A la découverte de « Thinking, Fast and Slow » de Daniel Kahneman
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Après notre problème avec le hasard et l’incertitude, passons à notre
deuxième travers majeur : nous reconstruisons le passé. Là encore, Daniel
Kahneman apporte des exemples multiples à l’appui de cette affirmation.
Voici en vrac une série de
citations :
« Vous édifiez la meilleure histoire possible à partir de ce que vous
avez, et si c'est une bonne histoire, vous la croyez. Paradoxalement, il est
plus facile de fabriquer une histoire quand on en sait peu, quand il y a moins
d'éléments à faire rentrer dans le puzzle. »
« Certaines personnes se sont effectivement dit, longtemps avant,
qu'une crise était possible, mais elles ne le « savaient » pas. (…) Nous ne
pouvons savoir que si c’est à la fois vrai et connaissable. »
« Votre incapacité à retrouver des convictions passées va
inévitablement vous pousser à sous-estimer à quel point vous avez été surpris
par des événements passés. »
« Si un événement se produisait effectivement, les gens exagéraient la
probabilité qu'ils lui avaient attribuée auparavant. Si l'événement possible ne
s'était pas produit, ils se souvenaient toujours de l'avoir considéré comme
improbable. »
« Des actions qui, a priori, pouvaient paraître prudentes semblent
parfois irréfléchies et irresponsables après coup. »
Une des plus belles anecdotes
qu’il cite est le suivante : « Le
10 juillet 2001, la CIA a obtenu des
informations affirmant qu'Al-Qaïda préparait une opération ambitieuse contre
les États-Unis. George Tenet, directeur de la CIA, transmit l'information non
au George W. Bush, mais à sa conseillère
à la sécurité nationale, Condoleezza Rice. Quand cela fut révélé par la suite,
Ben Bradlee, le légendaire directeur exécutif du Washington Post, déclara : «
Il me semble élémentaire d'aller voir directement le président quand on a mis
la main sur ce qui va faire l'histoire. » Mais le 10 juillet, personne ne savait, ou n'aurait pu
savoir, que cette bribe d'information allait effectivement faire
l’histoire. »
Comme quoi même un grand
journaliste peut tomber dans ce piège. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir un journal
au hasard, ou d’écouter une émission d’information, pour prendre un
commentateur ou un « expert » en flagrant délit de reconstruction du
passé.
Celle-ci s’accompagne de ce que
Daniel Kahneman appelle l’illusion de la validité, à savoir que, alors que
« nos prédictions valent à peine
mieux que des conjectures aléatoires, nous continuons à penser et à agir
comment si chacune de nos prévisions était valide. »
Cette illusion de la validité est
très répandue dans le domaine de l’économie et de la bourse :
« La plupart des acheteurs et des vendeurs savent qu'ils disposent de
la même information ; ils échangent les actions essentiellement parce qu'ils
ont des opinions différentes. Qu'est-ce qui les porte à croire qu'ils en savent
plus que le marché sur ce que devrait être ce prix ? Pour la plupart
d'entre eux, cette conviction est une illusion. (…) Les fonds mutuels sont
gérés par des professionnels très expérimentés et travailleurs qui achètent et
vendent des actions pour obtenir les meilleurs résultats pour leurs clients.
Cependant, cinquante ans de recherche sur le sujet le confirment : pour une
grande majorité de gestionnaires d'actifs, la sélection des actions tient plus
du jeu de dés que du poker. En général, au moins deux fonds communs de
placement sur trois sont en dessous des performances de l'ensemble du marché
quelle que soit l'année. (…) Pourquoi les investisseurs, simples boursicoteurs
ou professionnels, continuent-ils de croire avec obstination qu'ils peuvent
faire mieux que le marché, contrairement à la théorie économique que la plupart
acceptent, et contrairement à ce que leur apprendrait une évaluation
dépassionnée de leur expérience personnelle ? »
Mais notre propension à
reconstruire le passé et à nous à faire des illusions sur notre capacité à comprendre ce qui se passe, ne se cantonne pas
bien sûr aux prévisions économiques et financières…
(à suivre)
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