7 mars 2011

COMMENT UN ASCENSEUR PEUT-IL DESCENDRE ?

La pagaille commence souvent dans les détails. Parfois au travers d'un objet qui fait le contraire de ce que veut dire son nom.

Entrez dans un immeuble quelconque. La plupart du temps, vous allez y trouver un ascenseur. S'il est déjà là, ouvrez la porte et pénétrez à l'intérieur ; sinon, appuyez sur le bouton, attendez-le et pénétrez ensuite dedans. Choisissez l'étage que vous voulez et allez-y. Jusque là tout va bien : vous avez pris un ascenseur, vous êtes monté, c'est normal.

Maintenant que vous êtes en haut, vous voulez redescendre. Comment allez-vous faire ? Reprendre le même ascenseur et, cette fois, vous en servir pour descendre. Et effectivement c'est ce que quotidiennement nous faisons. Même moi, je le confesse.
Mais là, rien ne va plus : comment un ascenseur peut-il descendre ? C'est nier sa propre dénomination : ascenseur vient de « ascendere » qui, en latin, veut dire monter. Nous devrions prendre un « descenseur » pour faire le chemin en sens inverse.
Je vous entends déjà me dire qu'une telle spécialisation – des ascenseurs pour monter, des descenseurs pour descendre – serait contreproductive, et pour tout dire compliquée : en effet, on aurait vite tous les ascenseurs en haut et tous les descenseurs en bas. Il faudrait donc alors un système qui remonterait les descenseurs et descendrait les ascenseurs.

En fait cela reviendrait à avoir des ascenseurs plus grands pour remonter les descenseurs, et symétriquement de grands descenseurs pour descendre les ascenseurs montés. Oui, mais alors comment faire avec ces grands ascenseurs et descenseurs ? Ce problème est sans fin.
Donc notre organisation actuelle avec des objets qui fonctionnent aussi bien à la montée qu'à la descente est probablement la meilleure.
Mais pourquoi les avoir appeler des ascenseurs ? Par optimisme, en ne retenant que la partie montante et en voulant oublier qu'in fine, la vocation d'un ascenseur n'est pas de monter, mais d'osciller. Alors des censeurs ? Non, déjà pris pour les lycées. Alors pourquoi pas des oscillateurs ? Une autre suggestion ?
Je sais, je complique. Mais si je ne peux pas me servir de ce blog pour partager avec vous mes interrogations, pourquoi en avoir un ?

(Cet article a déjà été publié le 18 février 2009, mais comme je n'ai reçu aucune suggestion à ce jour, je retente ma chance... Pour l'instant, pour sortir de cette situation qui m'interdit de prendre des ascenseurs pour descendre, je suis condamné à toujours descendre par les escaliers. Remarquez que c'est un moindre mal : si les ascenseurs s'appelaient tous des descenseurs, je devrais prendre les escaliers à la montée, ce qui serait nettement plus pénible.)

4 mars 2011

DEUX FUNAMBULES DES MOTS

Des jeux de mots qui n'en sont pas vraiment...
Après une semaine passée à parler de lettres qui font des mots qui font des phrases qui font des histoires, il était logique de la terminer par deux artistes des mots, Raymond Devos et Pierre Desproges



