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1 juil. 2016

COMMENT SE COUPER DU RÉEL ET DEVENIR HORS SOL

Attention à ne pas se déconnecter du réel
Ce billet est un extrait tiré de mon livre Neuromanagement publié en 2008. 
Toute ressemblance avec des femmes ou hommes politiques ne serait évidemment qu’une coïncidence ! 

Plus une entreprise est grande et puissante, plus elle risque de se déconnecter du réel et se croire invulnérable. Or le réel est bien là, dans et autour de l'entreprise. A un moment ou à un autre, il se rappellera aux bons soins de ceux qui l'ont oublié...
Certains succès montent à la tête
Cette entreprise était allée de succès en succès. Créée il y a maintenant plus de cinquante ans, elle avait rapidement pris une position de leader sur ses marchés et avait réussi à s’imposer mondialement.
Après cette phase initiale d’expansion, pour accroître son efficacité, elle avait progressivement automatisé tout ce qui pouvait l’être. Parallèlement, elle avait mis en place un plan de formation interne pour accueillir les nouveaux et accélérer l’apprentissage de ses recettes de succès. Tout ceci facilitait l’action quotidienne et permettait de se concentrer sur ce qui était nouveau.
Aujourd’hui, un sentiment de puissance s’est diffusée et elle se sent invulnérable aux évolutions de la conjoncture et des exigences des clients : elle a oublié tous les efforts faits dans le passé, et est convaincue d’être « naturellement » plus forte que ses concurrents.
Résultat, elle ignore de plus en plus sa concurrence, et étant experte, croit savoir mieux que ses clients ce dont ils ont besoin. Elle est de moins en moins capable de repérer les signaux faibles venant de son environnement et a tendance à oublier les points qui sont à l’origine de son propre succès.
L’entreprise continue à être dirigée de façon consciente, mais n’intègre plus les informations qui pourraient contredire ses interprétations, interprétations qui sont devenues des certitudes. 
Sans le savoir, sans s’en rendre compte, l’entreprise agit peut-être à contre-courant : elle est devenue insensible à son environnement, et donc vulnérable à toute rupture…
On est tellement bien chez nous...
Grâce à sa position dominante, la profitabilité de cette entreprise est largement supérieure à la moyenne du marché. Elle est assise à la fois sur des positions industrielles clés, sur le contrôle de quelques ressources essentielles et sur un savoir-faire industriel et marketing. Bref tout va bien…
Pour récompenser tout le monde, des avantages ont été accordés, année après année, aux salariés et à la Direction. Le sentiment d’appartenance à l’entreprise s’est renforcé au fur et à mesure du cumul de ces avantages.
Un accord tacite entre Direction, syndicats et personnel amène, à l’occasion de chaque négociation, à les renforcer, quitte à externaliser davantage de fonctions pour ne pas dégrader la compétitivité de leur entreprise : il y a de moins en moins de monde à l’intérieur et ceux qui s’y trouvent sont de plus en plus en décalage avec le « monde extérieur ».
S’est ainsi développé petit à petit un confort interne croissant qui n’incite plus à la vigilance. Finalement, tout le monde, Direction comme salariés, privilégie le développement de ce confort : le corps social de l’entreprise se coupe progressivement de l’extérieur. À la limite, on manage alors pour manager, on pense qu’une réunion est bonne parce qu’elle s’est simplement bien passée, et on oublie que tout ceci n’a de sens que si la performance réelle, celle vue par les clients et l’extérieur, s’améliore effectivement.
Devenue autiste, l’entreprise a tendance à protéger jusqu’au bout les avantages acquis, éventuellement même en mettant en péril sa survie…
Je n'ai pas besoin des autres
Créée initialement autour d’un produit unique qu’elle a mondialisé, cette entreprise a ensuite grandi rapidement en multipliant ses lignes de produits. Elle est experte dans la transformation d’une innovation en marché : identification des savoir-faire clés, industrialisation des processus, marketing et commercial ad-hoc, gestion de la marge et du profit…
Ce développement s’est accompagné de la mise en place de structures ad-hoc, d’une spécialisation croissante et d’une multiplication des interlocuteurs internes. Le système global est devenu de plus en plus complexe et l’atteinte de la performance suppose une collaboration efficace entre un nombre croissant d’acteurs.
L’intégration transverse est maintenant difficile à piloter et est de moins en moins maîtrisée. Une partie des acteurs en place se fait sa propre interprétation de la mission qui lui est allouée et de ce que peuvent attendre ou fournir les autres acteurs. Certains vont même jusqu’à se poser la question de la pertinence des structures  communes et de l’existence de l’entreprise en tant que telle.
Pourtant ces structures communes sont celles qui fournissent les ressources et les innovations. Finalement les délais de lancement des nouveaux produits s’allongent…
Et comme la multiplication des lignes de produit s’était faite selon un logique client et qu’elles s’adressent toujours le plus souvent aux mêmes clients, ceux-ci sont contactés en désordre et ne comprennent plus la logique de l’entreprise…
Finalement, plus personne n’a confiance en personne, et les processus internes deviennent redondants…
La performance globale se dégrade, mais personne ne s’en rend vraiment compte, car chacun est focalisé sur son périmètre. L’entreprise se fissure doucement et sûrement…
Des entreprises font des calculs qui ne veulent rien dire
Cette entreprise allait de la chimie de base à la chimie de spécialités, chaque ligne de produit étant centralement pilotée par une structure ad-hoc. En France, les organisations commerciales étaient dédiées à ces lignes de produits, mais, partout ailleurs, existait un responsable pays qui exerçait une supervision de toutes les activités locales.
Aussi « logiquement », ce responsable calculait la part de marché du groupe dans le pays. Cette part de marché était l’agglomération des parts de marché de chaque produit, et faisait une moyenne entre des produits n’ayant aucun rapport entre eux : quel sens pouvait avoir de mélanger des produits aussi dissemblables que les dérivés chlorés ou sulfurés avec des silicones, voire même des terres rares ?
La part de marché résultante n’avait donc aucun sens métier : ce n’était que le résultat d’un calcul et rien de plus.
Or comme le responsable pays avait un rôle historique important dans le groupe, elle était suivie au niveau de la Direction Générale et toute évolution de cette part de marché déclenchait analyse et questions.
Le système central construisait ses interprétations sur une donnée qui n’avait aucun sens réel et n’avait aucun lien avec les logiques de développement des activités dans les pays

