan d'action pour une entreprise relève-t-elle d’une action de courte durée ou s'apparente-t-elle à un marathon ?
- Un ensemble d'engrenages peut-il fonctionner sans présence d'un corps gras et d'un minimum de jeu ? Si l'on réduit toutes les marges de manœuvre et on assèche tous les mécanismes, l’entreprise ne va-t-elle pas se gripper ?
- Y a-t-il du vivant sans flou, ni réserve ? Est-ce qu'une cellule vivante pourrait s'adapter à des changements de son environnement, si elle était parfaitement adaptée à son environnement actuel ? Si un être vivant était exactement ajusté à sa situation présente, que se passerait-t-il quand cette dernière change ?
Je pourrais prolonger cette liste… »

23 mai 2018

L’ANOREXIE MANAGÉRIALE

Garder des marges de manœuvre pour pouvoir faire face à l'incertitude
Dans beaucoup d'entreprises, toutes les ressources sont affectées à l'avance, il ne reste plus de temps disponible, tout a déjà été prévu, optimisé et organisé : comment pourront-elles faire face au premier aléa ?
Il m'arrive ainsi de rencontrer des dirigeants dont l'agenda est rempli pour les trois mois à venir. Comment font-ils pour faire de la place à l'inattendu ? Ils réallouent leur temps, annulent ce qui n'était pas indispensable, reportent le reste. 
Mais où est la place laissée à la réflexion, à la prise de recul ? Comment peuvent-ils repérer ce qui est nouveau, ce qui survient ?
A l'intérieur de l'entreprise, si tous les agendas sont remplis, c'est encore pire : non seulement personne n'est en recul, mais comme on n'a pas la latitude de reprogrammer son temps, on est prisonnier de ce qui a été prévu. Reste à espérer que c'est ce qui va arriver…
Adaptabilité, souplesse et sensibilité à l'imprévu impliquent redondance, ressources disponibles, capacité à improviser.
Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises : on coupe tout ce qui ne sert apparemment à rien, on comprime tout ce qui n'est pas lié directement avec ce qui est planifié. 
Mais si l'on améliore les résultats immédiats, on se prépare pour un mort future certaine. L'anorexie managériale en quelque sorte : des entreprises devenues tellement maigres qu'elles vont être emportées par la première bourrasque.
Pour éviter que les optimisations successives n'aboutissent à supprimer toutes les marges de manœuvre, il faut avoir affiché le pourcentage de flou que l'on veut maintenir.
Comment le calculer ? Je n'ai pas de remèdes miracles comme réponse, mais plutôt un raisonnement de bon sens. Ce pourcentage peut être estimé au regard des deux paramètres suivants :
- Le niveau d'incertitude du marché dans lequel se trouve l'entreprise,
- Sa rentabilité actuelle, les ressources financières, techniques, et humaines nécessaires à la conduite des projets engagés et aux actions immédiates, la marge de manœuvre disponible

(Extrait de mon livre "Les Mers de l'incertitude")

3 mars 2014

IMPORTANCE DES RÉSERVES ET « ANOREXIC MANAGEMENT »

Pour une ergonomie des actions émergentes (3)
Mais lâcher prise et ne pas agir ne sont pas suffisants. Faut-il encore que ceux qui sont sur le terrain aient les moyens d’agir et de faire face à ce qui n’a été ni prévu, ni planifié. Ceci suppose des réserves disponibles. Redonnons à nouveau la parole aux militaires. Selon le Général Vincent Desportes, sans réserves, toute bataille est perdue : « Quand un chef n’a plus de réserves, il a perdu la bataille (…) Pour affaiblir l’adversaire, le plus efficace est d’attaquer ses réserves, car ce sont la source de sa puissance ». Il complète dans son livre, Décider dans l’incertitude : « Pour Churchill, l’engagement de la réserve représente même la responsabilité majeure du chef ; cette décision prise, ce dernier ne peut plus guère influer sur l’événement : c’est dans l’utilisation et la préservation de leurs réserves que les grands chefs ont généralement fait preuve d’excellence ; après tout, une fois que la dernière réserve a été engagée, leur rôle est achevé … L’événement peut être confié au courage et aux soldats. »
Et un peu plus loin, il prolonge en interpellant les dirigeants d’entreprises : « La question des réserves financières renvoie plus largement à celle de la logistique et des principes de « flux tendus » ou du « juste à temps ». (…) On connaît les effets désastreux produits par les aléas (les grèves en particulier) sur des entreprises ayant abusé de ces principes pour diminuer leurs coûts de revient. »

On ne saurait mieux dire. Ceci rejoint ce que j’appelle le risque de l’anorexie : de plan de productivité en plan de productivité, d’une application sommaire du lean management à la recherche de la rentabilité immédiate, on rend les entreprises de plus en plus ajustées à ce que l’on croît juste, et on les rend cassantes. J’ai parfois l’impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l’éloge de la maigreur excessive : il n’y a qu’un pas du lean management à l’« anorexic management » !
(extrait des Radeaux de feu)

5 nov. 2012

TROIS TENTATIONS À ÉVITER

Agir dans l’incertitude : Diriger en lâchant prise? (3)
1. L’expertise : Toute expertise conduit implicitement à construire une vision du monde fondée sur le passé. Difficile avec les yeux de l’expert, de repérer ce qui est nouveau et en rupture. Il ne s’agit pas de se priver de l’expertise, mais de veiller à la mobiliser non pas a priori, mais a posteriori.
2. La mathématisation : La réponse à la montée de l’incertitude n’est pas dans la sophistication des modèles et dans la multiplication des tableurs excel. Il n’est pas non plus pertinent de croire que l’on va pouvoir appliquer des règles de trois sur les comportements humains : ce n’est pas en multipliant par deux la taille d’une équipe qu’elle ira deux fois plus vite… La complexité doit être acceptée.
3. L’anorexie : La recherche de la productivité à tout prix conduit à ajuster l’entreprise à la vision que l’on a actuellement de la situation. On la rend ainsi cassante, et incapable de faire face aux aléas. Il faut préserver une part de flou, c’est-à-dire de ressources non affectées et disponibles.
(à suivre)

21 août 2012

TU NE POUSSERAS PLUS À L’ANOREXIE

BEST OF (13 février 2012)
Un autre des commandements de la « Table de la loi » de l’incertitude
Extrait des Mers de l’incertitude
Quand on évalue, on mesure la productivité. Classiquement, on met en regard les dépenses allouées et les résultats obtenus. On se pose ensuite la question de l’efficacité, et notamment celle de la diminution des coûts en supprimant ceux qui sont les moins productifs.
Ceci présente deux risques majeurs qui, l’un comme l’autre, peuvent emmener l’entreprise sur la mauvaise pente.
D’abord la mort comme résultat ultime de la règle magique des 80/20 : quoi que j’observe, je vais constater que 80 % du résultat est obtenu avec 20 % des efforts faits, et si l’on zoome sur les efforts les moins efficaces, on constate que les derniers 5 % ont un impact très faible1. Alors, arrive la question inévitable : pourquoi l’entreprise ne supprime-t-elle pas ces efforts qui ne sont pas rentables ? Imaginons maintenant que l’entreprise, suite à cette étude, arrête effectivement ces efforts. Un an plus tard, la même étude est menée, et identifie à nouveau 5 % d’efforts « inefficaces », car la loi des 80/20 continue à s’appliquer. Que fait-on ? Coupe-t-on aussi ces efforts-là ? Si oui, il n’y a aucune raison que cela s’arrête, et, on va par étapes vers le système le plus productif, le seul qui ne consomme aucune ressource inefficacement, en fait celui qui ne consomme plus du tout de ressources : la mort. C’est ce que l’on appelle aussi le « syndrome du wagon de queue » : quoi que l’on fasse, il y en aura toujours un… même si on enlève celui qui l’est actuellement. Oui, bien sûr, je simplifie et je caricature. Mais, au cours de mes vingt ans de pratique de consultant, j’ai croisé bon nombre d’entreprises qui, ayant suivi des démarches successives simplistes de productivité, avaient entamé très fortement leur processus vital et leur capacité à se développer.
Ensuite, la rigidité comme résultat de la cure d’amaigrissement : par construction, une approche classique de mesure de la productivité ne peut prendre en compte que ce qui est déjà identifié. Elle va considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu. Or, en milieu incertain, comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, la survie à long terme d’une entreprise va dépendre de l’existence de ressources disponibles, de redondances et d’un flou dans les systèmes.
Aussi l’application brutale et sans discernement d’une démarche de productivité va conduire à supprimer tout ce flou et rendre l’entreprise cassante : elle est tellement tendue qu’elle ne pourra plus s’adapter. Tout est mis en ordre, il n’y a plus de désordre, et donc plus de capacité à s’adapter à un changement de l’écosystème dans lequel vit l’entreprise. Ainsi ceci peut conduire à l’anorexie, anorexie qui est une maladie, et non pas le témoin d’une performance future : l’anorexie conduit au temps de dinosaures, ces méga-entreprises vulnérables au moindre changement climatique.

8 mars 2012

NE PAS TOUT DÉFINIR, NE PAS TOUT OPTIMISER

Savoir lâcher prise - Le management par émergence (7)
Après le lien entre mer et action, la paranoïa optimiste et la facilité, voici le quatrième point nécessaire à une émergence efficace : le flou.
Là encore, pour les lecteurs réguliers de mon blog, ou ceux qui ont lu mon livre les Mers de l’incertitude, il ne s’agit pas d’une idée neuve. Quelle est-elle ?
Elle part une fois de plus d’une idée toute simple : comment on ne peut pas, par construction, prévoir ce que l’on ne connaît pas, si l’on ajuste exactement une entreprise à la vision actuelle que l’on a de la situation future, on la rendra cassante et elle ne pourra pas faire face aux aléas à venir.
C’est pourquoi le sous-titre de mon livre est : une entreprise anorexique ne peut pas faire face aux aléas, et que j’y écrivais : « Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises : on coupe tout ce qui ne sert apparemment à rien, on comprime tout ce qui n’est pas lié directement avec ce qui est planifié. Mais si l’on améliore les résultats immédiats, on se prépare pour un mort future certaine. L’anorexie managériale en quelque sorte : des entreprises devenues tellement maigres qu’elles vont être emportées par la première bourrasque. »
Donc place au flou.
Est-ce donc à dire qu’il ne faut pas se préoccuper de l’allocation des ressources, et que l’on peut dépenser sans compter ? Évidemment non !
Pour prendre une image : si pour démonter une prise, une personne est suffisante, inutile d’être à deux…
Non, ce qu’il faut préserver, c’est une part de flou, c’est-à-dire des ressources en temps, en argent et en moyens techniques non affectées pour pouvoir faire face à l’imprévu, pour permettre d’inventer, pour autoriser des émergences créatives.
Quelle quantité de flou ?
Le plus possible, en fonction de la rentabilité de l’entreprise et des moyens requis pour tout ce qui est déjà engagé et planifié. En d’autres mots, priorité d’abord à l’accomplissement de ce qui est prévu à court terme : inutile de se donner une souplesse pour le futur, si l’on n’est pas capable de faire face aux contraintes de la situation actuelle.
Ce flou ne doit pas être réservé à des fonctions d’état-major ou d’encadrement. Il faut le répartir dans toute l’entreprise, et apprendre à chacun à s’en servir pour tirer parti de ce qui se présente, saisir une opportunité nouvelle, s’engager dans une pente naturelle qui était restée jusqu’à présent cachée, entreprendre une action qui va rapprocher un peu de la mer visée…
L’idée de flou doit aussi être intégrée dans la conception du rôle de chacun et dans le dessin des organisations. Comme il est impossible de tout optimiser, de tout prévoir, de tout planifier, pourquoi vouloir tout définir ? Pourquoi ne pas lâcher prise, et accepter de laisser le futur répondre à ce que l’on ne sait pas aujourd’hui ?
(à suivre)