3 mars 2011

LA POLITIQUE DOIT, ELLE-AUSSI, PARTIR DU FUTUR

Un pays est fait d’une histoire… dont il part… et d’un futur qui l’attire…
Depuis la dimension intemporelle du bureau de son hôtel particulier imprégné de plusieurs siècles d’histoire de France, il n’est pas facile à un élu de la Nation de percevoir la réalité des niveaux emboîtés qui constituent la France du XXIème siècle. Il a tendance à se plonger dans les livres d’histoire ou dans les chiffres des sondages qui lui mathématisent la réalité sociale :
  • Difficile pour lui de comprendre les logiques de notre nouveau monde, ce neuromonde où les peuples longtemps minoritaires et les cultures longtemps ignorées deviennent essentielles. (1)
  • Difficile pour lui de comprendre ce qui se passe dans les banlieues ou ces villes… sauf s’il n’est lui-même un élu local ou à l’écoute des ces élus.   
  • Impossible de réfléchir à ce que pourrait devenir la France s’il part de son passé et de ses peurs. La France, comme tous les fleuves, va vers  son futur, un futur différent et qui n’a rien à voir avec son passé
Mais rien n’est perdu. 
Comme Marcel Proust, il est encore temps de mordre dans une madeleine, non pas seulement pour y retrouver le goût et la saveur d’un paradis perdu, mais surtout pour en revenir avec l’énergie et le culot de penser à partir du futur, sans renier nos racines.
Le futur est une mer qui nous attend...
(1) Pour commencer à appréhender pourquoi la Chine est un autre monde, allez voir la conférence de Martin Jacques: Understanding the rise of China

2 mars 2011

LE MANAGEMENT A À VOIR AVEC L’ART DE LA LECTURE

La stratégie est une suite de budgets… faits de plans d’actions…
Depuis l’étage, le plus souvent élevé, des bureaux de la Direction Générale d’une grande entreprise, il est souvent difficile de comprendre et d’appréhender le sens et la valeur ajoutée de chaque niveau qui la compose. On a alors tendance à faire des additions et des multiplications en les oubliant.
C’est un peu comme si, pour analyser la qualité d’un roman, on mettait ensemble toutes les voyelles et les consonnes, si on comptait le nombre de A, ou si on mesurait le nombre moyen de mots par page… 
Non, pour apprécier la qualité d’un roman, on doit oublier les mots et les phrases et se centrer sur le sens du roman lui-même. Ensuite, on pourra, si on en a le temps, se plonger dans l’analyse des phrases. 
Parlerait-on de la phrase relative aux madeleines, si elle n’était pas une articulation essentielle pour la compréhension du sens de A la recherche du temps perdu ?
Il en est de même pour l’articulation entre les plans d’actions, le budget et la stratégie : le budget n’est pas la somme des plans d’actions, ou du moins pas seulement ; la stratégie n’est pas le prolongement du budget… Chacun a sa logique propre. Ceci est notamment dû au niveau d’incertitude :
  •  le plan d’action est dans l’immédiat, un horizon où l’on peut avoir une idée précise du cadre dans lequel on va agir (sauf arrivée de « cygne noir », c’est-à-dire d’un événement imprévisible, très improbable et à effet disruptif).
  •  le budget rentre dans l’horizon de l’incertain, mais encore suffisamment proche pour que l’on puisse modéliser les évolutions et structurer des prévisions.
  • La stratégie, elle, est dans le monde de l’incertitude. Il ne sert à rien de partir du présent, des plans d’action ou du budget. Il faut partir du futur et comprendre les mers qui attirent les fleuves.
Et pourtant les trois sont emboîtés : le budget est le résultat des actions, la stratégie commence par le budget.
Pour comprendre ces emboîtements, tous les dirigeants devraient apprendre l’art de la lecture pour les aider à découvrir (ou redécouvrir) comment A la recherche du temps perdu se construit au travers d’une succession de scènes lentes et sans liens apparents, elles-mêmes construites de descriptions faites de détails d’une infinie précision…
(à suivre)