18 déc. 2014

SAVOIR PRENDRE LE POULS DE L’ENTREPRISE QUE L’ON DIRIGE

Reinventing organizations (19)
Finalement mon propos n’est pas en contradiction avec celui de Frédéric Laloux, loin de là. Simplement, lui, vient l’enrichir et le compléter avec l’idée que l’organisation est vivante et poursuit son propre but qu’il s’agit de révéler.
Simplement, et c’est un des points essentiels de mon livre, savoir révéler ce but, cette mer, ce point fixe, est difficile et compliqué.
Un peu plus loin dans les Radeaux de feu, j’écrivais que la mer était l’ADN de l’entreprise : 
« Tout être vivant naît, grandit et se reproduit. Jamais, il ne s’arrête. Jamais il ne change, mais toujours il se transforme. Au cœur de chaque cellule, se trouve l’ADN, la clé qui accompagne cette évolution et donne cohésion et identité à l’ensemble. Toute entreprise naît, grandit, et se multiplie. Jamais, elle ne s’arrête. Jamais, elle ne change, toujours, elle se transforme…à une condition : que chaque partie et sous partie, que chacun de ses membres aient en tête la mer visée, et que toujours, il veuille s’en rapprocher. La mer est l’ADN de l’entreprise. »
Je tournais donc déjà autour de l’idée de l’entreprise comme un organisme vivant.
Dans mon premier livre, Neuromanagement, j’allais même jusqu’à la doter d’un inconscient. Dans la conclusion, j’y écrivais : 
« Finalement diriger suppose de comprendre une réalité paradoxale : d’une part que la rationalité apparente n’est qu’un leurre, puisque les phénomènes cachés sont prépondérants ; d’autre part que la prise en compte du réel et la volonté collective sont nécessaires pour la survie. Si le dirigeant arrive à cet équilibre, il pourra se centrer sur le nouveau, l’imprévu, l’interprétation du complexe, les signaux faibles, le réexamen des systèmes, la reconfiguration de l’entreprise… 
Quel profil alors pour ce dirigeant ? Je crois qu’il y a deux écueils à éviter : 
- le guru mystique qui confond inconscient –– et irrationnel, qui n’est préoccupé que des approches interprétatives, qui ne s’intéresse ni aux systèmes opérationnels, ni à la mesure de la performance économique, 
- le rationnel mécanicien qui pense que le réel n’est que ce qu’il voit, que les équations mathématiques peuvent être des photographies fiables, qu’une bonne analyse conduit à une solution unique. » 
Pas grand chose à redire. Et j’ai comme envie de finir ma série sur le livre de Frédéric Laloux par ce rappel !
(Demain un nouveau billet autour d’une photographie, puis un best of pendant deux semaines où je reprendrai mes écrits préférés au rythme de 3 par semaine. Retour en live le 5 janvier )

