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13 juin 2016

CHÔMAGE, ÉDUCATION, SEXE ET FAMILLE, DES RELATIONS COMPLEXES

Anatomie Sociale de la France (5)
C’est sur le chômage que l’analyse de Hervé Le Bras est la plus riche. 
Difficile de la résumer ici si ce n’est que de dire que sa photographie est très fine puisqu’après avoir analysé le lien avec l’âge et le niveau d’éducation, avoir intégré le sexe, il s’interroge sur le lien avec la situation familiale. Il termine avec une dernière analyse qui, au lieu de s’intéresser à la situation d’un individu, se pose la question suivante : dans combien de ménages, y a-t-il au moins un chômeur présent ? Vraie mesure de la précarité…
Voici ci-dessous sans commentaires les quelques graphes qui m’ont paru les plus pertinents. Je vous laisse les regarder, en tirer vous-mêmes les enseignements… et comprendre pourquoi il va vous falloir lire le livre !

Pourcentage de chômeurs de longue durée (plus d’un an) par âge seul et par niveau d’éducation seul (en haut) et selon les deux critères simultanément (en bas).

Taux de chômage des hommes et des femmes selon la catégorie sociale de l’homme et de la femme de chaque couple en 2011.

Pourcentage de ménages avec au moins un chômeur selon le type de ménage et la catégorie sociale de la personne de référence en 2011

8 juin 2016

FÉCONDITÉ ET GRAND REMPLACEMENT

Anatomie Sociale de la France (4)
L’arrêt de l’immigration ne signifie pas l’arrêt de la mixité :
« En conservant le même apport migratoire à chaque génération, sur les 72 % d’enfants qui n’ont aucun parent immigré, seuls 41 % n’ont aucun grand-parent immigré, soit 58 %. (…) En remontant encore d’une génération, la réduction sera encore plus drastique puisque 14 % seulement des enfants dont les deux parents ne sont pas immigrés n’auront aucun arrière-grand-parent immigré. En grimpant d’un cran dans l’ascendance, ce sont donc 0,14 × 14 % =  2 % des enfants qui n’auront aucun arrière-arrière-grand-parent immigré. »
« Les calculs précédents ont été menés dans l’hypothèse d’une continuation de l’immigration à son rythme actuel. Pour enrayer la disparition du peuple d’origine française, les théoriciens du grand remplacement demandent un arrêt immédiat de l’immigration. (…) L’arrêt de l’immigration n’affecte donc guère le mélange de la population. La notion de « deux peuples », l’un immigré, l’autre non immigré n’a rigoureusement aucune signification dès que les unions mixtes sont fréquentes. Peut-on tracer une frontière telle qu’à partir d’un certain nombre d’ancêtres non immigrés, on soit considéré comme non immigré ? (…) La distribution du nombre d’ancêtres immigrés est sans rupture et largement étalée dès que l’on remonte à quatre ou cinq générations. Aucun critère ne permet de définir un seuil à partir duquel on cesserait d’être considéré comme un immigré. Il n’y a pas deux peuples mais un seul, mélange d’une quasi-infinité d’ascendances diverses. »
De plus la fécondité des immigrés converge vers la fécondité du pays :
« Arrivées de pays où le niveau de fécondité est élevé, les immigrées visent une descendance plus faible à mesure que leur niveau d’éducation s’élève. Le lien entre éducation et baisse de la fécondité a été constaté dans le monde entier et il a été mis en avant par les organisations mondiales s’occupant de population. Ce faisant la composition de la famille des immigrées rejoint celle des originaires du pays où elles se sont installées, ce qui est une indication (parmi d’autres) de leur intégration. 
On peut aussi faire référence à la théorie de Gary Becker selon lequel, avec l’investissement dans l’éducation, la qualité des enfants remplace leur quantité. Une fois la jonction opérée, au contraire, la fécondité s’élève avec le niveau d’éducation et le niveau d’activité féminine, autre régularité observée dans les pays de l’Union européenne où les plus fortes fécondités coïncident avec les plus fortes participations des femmes à l’emploi (pays nordiques, Royaume-Uni, France) et les plus faibles avec leurs plus faibles participations (Italie, Espagne, Grèce). Cette dernière relation semble en contradiction avec la théorie de Becker. Elle s’explique cependant assez facilement. Les femmes veulent à la fois construire une famille et accéder à l’emploi à égalité avec les hommes. »
Le lien durable est entre fécondité et géographie
« En France, pays longtemps inquiet du risque de dépopulation, une forte fécondité est connotée positivement, mais ce n’est pas le cas dans les pays voisins dont l’attitude est plus malthusienne au sens exact du terme et beckerienne (la qualité plutôt que la quantité). C’est aussi une explication possible de la fécondité française actuelle qui est la plus forte de l’Union européenne (avec l’Irlande). Inquiets devant la mondialisation, méfiants envers le monde extérieur qu’il s’agisse de l’Europe, de l’immigration ou des réfugiés, les Français ont tendance à se réfugier dans la vie familiale. 
Les deux niveaux géographiques utilisés ici conduisent à deux types d’explications différents. Au niveau des départements, et plus généralement des grandes régions qui constituent l’espace français, les variations de fécondité reflètent des comportements très anciens qui tiennent à des conceptions différentes de la vie familiale, de la succession et des rapports entre générations. Les niveaux de fécondité diffèrent aussi beaucoup dans chaque région selon que l’on habite en agglomération ou dans les zones rurales. Il s’agit là de comportements actuels. Les contraintes et les choix de logements y jouent le rôle principal. Une sélection s’opère. Ceux qui souhaitent une famille assez nombreuse, ce qui signifie dans le monde moderne deux ou trois enfants, rarement plus, ont tendance à s’établir assez loin du centre où ils trouvent des logements plus spacieux et moins chers. Considérer la fécondité globalement empêche de saisir les différences de comportement puisque ville et campagne, Ouest fécond et Sud-Ouest peu fécond se retrouvent mêlés. »
(à suivre)