1 mars 2011

LE MANAGEMENT EST UNE AFFAIRE DE POUPÉES RUSSES

Une entreprise est faite de divisions… faites d’usines… faites de services… faits d’hommes et de femmes…
Il ne viendrait à personne de dire qu’un livre est juste une collection de lettres, non ? Ni même juste une collection de mots ? Ni encore juste une collection de phrases ? Et idem pour une phrase qui n’est pas juste une collection de mots ou de lettres.
Ainsi à chaque fois que je « monte » d’un niveau, il est doté d’un sens qui lui est propre. Il a une identité double : celle d’être la réunion de ce qui le compose (les phrases pour un livre, les mots pour les phrases, les lettres pour les mots), celle du sens apporté par la réunion.
Mais un niveau ne peut pas non plus s’abstraire du sens porté par les morceaux qui le composent : un mot n’a pas de sens sans le sens de ses lettres, le sens d’une phrase part de celui de ses mots, un livre part du sens de ses phrases…
Certes, mais quel est le lien avec le management et la vie de nos sociétés ?
Il est « simple » : comme un livre est composé de phrases, de mots et de lettres, une entreprise est le résultat de poupées russes emboîtées. Elle est faite de sociétés, de divisions, de directions, de savoir-faire, d’usines, d’ateliers… et d’hommes et de femmes. Sa stratégie est la succession de plan d’action et de budget qui sont eux-mêmes le résultat d’actions quotidiennes.
Or nous avons trop tendance à oublier que, comme pour le livre, à chaque niveau correspond un sens spécifique, et souvent on raisonne comme si on pouvait tout additionner sans tenir compte des sens apportés par chaque niveau…
(à suivre)

28 févr. 2011

LA VIE EST UNE AFFAIRE DE POUPÉES RUSSES

Une histoire est faite de phrases... faites de mots... faits de lettres…
Prenez un livre : Il est composé de phrases, elles-mêmes composées de mots, à leur tour composés de lettres. Emboîtement de niveaux dont chacun suit des règles qui lui sont propres : seules certaines successions de lettres donnent des mots ; toutes les suites de mots n’aboutissent pas à une phrase qui ait un sens et des règles de grammaire doivent être respectées ; la suite des phrases doit aboutir à une histoire, structurée ou non, qui correspond à la signification visée.
Si l’on observe le livre, Il y a des blancs, c’est-à-dire des espaces, qui ne portent en eux-mêmes aucun sens. Pourtant, si vous enlevez ces espaces, vous n’avez plus que des lettres dont n’émergent plus ni les mots, ni les phrases, ni le livre. Ces espaces qui séparent des lettres pour définir le début et la fin des mots créent un nouveau type de lien, un lien entre les mots ainsi définis : ces espaces séparent et réunissent. Grâce à ces espaces, on passe du niveau des lettres à celui des mots.


De même, la membrane qui limite une cellule est ce qui la définit et la circonscrit : sans cette membrane, pas de cellule. Mais cette membrane, c’est aussi ce par quoi la cellule échange avec le reste du monde, avec les autres cellules et avec ces éléments dont elle a besoin pour vivre. C’est aussi grâce à la membrane qu’elle va pouvoir s’unir avec d’autres cellules pour aller composer un groupe de cellules, et progressivement construire le niveau supérieur. A nouveau, la membrane sépare et réunit.
La nature est ainsi bâtie autour de séparations/réunions qui articulent et distinguent. Les deux propriétés sont inséparables et sont réalisées indistinctement. Ce sont elles qui contribuent à la solidité de chaque niveau ; ce sont elles qui assurent les emboîtements et les circulations nécessaires entre niveaux.
Extrait des Mers de l’incertitude


(à suivre)

25 févr. 2011

SORTIR DES LIMITES EN CHANSONS


Trois façons de sortir du cadre...
Take a walk on the wild side
Je dépasse aisément toutes les limites quand je commence, je consomme énormément le but est de ressentir les choses
Plucked her eyebrows on the way, shaved her legs and then he was a she
Je dépasse et j’aime en faire des tonnes, ça irrite les braves gens plein de raison qui respectent les limites
Jackie is just speeding away, thought she was James Dean for a day
We don't need no education, we don't need no thought control
Hey je ne rêve pas je sais quand j’arrêterai
Hey teacher, leave us kids alone
 


24 févr. 2011

« NOUS ÉDUQUONS DES GENS EN DEHORS DE LEURS CAPACITÉS CRÉATIVES »

Si éduquer ne rimait plus avec mise en conformité ?
Il ne s’écoule pas un mois en France, sans que le débat sur l’éducation ne revienne pour une raison ou pour une autre. Pour reprendre une expression venant du monde de la presse, c’est un des marronniers de la politique et du débat social. Il est malheureusement rarement abordé avec la clairvoyance et l’ouverture d’esprit de quelqu’un comme Sir Ken Robinson.
Pour preuve ces deux conférences qu’il a fait dans la cadre de TED, l’une en février 2006, l’autre en février 2010. Vous avez la possibilité de les visionner à la fin de ce mail (vous pouvez faire apparaître des sous-titres en anglais ou en français si vous le souhaitez).

23 févr. 2011

LA VIE NAIT DE L’INACHEVÉ

Heureusement Michel-Ange ne les a pas terminés…
A Florence, se trouvent des statues étonnantes et interpelantes. Je parle des statues d’esclave réalisées par Michel-Ange, et qui sont restées inachevées. Initialement situées dans la Grotte de Buontalenti, elles se trouvent depuis 1924 dans la Galleria dell'Accademia de Florence.
A chaque fois que je les vois, j’ai l’impression que les esclaves cherchent à sortir de la pierre, à s’en extraire. Ils sont en train de naître, devant moi. Ils émergent. J’aime à imaginer que ce sont des œuvres volontairement inachevées.
Michel-Ange leur a donné vie, mais ne les a pas terminés, les laissant ainsi libres de leur futur. Quel beau paradoxe pour des esclaves ! Que vont-ils faire ? Comment vont-ils s’en sortir et faire face à ce monde dans lequel ils émergent ?

Michel-Ange n’en savait rien. Alors, il les a dessinés à grand trait, leur a donné juste ce qu’il fallait pour qu’ils vivent, mais rien de plus. A eux de se débrouiller.
Ces sculptures sont, pour moi, une belle métaphore du management dans l’incertitude : on dessine un peu les choses mais pas trop, on esquisse les formes, on donne la direction… et on laisse faire.
Ceci ne veut surtout pas dire que la stratégie doit être un brouillon. Avez-vous l’impression de voir des brouillons en regardant ses statues ? Moi, pas. J’y vois de la vie et de l’énergie. C’est parce qu’ils sont inachevés qu’ils sont vivants : à eux avec nous de combler les manques…
Ce qui est vivant, est ce qui n'est pas terminé, pas fini. Ce qui est terminé est achevé, fini et donc mort...
Construire une stratégie, c’est aussi trouver les lignes de force, ces mers qui attirent les cours des fleuves. Construire une stratégie, c’est laisser des blancs pour que la vie les comble

22 févr. 2011

UN CHIMPANZÉ PEUT-IL, NON SEULEMENT VOIR, MAIS PENSER QU’IL VOIT QUELQUE CHOSE ?

Quand une philosophe s’intéresse au monde animal
Joëlle Proust, dont je donnais hier un patchwork de son livre La nature de la volonté, mène des travaux sur les animaux, dont elle tire toute une série de réflexions passionnantes sur leur comportement, et leur capacité à penser. Une façon originale et efficace de revisiter en conséquence comment nous êtres humains pensons… Voici un patchwork tiré de son livre paru en 2010, Les animaux pensent-ils ?.
Y a-t-il une exception humaine ?
« La maîtrise du langage, la faculté d’apprendre et l’essor de la culture qui lui sont associés permettent à l’humanité de s’extraire de la lutte pour la survie, et d’échapper aux pressions évolutionnaires. (…) Cette représentation naïve est rarement explicitée ; elle forme un compromis entre la conviction centrale (nous ne sommes pas des animaux) et la reconnaissance que les hommes, en effet, sont porteurs de gènes et qu’ils sont les produits de l’évolution. La solution de cette contradiction consiste dans l’idée intuitive que la possession du langage et de la pensée, souvent attribués à l’origine divine des hommes, les élève au-dessus du règne animal et met un terme à l’évolution biologique des hommes. »
« Dès le Xe siècle av. J.C., les religions monothéistes chassent les croyances totémiques et les polythéismes qui divinisaient certains animaux. Dieu a créé l’homme à son image, a fait de lui le centre de sa création, et lui a donné une âme immortelle : l’attrait de ces idées est de permettre de se penser en opposition avec la nature, en particulier avec la nature animale. »