22 févr. 2012

LE PLUS SOUVENT, CE NE SONT PAS LES DIRIGEANTS QUI DÉCIDENT

La décision émerge - Le management par émergence (1)
Décider, voilà bien la responsabilité d’un dirigeant… du moins, c’est ce qu’il croît. 
Mais la plupart des décisions prises dans l’entreprise, le sont quotidiennement et sans lui… et heureusement !
Imaginez un seul instant si toutes les décisions d’une grande entreprise devaient être prises par le Directeur Général, ce serait vite l’asphyxie, et plus rien ne bougerait. Sans parler du fait qu’il ne peut pas être omniscient.
C’est déjà ce que j’indiquais dans mon livre Neuromanagement, dans lequel je mettais l’accent sur l’importance des processus inconscients, c’est-à-dire de tout ce qui se passait dans l’entreprise non seulement sans intervention de la Direction Générale, mais sans qu’elle le sache.
J’y écrivais en  conclusion :
« Dérangeant de voir que, comme l’individu, l’entreprise ne peut fonctionner efficacement que si elle est majoritairement guidée par des processus inconscients ?
Et pourtant ils sont bien là : toutes ces décisions prises au sein de l’entreprise, sans que la Direction Générale intervienne ; tous ces résultats issus directement de la façon dont elle est organisée et des systèmes existants.
Ce sont eux qui donnent à l’entreprise rapidité et souplesse : elle sait conduire sans y penser et éviter les balles que la concurrence lui lance…
Ce sont eux aussi qui permettent à la Direction Générale de se centrer sur la gestion et le management de l’imprévu : sans eux, elle n’aurait pas de temps pour inventer de nouvelles stratégies et repérer des signaux faibles porteurs de rupture.
Ce sont encore eux qui nourrissent l’innovation et la veille stratégique : ils fonctionnent comme une « tête chercheuse » permanente et sont force de proposition. »
Ainsi Diriger, c’est décider par exception, et surtout mettre en place des processus qui vont permettre à la bonne décision d’émerger.
Émerger… Tiens, voilà qu’apparaît ce verbe qui est au cœur de l’évolution de l’univers, au cœur de la naissance successive des propriétés qui le constituent, au cœur du processus d’élaboration du vivant.
Et s’il était aussi au cœur du management dans l’incertitude ?
(à suivre)

6 janv. 2012

QUEL EST CET “IL” QUI COHABITE EN MOI ?

Best of
Je suis un iceberg

Étonnant comme nous sommes finalement conscient de bien peu de choses de ce que fait et ressent notre corps : 
  • nous ne pilotons consciemment aucun de nos processus vitaux,
  • nous sommes incapables de savoir comment nous arrivons à parler ou à jouer du piano,
  • quand nous conduisons, la plupart du temps, nous pensons à autre chose, c’est-à-dire que nous ne conduisons pas consciemment,
  • comme indiqué dans l’article d’hier, nous avons une vision aveugle et nous pouvons nous souvenir en rêve de situations dont nous ne pouvons pas nous souvenir consciemment, alors que nous les avions effectivement vécues…

Quelle pagaille ! Finalement, notre conscience n’est que la pointe de l’iceberg de notre vie : la plupart des événements la conditionnent, mais lui échappent. J’ai entendu une fois, sans avoir pu depuis le vérifier, que seulement 5% de l’énergie consommée par notre cerveau était utilisée pour les processus conscients. Bref, nous agissons massivement sans savoir pourquoi… du moins consciemment.
Arrive alors inévitablement la question du « je » et de l’identité. Le « je » se limite-t-il à la conscience ? Instinctivement, j’ai envie de répondre oui. Car, si je ne suis pas conscient d’une chose, comment pourrais-je me l’approprier et dire que « je l’ai faite » ?
Mais dans ce cas, qui est à l’origine de tous ces actes, toutes ces émotions, tous ces traitements mentaux inconscients qui habitent mon corps et participent à son pilotage ? Un autre « je » ? Un « il » ?
Troublant, non ? Et si cet « il » faisait aussi partie de mon « je » ? Parce que ce que voient les autres, ce n’est pas seulement ce que « je » fais consciemment, mais tout ce que mon corps fait. Donc pour eux, cet « il » est aussi mon « je ».
Plus exactement, eux ne peuvent pas faire la distinction entre ce que je fais consciemment et ce que mon corps fait sans que je l’aie décidé consciemment. Seul, moi qui habite mon corps, suis capable de percevoir cette frontière.
Et encore… Suis-je si sûr de la frontière entre processus conscient et inconscient ? Quand, face à une difficulté ou à un problème dont je ne trouvais pas la solution, m’arrive un flash, une illumination, ou une idée venue de « nulle part », est-ce que ce n’est pas ce « il », cet inconscient qui cohabite en moi, qui vient de travailler pour moi et m’apporte une solution possible ?

Mon Dieu, mais quelle prise de tête d'essayer de réfléchir à qui je suis... surtout si je veux le faire consciemment ! 
Et pour les entreprises, qu’en est-il ?...

