L’entreprise vivante – Frédéric Laloux (3)
C. LES NOUVELLES ORGANISATIONS
6. L’ENTREPRISE RESPONSABLE
Le dogme de la mathématisation et de la croissance sans fin arrive à sa limite. N’y a-t-il pas d’autres dimensions importantes comme la communauté, l’harmonie, la coopération ?
Naît alors progressivement un nouveau monde, le monde du pluriel, du complexe et du 3.0. Les relations n’y sont plus seulement verticales et top-down, mais horizontales et bottom-up. Les dirigeants y deviennent des leaders au service de leur organisation.
Une triple nouvelle rupture se produit :
- Le pouvoir est de plus en plus transféré à ceux qui font face aux problèmes : l’empowerment se déploie,
- La culture devient la glu de l’organisation et les objectifs permettent à chacun de vouloir se dépasser,
- La création de valeur n’est plus seulement pour l’actionnaire, mais aussi pour les salariés, les partenaires, et plus largement toute la société.
L’entreprise devient socialement responsable, et alors que précédemment la métaphore de l’organisation était celle de la machine, elle devient celle de la famille.
7. L’ORGANISATION VIVANTE
Sous la double pression des exigences croissantes d’autonomie des individus et des interrelations de plus en plus fines entre tous les acteurs, est en train de naître un nouveau mode : l’organisation comme un être vivant, capable de choisir son but et de s’auto-organiser.
Cette reconnaissance de l’organisation comme vivante va de pair avec celle de l’individu : ensemble et séparément l’un et l’autre ont des hauts et des bas, visent à faire bien ici et maintenant, s’appuient sur leur vraie nature. L’individu ne sépare plus vie personnelle et professionnelle, et l’entreprise ne se pense plus indépendamment de son écosystème et de ses concurrents.
Dans ce nouveau mode de fonctionnement, diriger n’est plus décider, et devient comprendre et faciliter. Ceci conduit à :
- L’auto-management : chacun étant un adulte il n’y a aucune raison de ne pas lui faire confiance, et continuer à le traiter comme un enfant qu’il faut constamment surveiller et à qui l’on doit dire quoi faire et comment. Dès lors plus besoin d’encadrement, plus de distinction entre cols bleus et cols blancs, plus d’exécutants entourés de chefs et sous-chefs.
- Le tout : L’organisation repose sur des unités de base, très autonomes, et dotées de tout ce qu’il faut pour fonctionner. Les rôles et les fonctions n’y sont pas définis a priori, et émergent dynamiquement des situations, des évolutions et des savoir-faire individuels. C’est la fin de l’empowerment, car, dans un système auto-organisé, il est inutile de se battre pour avoir du pouvoir, puisqu’on l’a.
- La finalité en mouvement : Classiquement la stratégie est pensée a priori et on reconfigure l’entreprise en fonction de l’objectif à atteindre : l’organisation est un moyen au service de la stratégie. Là, l’approche est radicalement différente : il s’agit de comprendre la stratégie qui est celle de l’organisation. Toute organisation a un but naturel qu’elle poursuit : « La vie veut naître. La vie ne peut pas être arrêtée. Chaque fois que l’on essaie de la contenir, ou d’interférer avec son besoin fondamental d’émerger, on se crée des problèmes. S’associer avec la vie, travailler en cohérence avec son mouvement, suppose de prendre sérieusement en compte la direction de la vie. »
*
* *
Deux remarques en guise de conclusion.
La première est issue du livre et rappelle que, même si tous ces modes d’organisation sont nés successivement, aucun n’a réellement supplanté les précédents, mais tous cohabitent entre eux : notre monde est un millefeuille organisationnel, chaque niveau apportant sa spécificité propre :
- La loi des gangs est présente dans nos sociétés,
- La bureaucratie est omniprésente dans l’administration publique, et les castes n’ont pas disparues,
- La loi quantitative du profit, du marché et du marketing règne largement au sein des grandes entreprises,
- La responsabilité progresse et les associations non marchandes fleurissent,
- L’organisation vivante naît ici et là
L’efficacité globale est liée à cette juxtaposition, à condition que chaque mode soit centré sur ce qu’il fait le mieux.
La deuxième est une interrogation personnelle : comment transformer nos organisations politiques pour y injecter de la vie ? Peut-on demain diriger une ville, une région, un pays en s’inspirant de l’organisation vivante ?
Je crois que tel est le défi collectif de ce XXIème siècle !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire