Faire le vide prend du temps…
J’ai terminé mon billet d’hier sur cette question : peut-on faire le vide dans l’urgence et dans la précipitation ?
La réponse est évidemment non. En effet si l’on ne dispose pas du temps suffisant :
- On ne pourra pas se consacrer d’abord à l’observation brute, on cherchera tout de suite des réponses à des questions,
- On ne se décentrera pas, car cela demande un effort et du temps… apparemment perdu
- On mobilisera tous les experts disponibles pour comprendre le plus vite possible
Bref, pour avoir une chance de faire le vide, il faut prendre son temps : comme l’a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(1), travailler sans recul « pour un canon, c’est un progrès. Pas pour un cerveau. »
Dans les Mers de l’incertitude, j’ai cité l’anecdote suivante :
« Dernièrement, un journaliste vedette a déclaré à la radio : « Entre mon rôle de rédacteur en chef de mon journal et d’éditorialiste, plus toutes les émissions auxquelles je participe, c’est bien simple, je n’ai plus cinq minutes de libre pour m’arrêter ». Il disait cela comme la preuve de sa performance et de son importance. Son interlocuteur en sembla d’ailleurs impressionné. En moi-même, je pensais : « Mais quand réfléchit-il ? Comment peut-il vraiment faire son métier d’éditorialiste et de journaliste en courant tout le temps de la sorte ? ». »
Un peu plus loin, j’y écrivais :
« La question n’est pas d’aller vite dans l’absolu, mais d’adapter la vitesse à ce que l’on veut faire, d’ajuster rythme et durée. Une idée centrale est de comprendre l’interaction entre la durée d’observation et l’analyse que l’on peut mener : un corps observé sur une courte durée peut sembler solide, alors qu’il ne le sera plus au bout d’un certain d’observation. »
Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’urgences et que l’on doit toujours prendre son temps ? Non, bien sûr ! Parfois, un individu ou un groupe d’individus se trouvent face à une situation d’urgence, positive ou négative. Le temps est alors à l’action et non plus à la compréhension. On ne peut alors que mobiliser ce que l’on a appris et compris, on ne peut plus comprendre en profondeur…
Mais quand on n’est pas dans l’urgence, quand on a pris le temps de se poser pour faire le vide, une fois le vide fait, comment arriver à comprendre vraiment une situation ?
(à suivre)
(1) Le Nouvel art du temps