28 nov. 2011

JE PARLE, DONC JE SUIS

Transformer, c’est modifier un langage
Extrait de Neuromanagement
Un établissement financier avait décidé de transformer son  organisation France. L’entreprise était classiquement structurée  en directions régionales regroupant les agences. Ces dernières  faisaient marginalement de l’accueil physique et majoritairement  du contact téléphonique, et étaient « propriétaires » d’un  portefeuille clients, ceux qui habitaient sur son territoire. Dans  la nouvelle organisation, elles ont été maintenues, mais aucun  portefeuille clients ne leur était plus rattaché : les appels téléphoniques  étaient gérés par un système central qui les routait  en fonction des disponibilités locales et de quelques critères de  priorité. C’était un changement extrêmement important non  seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan du management  puisque le rôle et le métier de chaque agent se trouvaient  modifiés en perdant sa dimension géographique. Dans un  changement de cette ampleur, le rôle de la Direction - et singulièrement  des Directeurs Régionaux - est essentiel pour indiquer  la cible et accompagner le mouvement. Or le métier même du  Directeur Régional était profondément changé, puisqu’il n’était  plus, lui aussi, responsable géographiquement des clients. Le  maintien du nom « Directeur Régional » a été un facteur de  confusion et n’a pas indiqué la portée du changement, puisque  le mot de « Régional » a été maintenu. Une appellation comme  « Directeur Délégué » aurait été préférable. On a constaté, au  bout d’un an, que la plupart des Directeurs Régionaux ne portaient  pas la nouvelle réforme et que l’organisation commerciale  avait du mal à se l’approprier. Le maintien du nom n’a pas été  à lui seul la cause de ses difficultés, mais il y a contribué : le langage interne était en contradiction avec l’objectif.
La culture dominante de ce groupe pétrolier était industrielle,  aussi la distribution avait été pensée jusqu’alors plus comme une  activité de logistique, dont le rôle principal était d’acheminer  efficacement le carburant jusqu’au client final, que comme le lieu  d’un service pour des clients. Le mot marketing ne faisait pas  du tout partie de la culture. Logiquement l’entreprise ne parlait  jamais de « part de marché » mais de « quota ». Comment était-il  possible de passer à une approche marketing, à une analyse  de la concurrence et à une orientation client réelle tant que l’on  voyait le monde via des « quotas » ? Une des actions entreprises  a donc été, en parallèle de la réorganisation, la modification  de ce point de vocabulaire. Ce changement n’a pas été facile,  car tout le monde en interne avait l’habitude d’utiliser le mot  quota. Cela a pris plusieurs années. Inertie des comportements  humains.
Au début des années 90, l’entreprise Treca, spécialiste de  matelas, s’est lancée avec retard dans le latex. Au-delà des raisons  « rationnelles », le nom même de l’entreprise avait été un  frein : Treca est un raccourci pour « Tréfileries câbleries ». Le  nom était lié à l’existence de ressorts à l’intérieur du matelas,  ressorts qui étaient faits à partir des câbles métalliques. Ainsi la  présence de ressorts faisait partie de l’identité d’origine de l’entreprise.  Passer au latex, c’était pour cette entreprise quasiment  « tuer le père ». Ce fut forcément difficile…
Pendant longtemps, L’Oréal a parlé de « déterminisme du  succès » en faisant référence au fait que tout succès réalisé en  un lieu quelconque n’avait pas de raison a priori de ne pas pouvoir  être généralisé à l’ensemble de l’entreprise. C’est un élément  essentiel et explicatif de la logique interne de l’entreprise. Cette  expression était décryptée en interne, mais n’était pas directement  compréhensible de l’extérieur. La répétition régulière de  l’expression amenait chacun à mettre en œuvre ce principe.
Enfin, quand Michel Bon a voulu redynamiser France  Telecom au milieu des années 90, il a résumé ceci à travers  une expression « le delta minutes » : il s’agissait d’indiquer à  tous qu’il y avait encore des réservoirs de croissance en France  en matière de consommation de téléphone. Cette expression  est devenue centrale dans toute l’entreprise et a fédéré les énergies  pour relancer alors effectivement le téléphone fixe. Elle a  fonctionné car, dans une culture fortement technique, le mot  « delta » était compris et relayé. Avec le développement des  offres au forfait, l’approche a depuis lors évolué.  

26 juil. 2011

ARRÊTONS DE FAIRE UN DÉNI DE GROSSESSE ET FAISONS FACE À LA NAISSANCE DU NEUROMONDE

Best of (7 février 2009)

Il flotte dans l’air de nos sociétés – en France et dans le reste du monde – comme un arrière-goût amer, un de ces goûts qui vous empêchent de dormir et vous réveillent la nuit, un goût de gueule de bois, mais sans avoir bu. Nous sommes comme groggy d’un match de boxe que nous n’avons pas vraiment joué.
Ce n’est pas un désespoir absolu, mais une grande dépression collective, nourrie par la crise récente et par l’incapacité des structures collectives à y répondre, qu’elles soient politiques ou non.

De ce point de vue, le « show télévisé » de Nicolas Sarkozy n’était ni bon, ni mauvais. Il exprimait lui-même ce flottement, ce malaise. Il suffit de noter les contradictions entre ses propos successifs, son incapacité à esquisser ne serait-ce qu’une perspective de sortie. En fait, il ne procède que sous la forme d’ « incantations religieuses », de « formules magiques » supposées apporter la solution. A un moment, sur la répartition du profit entre le travail, l’investissement et le capital, il a même eu des accents d’un Georges Marchais des années 70, belle preuve de modernité…

Je repense aux films que j’ai vus ces dernières semaines et qui expriment tous d’une façon ou d’une autre, ce vide quasi abyssal : un groupe d’adolescents qui ne cherchent même plus à se rebeller et dont le seul projet est le suicide collectif (Everything is fine), des vies hachées , découpées, juxtaposées, et droguées par l’ennui (Better Things), la glissade irréversible depuis ses rêves vers une conformité bourgeoise qui dissout tout plaisir (Noces rebelles ou mieux avec son titre anglais « Revolutionary Road »).

