9 févr. 2010

« OUBLIEZ DONC LE MOT ENVIRONNEMENT »

Quand il y a 20 ans, Michel Serres proposait déjà le contrat naturel...

Dès 1990, Michel Serres écrivait "le Contrat naturel" dans lequel il attirait l'attention sur la nécessité de changer notre relation à la nature : le monde n'est pas notre environnement, mais nous en faisons partie ! Certains se sont ralliés récemment à l'écologie, il m'a semblé utile de réécouter ce que Michel Serres avait écrit, il y a vingt ans. Occasion d'un nouveau patchwork.

Nous salissons le monde pour montrer qu'il nous appartient 
« Ne vivant plus qu'à l'intérieur, … indifférents au climat, sauf pendant leurs vacances, où ils retrouvent, de façon arcadienne et pataude, le monde, ils polluent, naïfs, ce qu'ils ne connaissent pas, qui rarement les blesse et jamais ne les concerne. Espèces sales, singes et automobilistes, vite, laissent tomber leurs ordures, parce qu'ils n'habitent pas l'espace par où ils passent et se laissent donc aller à le souiller. (…) De quoi nous occupons-nous ? De données numériques, d'équations, de dossiers. »
« Or j'ai souvent noté qu'à l'imitation de certains animaux qui composent leur niche pour qu'elle demeure à eux, beaucoup d'hommes marquent et salissent, en les conchiant, les objets qui leur appartiennent pour qu'ils le deviennent. Cette origine stercoraire ou excrémentielle du droit de propriété me paraît une source culturelle de ce qu'on appelle, pollution, qui, loin de résulter, comme un accident, d'actes involontaires, révèle des intentions profondes et une motivation première. »
« Ainsi la souillure du monde y imprime la marque de l'humanité, ou de ses dominateurs, le sceau ordurier de leur prise ou de leur appropriation. »

Nous sommes des parasites du monde que nous habitons
« La Déclaration des droits de l'homme a eu le mérite de dire : « tout homme » et la faiblesse de penser : « seuls les hommes » ou les hommes seuls. Nous n'avons encore dressé aucune balance où le monde entre en compte, au bilan final. »
« L'essentiel se passe dedans et en paroles, jamais plus dehors avec les choses… Au moment même où physiquement nous agissons pour la première fois sur la Terre globale, et qu'elle réagit sans doute à l'humanité globale, tragiquement, nous la négligeons.
« Oubliez donc le mot environnement, usité en ces matières. Il suppose que nous autres hommes siégeons au centre d'un système de choses qui gravitent autour de nous, nombrils de l'univers, maîtres et possesseurs de la nature. »

Nous ne pouvons plus être en guerre contre notre monde
« Or, à force de la maîtriser, nous sommes devenus tant et si peu maîtres de la Terre, qu'elle menace de nous maîtriser de nouveau à son tour. »
« Nous ne nous battons plus entre nous, nations dites développées, nous nous retournons, tous ensemble, contre le monde. Guerre à la lettre mondiale, puisque tout le monde, au sens des hommes, impose des pertes au monde, au sens des choses. » 
« Aimer nos deux pères, naturel et humain, le sol et le prochain : aimer l'humanité, notre mère humaine, et notre naturelle mère, la Terre. »

Nous devons reconnaître par contrat la globalité du monde
« J'entends désormais par contrat naturel d'abord la reconnaissance, exactement métaphysique, par chaque collectivité, qu'elle vit et travaille dans le même monde global que toutes les autres. »
«  Virtuel et non signé au même titre que deux premiers, puisqu'il semble bien que les grands contrats fondamentaux demeurent tacites, le contrat naturel reconnaît un équilibre entre notre puissance et les forces du monde. De même que le contrat social reconnaissait quelque égalité entre les signataires humains de son accord… de même que le contrat savant s'oblige à rendre en raison ce qu'il reçoit en information, de même le contrat naturel reconnaît d'bord l'égalité nouvelle entre la force de nos interventions globales et la globalité du monde. »

2 commentaires:

Pascal a dit…

Aujourd'hui la grande cause est la défense de l'environnement. Celui-ci s'en moque car sans conscience. Cependant même ravagée, sans eau non polluée, saturée de polluants chimiques, irradiée, il restera toujours quelques organismes vivants, quelques végétaux, même si le parasite humain a disparu. Dans 10 000, 100 000, 1 000 000 d'années la terre sera redevenue vivable. Pour d'autres habitants. Ce n'est pas la terre qu'il faut protéger. C'est une inversion de langage; c'est l'homme fragile et stupide. Encore une fois le cohercitisme des hayatollas extrémiste de la défense de l'environnement (cf. la situation à Paris et les cris d'orfraies poussés par la gauche critiquant le stress engendré par les transports en communs après avoir poussé l'anathème contre les conducteurs de voitures réfugiés dans leur pollution personnelle) montre la schizophrénie ambiante qui nous saisie tel des papillons devant la lumière aveuglés puis brûlés. En tout cas eux ne hurlent pas. Solution?
Education; au respect de l'autre. Pas au respect réclamé par les "casquettes ou oua ziva" ou bonnes consciences vertes qui n'est que de la demande de crainte, de la terreur. Non, la conscience simple de l'exercice de sa liberté en tentant de laisser une trace la plus faible possible et en dérangeant le moins possible les autres.
Ce n'est pas le problème de Sarkosy, c'est le nôtre avec nous même, nos enfants et notre consommation, refuser les sacs plastiques ne pas jeter ses mégots dans la rue, ni ses papiers ni laisser tourner son moteur quand on attend quelqu'un etc. Des petits gestes pour une mer lointaine que l'on doit concevoir. Revenir à des relations sociales respectueuse de nous même et des autres, sans invoquer des considérations politiques au goût du jour. C'est bien entendu insuffisant sauf si nos politiques se mettent à penser pareils dans leurs choix stratégiques.
A nous de les inciter à penser mer et pas fleuve à un ou deux ans échéance de la prochaine réélection. En fait à avoir du courage. De l'éducation en somme, encore. Notre responsabilité est là. Les profs par delà les corporatismes devraient y réfléchir. Les leçons de morale, quels gros mots, ne m'ont pas rendus stupide et fasciste mais respectueux des autres, enfin je fais ce que je peux. Rendons nous mutuellement intelligent. Ce sera déjà un grand pas.
Pascal

Robert Branche a dit…

Merci pour ce commentaire documenté et à l'esprit si positif !
Je crois effectivement qu'il est plus que temps de nous "rendre mutuellement intelligent" !
Reste la remarque de Michel Serres sur le mot "environnement" : aucun mot n'est ni neutre, ni innocent. J'ai peur que tant que nous parlerons d'environnement, nous ne comprenions pas que le monde n'est pas autour de nous, mais que nous faisons partie de lui...