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9 oct. 2013

NOUS SOMMES EN TRAIN DE MOURIR DE NOS PEURS

Pourquoi laisser le futur aux autres ?
A quoi pouvait bien penser un Européen découvrant dans les années cinquante les tours de New York et l’effervescence qui y régnait ?
Probablement une étrange sensation de différences et de nouveautés, comme celle de la découverte d’un enfant qui a grandi et a échappé à ses parents. Car si cette Amérique était surprenante et nouvelle, elle était bien née des immigrants qui avaient quitté l’Europe plus d’une centaine d’années avant pour la plupart.
Un Européen pouvait donc se sentir plus stimulé que remis en cause : après tout, ce dynamisme venait de la vieille Europe…
En août, lorsque je me suis retrouvé à Singapour, ce sont d’abord ces pensées qui m’ont habitées : je me suis senti cet Européen arrivant à New York. Conviction d’être au cœur d’un nouveau monde naissant…
Mais ce monde n’est plus seulement le fruit d’immigrants issus d’Europe ou d’Amérique du Nord, mais d’une hybridation entre eux (1), et ceux venus de l’Asie. Immense télescopage de races, de cultures, de religions…
De là, naît une énergie d’où surgissent les Tour Eiffel et les Empire State Building de demain. Le paquebot flottant du Marina Bay Sands avec ses 2500 chambres et ses jardins suspendus signe l’envol de Singapour…
Aussi, impossible de voir Singapour comme l’enfant de l’Europe. Nous y participons, mais il nous dépasse. Pour reprendre l’image de la ruche, nous ne sommes qu’un des éléments de la diversité génétique locale.
Une question me hantait déjà avant ce voyage, mais a depuis pris plus d’acuité : pourquoi donc ici ces télescopages créent-t-ils autant d’inventions et de créativités, alors qu’en Europe, et singulièrement en France, ils créent surtout des peurs ? Pourquoi pensons-nous que le progrès est dans la fermeture, et l’érection de barrières protectrices ?
Singapour est-elle dynamique parce qu’elle n’a rien à perdre, et qu’elle profite de sa situation au cœur de l’Asie ?  Peut-être au début, mais cela ne tient plus vraiment quand on voit le niveau de sophistication déjà atteint : elle est devant nous (2) et continue d’accélérer…
Nous pouvons continuer à nous plaindre, et à rêver d’un passé révolu. Mais la question n’est plus de défendre des acquis historiques, elle est de ne pas accumuler plus de retard. Sinon l’écart qui n’est pour l’instant que limité et local, deviendra fossé.
Voulons-nous nous réveiller comme étant l’Inde du milieu du vingt-et-unième siècle ? Car à manquer la révolution actuelle, c’est bien ce qui pourrait nous arriver…
Ne sommes-nous pas largement responsables de notre mal-être actuel ? La dépression qui nous habite chaque jour davantage, et qui nourrit, chaque jour davantage, nos peurs et nos regrets, n’est-elle pas évitable ? Pourquoi donc nous penser au passé, à partir d’où nous venons, et non pas aussi à partir de ce que nous pourrions devenir ?
Nous avons nous aussi la possibilité de construire en tirant parti des différences qui nous habitent. Voyons ceux qui ne sont pas nés ici et qui nous ont rejoints, comme autant de sources de nouvelles richesses.
Nous pouvons, nous aussi, inventer un nouveau Paris, et ne pas le transformer en musée. Avons-nous envie de devenir le prochain Angkor ?
Mais pour cela, il faudrait qu’un projet politique positif et ambitieux soit érigé. On ne répondra pas aux peurs propagées par les extrêmes en étant frileux et défensifs.
Malheureusement, pour l’instant, rien de tel ne semble émerger…

(1) Il suffit de marcher dans les rues de Singapour pour constater la densité de la population venue d’Europe ou d’Amérique du Nord.
(2) Le coût immobilier y est supérieur (plusieurs fois celui de Paris), les rues sont peuplées de voitures de luxe alors qu’une taxe de 50% leur est appliquée, l’écologie n’est pas une théorie mais une réalité

3 juin 2013

SAVOIR NE PAS SE DISPERSER

Le Développement industriel et économique en France (5)
Comment donc redonner du tonus au tissu industriel français ?
Outre le développement d’une expertise indépendante et réelle, telle que je l’ai déjà mentionné, et une politique fiscale réaliste vis à vis des entreprises – qui doit être pensée autour de l’idée centrale du développement : « comment favoriser et accélérer la croissance des entreprises » –, l’action publique doit se centrer sur quelques thèmes, et ne pas se disperser.
D’abord s’attaquer au raccourcissement effectif des délais de paiement, par la modification du transfert de propriété : mettre fin à ce cancer qui mange la trésorerie des PME et les empêchent de grandir,
Puis simplifier vraiment les procédures administratives : arrêter d’en parler – c’est un leitmotiv de toute action gouvernementale… mais rien ne se passe, ou si peu – et le faire. En  comprenant aussi que cela suppose un arrêt de la prolifération réglementaire…
Et pourquoi ne pas lancer un pari ambitieux avec les autres pays de la Méditerranée du Sud ? Pourquoi, comme l’Allemagne a su trouver un nouveau dynamisme en tissant des liens avec les pays de l’Est, ne pas nous appuyer sur nos liens historiques avec l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et le Liban pour trouver des ressorts neufs pour notre croissance ?
En effet, l’Allemagne tire notamment sa force du maillage tissé avec les pays de d’Europe centrale et orientale. Il ne s’agit pas de sous-traitance, mais d’un modèle de co-développement, qui bénéficie à l’industrie de ces pays, tout en renforçant la compétitivité du tissu industriel allemand. Il repose pour l’essentiel sur l’externalisation de fragments de la chaîne de valeur. Tel est la logique de la colocalisation.
Dans un document de décembre 2012, « Pour une stratégie euro-méditerranéenne de colocalisation », l’Ipemed a mis en évidence que le temps de la colocalisation est venu en Méditerranée en couplant l’Europe et les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée : « L’Europe, la France en particulier et les pays de la Méditerranée occidentale pourraient tout en s’inspirant du modèle coopératif, capitaliser sur les expériences réussies de colocalisation en vue de créer une grande région euro-méditerranéenne et demain une grande région associant Europe, la Méditerranée et l’Afrique. »
L’État, s’il se dote de la bonne organisation – pourquoi ne pas s’inspirer des commissariats à l’industrialisation mis en place par la DATAR dans les années 70 ? – pourraient aider les grosses PME, c’est-à-dire celles qui sont susceptibles de s’impliquer dans un processus de colocalisation, sans avoir assez de ressources propres pour le mettre en place de façon indépendante.
Enfin que l’État s’appuie sur les Régions pour définir avec elles et au travers d’elles, des actions décentralisées maillant le territoire des bons réseaux, notamment en développant les liens entre les Universités, les centres de recherche, les pépinières d’entreprises et les PME en place…
Nous avons les ressorts de la croissance et du dynamisme. Notre pays est riche de son passé, de sa culture, des hommes et des femmes qui y ont grandi, de ceux qui l’ont rejoint, du futur qu’ils peuvent tous ensemble construire. Retrouvons confiance en nous et en les autres.

27 mai 2013

INUTILE D’ALLER EN APPELER À LA STATUE DU COMMANDEUR !

Le Développement industriel et économique en France (1)
Au moment où l’on sait que la performance des entreprises passe par la décentralisation et la responsabilisation des équipes locales, il y aurait pour le moins un contresens de voir les pouvoirs publics choisir un chemin inverse.
Arrêtons de croire que la solution viendra d’un retour aux formules issues du passé, et de la réincarnation d’un « De Gaulle » sauveur !
Non, compte-tenu de ce qu’est devenu notre monde contemporain, le Développement industriel et économique ne passera pas par la récréation, sous une forme ou une autre, d’un Commissariat au Plan directif, et un pilotage accru par l’État.
Comment en effet, quel que soit son niveau de compétence, une équipe restreinte pourrait-elle trouver des solutions à des problématiques complexes, en perpétuelle mouvement, et entremêlées ?
Non, les entreprises ne sont pas des êtres méchants, voulant la mort de la France, et l’appauvrissement des habitants. Elles ne sont pas non plus des enfants en mal d’un père qui les aiderait à mieux décider.
Mais, ne tombons pas dans la naïveté inverse, il ne faut pas non plus attendre que, naturellement, du jeu d’un marché naisse la solution…
(à suivre)