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8 janv. 2015

QUAND LA SHOAH CATALYSE LE CREUSET DE LA DIVERSITÉ

Une ode à la diversité et à la puissance collective
En ce lendemain d'une journée qui a vu l'obscurantisme et l'intégrisme amener une déferlante d'horreur sur la France, il est bon de revenir sur un film qui prône l'ouverture et la diversité

Par quoi commencer ? Comment parler de ce film sans le trahir ? Comment tenter de vous faire partager le flot d’émotions qui vient de me transpercer ?
Probablement, en ne réfléchissant pas trop, en laissant couler ce qui m’a submergé, en donnant le pouvoir à mes doigts qui pianotent devant moi… 
J’espère ainsi que tous ceux qui n’ont pas vu le film, « Les Héritiers », y courront le plus vite possible. Et que tous les autres ne sentiront pas trahi le souvenir qu’ils en ont.
De quoi s’agit-il ? 
Basiquement d’une classe de seconde de banlieue, un lycée de Créteil, et d’une professeur d’histoire, son professeur principal. Tous les poncifs sont là dès le départ : d’un côté, une classe bariolée, insoumise, black blanc beur, un mélange explosif de toutes les religions, allant des insouciants jusqu'à un Olivier devenu Brahim, en chemin sur la voie du fondamentalisme ; de l’autre une professeur qui y croît, sait se faire respecter, passionnée de sa matière et convaincue que l’irrémédiable ne l’est pas. Entre les deux, la société spectatrice incarnée par un proviseur compétent, ouvert mais résigné.
Bien sûr comme vous l’avez déjà compris, la professeur va arriver non pas à dominer cette classe, mais à la faire se révéler. À transformer une collection d’individus qui s’affrontent en un groupe d’adolescents qui se complètent, s’écoutent et se respectent. À faire parler celui qui était muet et exclus. À faire de la diversité non pas une source d’oppositions, mais un creuset pour se comprendre et s’enrichir.
Évidemment d’aucuns pourront traiter de « bisounours » cette vision de la France, mais elle est tirée d’une histoire vraie, et quel rafraichissement en ces temps où l’autre, celui qui est différent, est trop souvent stigmatisé. Le seul qui sera exclus, sera le fondamentaliste. Non pas tant par les autres, mais simplement parce qu’il ne les reconnaît plus, ne les comprend plus. Même lui, à la fin, d’un geste de la main, montrera qu’il est déjà sur le chemin du retour.
Ce qui est le plus intéressant dans ce film, est le catalyseur qui va transformer la classe : le concours national de la résistance et de la déportation. Thème du concours de l’année : les enfants et les adolescents dans les camps de concentration nazis.
Je ne vais pas ici vous raconter le chemin suivi. J’en serais bien incapable, et seules les images peuvent restituer la puissance de ce qui est vécu.
Simplement, à un moment, la classe écoute le récit d’un ancien déporté, enfant de quinze ans alors. En regardant ce passage, j’ai repensé à Shoah, l’extraordinaire film documentaire de Claude Lanzmann. L’image m’a là aussi saisi, bouleversé. La caméra va du visage quasiment impassible du déporté à ceux des adolescents dont, petit à petit, on voit les traits se tirer, puis les larmes couler. La voix est calme, posée, presque clinique.
Parfois en sortant du cinéma, on se sent grandi, renforcé, un peu plus confiant en notre pays et notre capacité à construire un futur collectif, riche et fort. C’est le cas, ce soir. 
Merci à Marie-Castille Mention-Schaar, qui a réalisé « Les Héritiers »