Ambiance de fin de règne, de fin de période…
Que se passe-t-il ?
Sommes-nous tous victimes d’une forme d’asphyxie à un gaz qui viendrait nous endormir petit à petit, nous plongeant dans une torpeur pré-mortelle ?

Non, je crois que nous sommes sous le choc d’une transformation en profondeur, d’une renaissance collective, d’un accouchement. Et, à l’instar de certaines femmes, nous faisons un déni de grossesse, nous voulons nier ce changement, nous déprimons face à cette réalité que nous ne voulons pas assumer.

Comme je l’ai déjà écrit dans des articles précédents (voir notamment ma série d’articles autour du « Neuromonde »), je crois qu’il y a une forme de malentendu dans la lecture de la crise actuelle : la crise financière n’est pour moi que le révélateur et l’accélérateur d’une mutation profonde de notre monde. Cette mutation est celle de l’émergence progressive et réelle d’un monde globalisé où tous les hommes sont effectivement connectés.

Pourquoi sommes- nous connectés ?
D’abord parce que nous sommes plus nombreux et que nous nous « touchons » physiquement de plus en plus. Parce que dès lors nous avons un impact croissant et destructeur sur notre environnement. Parce que ce qu’un groupe d’individus fait à un bout du monde peut détruire ou améliorer l’environnement de tous.
Ensuite parce que, à cause du développement des transports physiques et dernièrement des communications virtuelles – singulièrement grâce à la téléphonie mobile et internet -, les entreprises sont devenues globales et non plus seulement internationales. Parce qu’alors tous les territoires sont reliés entre eux et sont en compétition effective. Parce que les écarts de revenus entre pays ne sont plus en conséquence tenables, les vannes ayant été ouvertes.

Nous sortons des cavernes de nos appartenances géographiques, comme nous sommes sortis, il y a des millénaires, des cavernes rocheuses. Cette sortie est amorcée, mais sera longue.
Cette transformation vient remettre en cause les organisations actuelles et les avantages acquis. L’organisation mondiale était favorable à nos pays et notre niveau de vie provenait de l’exploitation relative des autres. Ceci n’est progressivement plus possible. Et donc notre niveau relatif va baisser : la connexion a créé un Neuromonde dans lesquels il n’y a plus de « vannes » permettant de maintenir des différences durables entre les niveaux de vie.

Comme les « vannes » ont été ouvertes, l’eau coule irréversiblement, les niveaux se rapprochent, nous allons vers un monde plus égalitaire. Cet abaissement relatif était déjà enclenché, mais il était masqué par la croissance mondiale : l’hyper-croissance chinoise et indienne notamment permettait ce rattrapage, sans baisse absolue de notre niveau de vie.
La crise financière n’a pas provoqué cette baisse relative, mais, comme elle ampute fortement la croissance mondiale, elle rend cette baisse douloureuse, car elle est devenue une baisse absolue : dans nos pays – et singulièrement en France –, notre niveau de vie collectif baisse pour la première fois. Une annonce comme la diminution de 20% des salaires chez IBM en est un signal retentissant. Et comme la classe dirigeante protège ses acquis, les efforts sont supportés par les plus faibles, qui étaient déjà les plus fragiles…

La réponse ne peut pas être le retour en arrière, car nous ne pouvons pas nous « déconnecter » les uns des autres :
- Nous ne pouvons pas diminuer le nombre d’hommes sur la planète : Avez-vous envie d’une guerre mondiale comme principe de régulation des naissances ?
- Tous les processus économiques et industriels sont trop enchevêtrés : Comme la plupart des produits manufacturés sont la conjugaison de travaux impliquant un nombre croissant de pays, êtes-vous prêts à vous priver de la plupart des objets qui rythment votre vie quotidienne ?
- Tous les flux financiers sont interdépendants : Voulez-vous voir s’effondrer tout le système financier mondial ?
- Toutes les villes occidentales sont multiculturelles et multiraciales : Seriez-vous friands d’une guerre civile au sein de nos villes opposant les différentes ethnies, une sorte de guerre des banlieues en grand ?
- …

Nous ne pouvons plus refermer les vannes, nous ne pouvons plus lutter contre la force des courants, nous sommes emportés par la puissance de la transformation.
Et c’est heureux, car comment pourrions-nous vouloir retourner vers ce monde où notre richesse venait largement de l’appauvrissement des autres ? Ce n’est pas ce que vous voulez ? Rassurez-moi…

Non, le repli sur soi n’est pas la réponse. Non, nous ne devons pas chercher à retourner dans nos cavernes géographiques et territoriales.

