Comment prôner le contraire de ce que l’on fait et
est ?
Aller plus vite que le concurrent, sortir le meilleur
produit, mieux protéger ses innovations contre les agressions de la compétition,
savoir débaucher un cadre clé pour se renforcer et en même temps affaiblir
l’autre… L’art du management est peuplé de ces histoires guerrières où il
s’agit de se battre contre le reste du monde et d’en ressortir gagnant.
Le dirigeant,
lui-même, pour arriver au sommet, a dû écarter bien des prétendants. Souvent,
il lui a fallu « tuer » certains qui étaient entrés dans l’entreprise
en même temps que lui, des alter ego, des « frères » devenus gênants
et encombrants. Peu de place est laissée à la coopération et à l’entraide dans
la conquête du pouvoir.
D’ailleurs, se sont
développés ces dernières années des liens entre les écoles de management, et
les écoles militaires. On voit ainsi de futurs managers s’initier au combat
rapproché et aux différentes techniques guerrières. (1)
Bref, la plupart
des dirigeants ont été dressés à être des prédateurs pour leur entreprise et
pour eux-mêmes.
Or simultanément,
se développe un discours en faveur de la coopération, de l’échange et de la
confiance dans les entreprises. Le monde est devenu trop complexe, trop
changeant, trop incertain pour que la performance repose l’individualisme. On
en appelle à l’esprit du rugby, du pack, du collectif, versus l’esprit du
football, du génie individuel, de l’égoïsme.
Ces dirigeants
prédateurs se retrouvent ainsi à donner des leçons à l’attention de leurs
collaborateurs pour mieux travailler ensemble, savoir tirer parti des énergies
collectives, partager les informations et ne pas les accaparer.
Dangereuse
schizophrénie qui décrédibilise leurs discours et leurs actes, et devrait, pour
ceux qui ont gardé l’âme de leurs débuts, les amener à réfléchir…
Comment en effet
recommander le contraire de ce que l’on fait soi-même ? Comment imaginer
que l’entreprise deviendra un lieu de l’échange et de l’épanouissement si le
modèle donné au sommet est celui du mercenariat et de l’individualisme ?
Ces situations de
« déchirés » ne sont jamais durables. Repensez donc à Chimène qui,
dans le Cid, aime Rodrigue qui vient de tuer son père. L’histoire finit mal…
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