Notre non-conscient sait faire bon nombre de choses (Neurosciences
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Après nous avoir
emmené dans les méandres des neurones de la lecture et de l’arithmétique,
Stanislas Dehaene, dans son cours 2009 au Collège de France, nous plonge dans
les profondeur de l’inconscient cognitif et dans le mystère des opérations
subliminales.
Deux citations
plantent le décor :
-
La première est tirée de l’Éthique
de Spinoza : « Telle est cette
liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela
seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui
les déterminent. C’est ainsi qu’un enfant croit désirer librement le lait, et
un jeune garçon irrité vouloir se venger s’il est irrité, mais fuir s’il est
craintif. Un ivrogne croit dire par une décision libre ce qu’ensuite il aurait
voulu taire. De même un dément, un bavard et de nombreux cas de ce genre
croient agir par une libre décision de leur esprit, et non pas portés par une
impulsion. »
-
La seconde date de 1889 et vient
de Sigmund Exner, une collègue de Freud à Vienne : « Les expressions ‘je pense’, ‘je sens’ ne
sont pas de bonnes manières de s’exprimer. Il faudrait dire ‘ça pense en moi’,
‘ça ressent en moi’. »
C’est à la partie cachée de notre iceberg, celle qui nous habite sans que
nous puissions accéder à elle, celle sans qui nous ne serions pas, que
Stanislas Dehaene va s’atteler. Précision initiale et importante pour limiter
les risques de confusion, plutôt que de parler d’inconscient, il parle de
« non-conscient » ou d’ « inconscient cognitif ».
Première constatation : notre non-conscient n’est pas « stupide »,
et sait effectuer des tâches sophistiquées comme un traitement sémantique. Il
connaît aussi l’orthographe (à condition bien sûr que nous la connaissions
aussi consciemment bien sûr !) et peut déclencher des actions liées à des
traitements sémantiques.
Deuxième constatation : notre non-conscient ne fonctionne pas
indépendamment de nos processus conscients. En effet, il est capable de tenir
compte de ce à quoi nous faisons attention consciemment. Ainsi en fonction de
ce qui focalise notre attention, nous allons de façon non-consciente agir
différemment. Rassurant, non ?
Troisième constatation : le rêve de pouvoir apprendre en dormant
n’est vraiment qu’un rêve. Certes un stimuli subliminal, c’est-à-dire une
stimuli trop bref pour être traité consciemment, peut déclencher une tâche
cognitive, mais l’information correspondante n’a pas d’effet à long terme. Elle
reste volatile et ne provoque pas d’apprentissage.
Quatrième constatation : notre non-conscient peut déclencher
plusieurs processus qui relèvent de ce qui est appelé le « contrôle
exécutif », contrôle exécutif qui
est l’ensemble des processus qui sous-tendent la planification, l’initiation,
l’exécution et la supervision des comportements volontaires dirigés vers un
but. Ainsi des stimuli subliminaux peuvent influer fortement sur la détection
d’une erreur, faiblement et transitoirement sur le choix d’une stratégie ou
l’inhibition de l’action.
Alors que reste-t-il donc au traitement conscient et quelle est sa
spécificité ?
(à suivre)
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