L’individu humain : le futur anticipé (5)
Aussi comment puis-je dire « je » alors que bon nombre de mes actes échappe à ma volonté consciente ? Et comment puis-je avoir une sensation d’identité et de continuité, alors que tout se forme et se déforme sans cesse, que tout est bâti sur des sables mouvants ? Inutile d’imaginer me raccrocher à ma mémoire comme un quelconque absolu, puisqu’elle est faite de rocs et de sables mouvants.
Dire « je », c’est arriver à passer au travers de trois étapes : percevoir le temps présent, même si c’est au travers d’interprétations ; se souvenir, même si c’est à coups de déformations ; savoir que l’on s’en souvient, c’est-à-dire arriver à relier tous ces événements dans une trame temporelle et s’identifier à cette continuité élaborée.
Le défi est d’arriver à ce processus d’identification alors que nous ne percevons que la pointe de l’iceberg de nos processus mentaux : notre « soi », c’est-à-dire tout ce que le cerveau qui habite notre corps a conçu, trié et piloté, est beaucoup plus vaste que le « moi » que nous connaissons. Aussi, où commence et finit notre identité ? Doit-elle s’arrêter au « je » conscient ? Ou, pouvons-nous être tenus pour responsables de tout ce que notre corps a fait, y compris en cachette de notre volonté effective ?

(1) Francesco Varela, Quel savoir pour l’éthique, p.87 et 100
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