Article ParisTech Review (3)
Ensuite, sur quoi allait-on regarder ? Quelle pourrait être la taille de l'écran ?
Je ne peux pas rendre publiques les réponses données, mais elles ont permis ensuite une quantification, en émettant des hypothèses sur l'évolution des dépenses par famille d'attentes. A aucun moment, nous n'étions partis de la situation actuelle. Ce qui nous avait préoccupés, c'était la pertinence et la solidité de la vision : nous avions cherché à imaginer le futur.
Pour illustrer mon propos, voici un exemple tiré de mon expérience personnelle : en 1999, j'ai mené une étude pour évaluer la rentabilité à dix ans de la création éventuelle d'un réseau de téléphonie mobile 3G.
A ce moment-là, très peu de données étaient disponibles :
- Les performances réelles du 3G étaient incertaines, les téléphones à venir inconnus,
- Internet n'était que peu développé et seuls, quelques services existaient,
- Il était impossible de tester quoi que ce soit auprès de clients qui n'avaient aucune idée de ce dont on était en train de parler.
Comment faire ? Impossible de partir du présent : nous n'avions aucun référentiel, pas d'historique, pas d'année zéro. Rien. Le tableur était vide. Nous étions condamnés à prendre du recul pour repérer « où pouvaient être les bonnes mers », c'est-à-dire quels problèmes existants et durables pouvaient être résolus par ce nouveau réseau.
Pour le marché grand public, nous avons identifié qu'un téléphone connecté pouvait permettre de :
- Communiquer : entrer en contact avec une ou plusieurs autres personnes, simplement pour échanger, que ce soit par la voix, du texte, des images ou de la vidéo. Ceci correspond à un besoin constant de l'humanité, celui de rester connecté avec les membres de sa tribu (un être isolé dans la jungle est menacé)
- S'informer : enrichir une connaissance par l'acquisition d'informations. Ceci se relie à notre besoin de compréhension et à notre constante nécessité de nourrir nos interprétations (savoir plus pour survivre plus longtemps)
- Acheter : réaliser une transaction pour acquérir un bien. Bien sûr, ceci peut nécessiter une recherche d'information, voire une communication, mais pas nécessairement. De même que symétriquement, souvent on s'informe ou on échange sans acheter. L'achat, c'est-à-dire l'appropriation d'un bien, est aussi un besoin durable, celui de la conquête. (manger pour vivre)
- Jouer : se distraire, s'amuser, passer un moment. Nous avions inclus dans cette famille tout ce qui est musique et vidéo. C'est aussi une famille indépendante, même s'il peut y avoir des croisements (par exemple, pour le jeu en réseau, on va échanger). Inutile de rappeler le caractère essentiel du jeu dans le développement de l'humanité (le rire est le propre de l'homme)
Pour le marché entreprises, nous avons mené une réflexion du même type.
Ensuite, sur quoi allait-on regarder ? Quelle pourrait être la taille de l'écran ?
En faisant abstraction de toute technologie, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il y avait trois types de situation : soit je suis en train de marcher, soit je suis assis mais ailleurs que chez moi (par exemple dans un train ou une chambre d'hôtel), soit je suis chez moi (à mon domicile ou à mon bureau). Si je suis en train de marcher, l'écran doit tenir dans ma main ; si je suis assis ailleurs, comme j'ai dû l'apporter, il faut qu'il tienne dans un cartable ; si je suis chez moi, il n'y a aucune contrainte de taille. Donc trois formats : la main, A4 (ou à peu près), illimité. Comme ces trois types de situation existeront toujours, le raisonnement restera valable quoi qu'il arrive.
Nous avons alors croisé taille d'écran et famille de besoin en nous posant la question suivante : que peut apporter de plus le 3G, c'est-à-dire une connexion Internet toujours active et avec un débit significatif ?
Je ne peux pas rendre publiques les réponses données, mais elles ont permis ensuite une quantification, en émettant des hypothèses sur l'évolution des dépenses par famille d'attentes. A aucun moment, nous n'étions partis de la situation actuelle. Ce qui nous avait préoccupés, c'était la pertinence et la solidité de la vision : nous avions cherché à imaginer le futur.
Nous sommes aujourd'hui dix ans plus tard et quand j'observe tous les services lancés, y compris ceux de l'iPhone, ils se reclassent bien dans ces quatre familles. Comme quoi, c'étaient bien des mers. A noter que, même si l'expression de ces mers est aujourd'hui simple et compréhensible par tous, leur mise en évidence en 1999 n'a été ni rapide ni facile : comme j'aime souvent à le dire, on ne peut pas penser vite à long terme !
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