13 févr. 2012

TU NE POUSSERAS PLUS À L’ANOREXIE

Un autre des commandements de la « Table de la loi » de l’incertitude
Extrait des Mers de l’incertitude
Quand on évalue, on mesure la productivité. Classiquement, on met en regard les dépenses allouées et les résultats obtenus. On se pose ensuite la question de l’efficacité, et notamment celle de la diminution des coûts en supprimant ceux qui sont les moins productifs.
Ceci présente deux risques majeurs qui, l’un comme l’autre, peuvent emmener l’entreprise sur la mauvaise pente.
D’abord la mort comme résultat ultime de la règle magique des 80/20 : quoi que j’observe, je vais constater que 80 % du résultat est obtenu avec 20 % des efforts faits, et si l’on zoome sur les efforts les moins efficaces, on constate que les derniers 5 % ont un impact très faible1. Alors, arrive la question inévitable : pourquoi l’entreprise ne supprime-t-elle pas ces efforts qui ne sont pas rentables ? Imaginons maintenant que l’entreprise, suite à cette étude, arrête effectivement ces efforts. Un an plus tard, la même étude est menée, et identifie à nouveau 5 % d’efforts « inefficaces », car la loi des 80/20 continue à s’appliquer. Que fait-on ? Coupe-t-on aussi ces efforts-là ? Si oui, il n’y a aucune raison que cela s’arrête, et, on va par étapes vers le système le plus productif, le seul qui ne consomme aucune ressource inefficacement, en fait celui qui ne consomme plus du tout de ressources : la mort. C’est ce que l’on appelle aussi le « syndrome du wagon de queue » : quoi que l’on fasse, il y en aura toujours un… même si on enlève celui qui l’est actuellement. Oui, bien sûr, je simplifie et je caricature. Mais, au cours de mes vingt ans de pratique de consultant, j’ai croisé bon nombre d’entreprises qui, ayant suivi des démarches successives simplistes de productivité, avaient entamé très fortement leur processus vital et leur capacité à se développer.
Ensuite, la rigidité comme résultat de la cure d’amaigrissement : par construction, une approche classique de mesure de la productivité ne peut prendre en compte que ce qui est déjà identifié. Elle va considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu. Or, en milieu incertain, comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, la survie à long terme d’une entreprise va dépendre de l’existence de ressources disponibles, de redondances et d’un flou dans les systèmes.
Aussi l’application brutale et sans discernement d’une démarche de productivité va conduire à supprimer tout ce flou et rendre l’entreprise cassante : elle est tellement tendue qu’elle ne pourra plus s’adapter. Tout est mis en ordre, il n’y a plus de désordre, et donc plus de capacité à s’adapter à un changement de l’écosystème dans lequel vit l’entreprise. Ainsi ceci peut conduire à l’anorexie, anorexie qui est une maladie, et non pas le témoin d’une performance future : l’anorexie conduit au temps de dinosaures, ces méga-entreprises vulnérables au moindre changement climatique.

8 nov. 2011

« IL EST MORT. JE N’AI VRAIMENT PAS DE CHANCE »

L’anorexie est plus que jamais là !
« Nasreddine trouvait  que son âne mangeait trop. Par souci d’économie, il décida de lui donner chaque jour un peu moins de foin, en se disant que l’âne ne se rendrait pas compte de la différence.
Jour après jour, il diminuait la ration de l’animal et l’âne n’avait pas l’air de protester. Au bout d’une semaine, l’auge était vide : Nasreddine ne donnait plus rien à son âne.
Cette situation dura une bonne semaine, jusqu’au jour  où l’âne s’allongea et ne se releva plus. Il était mort.
Nasreddine se mit à se lamenter : « Je n’ai pas de chance ! Maintenant que mon âne avait pris l’habitude de ne plus manger et qu’il ne me coûtait rien, il est mort. Je n’ai vraiment pas de chance » »
Cette histoire tirée de « Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui était sage », est une belle illustration de tous mes articles sur l’anorexie et le danger des régimes amaigrissants.
Un ami, membre d’un comité de direction d’une grande banque, me confiait encore la semaine dernière : « Nous venons de couper tous les budgets d’investissement, notamment marketing, pour améliorer un peu plus nos résultats financiers, alors que notre profit vient de progresser de 50%. On marche sur la tête ! »
Effectivement, et il serait peut-être temps d’arrêter si, comme dans l’histoire de Nasreddine, nous ne voulons pas voir mourir nos entreprises, et notre tissu social se désagréger.

26 août 2011

DES OPTIMISATIONS RÉPÉTÉES PEUVENT RENDRE UNE ENTREPRISE CASSANTE

Une entreprise exactement adaptée à sa situation présente est vulnérable (31 mars 2010)

