A la découverte de « Thinking, Fast and Slow » de Daniel Kahneman
(11)
Troisième et dernier volet sur
notre propension à reconstruire le passé, à avoir l’illusion de la validité…
bref à nous tromper sur notre capacité à comprendre et prévoir : comment
ce défaut est-il un des moteurs de la société actuelle et du capitalisme ?
Selon les travaux menés par
Daniel Kahneman, sans notre cécité par rapport au futur et notre optimisme sur
nos propres capacités, aucun investissement ne serait réalisé, aucune
acquisition faite, aucune entreprise créée :
« La prise de risque optimiste des chefs d'entreprise contribue
certainement au dynamisme d'une société capitaliste, même si la plupart des
preneurs de risque subissent des déceptions. (…)
Bien souvent, j'ai posé cette question à des fondateurs et des membres de
start-up innovantes : dans quelle mesure vos résultats dépendront-ils de ce que
vous faites dans votre entreprise ? Une question manifestement facile. La
réponse vient rapidement et dans mon petit échantillon, elle n'a jamais été
inférieure à 80 %. Même quand ils ne sont pas sûrs de réussir, ces gens
audacieux estiment avoir leur sort presque entièrement entre leurs mains. Ils
ont certainement tort. Le résultat d'une start-up dépend autant des performances
de ses concurrents et des changements sur le marché que de ses propres
efforts. (…)
Les directeurs financiers étaient beaucoup trop confiants dans leur
capacité à prévoir le marché. L'excès de confiance est une autre manifestation
de COVERA (1): quand nous estimons une quantité, nous nous appuyons
sur les informations qui nous viennent à l'esprit et nous bâtissons une
histoire cohérente où cette estimation trouve son sens. (…) Un directeur
financier qui informe ses collègues qu'il y a « de bonnes chances que les
retours de S&P se situent entre –10 % et + 30 % » peut s'attendre à quitter
la pièce sous les quolibets. Ce large intervalle de confiance est un aveu
d'ignorance, ce qui est socialement inacceptable de la part de quelqu'un qui
est payé pour s'y connaître dans le domaine financier. Même s'ils savaient à
quel point ils en savent peu, les responsables seraient pénalisés s'ils
l'admettaient. »
D’ailleurs à l’inverse si nous
étions capables de prévoir ce qui allait arriver, aucune entreprise ne créerait
de la valeur durablement, car progressivement toutes les entreprises
s’aligneraient sur la stratégie gagnante. C’est bien le fait que ce soit le
hasard et l’incertitude qui régissent notre qui est le garant de nos libertés,
de l’innovation et de la créativité.
Faut-il encore l’admettre, et ne
pas tomber dans le travers de Jean-Paul Sartre qui lui avait fait écrire :
« Je préfère le désespoir à
l’incertitude ». Non l’incertitude, et notre incapacité à savoir à
l’avance ce qui va advenir, sont la source de l’espoir.
(à suivre)
(1) « COVERA = Ce qu’on voit
et rien d’autre » traduction de l’expression originale de Daniel Kahneman :
« WYSIATI : What you see is all there is »
1 commentaire:
Dans le même ordre d'idées, je suis enthousiasmé par la lecture de "l'action humaine" de Ludwig von Mises... à lire en livre de chevet petit à petit; car c'est un opus major! Homo sapiens, homo agens, homo œconomicus...
C'est ici...
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