6 juin 2016

IMMIGRATION ET COUPLES MIXTES

Anatomie Sociale de la France (3)
Pour analyser l’intégration des immigrés, Hervé Le Bras prend l’angle des couples mixtes.
Voici d’abord ci-dessous le lien entre proportion des couples mixtes et niveau d’éducation : le constat est sans appel et le lien est direct et spectaculaire. Seuls les immigrés sans diplôme – et ce quelque soit leur âge – se marient entre eux très majoritairement.
Un peu plus loin, Hervé Le Bras analyse la relation entre la mixité des couples et la densité de la population immigrée. Il montre que, contrairement à une idée reçue, plus les immigrés sont nombreux dans un territoire donné, plus la mixité s’y développe :
« La préférence pour les unions mixtes est plus importante dans la plupart des zones où les immigrés sont les plus nombreux. Loin de mener à une séparation des populations, l’immigration en se développant favoriserait donc la mixité. Là où les immigrés sont nombreux, ils se mêlent à la population native dans la vie quotidienne et nouent des relations avec elle. C’est le contraire de l’appellation de ghetto ou de celle d’apartheid brandie par les partis de droite comme de gauche. Là où ils représentent une faible minorité, les immigrés tendraient à vivre, au contraire, en circuit fermé pour protéger leurs habitudes culturelles qu’ils sentent menacées par l’environnement différent dans lequel ils sont en général arrivés plus récemment que dans les zones traditionnelles d’immigration. »
« Si l’on se fie à la simple proportion d’unions endogames, on affirmera que l’intégration est plus facile quand les immigrés forment une faible proportion de la population. Si l’on se fie au calcul des préférences qui a été argumenté plus haut, c’est au contraire quand les immigrés sont en proportion non négligeable que les unions mixtes sont plus recherchées et que l’intégration réussit. »
(à suivre)

1 juin 2016

UN INDIVIDU NE PEUT PAS ÊTRE COMPRIS INDÉPENDAMMENT DE SON ENVIRONNEMENT

Anatomie Sociale de la France (2)
Voici pour commencer comme Hervé le Bras introduit son propos :
« Une personne n’est pas successivement un ouvrier, un homme, un jeune, un titulaire du bac, un habitant d’une commune rurale. Elle est tout cela à la fois, et plus encore. Elle n’est pas non plus isolée et réduite à ses attributs individuels. Elle vit en général au sein d’une famille, elle habite un endroit précis où se nouent une grande part de ses contacts amicaux et sociaux. Son comportement dépend des attributs de son entourage proche autant sinon plus que des siens propres. 
Pour le saisir, il faut donc disposer d’une masse énorme d’informations où l’on pourra croiser les nombreuses caractéristiques individuelles et celles des proches, une sorte de big data social. Le recensement qui correspond assez bien à cette exigence sert de base aux développements de cet ouvrage. Grâce aux données individuelles et surtout grâce aux caractéristiques des ménages et à leur localisation, qu’il collecte, il permet de sonder en détail les conduites des Français. 
Pour cela trois sujets sont privilégiés : la composition des couples, l’immigration et le chômage. Ils sont croisés entre eux et avec d’autres critères, en particulier l’éducation, la catégorie sociale, la taille de la famille, et le lieu de résidence. L’image des Français qui en résulte est plus sophistiquée que celle véhiculée par les sondages et amplifiée par les médias. Elle prouve que les difficultés économiques et politiques de la France ne se déclinent pas selon celles, générales, que rencontrent les ouvriers, ou bien les jeunes, ou bien les femmes, ou bien les immigrés, mais au cas par cas. 
Pour prendre un exemple, selon celle plus particulière de la femme âgée de 25 à 30  ans, employée de profession, titulaire du brevet seulement, habitant sans conjoint dans le Languedoc rural. »
(à suivre)

30 mai 2016

QUAND UN DÉMOGRAPHE ME RÉCONCILIE AVEC LES MATHÉMATIQUES !

Anatomie Sociale de la France (1)
J’ai souvent écrit sur les dangers de la mathématisation du monde et de construire à partir d’un calcul une vision erronée du monde, « hors sol ». 
Le livre « Anatomie sociale de la France » que Hervé Le Bras vient de publier, en est une démonstration paradoxale : parce qu’il sait manier les statistiques intelligemment et ne pas se contenter de visions simplificatrices, parce qu’il utilise la puissance du Big Data et la richesse du recensement français de 2011, parce qu’il affine progressivement son analyse en zoomant à l’intérieur de la France et en croisant les critères, il déconstruit les moyennes mathématiques et les pseudo-certitudes pour élaborer une vision toujours mathématique, mais cette fois exacte parce que fine et ancrée dans le réelle.
Je conseille très vivement la lecture de ce livre à tous ceux qui veulent comprendre la situation de la France sur des données aussi majeures que l’immigration, la natalité et le chômage, et leurs liens avec la géographie, l’éducation et la situation familiale.
En voici donc un patchwork qui n’est vraiment qu’un apéritif pour vous donner envie d’une plongée complète !

(à suivre)