Pour sortir de cette dépression collective, pour retrouver ensemble des chemins positifs et d’espoir, il est urgent de faire face à la réalité de la situation.
Ce n’est pas en faisant croire que le protectionnisme va protéger des emplois que l’on fait face.
Ce n’est pas non plus en pensant que la sortie de la crise financière sera la sortie de nos problèmes.
Ce n’est surtout pas en jetant l’anathème sur les autres – ceux qui ne sont pas comme nous – que nous y arriverons.

Faire face, c’est d’abord avoir le courage de regarder lucidement ce monde global dans lequel nous sommes entrés, ce Neuromonde qui, que nous nous le voulions ou pas, est en train de naître et qui devient le nôtre.


En liaison avec cet article, lire mes articles sur :
La naissance du Neuromonde
- Comment distinguer les faits et les opinions

Pourquoi prévoir est un art paradoxal et "impossible"

13 juil. 2011

CHERCHER À COMPRENDRE LES SYSTÈMES CONSCIENTS ET INCONSCIENTS D’UNE ENTREPRISE

Passer du diagnostic au « Neurodiagnostic »
Partir sans a priori, sans jugement initial. Repérer les courants, les logiques, les contradictions. Laisser la synthèse émerger presque d’elle-même. « Neurodiagnostiquer ».
Neurodiagnostiquer c’est chercher non pas à juger le résultat obtenu ou la qualité des décisions prises, mais bien à comprendre les systèmes, conscients et inconscients, qui sous-tendent l’action de l’entreprise et génèrent les décisions. C’est identifier aussi les décalages éventuels par rapport au réel et les interprétations majeures qui sous-tendent les actions.
D’une certaine façon, il s’agit de développer vis-à-vis de l’entreprise une approche de type « psychanalytique », c’est-à-dire amenant à exprimer les interprétations émises par l’organisation et les logiques sous-jacentes. Soyons clairs, il n’est bien sûr pas dans mon propos de dire qu’il faut considérer l’entreprise comme un organisme malade : je n’emploie l’expression « psychanalytique » que pour exprimer que, ici encore, il s’agit, sans a priori, de faire retrouver à l’entreprise pourquoi elle agit et de l’aider à tirer par elle-même ses propres leçons.
Tout au long de ce neurodiagnostic, une phrase clé est à garder en mémoire : « Si je ne comprends pas pourquoi un système ou quelqu’un fait quelque chose, la seule chose que je dois comprendre, c’est que je ne comprends pas… et que je dois continuer à chercher. »
La recherche de l’anomalie, du fait que l’on ne peut pas expliquer et des interprétations « aberrantes », voilà la clé d’entrée. Ainsi que l’écrivent Michel Crozier et Erhard Friedberg dans l’Acteur et le Système : « Au lieu de considérer les comportements imprévus comme des exceptions, n’est-il pas en fin de compte plus fructueux de les utiliser comme des points de départ pour comprendre les limites et la signification réelle des contraintes et des conditionnements ». Il s’agit ensuite de remonter progressivement et d’en trouver l’origine… 

13 avr. 2011

FAIRE UN DIAGNOSTIC, CE N’EST PAS PRENDRE UNE PHOTO

Comment évaluer la performance d'une entreprise… vraiment ?

« Mon diagnostic a commencé, il y a maintenant trois jours. Les interviews se succèdent, celui-là est le vingtième. Le déroulement initial est immuable : je commence par me présenter en deux minutes, et puis, première question : « Et vous ? »
Comme d'habitude, mon interlocuteur, à son tour, me dit qui il est, d'où il vient. Essentiel pour comprendre de savoir « d'où » il va me parler. En fait je me suis présenté surtout pour cela : pour qu'il trouve naturel de me dire même rapidement son parcours personnel. Réciprocité.

« Donc, vous êtes arrivé dans cette entreprise depuis maintenant plus de dix ans. En quelques mots, pourriez-vous m'en parler : y a-t-il eu des étapes importantes, des ruptures ? Ou alors cela a-t-il été un long fleuve tranquille ? »

Les questions s'enchainent. Je rebondis sur ses réponses, l'aide à approfondir, à remonter à la source de ses convictions. Mentalement, je ne suis plus assis face à lui, mais à côté pour voir la situation de son point de vue, pour comprendre sa vision de son rôle, de celui des autres.

« Et l'entreprise plus globalement, quels sont les défis auxquels elle a à faire face ? ».

Je fais attention à oublier ce que je sais déjà, à ne pas reproduire vers lui mes interprétations naissantes. Comme c'est la vingtième interview, forcément une image commence à se dégager. Mais je dois rester en éveil, le moins projectif possible, le moins inductif.

Vers la fin, j'injecte au travers de mes questions les lignes de force actuelles de mon diagnostic. Pour voir comment il va réagir : va-t-il confirmer, compléter, infirmer ?

Partir sans a priori, sans jugement initial. Repérer les courants, les logiques, les contradictions. Laisser la synthèse émerger presque d'elle-même. « Neurodiagnostiquer ».

De quoi s'agit-il ?

