Affichage des articles dont le libellé est Minéral. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Minéral. Afficher tous les articles

28 oct. 2013

POURQUOI TANT DE DÉSORDRE, IMPRÉVISIBILITÉ ET IRRÉVERSIBILITÉ ?

Les poupées minérales : l’expansion imprévisible (2)
Voici donc la triple logique de construction des poupées russes, de leur multiplication et de leur extension : plus de désordre, plus d’imprévisibilité, plus d’irréversibilité.
Mais, permettez-moi de poser une question irrévérencieuse au génial architecte qui, selon d’aucuns, serait peut-être à l’origine de notre univers, et qui en aurait défini les règles et le mode de construction : pourquoi diable, tant de désordre et d’incertitude, et, pourquoi n’avons-nous pas droit à la gomme pour effacer ce qui nous dérange ? Pourquoi nous avoir condamnés à la pagaille, l’anarchie et l’aléatoire, et à vivre à jamais avec les conséquences de nos erreurs ? Est-il un démon voulant rendre notre temps passé sur Terre le plus compliqué possible ? Bref, pourquoi nous a-t-il pourri à ce point notre existence ?
Il n’est jamais bon de s’apitoyer sur son sort, et il est toujours préférable de chercher une raison positive à ce que l’on vit comme une contrainte. Aussi plutôt que de se défouler les nerfs sur un créateur lointain et potentiel, interrogeons-nous sur l’utilité éventuelle de l’entropie et du chaos, et de l’irréversibilité qui va avec.
A quoi peuvent-ils bien servir ? En fait, ils sont indispensables au bon fonctionnement de notre monde :
- Le désordre et les processus chaotiques apportent la résilience, c’est-à-dire la capacité à résister aux aléas et aux turbulences : avec eux, les systèmes sont localement instables et imprévisibles, mais structurellement stables. Sans eux, ils seraient cassants et fragiles. Dans les tempêtes, il vaut mieux être roseau que chêne : « Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici contre leurs coups épouvantables résisté sans courber le dos ; mais attendons la fin ». Mais ces mouvements sont si rapides que nous avons à tort une image de la permanence et de l’immobilité : nous voyons les structures globales, celles qui restent peu ou prou inchangées, mais ni leurs ondulations, ni les trajectoires erratiques de toutes les particules qui les composent.
- L’irréversibilité permet la synchronicité des actions et la vie en commun. Imaginez que chacun d’entre nous puisse constamment revenir en arrière et changer un des paramètres. Comme il y a fort à parier qu’aucun de nous ne voudrait les mêmes modifications, notre univers serait instable, et nous n’aurions aucun présent en commun. Résilience et irréversibilité sont liées.
Donc si désordre, incertitude et irréversibilité sont en première analyse sources de souffrances et de complications, ils sont surtout indispensables à l’existence même de notre univers. Apprenons donc à faire avec.
(extrait des Radeaux de feu)

24 oct. 2013

LA BEAUTÉ MINÉRALE

Les poupées minérales : l’expansion imprévisible (1)
Devant moi, Hampi, une bribe dans l’immensité indienne, un lieu impensable a priori, différent, hors du monde, en suspension et en équilibre incertain. Un paysage peuplé de jardins zen naturels et surdimensionnés, où des rochers empilés les uns sur les autres, défient les lois de la gravité. Comme si des Dieux disparus avaient sculpté le paysage à l’intention des hommes, une leçon grandeur nature, un idéal impossible à copier. Face aux statues de l’Île de Pâques, on perçoit la main de nos ancêtres disparus. Mais là, rien de tel, juste la nature belle et brute.
Comme posés au hasard au sein de cet univers massivement minéral, des temples surgissent au détour des chemins. Leur nombre semble infini. Tel un horizon de la création, leur limite est sans cesse repoussée. Je sens que mes pas n’épuiseront jamais la réserve de ces natures mortes, offrandes anonymes à des êtres tout puissants, car, quand je crois en avoir terminé, un nouveau portique dépasse d’une roche, un escalier à peine dessiné pousse à l’escalade, ou une sorte de ponton s’avance dans l’eau.
Je regarde, perplexe, les masses rocailleuses qui jalonnent les environs. Tout autour de moi, elles trônent sans ordre, posées, de ci de là, par des architectes inconnus. Impossible de voir d’où elles ont surgi. Aucune montagne à proximité dont elles ont pu se détacher. Ont-elles grossi d’elles-mêmes ? Ont-elles été enfantées par la Terre ? Ont-elles, telles des plantes, poussé et émergé depuis le sol ?
Devant le miroir de ce panorama dénué de toute vie végétale comme animale, dans cet eldorado du minéral, dans ce monde où le vivant n’a pas sa place, je sens venir à moi le flux de l’énergie de la matière inerte.
Quel chemin, le minéral a-t-il pu emprunter pour, partant de l’infinie simplicité du monde du Big Bang, arriver à la beauté complexe du paysage de Hampi ?
(extrait des Radeaux de feu)