10 juin 2011

COMMENT MATÉRIALISER L’ÉCART ENTRE CE QUE PENSENT LES CLIENTS ET CE QUE L'ENTREPRISE CROIT QU'ILS PENSENT ?

Le Miroir Client un outil simple pour matérialiser les écarts entre entreprise et client

- Je publie à nouveau, cette fois en une seule fois pour faciliter la lecture, les 4 articles parus cette semaine et relatif au Miroir Client -

Lors de mes derniers articles, j’ai insisté sur la difficulté de l’observation, et notamment du risque de voir l’entreprise développer un point de vue différent de celui du client (1), risque qui, paradoxalement, peut croître avec l’expertise interne de l’entreprise.
Comment peut-on agir ? Y a-t-il un outil simple dont toute entreprise pourrait se doter ?
La réponse que j’ai développée et  qui a été déjà mise en œuvre de multiples fois, et dans de grandes organisations, est le Miroir Client.
Avant de vous présenter de quoi il s’agit, je précise que cet outil n’a pas la prétention de résoudre à lui seul la totalité du problème posé, mais il a montré qu’il était un excellent déclencheur et permettait des progrès significatifs.
L’idée Miroir Client est née de la remarque suivante : ce qui détermine les actions de chacun, ce ne sont pas les priorités clients réelles, mais les priorités clients telles que vues et interprétées par l’organisation et son personnel ; s’il y a un décalage entre ce qu’attend le client et ce que croit l’entreprise qu’il attend, le centrage des actions sera inefficace. Il y a donc un intérêt à mettre en regard, comme par un effet miroir, ce que l’entreprise croit que le client pense et ce qu’il pense vraiment.
Quel est le principe du Miroir Client ? Il est de mettre en relief les décalages éventuels entre ce que pensent les clients et ce que l’entreprise croit que les clients pensent. 
Comment ?
  • Par l’élaboration d’un questionnaire partant du parcours client et, pour chaque item, demandant quel est son importance et quel est le degré de satisfaction,
  • Par l’administration de ce questionnaire d’abord à l’ensemble du personnel de l’entreprise (ou à un échantillon si l’entreprise est de grande taille), puis à un échantillon des clients. Au personnel, on demande d’indiquer non pas son opinion personnelle face à une question donnée, mais ce qu’il pense que sera la réponse du client.
  • Par, ensuite, la mise en forme des résultats sous forme très visuelle matérialisant les écarts ou les similitudes (voir la photo ci-jointe)
  • Par l’animation de la restitution, amenant des représentants de l’entreprise à auto-analyser les tableaux, et en veillant qu’ils n’esquivent pas les problèmes.
Est-ce que cela marche vraiment ? La réponse est oui ….

Il peut être rapidement mis en œuvre par l’entreprise elle-même, et être déployé partout
Une fois passée la phase initiale de mise au point du questionnaire et de la mise en forme des résultats, et de la formation d’une équipe interne, la démarche Miroir Client peut être réalisée sans l’appui de ressources externes, dans toutes les composantes de l’entreprise.
… et c’est donc un outil d’autodiagnostic décentralisé
Le questionnaire étant administré localement, chaque équipe – il ne faut en aucun cas en faire un outil d’évaluation individuelle – est mise face à la situation telle qu’elle est pour elle, et non pas de la moyenne de l’entreprise. L’expérience montre qu’il est alors – sauf de rares exceptions –, inutile d’argumenter longuement sur les actions à entreprendre. La seule matérialisation des écarts entre ce que l’équipe pensait et ce que le client pensait vraiment va déclencher un changement des comportements.
C’est une démarche consolidante…
Pour la plupart des items, l’écart entre les points de vue est faible. En effet, si ce n’était pas le cas, l’entreprise serait complètement décalée par rapport aux attentes du client, et serait donc déjà sortie de son marché(2). Ce fait, à chaque démontré, qu’à environ 80/90%, il y a adéquation favorise l’adhésion à la démarche et consolide les équipes.
… qui permet d’optimiser les efforts et les allocations de ressources
Le Miroir Client met en relief à la fois les cas où l’entreprise sous-investit sur un sujet (soit en sous-estimant l’importance de l’item, soit en surestimant la satisfaction du client, soit cas le pire, les deux à la fois) ou surinvestit (pour des raisons symétriques). Comme le Miroir Client est déployé localement, cette optimisation est fine et précise, et n’est pas imposée par le centre, ni par des visions moyennes.
Les illustrations de cet article sont tirées de cas réels (3).
Cette démarche peut être réalisée pour toute entreprise, quel que soit son domaine d’activités, grand public ou industriel. Le questionnaire est simplement évidemment très différent, et son mode d’administration aussi. Notamment en milieu industriel, comme le client est lui-même une entreprise, et donc une organisation complexe, il faut chercher à administrer le questionnaire à l’intérieur de l’organisation du client.

