Nos neurones codent et manipulent des distributions de probabilités
(Neurosciences 27)
Le long périple au sein des cours
de Stanislas Dehaene, commencé le 19 juin, interrompu pendant six semaines, touche
à sa fin. Ces deux derniers articles vont se centrer sur la conclusion de son
cours 2012. Ils portent sur la prise de
décision et l’élaboration de la vision du monde que nous nous faisons.
Comment
prenons-nous de décisions ?
Pour
répondre à cette question, Stanislas Dehaene part de la constatation
suivante : pour choisir une action donnée, il ne suffit pas d’avoir une
perception du monde qui nous entoure, il faut aussi être capable de pondérer la
valeur des différentes actions possibles. En effet, sans cette capacité à bâtir
des préférences nous resterions immobiles, face au monde… sauf à supposer que
nous ayons une loterie interne qui choisirait au hasard !
Donc la
boucle perception-action serait la suivante :
-
Lecture
de l’environnement par nos sens perceptifs,
-
Interprétation
de cette lecture et élaboration d’une perception du monde (ce qui implique une
série d’inférences bayésiennes),
- Élaboration
de scénarios d’actions et évaluation de leurs conséquences, ce en mobilisant
nos connaissances passées, conscientes et non-conscientes,
-
Attribution
d’une valeur à ces différents scénarios, qui peut être une perte ou un gain,
-
Choix de
l’action individuelle qui maximise le gain et mise en œuvre.
En cas
d’inclusion dans un groupe, une deuxième boucle peut alors intervenir,
cherchant à maximiser une fonction de gain collectif : chacun apporte sa
perception de la situation, son niveau de confiance dans cette perception, les
différents options d’actions possibles et leurs valeur associées, puis est
recherchée une maximisation de la valeur collective.
Les
tests réalisés et les modélisations mathématiques associées montrent
qu’effectivement, c’est bien ainsi que procède notre cerveau, en réalisant
dynamiquement des calculs d’inférence Bayésienne.
On a pu même montrer que les circuits neuronaux
des primates (et sans doute d’autres espèces) doivent permettre :
1. La
représentation de plusieurs distributions de probabilité qui correspondent aux
indices sensoriels,
2. Le
calcul avec ces distributions(1) pour combiner ces fragments
d’évidence, ce au fil du temps,
3. L’
incorporation d’un a priori, qui représente les informations connues
4.
L’identification du maximum d’une distribution a posteriori pour pouvoir faire
un choix
Quand
je vous disais au début de la présentation du cours 2012 que nous étions des
Monsieur Jourdain du calcul Bayésien !
Pour
ceux qui veulent en savoir plus, et qui n’ont pas peur des calculs
mathématiques, je leur conseille de se plonger dans le détail du cours.
Voilà
donc comment nous décidons.
Mais
cette tendance à nous appuyer constamment sur le passé, et à maximiser la
vraisemblance, est-ce que cela ne nous prépare à constamment avoir à faire face
à des surprises ?
(à suivre)
(1) Le
produit de deux distributions ou ce qui est équivalent l’addition de leur
logarithme
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire