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14 août 2012

« C’EST LE RÉEL QUI FAIT LE POSSIBLE, ET NON PAS LE POSSIBLE QUI DEVIENT RÉEL »

BEST OF (25 janvier 2012)
Est-il possible de penser le temps et le possible ?
Patchwork de « Le possible et le réel » de Henri Bergson
Sur le temps
« Le temps est ce qui empêche que tout soit donné d’un coup. Il retarde, ou plutôt il est retardement. Il doit donc être élaboration. »
« Demain n’existe pas ; rien de ce qui se passera demain n’existe. Par conséquent, demander si cette proposition : « Je me promènerai demain » est vraie ou fausse, c’est poser une question qui n’a pas de sens, parce que c’est demander si cette proposition est conforme ou contraire à ce qui existe, et que demain n’existe pas encore, n’existe pas maintenant. »
« Il est du caractère de la vérité, dès qu’elle nous apparaît comme vérité, de sauter hors du temps et de nous apparaître comme intemporelle. Pourquoi cela, et quelle est la racine de cette illusion ? Elle tient, Messieurs, à ce que j’indiquais tout à l’heure, au caractère essentiellement mathématique de notre esprit. Je disais que nous ne sommes à notre aise que dans les mathématiques. Le caractère des vérités mathématiques, c’est précisément d’être intemporelles, d’être indépendantes du temps. (…) Une proposition comme celle-ci :  « Je me suis promené hier »… a ceci de commun avec les propositions mathématiques qu’à partir du moment où elle est vraie, à partir du moment où elle est devenue vraie, elle reste éternellement vraie. (…) Seulement les vérités mathématiques ont ceci de remarquable que bien qu’elles aient été découvertes à une certaine date, leur éternité remonte en arrière à l’infini. Cette proposition relative au triangle : « La somme des trois angles d’un triangle est égale à deux droits », cette vérité, quoiqu’ayant été découverte à un moment déterminé, est une vérité éternelle, qui a remonté en arrière, cela est vrai de toute éternité. »
Sur le possible et le réel
« Je voudrais revenir sur un sujet dont j’ai déjà parlé, la création continue d’imprévisible nouveauté qui semble se poursuivre dans l’univers. Pour ma part, je crois l’expérimenter à chaque instant. J’ai beau me représenter le détail de ce qui va m’arriver : combien ma représentation est pauvre, abstraite, schématique, en comparaison de l’événement qui se produit ! »
« La réalité est croissance globale et indivisée, invention graduelle, durée : tel un ballon élastique qui se dilaterait peu à peu en prenant à tout instant des formes inattendues. »
« Dans ce sens particulier, on appelle possible ce qui n’est pas impossible. (…) Possible signifiait tout à l’heure « absence d’empêchement. »
« C’est le réel qui fait le possible, et non pas le possible qui devient réel. »
Sur la pensée rétrograde
« Je dis qu’il y a des pseudo-problèmes, et que ce sont les problèmes angoissants de la métaphysique. Je les ramène à deux. L’un a engendré les théories de l’être, l’autre les théories de la connaissance :
-        (Le premier) ne se pose que si l’on se figure un néant qui précéderait l’être. On se dit : « Il pourrait ne rien y avoir. » (…) Mais analysez cette phrase : « Il pourrait ne rien y avoir. ». Vous verrez que vous avez affaire à des mots, nullement des idées, et que « rien » n’a ici aucune signification. (…) Nous ne percevons que du plein. (…) Ou l’idée d’une suppression de tout a juste autant d’existence que celle d’un carré rond.
-        Tout désordre comprend ainsi deux choses : en dehors de nous, un ordre ; en nous, la représentation d’un ordre différent qui est seul à nous intéresser. »
« Comment ne pas voir que si l’événement s’explique toujours, après coup, par tels ou tels des événements antécédents, un événement tout différent se serait aussi bien expliqué, dans les mêmes circonstances, par des antécédents autrement choisis – que dis-je ? par les mêmes antécédents autrement découpés, autrement distribués, autrement aperçus enfin par l’attention rétrospective ? »
« A toute affirmation vraie nous attribuons ainsi un effet rétroactif ; ou plutôt nous lui imprimons un mouvement rétrograde. (…) Elle paraît ainsi avoir préexisté, sous forme de possible, à sa propre réalisation. De là une erreur qui vicie notre conception du passé ; de là notre prétention d’anticiper en toute occasion l’avenir. »
« Les signes avant-coureurs ne sont donc à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée. »