Heureusement Michel-Ange ne les a pas terminés…
A Florence, se trouvent des statues étonnantes et interpelantes. Je parle des statues d’esclave réalisées par Michel-Ange, et qui sont restées inachevées. Initialement situées dans la Grotte de Buontalenti, elles se trouvent depuis 1924 dans la Galleria dell'Accademia de Florence.
A chaque fois que je les vois, j’ai l’impression que les esclaves cherchent à sortir de la pierre, à s’en extraire. Ils sont en train de naître, devant moi. Ils émergent. J’aime à imaginer que ce sont des œuvres volontairement inachevées.
Michel-Ange leur a donné vie, mais ne les a pas terminés, les laissant ainsi libres de leur futur. Quel beau paradoxe pour des esclaves ! Que vont-ils faire ? Comment vont-ils s’en sortir et faire face à ce monde dans lequel ils émergent ?
Michel-Ange n’en savait rien. Alors, il les a dessinés à grand trait, leur a donné juste ce qu’il fallait pour qu’ils vivent, mais rien de plus. A eux de se débrouiller.
Ces sculptures sont, pour moi, une belle métaphore du management dans l’incertitude : on dessine un peu les choses mais pas trop, on esquisse les formes, on donne la direction… et on laisse faire.
Ceci ne veut surtout pas dire que la stratégie doit être un brouillon. Avez-vous l’impression de voir des brouillons en regardant ses statues ? Moi, pas. J’y vois de la vie et de l’énergie. C’est parce qu’ils sont inachevés qu’ils sont vivants : à eux avec nous de combler les manques…
Ce qui est vivant, est ce qui n'est pas terminé, pas fini. Ce qui est terminé est achevé, fini et donc mort...
Construire une stratégie, c’est aussi trouver les lignes de force, ces mers qui attirent les cours des fleuves. Construire une stratégie, c’est laisser des blancs pour que la vie les comble…