14 nov. 2013

LA NAISSANCE DU « NOUS »

Les tribus animales : l’action incertaine (2)
Avec les animaux, naît la colle sociale : les individus n’échangent plus des composants chimiques, mais de l’information. Ou plus exactement même si l’échange se fait encore souvent via des substances chimiques (1), ce ne sont pas elles en tant que telles qui relient les individus, mais les informations qu’elles véhiculent. La transmission peut aussi se faire par la vue comme pour la danse des abeilles (2), par l’ouïe pour les oiseaux… Ce sont progressivement les cinq sens qui sont mobilisés et construisent un langage qui soude le groupe : la matriochka devient tribu, l’individu fait société.
C’est à un nouveau type d’assemblage que nous avons affaire, un assemblage social : des êtres vivants, tout en gardant une individualité propre se caractérisant notamment par leur morphologie et leurs capacités cognitives personnelles, font société, et donnent naissance à une nouvelle entité, la tribu, qui est dotée de propriétés nouvelles et émergentes. Chaque animal est physiquement autonome, libre de ses mouvements, et socialement dépendant.
Notons que si un échange d’informations existe aussi au sein des cellules végétales et entre elles, il permet seulement à une plante de réagir à son environnement et de s’y adapter, mais il ne soude pas les cellules entre elles. Grâce aux modalités de la reproduction, chaque plante est voisine de ses alter ego – les coquelicots dessinent des vagues rouges au printemps, les champignons poussent en grappe, les jeunes chênes grandissent à l’ombre de leurs aînés – , et ensemble, tous les végétaux élaborent des écosystèmes qui favorisent leur croissance, mais aucune nouvelle propriété n’émerge de ces regroupements : une chênaie n’est jamais qu’un ensemble de chênes, et un groupe de champignons, une poêlée potentielle, et rien de plus.
Certes, on constate un étagement entre les espèces, les unes protégeant d’autres, ce qui rend l’ensemble plus robuste que les individus seuls. Certes, il y a une forme de communication entre les arbres, comme l’envoi d’un signal chimique lorsque l’un est agressé. Mais cela n’a rien à voir en terme de portée et de puissance avec celles des tribus sociales animales.
Les fourmilières et les ruches en sont des exemples les plus frappants. On peut affirmer que, si la fourmi est petite, la fourmilière est grande !
(1) Comme les phéromones dans le cas des fourmis.
(2) Karl von Frisch a montré que les abeilles se servaient de la danse pour communiquer entre elles. Par les modalités de la danse qu’elles effectuent, elles indiquent à leurs congénères l’intérêt de ce qu’elles ont découvert, la direction dans laquelle cela se trouve, ainsi que la distance. C’est ainsi par exemple que la découverte de fleurs particulièrement riches en pollen est transmise au sein de la ruche.
(extrait des Radeaux de feu)


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