Le zapping ne
conduit pas à la constance
Pris dans un mouvement brownien et une course entre les plateaux de
télévision, ou les conférences, les experts n’ont plus le temps de réfléchir. Dans
mon livre, les Mers de l’incertitude,
je relatais l’anecdote réelle suivante :
« Dernièrement, un journaliste vedette a déclaré à la radio : « Entre mon
rôle de rédacteur en chef de mon journal et d’éditorialiste, plus toutes les
émissions auxquelles je participe, c’est bien simple, je n’ai plus cinq minutes
de libre pour m’arrêter ». Il disait cela comme la preuve de sa performance et
de son importance. Son interlocuteur en sembla d’ailleurs impressionné. En
moi-même, je pensais : « Mais quand réfléchit-il ? Comment peut-il vraiment
faire son métier d’éditorialiste et de journaliste en courant tout le temps de
la sorte ? ». »
Ils deviennent alors des
perroquets, reprenant la dernière histoire racontée, et, si jamais le vent en vient
à tourner, dociles girouettes, ils tourneront tous ensemble, tout en expliquant
doctement pourquoi tout a changé.
Dans le même temps, les
dirigeants sont eux aussi pris dans le ballet des avions, des réunions, et
parfois aussi des plateaux de télévision. Comme, souvent, ils n’ont
pas grandi dans l’entreprise qu’ils dirigent et viennent de la rejoindre, ils ne
la connaissent pas de l’intérieur, et ne manipulent que des rapports et des tableaux
de chiffres.
Difficile dans ce contexte
de se fixer sa propre conviction, surtout si l’environnement est mouvant. Aussi
feuilletant les pseudo-analyses des experts-girouettes, reproduisant sans s’en
rendre compte les lieux communs produits par l’organisation qu’ils viennent de
rejoindre, ils en viennent à affirmer le contraire de ce qu’il avait dit dans
une responsabilité précédente.
Ainsi va le monde…