Retour sur l'anorexie et du risque de rendre l'entreprise cassante.
Pour préciser mon propos, je vais vous poser quelques questions « simples » auxquelles je vous laisserai apporter vos réponses (n'hésitez pas à me laisser des commentaires) :
  • Un coureur de marathon a-t-il la moindre chance d'arriver au bout de la course, s'il part sans aucune réserve ? N'a-t-il pas pris la peine de manger des sucres lents qu'il a stockés préalablement dans son organisme ? La mise en œuvre d'un plan d'action pour une entreprise est-il une action de courte durée ou s'apparente-t-elle à un marathon ?
  • Un ensemble d'engrenages peut-il fonctionner sans présence d'un corps gras et d'un minimum de jeu ? Si l'on réduit toutes les marges de manœuvre et on assèche tous les mécanismes, va-t-il se bloquer ?
  • Dans la fable du chêne et du roseau, lequel des deux survit à l'orage ? Pour quelle raison, l'un des deux est-il condamné ?
  • Y a-t-il une part de flou dans le vivant ? Est-ce qu'une cellule vivante pourrait s'adapter à des changements de son environnement si elle était parfaitement adaptée à son environnement actuel ? Si un être vivant était exactement ajusté à sa situation présente, que se passerait-t-il si elle changeait ?
  • Le chaos – au sens mathématique du terme – est-il omniprésent dans le monde dans lequel nous vivons ? L'évolution d'une situation chaotique peut-elle être anticipée précisément, ou, au contraire, peut-elle varier dans des proportions imprévisibles ?
Je pourrais prolonger cette liste…
Maintenant, je vais ajouter juste une dernière question : si j'optimise exactement une entreprise à sa situation actuelle en supprimant tout ce qui semble inutile et n'apporte rien dans le contexte actuel, est-ce que, en améliorant sa performance immédiate, je ne la rends pas cassante et vulnérable ?

Je vous laisse répondre…

19 oct. 2010

METTRE DU FLOU DANS L’ORGANISATION

La redondance est nécessaire pour pouvoir faire face à l'incertitude

Dans beaucoup d'entreprises, toutes les ressources sont affectées à l'avance, il ne reste plus de temps disponible, tout a déjà été prévu, optimisé et organisé : comment pourront-elles faire face au premier aléa ?
Il m'arrive ainsi de rencontrer des dirigeants dont l'agenda est rempli pour les trois mois à venir. Comment font-ils pour faire de la place à l'inattendu ? Ils réallouent leur temps, annulent ce qui n'était pas indispensable, reportent le reste. Mais où est la place laissée à la réflexion, à la prise de recul ? Comment peuvent-ils repérer ce qui est nouveau, ce qui survient ?
A l'intérieur de l'entreprise, si tous les agendas sont remplis, c'est encore pire : non seulement personne n'est en recul, mais comme on n'a pas la latitude de reprogrammer son temps, on est prisonnier de ce qui a été prévu. Reste à espérer que c'est ce qui va arriver…

Adaptabilité, souplesse et sensibilité à l'imprévu impliquent redondance, ressources disponibles, capacité à improviser.
Je sais combien ceci va aux antipodes de la tendance actuelle qui cherche par tous les moyens à accroître la rentabilité des entreprises : on coupe tout ce qui ne sert apparemment à rien, on comprime tout ce qui n'est pas lié directement avec ce qui est planifié. Mais si l'on améliore les résultats immédiats, on se prépare pour un mort future certaine. L'anorexie managériale en quelque sorte : des entreprises devenues tellement maigres qu'elles vont être emportées par la première bourrasque.

Pour éviter que les optimisations successives n'aboutissent à supprimer toutes les marges de manœuvre, il faut avoir affiché le pourcentage de flou que l'on veut maintenir.

Comment le calculer ? Je n'ai pas de remèdes miracles comme réponse, mais plutôt un raisonnement de bon sens. Ce pourcentage peut être estimé au regard des deux paramètres suivants :
- Quel est le niveau d'incertitude du marché dans lequel se trouve l'entreprise ? L'horizon du flou est-il très rapproché ?
- Quel est le niveau de rentabilité actuel ? Quelles sont les ressources financières, techniques, et humaines nécessaires à la conduite des projets engagés et aux actions immédiates ? Quelle est la marge de manœuvre disponible ?


Extrait des Mers de l'incertitude

12 mai 2010

À FORCE DE ZAPPER, ON NE SAIT PLUS PRENDRE LE TEMPS DE LA RÉFLEXION

Prendre son temps, est-ce perdre du temps ? (1)

Au cours d'une intervention récente(2), Thierry Gaudin s'est fait l'écho des résultats d'une étude entreprise dans le Bade-Wurtemberg. Cette étude compare les dessins faits par deux échantillons d'enfants, les uns regardant la télévision moins d'une heure par jour, les autres plus de trois heures par jour.

Jetez un coup d'œil à la photo ci-jointe, elle parle d'elle-même. C'est comme si le temps passé devant la télévision les avait convertis au zapping et que les enfants du 2ème groupe ne pouvaient plus consacrer du temps au dessin. Quelques traits suffisent bien, pourquoi s'embêter à rajouter des fioritures et à s'appliquer sur un contour ?

Quand je regarde ces dessins, ceci me rappelle ce que je constate aujourd'hui dans les entreprises : à l'instar des enfants drogués d'images, bon nombre de directions d'entreprises courent tellement d'un sujet à un autre, sautent d'une réunion dans un avion, que, quand il s'agit de dessiner une stratégie ou de dessiner une nouvelle organisation, elles ne savent plus faire que des esquisses sans corps et sans précision.

Or de la même façon qu'il faut s'asseoir pour dessiner, on ne peut pas réfléchir à long terme instantanément et dans l'immédiateté. Comme l'a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(3), « nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. » ! Attention à l'anorexie mentale...


(1) Cliquer pour voir tous mes articles relatifs au Temps

(2) Cliquer pour voir la vidéo de la présentation
(3) Le Nouvel art du temps

6 avr. 2010

DES APPROCHES MANAGÉRIALES DANGEREUSES ET OBSOLÈTES PERDURENT

Un monde incertain (1ère partie)

Le nouveau numéro de la revue trimestrielle Sociétal est centré sur le « Management de l'après-crise ou crise de l'après-management ». J'y participe au travers d'un article intitulé « Un monde incertain ». Compte-tenu de sa longueur, je le publie sur deux jours. En voici la première partie.

LE FLOU ET L'INCERTITUDE SONT DEVENUS LA RÈGLE
Tout le monde se sent débordé par l'incertitude : omniprésente autour de nous, elle en est venue à tout envahir. Quel que soit le journal que je saisisse, quelle que soit la radio que j'écoute, quelle que soit la télévision que je regarde, je suis certain d'y trouver des prévisions démenties, des reprises qui n'arrivent pas, des catastrophes et des succès inattendus. 
La crise économique déclenchée en septembre 2008 a rendu encore plus évidente cette propagation de l'incertitude.
Dans le même temps, nous continuons à rêver d'un monde sécurisant où, à l'image des livres de cuisine, on connaitrait la liste des ingrédients à réunir et le mode opératoire à suivre pour obtenir à coup sûr un résultat connu à l'avance et conforme à la photographie affichée.
Le monde des entreprises, loin d'être épargné, est au cœur et souvent à l'origine de cette tourmente. Qu'en est-il de sa capacité à prévoir ce qui va advenir ? Pour répondre brutalement, il n'en reste plus grand-chose :
- Il n'y a quasiment plus de certitudes, c'est-à-dire de situations dont on peut définir à l'avance l'évolution : la présence des boucles de rétroaction et la densité des interactions empêchent de prévoir de façon certaine ce qui va se passer.
- Il est même impossible, sauf à court terme, de probabiliser l'évolution. Au mieux, nous pouvons définir le monde des possibles : avoir une idée de ce qui est susceptible de se produire, élaguer en définissant des zones impossibles, préciser des chemins, mais sans savoir lequel sera suivi.
- L'horizon du court terme varie selon les pays et les secteurs, mais dans tous les cas, il se rapproche constamment. Il est de l'ordre de l'année, parfois beaucoup moins, rarement beaucoup plus. Au-delà, règne le flou.

POURTANT DES APPROCHES MANAGÉRIALES DANGEREUSES ET OBSOLÈTES PERDURENT
1. La maladie de la prévision Excel

Sous la pression de leur environnement et/ou de leur direction, les entreprises continuent à construire des business-plan peuplés de prévisions à trois ou cinq ans.
Or ceci est faux et dangereux.
Faux parce que :
- On est incapable de modéliser réellement la situation actuelle et de tenir compte de toutes les interdépendances.
- Ceci repose sur une modélisation mathématique du comportement des individus, modélisation le plus souvent contestable (*).
- La projection suppose que ce qui a sous-tendu l'évolution passée, sera vrai dans le futur. Or au mieux, il y aura de faibles déformations ; au pire, tout sera changé.
- Si, par chance, les lois passées restent encore valables, comme les évolutions complexes sont régies par des lois de type chaotique, la moindre erreur initiale générera des erreurs non quantifiables.