3 déc. 2014

UN PLAIDOYER POUR PLUS D’OUVERTURE ET D’ACCEPTATION DE LA DIVERSITÉ

L’Europe et la France ne sont pas construites sur la fermeture
Au moment où une ambiance pour le moins frileuse par rapport à la diversité et à l’immigration se propage en Europe, et singulièrement en France, le discours prononcé par le Pape devant le Parlement européen le 25 novembre 2014 apporte une force et une vision rafraichissantes. Bien loin des thèses du Front National ou de certains milieux ultra-catholiques…
En voici les extraits qui m’ont le plus frappé (les titres sont de mon cru)
Sur l’Europe dans le monde
« A côté d’une Union Européenne plus grande, il y a aussi un monde plus complexe, et ce monde est en pleine évolution. Un monde toujours plus interconnecté et globalisé, et donc de moins en moins « eurocentrique ». A une Union plus étendue, plus influente, semble cependant s’adjoindre l’image d’une Europe un peu vieillie et comprimée, qui tend à se sentir moins protagoniste dans un contexte qui la regarde souvent avec distance, méfiance, et parfois avec suspicion. »
Sur l’individu et le collectif
« Il convient de faire attention pour ne pas tomber dans des équivoques qui peuvent naître d’un malentendu sur le concept de droits humains et de leur abus paradoxal. (…) Par conséquent je considère qu’il est plus que jamais vital d’approfondir aujourd’hui une culture des droits humains qui puisse sagement relier la dimension individuelle, ou mieux, personnelle, à celle de bien commun, de ce « nous-tous » formé d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui s’unissent en communauté sociale. En effet, si le droit de chacun n’est pas harmonieusement ordonné au bien plus grand, il finit par se concevoir comme sans limites et, par conséquent, devenir source de conflits et de violences. »
Sur la diversité et l’immigration
« La devise de l’Union Européenne est unité dans la diversité, mais l’unité ne signifie pas uniformité politique, économique, culturelle ou de pensée. En réalité, toute unité authentique vit de la richesse des diversités qui la composent : comme une famille qui est d’autant plus unie que chacun des siens peut être, sans crainte, davantage soi-même. »
« D’autre part, les particularités de chacun constituent une richesse authentique dans la mesure où elles sont mises au service de tous. Il faut toujours se souvenir de l’architecture propre de l’Union Européenne, basée sur les principes de solidarité et de subsidiarité, de sorte que l’aide mutuelle prévale, et que l’on puisse marcher dans la confiance réciproque. »
« L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en acte des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes – cause principale de ce phénomène – au lieu des politiques d’intérêt qui accroissent et alimentent ces conflits. Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets. 

8 oct. 2013

IL Y A DES CHOIX QUI ENGAGENT POUR TOUTE LA VIE ET TOUT LE FUTUR...

Histoire de corail

« (Pour un corail), l'endroit où vous décidez de vous installer après avoir flotté dans l'eau en tant que larve, sera votre maison pour le reste de votre vie. En voilà une décision décisive pour la vie ! Est-ce que vous réalisez bien comme cela peut être ennuyeux ? Si mon voisin est un autre corail, j'aurai à le supporter comme voisin pour des années et des années... Et parce que je ne peux pas bouger, je devrai aussi endurer les poissons qui n'arrêtent pas de suçoter mes polypes. Et finalement, il y a une chose que la plupart des gens ne réalisent pas : puisque les coraux vivent des années, des décennies, potentiellement des siècles, voire davantage, nous avons à regarder le monde changer autour de nous. »

Ce beau texte n'est pas de moi, je l'ai seulement traduit. Il provient d'un endroit magique où j'ai passé une semaine cette été, le El Nido Resort à Miniloc, sur une petite île aux Philippines. Chaque matin, un texte était déposé dans ma chambre, toujours autour de la nature, de l'écologie et de la mer.

J'ai particulièrement aimé la poésie de celui-ci, d'autant plus qu'il venait en résonance avec un de mes thèmes favoris, l'absurdité de notre approche du temps. Quelle belle image que ce corail qui doit faire face, sa vie durant, avec les conséquences de son choix initial ! Une leçon d'anti-zapping en quelque sorte...

J'aime me rêver discutant avec eux. Longuement, je les ai regardés, mais impossible d'amorcer ne serait-ce que le début d'une communication. Je dois donc me contenter d'une discussion imaginaire...

Ce texte qui porte pour titre " En attendant que le monde change " se termine par un appel auprès de l'humanité pour plus de respect pour le monde dans lequel elle vit :
« Après des décennies à regarder le monde changer autour de moi, j'ai à la fois le plaisir et la peine de voir le meilleur et le pire de l'espèce humaine. Certains détruisent ma maison juste pour attraper un poisson, quand d'autres ont placé de nouveaux coraux dans de solides étoiles blanches pour qu'ils puissent y grandir... Je déteste l'admettre, mais ma survie dépendra de ce que les humains décideront de faire. Je peux juste espérer que je serai inclus dans le futur qu'ils prévoient pour eux-mêmes. »

