Déplacer les inégalités ou les éradiquer (2)
À l’occasion du suivi des cours
de Pierre Rosanvallon au Collège de France, je viens de découvrir une
conférence faite, le 23 février 2011, sur « la Mondialisation de l’inégalité » par François Bourguignon, ancien
Premier Vice-Président de la Banque Mondiale et actuel Directeur de l’École
d’Économie de Paris.
Dans celle-ci, en s’appuyant sur
une étude considérablement plus approfondie et étayée que la mienne, il
confirme la convergence dont je parlais hier : il l’observe aussi à partir
des années 90, et, la remettant en perspective grâce à une série statistique
remontant aux années 1800, montre qu’elle est un retournement récent et
extrêmement rapide. Selon ses estimations, le rattrapage aurait déjà ramené les
pays émergents à la situation prévalant il y a un siècle.
Pour ce faire, il s’appuie non
pas seulement sur le revenu brut moyen, mais le pondère par la parité de
pouvoir d’achat, qui tient compte du coût de la vie dans un pays donné.
A quoi attribue-t-il ce
retournement ? Essentiellement à un découplage apparu récemment entre les
taux de croissance des pays de l’OCDE et des pays en voie de développement. Il
constate en effet à partir des années 2000, un écart constant et d’environ 5
à 6 % entre les deux taux de croissance. Ceci rejoint très exactement aussi mon
analyse.
Une remarque : pour
mesurer les inégalités, il est effectivement pertinent de pondérer les écarts
en tenant compte des parités de pouvoirs d’achat, mais cela masque une partie
des effets de transfert entre pays.
En effet, pour apprécier la
dynamique concurrentielle entre pays, c’est bien le revenu brut qui est
pertinent : un Indien reste actuellement presque 30 fois moins cher qu’un
ouvrier occidental, un Chinois 9 fois et un Brésilien 4 fois. Pour évaluer plus
finement la situation concurrentielle, il ne faudrait pas redresser ces données
par la parité de pouvoir d’achat, mais en tenant compte du niveau de
qualification, des équipements des usines, des savoir-faire…
Plus la produit est sophistiqué, plus
ce redressement sera réel… du moins pour un temps : il suffit de voir les
performances des usines mécaniques chinoises ou des entreprises de software
indiennes pour comprendre que ces coefficients correcteurs tendent rapidement
vers zéro.
Je maintiens donc que je ne vois
pas comment nous éviterons une baisse relative de notre niveau de vie, et ce
durablement. En effet, l’effet de convergence se poursuivra au moins pendant dix
à vingt ans, temps nécessaire pour finir le rattrapage.
Est-ce possible de supporter une
telle évolution ? Oui, vu le niveau de richesse de nos pays, mais à une
condition : que nous fassions porter cette baisse relative sur les plus
favorisés, et que nous veillions à ne pas laisser se creuser les écarts.
(à suivre)
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