Dangereux parce que :

- Elle fait croire le problème résolu et baisser la vigilance : comme on imagine avoir maîtrisé le risque en l'ayant encadré dans des scénarios, on ne prête plus assez attention à ce qui se passe et émerge.
- Souvent les prévisions se retrouvent dans les budgets des années à venir : alors qu'elles ne sont que des construits imaginés, on va évaluer la performance d'une unité ou d'un manager sur sa capacité à les respecter, et non pas sur celle de tirer le meilleur parti de ce qui advient réellement.

2. L' « anorexic management »
Quand on évalue une performance, on met en regard les dépenses allouées et les résultats obtenus. Puis on cherche à comprimer les coûts en supprimant ceux qui sont les moins productifs.
Ceci présente deux risques majeurs :

- La mort comme résultat ultime de la règle magique des 80/20 : quoi que j'observe, je vais constater que 80% du résultat est obtenu avec 20% des efforts faits. Si l'on zoome, on constate que les derniers 5% ont un impact très faible. Alors arrive la question inévitable : pourquoi l'entreprise ne supprime-t-elle pas ces efforts qui ne sont pas rentables ? Si elle le fait et qu'un an plus tard, on mène la même étude, on identifiera à nouveau 5% d'efforts « inefficaces ». Que fait-on ? Coupe-t-on aussi ces efforts là ? Si oui, il n'y a aucune raison que cela s'arrête, et, on va par étapes vers le système le plus productif, le seul qui ne consomme aucune ressource inefficacement : la mort. C'est ce que l'on appelle aussi le « syndrome du wagon de queue » : quoique je fasse, il y en aura toujours un.
- La rigidité comme résultat de la cure d'amaigrissement : quand on mesure les résultats obtenus ou attendus, on n'est incapable par construction de prendre en compte ce qui n'est pas prévu. On va ainsi considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu. L'application brutale et sans discernement de l'amélioration de la productivité va supprimer tout ce qui est flou et non-affecté, et rendre l'entreprise cassante : elle sera dépourvue des redondances et du flou indispensable à sa résilience.

Faut-il « jeter aux orties » toute approche de productivité et toute réflexion sur l'adéquation entre moyens et résultats ? Non, bien sûr, mais elle ne doit porter que sur la part « hors flou », et intégrer que ce qui est observé n'est que la partie émergée d'un iceberg. 

J'ai parfois l'impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l'éloge de la maigreur excessive : il n'y a qu'un pas du lean management à l' « anorexic management » !

3. L'enfermement par l'expertise
Affirmer « Plus une entreprise est performante et expérimentée, moins elle comprendra ses clients » est apparemment une contrevérité. En effet, plus l'entreprise est performante, mieux elle connaîtra son marché, ses clients, sa concurrence. Certes, mais plus elle aura accumulé d'expériences, plus elle va se poser des questions selon sa logique. In fine, elle risque d'avoir un tel niveau d'expertise qu'elle est décalée par rapport à tous les autres, ses clients y compris.
Prenez l'exemple d'une banque dotée d'un système sophistiqué permettant de mesurer et de comparer le temps d'attente dans toutes ses agences, non seulement entre elles, mais vis-à-vis de la concurrence bancaire. Cet outil semble performant et pertinent, mais il présente un vice majeur : il compare la banque dans un référentiel qui n'est pas celui des clients. En effet, la plupart des clients n'ayant qu'un seul compte bancaire, n'ont pas la possibilité de comparer la performance de leur agence versus celle des concurrents. Par contre, comme, quand ils vont dans leur agence, ils sont le plus souvent en train de faire leurs courses, il compare l'agence aux autres commerces de la rue. Difficile quand on est un banquier chevronné de comprendre que l'on doit se comparer à une poissonnerie ou une crèmerie pour savoir si le client sera content ou mécontent !
Ainsi, plus l'entreprise est experte, moins elle parle le langage commun et plus elle peut se tromper. Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est grand.
Ceci va souvent de pair avec le développement d'une forme d'arrogance issue de succès répétés et de la sensation d'être invulnérable. Au stade extrême, l'entreprise et ses collaborateurs vont devenirs « autistes » : forts de leur expérience, ils savent ce que veulent les clients, comment va évoluer le marché, quels sont les risques technologiques…
Pour comprendre ses clients, il faut d'abord faire le vide, oublier ce que l'on sait et ne mobiliser qu'a posteriori son expertise.

