Le capital du XXIe siècle (22) – Inégalités9
Pour appuyer son étude, Thomas Piketty analyse alors les performances relatives des dotations en capital des universités américaines. C’est en effet une source homogène, avec un accès à toutes leurs performances, et de taille très variée (le capital géré par les plus grandes dépasse les 10 Milliards $ et s’apparentent donc aux plus grandes fortunes, alors que celui des plus petites est en dizaines de millions).
Première conclusion : elles ont toutes globalement surperformées, puisque le rendement moyen obtenu a été de 8,2% par an entre 1980 et 2010.
Deuxième conclusion : la performance s’accroît avec la taille puisqu’elle passe de 6,2 % pour les plus petites à 10,2% pour, Harvard (30 Milliards $ de capital géré), Yale (20 Milliards $) et Princeton (plus de 15 Milliards $), et cette croissance est systématique.
Un écart de 1% peut sembler modeste, mais comme il est renouvelé chaque année, il conduit à un écart de 22% en 20 ans, et 64% en 50 ans. L’écart annuel de 4% entre les deux extrêmes revient à multiplier par plus de 2 en 20 ans, et plus de 7 en 50 ans.
D’où vient cette divergence croissante ? D’abord, de l’effet de taille qui permet d’une part de mieux amortir les frais de gestion ;
Mais surtout selon Piketty, les très grandes fortunes bénéficient des meilleurs conseils et accèdent aux meilleurs placements. Ainsi plus le capital géré par l’Université est important, plus sa stratégie de placement est diversifiée, et plus elle a accès à des placements à très haut rendement tels que les actions non cotées (private equity), fonds spéculatifs (hedge funds), produits dérivés… : « On constate qu’ils (les placements alternatifs) représentent à peine plus de 10 % des portefeuilles pour les dotations inférieures à 50 millions d’euros, puis atteignent rapidement 25 % entre 50 et 100 millions d’euros, 35 % entre 100 et 500 millions d’euros, 45 % entre 500 millions et 1 milliard, pour finalement culminer à plus de 60 % des portefeuilles pour les dotations supérieures à 1 milliard d’euros. »
Tel est pour Piketty un des risques majeurs : voir les plus grandes fortunes progresser quasiment inexorablement à cause de cet accès réservé aux meilleurs produits financiers.
« Si l’on ajoute à cela l’inégalité du rendement du capital suivant la taille du capital initial, que la complexité croissante des marchés financiers globalisés peut avoir tendance à renforcer, on voit que tous les ingrédients sont réunis pour que la part détenue par le centile et le millime supérieurs de la hiérarchie mondiale des patrimoines dans le capital de la planète atteigne des niveaux inconnus. Il est certes difficile de dire à quel rythme se fera cette divergence. »
Dernière remarque tirée de son livre avant de conclure : la somme des actifs nets détenus par les ménages européens représentent 70 000 milliards €, soit plus de 20 fois la somme de tous les fonds souverains chinois et des réserves de la Banque de Chine. Donc pas d’inquiétude à avoir : nous ne sommes pas prêts d’être détenus par la Chine. Donc selon lui, le seul vrai risque est bien la divergence oligarchique.
(à suivre)
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