Étrangement, j'ai l'impression que bon nombre d'entre nous pourraient prononcer cette dernière phrase : « Nous détestons d'avoir à l'admettre, mais notre survie dépendra de ce que nous déciderons de faire. Nous sommes beaucoup à espérer à être inclus dans le futur que nous prévoyons tous pour nous-mêmes... »

3 oct. 2013

SANS DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE, PAS DE SURVIE COLLECTIVE

Sans diversité, pas de performance globale... (3)

La diversité est donc un élément essentiel pour garantir la performance collective : sans elle, pas de flexibilité, pas d'adaptation rapide à un changement dans l'environnement. Dans le processus qui, à partir de plusieurs, donne naissance à un nouvel être, doté de l'esprit de la ruche, le fait que ces plusieurs soient différents est important.
Mais donc, faut-il que cette diversité soit innée, c'est-à-dire que les abeilles soient génétiquement diverses, ou suffit-il qu'elle soit acquise, suite aux différences entre les expériences individuelles vécues ?  

Poursuivant son émission consacrée au rôle du renouvellement permanent de la diversité, Jean-Claude Ameisen relate les expériences qui se sont déroulées depuis les années 2000, et qui ont démontré que la différence génétique était essentielle.

L'expérience la plus frappante est celle menée par Heather Mattila et Thomas Seeley (1). Ils ont comparé l'évolution au moment critique de la naissance d'une nouvelle ruche : qu'advient-il si la colonie provient d'une reine ayant été inséminée par un seul mâle, versus une où elle a été inséminée par quinze mâles différents ?

La réponse est sans appel :
- Au bout de deux semaines, les colonies issus d'un patrimoine génétique plus divers ont construit un tiers de rayons de cire en plus, et les butineuses y ont collecté 40% de réserves supplémentaires,
- Au bout d'un mois, lorsque la floraison est maximum, le nombre des ouvrières des colonies génétiquement diverses est multiplié par trois, versus une augmentation de seulement 50% pour les autres,
- Fin août, une baisse de température provoque la disparition de la moitié des colonies génétiquement homogènes, alors que toutes les autres survivent.
- À la fin de l'hiver, toutes les colonies génétiquement homogènes ont disparu, alors qu'un quart des autres ont réussi à survivre et seront toujours en activité au printemps.


Ainsi l'évolution est sans pitié, et élimine ce qui est génétiquement homogène : c'est bien la diversité des gènes qui apporte la puissance à l'esprit de la ruche. Être confronté à des expériences diverses ne suffit pas : si l'on est initialement homogène, on ne sait pas en tirer parti... et l'on disparaît.

Et dire que d'aucuns dans nos sociétés ont peur de la diversité, et voudraient cloisonner le monde...

(à suivre)

(1) Genetic in Honey Bee Colonies Enhances Productivity and Fitness, Heather R. Mattila, Thomas D. Seeley, July 2007

1 oct. 2013

LA PUISSANCE COLLECTIVE NAÎT-ELLE DES SIMILITUDES ?

Sans diversité, pas de performance globale...

Qu'est-ce qui ressemble plus à une abeille à miel que sa sœur voisine ? Impossible de les distinguer. Pour nous, elles ne sont que des clones, et la force de la ruche vient précisément de cette unicité : une seule mère, toutes sœurs, toutes identiques.
Aucun conflit potentiel, pas d'étranger à surveiller, chacune n'a qu'un seul et même objectif : contribuer à la puissance du groupe. De la petitesse de chacune prise isolément, grâce à la merveille du collectif, naît ce que l'on appelle "l'esprit de la ruche". C'est la similitude qui permet la puissance du pack...

C'est ce que l'on a longtemps pensé : une seule reine, un seul patrimoine génétique, une tribu de jumelles parfaites.
Mais en fait, il n'en est rien, car si les abeilles ont bien une seule mère, elles n'ont pas le même père : lors de son vol nuptial, la reine est fécondée par une vingtaine de mâles, ce qui garantit une diversité génétique.

Mais est-ce si important, ou n'est-ce pas plutôt une source de faiblesse ? Une ruche ne serait-elle pas d'autant plus puissante que les abeilles qui la composent sont plus identiques ?

C'est sur cette question que portait l'émission "Sur les épaules de Darwin" de Jean-Claude Ameisen, le 14 septembre dernier : quel est le rôle du renouvellement permanent de la diversité.
Et la réponse est décoiffante, et apporte comme un vent frais, au moment où tant de racismes latents et de peurs de la différence hantent nos sociétés...

(à suivre)