(à suivre)

(*) Voir notamment les travaux de Daniel Kahneman

31 mars 2010

DES OPTIMISATIONS RÉPÉTÉES PEUVENT RENDRE UNE ENTREPRISE CASSANTE

Une entreprise exactement adaptée à sa situation présente est vulnérable

Retour sur l'anorexie et du risque de rendre l'entreprise cassante.

Pour préciser mon propos, je vais vous poser quelques questions « simples » auxquelles je vous laisserai apporter vos réponses (n'hésitez pas à me laisser des commentaires) :
- Un coureur de marathon a-t-il la moindre chance d'arriver au bout de la course, s'il part sans aucune réserve ? N'a-t-il pas pris la peine de manger des sucres lents qu'il a stockés préalablement dans son organisme ? La mise en œuvre d'un plan d'action pour une entreprise est-il une action de courte durée ou s'apparente-t-elle à un marathon ?
- Un ensemble d'engrenages peut-il fonctionner sans présence d'un corps gras et d'un minimum de jeu ? Si l'on réduit toutes les marges de manœuvre et on assèche tous les mécanismes, va-t-il se bloquer ?
- Dans la fable du chêne et du roseau, lequel des deux survit à l'orage ? Pour quelle raison, l'un des deux est-il condamné ?
- Y a-t-il une part de flou dans le vivant ? Est-ce qu'une cellule vivante pourrait s'adapter à des changements de son environnement si elle était parfaitement adaptée à son environnement actuel ? Si un être vivant était exactement ajusté à sa situation présente, que se passerait-t-il si elle changeait ?
- Le chaos – au sens mathématique du terme – est-il omniprésent dans le monde dans lequel nous vivons ? L'évolution d'une situation chaotique peut-elle être anticipée précisément, ou, au contraire, peut-elle varier dans des proportions imprévisibles ?
Je pourrais prolonger cette liste…

Maintenant, je vais ajouter juste une dernière question : si j'optimise exactement une entreprise à sa situation actuelle en supprimant tout ce qui semble inutile et n'apporte rien dans le contexte actuel, est-ce que, en améliorant sa performance immédiate, je ne la rends pas cassante et vulnérable ?

Je vous laisse répondre…

24 févr. 2010

L’ « ANOREXIC MANAGEMENT »

Comment faire face à l'incertitude sans réserves ?

Quand on évalue une performance, on met en regard les dépenses allouées et les résultats obtenus. Puis on cherche à comprimer les coûts en supprimant ceux qui sont les moins productifs.

Ceci présente deux risques majeurs :

- La mort comme résultat ultime de la règle magique des 80/20 : quoi que j'observe, je vais constater que 80% du résultat est obtenu avec 20% des efforts faits. Si l'on zoome, on constate que les derniers 5% ont un impact très faible. Alors arrive la question inévitable : pourquoi l'entreprise ne supprime-t-elle pas ces efforts qui ne sont pas rentables ? Si elle le fait et qu'un an plus tard, on mène la même étude, on identifiera à nouveau 5% d'efforts « inefficaces ». Que fait-on ? Coupe-t-on aussi ces efforts là ? Si oui, il n'y a aucune raison que cela s'arrête, et, on va par étapes vers le système le plus productif, le seul qui ne consomme aucune ressource inefficacement : la mort. C'est ce que l'on appelle aussi le « syndrome du wagon de queue » : quoique je fasse, il y en aura toujours un.

- La rigidité comme résultat de la cure d'amaigrissement : quand on mesure les résultats obtenus ou attendus, on n'est incapable par construction de prendre en compte ce qui n'est pas prévu. On va ainsi considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu. L'application brutale et sans discernement de l'amélioration de la productivité va supprimer tout ce qui est flou et non-affecté, et rendre l'entreprise cassante : elle sera dépourvue des redondances et du flou indispensable à sa résilience.

Faut-il « jeter aux orties » toute approche de productivité et toute réflexion sur l'adéquation entre moyens et résultats ? Non, bien sûr, mais elle ne doit porter que sur la part « hors flou », et intégrer que ce qui est observé n'est que la partie émergée d'un iceberg.

J'ai parfois l'impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l'éloge de la maigreur excessive : il n'y a qu'un pas du lean management à l' « anorexic management » !

(à suivre)