Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : L'incertitude est partout et plus rien n'est certain. À court terme, on ne peut que probabiliser ce qui risque d'arriver. Au-delà, c'est le flou et, au mieux, on dessine des futurs possibles.
- Mardi : Malgré le flou, nous continuons à tout vouloir quantifier. Nous voulons prévoir ce qui ne peut pas l'être, et mettre la vie en équation.
- Mercredi : De plan d'économie en plan d'économie, bon nombre d'entreprises, à l'instar des modèles qui marchent sur les podiums de la mode, deviennent anorexiques et cassantes. Prenons garde à préserver la part de flou nécessaire pour faire face aux aléas.
- Jeudi : Paradoxalement, plus l'expertise d'une entreprise progresse, plus elle risque de se couper de la réalité et devenir autiste. Pensons à faire le vide et à ne mobiliser nos savoir-faire qu'a posteriori.
Quand j'observe nos débats collectifs actuels – qu'ils soient politiques, économiques ou sociaux –, je crois que nous tombons le plus souvent dans les travers que j'ai exposés pour les entreprises :
- Nous n'arrêtons pas de manipuler des chiffres et des indicateurs dont le sens et la réalité restent à démontrer : la non-représentativité du taux de croissance a encore été démontrée récemment, mais nous continuons à le suivre obsessionnellement. Sommes-nous sûrs qu'un taux d'inflation mesure autre chose que le résultat du calcul mathématique effectué ? En quoi signifie-t-il vraiment l'évolution du niveau de vie ? Comment pourrions-nous prendre en compte le développement des transactions non-marchandes ? …
- Nous restons avides de prévisions et d'anticipations qui sont quotidiennement démenties : la moindre variation d'un indicateur – qui, par ailleurs, n'est pas significatif d'une réalité – fait l'objet de multiples analyses qui débouchent inévitablement sur des projections et des anticipations. Nous transformons la prospective en une redécouverte de l'alphabet, en passant de la reprise en V, à celle U ou en W. Quand est-ce que l'on comprendra que la bonne lettre est le O, car nous ne faisons que tourner en rond !
- Nous atteignons dans plusieurs domaines l'anorexie : comment pouvons-nous espérer avoir un système éducatif performant avec des niveaux de salaires des enseignants qui les situent au niveau d'ouvriers à peine qualifiés ? Comment exercer sereinement le métier de juge quand les affaires se succèdent à un rythme toujours croissant ? Comment penser que notre système pénitentiaire lutte contre l'insécurité quand les conditions d'hébergement sont dégradées à ce point ? Et dans le même temps, sans états d'âme, nous rajoutons encore une couche de macadam à nos routes déjà excellentes, construisons de nouveaux ronds-points ou maintenons un train de vie versaillais à toutes nos structures politiques, nationales comme locales, …
- Nous regardons le futur à la lumière de ce qui s'est passé : La plupart des experts qui mobilisent et organisent la débat public, sont enfermés dans leurs savoirs et cherchent à lire ce qui se passe au travers de leurs lunettes déformantes. Ils devraient d'abord oublier leurs certitudes pour essayer de comprendre où sont ces mers vers lesquelles va notre monde…