D'aller bien au-delà d'une simple analyse des actions, de la véracité des chiffres ou de l'exactitude d'une politique. Certes, de telles analyses peuvent apporter des données intéressantes mais elles ne prennent qu'une photographie instantanée de l'entreprise :
  • Si les éléments recueillis sont satisfaisants, comment savoir si cette performance sera maintenue dans la durée ? L'exactitude est-elle le fruit de la chance ou de la performance du système ? Symétriquement si les résultats recueillis ne sont pas satisfaisants, est-ce qu'il s'agit d'une erreur provisoire ou permanente ?
  • Quels sont les éléments qui expliquent ces résultats – positifs ou négatifs – ?
  • En quoi l'analyse du résultat va-t-elle permettre de comprendre comment il a été obtenu ?
  • Qu'en déduire pour le futur et les actions à entreprendre ?
« Neurodiagnostiquer » c'est chercher non pas à juger le résultat obtenu ou la qualité des décisions prises, mais bien à comprendre les systèmes, conscients et inconscients, qui sous-tendent l'action de l'entreprise et génèrent les décisions. C'est identifier aussi les décalages éventuels par rapport au réel et les interprétations majeures qui sous-tendent les actions.
D'une certaine façon, il s'agit de développer vis-à-vis de l'entreprise une approche de type « psychanalytique », c'est-à-dire amenant à exprimer les interprétations émises par l'organisation et les logiques sous-jacentes. Soyons clairs, il n'est bien sûr pas dans mon propos de dire qu'il faut considérer l'entreprise comme un organisme malade : je n'emploie l'expression « psychanalytique » que pour exprimer que, ici encore, il s'agit, sans a priori, de faire retrouver à l'entreprise pourquoi elle agit et de l'aider à tirer par elle-même ses propres leçons.
Tout au long de ce « neurodiagnostic », une phrase clé est à garder en mémoire : « Si je ne comprends pas pourquoi un système ou quelqu'un fait quelque chose, la seule chose que je dois comprendre, c'est que je ne comprends pas… et que je dois continuer à chercher. » »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

(Première diffusion le 5 mars 2009)

12 avr. 2011

SAVOIR APPORTER DES CARAFES D'EAU SANS Y PENSER

Faut-il qu'un garçon de café fasse aussi la cuisine ?

Imaginez-vous dans un restaurant et vous venez de demander au garçon qui passe une carafe d'eau. Or il se trouve que votre table n'est pas de sa responsabilité.
Dans beaucoup de restaurants – et singulièrement à Paris ! –, il va vous répondre : « Ce n'est pas ma table ».
Chaque fois que nous vivons ce type d'expérience, nous ressentons une profonde frustration, voire un énervement certain. Il s'agit bien d'un dysfonctionnement de la prestation client.
Est-ce que c'est au manager d'intervenir ? Non, car s'il doit intervenir sur des sujets aussi élémentaires, il va falloir qu'il intervienne sur tout et n'importe quoi.
Donc c'est bien au garçon de gérer la situation.
Que doit-il faire ? Doit-il ne rien dire et vous apporter la carafe d'eau ? S’il le fait, vous allez être effectivement satisfait. Mais s’il ne s'est pas trompé et que c'est bien un autre garçon qui a en charge votre table, il vient de prendre une initiative en contradiction avec sa mission affectée, sauf si explicitement le cas de la carafe d'eau a été indiqué comme dérogatoire.
Dès lors, après avoir apporté cette carafe, pourquoi, quand il passe dans la cuisine et qu'il voit qu'un plat est en retard, ne s'arrêterait-il pas un moment pour cuisiner ? Ou apercevant un client qui arrive en voiture, n'irait-il pas la garer ? De proche en proche, ce sont toute l'organisation du restaurant et donc sa performance, qui vont se trouver déstabilisées : c'est un restaurant où on aura peut-être rapidement sa carafe d'eau mais où plus rien ne fonctionnera !
Donc si ce n'est pas le rôle du garçon d'apporter une carafe d'eau, il ne doit pas le faire : il doit savoir qui est en charge de cette table, et, sans rien dire au client, prévenir le bon garçon de la demande de la carafe d'eau.
Ainsi vous, en tant que client, vous aurez le service attendu et l'organisation prévue aura été respectée.
Dans ce cas, pour le manager, on aura alors un fonctionnement « inconscient » du restaurant qui sera capable d'apporter rapidement et efficacement une carafe d'eau à tout client : comme pour un individu, ce fonctionnement "automatique" sera le résultat d'un apprentissage.
Le restaurant a appris à marcher – apporter des carafes d'eau – sans y penser ... ou presque : Le manager peut se centrer sur ses missions propres, l'organisation générale fonctionne et le client a sa carafe.
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

(Première diffusion le 28 octobre 2008)

