Du gruyère de la participation à l’anorexie managériale
Le 21 janvier, j’ai assisté à une intervention du général Vincent Desportes à l’occasion d’une conférence organisée par l’École de Paris du Management. Occasion de poursuivre mes échanges avec lui, échanges commencés il y a maintenant environ une année, lors d’une intervention conjointe pour une conférence sur l’action dans l’incertitude auprès du Medef bordelais. Confirmation que, décidément, le management des entreprises a beaucoup à apprendre du management des armées.
En effet comme je l’ai déjà souligné, les militaires ont depuis longtemps accepté l’incertitude et développé des approches très pertinentes pour faire face au « brouillard de la guerre ».
Voilà ainsi ce général qui affirme que « l’homme est le plus adapté à l’incertitude », car lui seul peut travailler dans le flou, que « le vivant est chaotique par essence », et que donc, il ne faut pas tout prescrire, tout définir.
En écho à ses propos, me revient ce que, du temps de Bossard Consultants, ce cabinet où je me trouvais il y a maintenant plus de quinze ans et malheureusement disparu, nous appelions, le « gruyère de la participation » : si tout est défini, personne ne peut s’engager, et exprimer son potentiel. Ce sont les trous laissés qui permettent à tout un chacun, de s’investir et d’ajuster le cadre général à la situation concrète, locale et circonstancielle.
Vincent Desportes parle lui de « bulle de liberté d’action », mais c’est manifestement exactement la même idée. Il insiste aussi sur l’importance des réserves : « Quand un chef n’a plus de réserves, il a perdu la bataille », et « pour affaiblir l’adversaire, le plus efficace est d’attaquer ses réserves, car ce sont la source de sa puissance ».
Dans le bandeau de mon livre, Les mers de l’incertitude, j’écrivais : « Une entreprise anorexique ne peut pas faire face aux aléas ». Anorexie, volonté d’avoir des organisations le plus « lean » possible, c’est-à-dire sans réserves disponibles, telle est bien une de nos maladies modernes, et un des effets potentiellement dévastateur de la financiarisation du monde des entreprises.
Va-t-il falloir faire passer tous les dirigeants d’entreprises par l’École de Guerre pour que la relation à l’incertitude soit comprise et acceptée ?
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