Tout est traité et retraité, rien n’est naturel (Neurosciences 24)
Donc souvent nous nous trompons
dans nos calculs, et ce qui nous paraît le plus vraisemblable, ne l’est pas
toujours. Mais pour la vision, cette action tellement plus simple, notre taux
d’erreur est certainement plus faible. Certes, certes, quoique…
Qu’est-ce que voir ? Est-ce
seulement photographier ce qui nous entoure ? Non, c’est beaucoup plus que
cela : c’est extraire le sens de ce qui nous entoure :
-
Le sens immédiat : être
capable de séparer les objets les uns des autres, savoir ce qui est devant ou
derrière, imaginer les parties cachées pour se faire une idée de l’objet en
entier…
-
Les
mouvements : construire des continuités entre des images successives pour
calculer les trajectoires, comprendre les mouvements, identifier les risques
potentiels…
-
Les
sens cachés : interpréter les données pour chercher à comprendre ce qui a
pu les provoquer, ce que les autres ont pu voir, comprendre ce qui peut
provoquer un mouvement…
Donc
sans que nous en rendions nécessairement compte, nous ne regardons jamais une
image brute, mais une image traitée par notre cerveau, chargée d’un ensemble
d’interprétations tirées de tout ce qui est présent dans l’image, et de tout ce
que nous avons appris, notre expérience, notre mémoire, nos métarègles…
Notre
cerveau cherche à trouver ce qui lui semble le plus plausible, compte-tenu de
tout cela, il fait là encore des inférences bayésiennes. Et ce qui ne lui
semble pas plausible, il ne le transmet pas, et donc, littéralement, nous ne le
voyons pas ! Ainsi, si, dans ce qui nous entourent quelque chose ne rentre
pas dans les inférences retenues, il est gommé, et n’existe pas pour nous…
Ces
interprétations amènent aussi à déformer le réel :
-
Prenez
deux barres de même longueur, l’une verticale, l’autre horizontale. Celle qui
est verticale va vous sembler plus longue – vous la voyez plus longue -, car,
comme vous avez expérimenté la perspective, votre cerveau apporte une
correction de longueur, en interprétant la verticale comme étant une perspective.
- Si vous
regardez un morceau en mouvement au travers d’une petite ouverture, quand bien
même vous ne sauriez pas quelle peut être la forme totale masquée, vous ne
pourrez pas ne pas l’imaginer à partir du peu que vous en avez vu. Et si le déplacement
est ambigu, plutôt que de vous restituer l’ambiguïté, vous aurez la certitude
d’avoir vu un mouvement donné.
Ainsi
notre perception ne nous restitue pas tout ce qui nous entoure, mais juste
un échantillon, en plus interprété, et toutes les ambiguïtés ont été effacées :
notre cerveau nous laisse à voir un monde certain et net.
Un peu
comme si, plutôt que de regarder les photos que vous venez de prendre avec
votre appareil photo, vous leur fassiez subir une traitement numérique pour
enlever tout le flou, retirer les images que vous jugez parasites, améliorer la
définition… Ensuite vous compléteriez avec un logiciel ad hoc l’image pour les
parties cachées. Enfin vous colleriez sur chaque objet, son nom, d’où il vient,
où il va…
Voilà
nos neurones devenus un super Photoshop qui traite en continu le monde qui nous
entoure… mais sans nous prévenir et sans nous laisser accès à l’information
d’origine.
(à suivre)
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