10 mars 2011

ADIEU VEAU, VACHE, COCHON, COUVÉE

Croissance et décroissance, prévision et incertitude
Dans une intervention récente sur France info(1), Michel Serres faisait une lecture originale et rafraichissante de la célèbre fable de La Fontaine, La laitière et le Pot au lait : il y expliquait que c’était une histoire de croissance et décroissance.
En effet, selon son interprétation, Perrette ne fait pas des châteaux en Espagne, elle fait un business plan en prévoyant comment elle va pouvoir développer ses affaires. C’est une métaphore de la croissance : comment passer d’un litre de lait à un élevage de poulets, puis à un troupeau de vaches et de cochons. Simplement, tout s’effondre, comme lors de la crise des subprimes.
Ceci rejoint de façon amusante une histoire que je racontais dans mon livre Neuromanagement, pour caricaturer alors les approches des start-up internet :
« Imaginez un paysan qui rencontre un financier et lui explique que la poule qu’il vient d’acheter va lui permettre dans quelques années de produire plusieurs milliers d’œufs. En effet, grâce à cette poule, il va pouvoir construire tout un élevage et, après quelques générations, se retrouver à la tête d’une vaste batterie de poules. Sérieux et crédible, il présente un business plan détaillé : au départ, plus il va avoir de poules, plus il va falloir investir, donc le déficit initial est croissant ; puis un jour pas très bien défini, mais un jour qui va arriver, il se trouvera avec une montagne d’œufs qui vont faire de lui le leader incontestable du marché. Alors le profit sera largement supérieur à toutes les pertes cumulées. À votre avis, va-t-il trouver un banquier qui va acheter aujourd’hui ces œufs hypothétiques ? Oui ? Non ? Sûrement non, naturellement…
Repensons à Internet. Là, le modèle financier s’est emballé, les anticipations ont tourné au maximum, et les projets d’achat d’une poule ont été valorisés sur la base de la valeur des milliers d’œufs futurs et hypothétiques. Dans certains cas extrêmes, on a même payé pour des projets où il n’y avait même pas encore de poule achetée, mais où on expliquait comment on allait trouver la première poule… »
Une autre lecture possible de cette fable pourrait être aussi la suivante : Perrette est tellement en train de faire des projections sur le futur qu’elle en oublie le présent et les risques immédiats. Du coup, elle trébuche sur une pierre et tout s’effondre. La fable devient alors une métaphore pour le management dans l’incertitude : à force de se perdre dans des prévisions détaillées, on ne voit plus le présent tel qu’il est et on tombe dans le premier piège venu.
Décidément les fables de la Fontaine sont inépuisables !

8 févr. 2011

QUEL EST CET “IL” QUI COHABITE EN MOI ?

Je suis un iceberg

Étonnant comme nous sommes finalement conscient de bien peu de choses de ce que fait et ressent notre corps : 
  • nous ne pilotons consciemment aucun de nos processus vitaux,
  • nous sommes incapables de savoir comment nous arrivons à parler ou à jouer du piano,
  • quand nous conduisons, la plupart du temps, nous pensons à autre chose, c’est-à-dire que nous ne conduisons pas consciemment,
  • comme indiqué dans l’article d’hier, nous avons une vision aveugle et nous pouvons nous souvenir en rêve de situations dont nous ne pouvons pas nous souvenir consciemment, alors que nous les avions effectivement vécues…

Quelle pagaille ! Finalement, notre conscience n’est que la pointe de l’iceberg de notre vie : la plupart des événements la conditionnent, mais lui échappent. J’ai entendu une fois, sans avoir pu depuis le vérifier, que seulement 5% de l’énergie consommée par notre cerveau était utilisée pour les processus conscients. Bref, nous agissons massivement sans savoir pourquoi… du moins consciemment.
Arrive alors inévitablement la question du « je » et de l’identité. Le « je » se limite-t-il à la conscience ? Instinctivement, j’ai envie de répondre oui. Car, si je ne suis pas conscient d’une chose, comment pourrais-je me l’approprier et dire que « je l’ai faite » ?
Mais dans ce cas, qui est à l’origine de tous ces actes, toutes ces émotions, tous ces traitements mentaux inconscients qui habitent mon corps et participent à son pilotage ? Un autre « je » ? Un « il » ?
Troublant, non ? Et si cet « il » faisait aussi partie de mon « je » ? Parce que ce que voient les autres, ce n’est pas seulement ce que « je » fais consciemment, mais tout ce que mon corps fait. Donc pour eux, cet « il » est aussi mon « je ».
Plus exactement, eux ne peuvent pas faire la distinction entre ce que je fais consciemment et ce que mon corps fait sans que je l’aie décidé consciemment. Seul, moi qui habite mon corps, suis capable de percevoir cette frontière.
Et encore… Suis-je si sûr de la frontière entre processus conscient et inconscient ? Quand, face à une difficulté ou à un problème dont je ne trouvais pas la solution, m’arrive un flash, une illumination, ou une idée venue de « nulle part », est-ce que ce n’est pas ce « il », cet inconscient qui cohabite en moi, qui vient de travailler pour moi et m’apporte une solution possible ?

Mon Dieu, mais quelle prise de tête d'essayer de réfléchir à qui je suis... surtout si je veux le faire consciemment ! 
Et pour les entreprises, qu’en est-il ?...
(à suivre)