Histoire de caverne (Saison 3 – Épisode 8)
Au pays des cavernes, grâce au nouveau système de prêts, il n'y avait plus de limites au développement des cabanes. Au-delà du bout du bout du monde, les piles de cabanes étaient nées. La croissance allait bon train.
« Tu sais, il faut vraiment que je reparte : mes cavernes me manquent trop, disait Johnny à Christina.
- Comme tu veux, lui répondit Christina. Il est vrai que nous maîtrisons complètement la construction des piles de cabanes. Mais toi, tu vas me manquer…
- Toi aussi, tu vas me manquer. Mais je ne pars pas pour toujours et reviendrai vite.
- Oui, j'espère… A ce propos, tu connais la dernière ?
- Non, raconte-moi.
- Les gorilles viennent de se mettre en grève : ils refusent de continuer à porter les habitants, et encore moins leurs paquets, car ils se considèrent exploités. Ils veulent maintenant non plus seulement un régime de bananes par jour, mais en plus un jour de repos par semaine payé. Ils disent ne plus avoir le temps de s'occuper de leurs enfants.
- Incroyable. Et dire que sans moi, ils n'auraient rien. Quelle ingratitude !
- Peut-être, mais en attendant, qu'est-ce que je dois faire ? Si je cède, c'est la porte ouverte à tous les excès. Si je ne cède pas et qu'ils poursuivent leur grève, cela va faire capoter tous nos projets de piles. Plus personne ne voudra y aller.
- Écoute, je vais demander à Paulo de rester. Il est vraiment de bon conseil et devrait pouvoir t'aider. Moi, je vais faire au plus vite pour retourner au pays des cavernes. En faisant vite, je dois pouvoir y aller en un mois. Là-bas, je demanderai son aide à Bobby : c'est vraiment un dieu de la finance et de la négociation. Je suis sûr qu'il va avoir une idée. Je resterai le moins de temps possible et devrait donc être de retour dans trois mois au plus tard.
- Si tu crois que c'est la meilleure solution, pars vite et reviens encore plus vite. Et demande à Paulo de venir au plus vite. »
Une heure plus tard, Johnny était déjà en route et Paulo en discussion avec Christina.
« Je viens de faire le calcul, dit Paulo en sortant des tablettes de pierre. Regarde, compte-tenu du nombre de régime de bananes à donner par semaine pour chaque pile de cabane et vu le nombre de piles prévues, nous allons nous trouver à court de bananes dans moins d'un an. »
Christina se plongea un moment dans la succession de traits et de ronds qui constellaient les tablettes.
« Vraiment, je ne comprends rien à tout cela, dit-elle en relevant la tête. Pour moi, ce ne sont que des pierres que tu me montres.
- Désolé, j'oublie toujours que tu n'as pas appris le calcul mathématique. Alors fais-moi confiance : on ne m'appelle pas le magicien pour rien !
- OK, je veux bien te croire. Mais alors que faut-il faire selon toi ?
- Diminuer le nombre de bananes que nous donnons aux gorilles.
- Tu es fou. Déjà qu'ils sont en grève ! Et tu veux leur donner encore moins de bananes. C'est n'importe quoi !
- Mais ce qu'ils demandent, ce sont des jours de repos, pas de bananes en plus. Donc, je te propose d'accepter leur demande, mais à la condition que l'on diminue d'autant le nombre de bananes. Cette diminution de 14% va suffire pour nous donner le temps de déployer de nouvelles productions de bananes. En fait, tu as une marge de manœuvre, car, avec 10%, cela passe.
- Je vais essayer. Mais toi, tu viens avec moi. »
Ainsi commença la carrière de Paulo comme conseil en gestion de conflit. Quinze jours d'âpres discussions avec les gorilles furent nécessaires pour l'obtention de l'accord : ils obtinrent leur jour de repos et en prime deux semaines de vacances par an ; en échange, ils acceptèrent une baise de 10% du nombre de régimes de bananes.
De son côté, Johnny avançait le plus vite possible. Il ne mit comme promis qu'un mois pour atteindre le pays de cavernes, ou plutôt celui des cabanes : partout elles avaient comme fleuri. En tout, il n'était parti que depuis 9 mois, mais il ne reconnaissait plus rien. Il eut à retrouver ma caverne.
« Alors, Bobby, me dit-il. Les affaires n'ont pas l'air d'aller si mal depuis que je suis parti. Jordana ne t'a pas mangé tout cru ?
- Non, lui répondis-je. Je suis même dépassé par le succès : mes billes et mes assurances ne se sont jamais aussi bien portées. Et les tiennes aussi, ne t'inquiète pas. J'ai pris soin de faire intégrer ta fabrique de roues à notre accord. Et toi, alors ce bout du bout du monde ? »
Il nous fallut plus d'une heure pour nous mettre au courant mutuellement de ce que nous avions fait.
« Pas bête, ton idée de pile de cabanes. Cela va nous permettre de limiter la spéculation sur les terrains. Reste à trouver un nom pour cette idée, car, vraiment, pile de cabane, je n'aime pas.
- Fais comme tu veux. Ce qui m'importe ce n'est pas cela. Moi, ce dont j'ai besoin, c'est d'un moyen de ne plus être pieds et poings liés avec les demandes des gorilles.
- Ce qu'il faut, c'est d'une part les payer avec des billes et non plus avec des bananes. Comme cela, si on les trouve trop gourmand, on pourra toujours faire baisser la valeur des billes. Et puis, il faut mettre de la concurrence. Je vais discuter avec nos chimpanzés. Ce que tes gorilles font, nos chimpanzés doivent pouvoir le faire aussi… et pour beaucoup moins cher.
- Bonne idée : il faut importer au pays de Christina de la main d'œuvre étrangère et moins exigeante. »
Une semaine plus tard, Johnny repartait avec une cinquantaine de chimpanzés. Vu la taille de la caravane, le trajet fut plus compliqué, et donc plus long. Il lui fallut près de deux mois. Tout cela était trop long, trop lent : si l'on voulait vraiment tirer parti de la globalisation, il fallait accélérer les communications. Oui, mais comment ?
C'est avec cette question en tête et non résolue, qu'il tomba dans les bras de Christina.
(à suivre)
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