Extrait de Double J
A l’aéroport, en revoyant Jacques, je ne pus m’empêcher
de porter sur lui un double regard : je voyais à la fois l’amant retrouvé et la
peau vierge. Les deux m’attendaient, mais je me sentais encore plus attiré par
la peau que par l’amant. Troublant. Je secouai la tête en souriant pour
essayer de dissiper mon trouble. (…)
Je saisis le stylet et m’apprêtai à faire la
première pénétration dans cette peau que je n’avais jusqu’à présent
qu’embrassée.
Au dernier moment, quand à peine un millimètre me
séparait de lui, je fus pris d’un vertige. Qu’étais-je sur le point de faire ?
Ce n’était plus un stylo que je tenais dans la main, mais bien un stylet. Ce
n’était plus une feuille de papier que j’allais tatouer d’encre rouge, mais bien
la peau de mon amant. J’étais à un millimètre d’un geste irréversible, d’un
geste qui allait définir pour toujours un avant et un après. Je fus pris de
peur et retirai ma main.
« Je ne peux pas. Vraiment, non, je ne peux pas.
» Et je m’éloignai à reculons, ne lui laissant pas le temps de me répondre. (…)
Mon corps se leva et se déplaça jusqu’au lit, ma
main saisit à nouveau le stylet et plongea sans hésiter sur la peau de Jacques.
Je sentis la lame franchir la barrière du derme pour venir s’insérer en lui. Je
ne le tatouais pas consciemment, je n’étais que le spectateur, le témoin de ma
propre œuvre. Dédoublement. Mon histoire était tellement forte qu’elle n’avait
pas besoin de moi pour s’exprimer, ma technique était tellement digérée que les
lettres se dessinaient d’elles-mêmes. Progressivement, je sentis monter en moi
une transe mystique, j’étais dans un état second, extatique, violent et
orgasmique. Je perdis alors la conscience du temps et des événements.
Quand je revins à moi, la nuit était tombée, et Jacques
dormait tranquillement. A la lumière de la pleine lune qui baignait la chambre,
je voyais un texte serré, raffiné et élégant qui courait sur le début de ses épaules.
Je suis resté éveillé toute la nuit, figé dans la fascination de ce tatouage,
incapable de le toucher, incapable de m’en éloigner, horrifié et séduit par ce
viol couleur sang qui le marquerait à tout jamais. Quand l’aube arriva, quand
la lumière froide et bleutée de la lune laissa place aux premiers rayons du
soleil, mes inquiétudes et mes hésitations laissèrent place à ma détermination
et ma volonté de mener à bien l’écriture de mon roman. Je n’avais plus qu’une
envie : recouvrir chaque pouce de cette peau rosée qui ondulait doucement à mes
côtés.
Pendant la période de Noël, je
diffuserai le mardi et le vendredi des articles tirés de ceux parus en 2012, un
billet pour le Nouvel An, et retour au « live » le 7 janvier 2013.
Bonnes fêtes à tous !
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