Voici deux exemples réels, issus d’une compagnie aérienne, entreprise dans lequel le Miroir Client a été intégré pendant de nombreuses années, comme un outil permanent d’une démarche qualité.
Pour la séquence à l’intérieur de l’aéroport, une divergence insolite a été le suivante : le personnel de l’entreprise était persuadé que les clients n’étaient pas satisfaits des toilettes de l’aéroport, alors que les clients pas du tout. Lors de la restitution de ce point, il était apparu que c’était en fait un problème de conditions de travail pour le personnel au sol …
Moins anecdotique, cette fois, il y avait un décalage important et plus complexe concernant le moment où, les passagers étant montés, l’avion est immobilisé sur la piste en attente du décollage. Ce temps d’attente était une source de mécontentement important pour les clients, mais uniquement ceux en classe économique, ce sans que le personnel n’en soit conscient.
Ces décalages ont permis de mettre en évidence que :
  • Les clients affaire ou première étaient occupés dès leur montée dans l’avion (journaux, proposition d’une boisson), et, étant des voyageurs fréquents, ils avaient l’habitude de ces temps d’attente, et n’étaient donc pas stressés.
  • A l’inverse, les clients en classe économique n’avaient rien à faire (une fois assis à leur place, personne ne s’occupait d’eux). De plus, bon nombre n’ayant pas l’habitude de voyager et ne connaissant pas les problèmes de régulation au niveau d’un aéroport, craignaient que, si le temps d’attente se prolongeait,  cela voulait dire qu’un problème était apparu sur l’avion. D’où stress.
  • Le personnel était lui très occupé pendant cette phase-là : il devait vérifier le remplissage de l’avion, contrôler les fermetures des casiers à bagages, procéder à des séries d’actions liées à la sécurité. Pour lui, ce temps d’attente était d’abord un temps de travail. Par ailleurs, étant bien évidemment des voyageurs fréquents, ils avaient l’habitude de ces temps d’attente.
La mise en évidence de ces décalages a conduit la compagnie aérienne à faire évoluer la séquence des services pour la classe économique et à modifier l’attitude du personnel de bord pour les rendre plus attentifs aux préoccupations réelles des passagers.

Deux exemples enfin issus d'une entreprise industrielle.

Pour cette entreprise du secteur de la chimie, le Miroir Client avait montré un décalage sur le thème « meilleur fournisseur ». Or le personnel de l’entreprise avait une connaissance précise de sa concurrence et une vue exacte de la qualité relative de ces prestations.
Que s’était-il passé ?
Pour les clients, la performance de l’entreprise n’était pas comparée à ses concurrents - souvent elle était le fournisseur unique pour ces produits -, mais à tous les fournisseurs que voyait la structure d’achat. Ainsi la même performance objective de l’entreprise donnait lieu à des interprétations pouvant être complètement différentes, puisque les référentiels n’étaient pas du tout les mêmes : l’entreprise experte de son secteur se comparaît à ses concurrents, ses clients experts de leur métier comparaient l’entreprise en dehors de son secteur. Divergence des repères et des histoires qui conduit à une divergence des interprétations.
Autre exemple issu de la même entreprise et concernant un de ses produits de cette entreprise industrielle qui était extrêmement dangereux à manipuler. L’ensemble du personnel avait intégré cette dimension dans son travail quotidien : la gestion de la sécurité ne posait plus de problèmes et était devenue « évidente » par apprentissage. À l’inverse, les clients, n’ayant pas la même expertise, restaient très inquiets de ces risques.
Lors de la réalisation du Miroir Client, le personnel de l’entreprise avait complètement sous-estimé l’importance de la problématique sécurité pour les clients, alors qu’elle était ressorti comme prioritaire pour ces derniers.
La réalisation du diagnostic avait été pour l’entreprise l’occasion de cette découverte. L’action à déployer avait été très simple, car il suffisait d’utiliser toute l’expertise interne pour mettre au point des documents pour les clients. En parallèle, les commerciaux ont intégré la dimension sécurité dans toutes leurs discussions commerciales.



(2) Dans une telle situation, une démarche de type Miroir Client est inappropriée. L’entreprise a besoin de se reconstruire en profondeur.
(3) Si vous cliquez dessus vous aurez l’image agrandie et donc plus lisible


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