4 oct. 2013
UN DOUBLE-DECKER, DES JEANS ET DES SERPENTS...
Déjà je ne m'attendais pas à rencontrer un authentique bus anglais dans les rues de Bombay, mais encore moins à le voir être utilisé comme une arme terroriste. Dans un remake au ralenti de l'attaque des tours du World Trade Center, il vise manifestement la gare centrale.
Que faire ? Intervenir, oui mais comment ? Et personne n'a l'air de voir l'imminence de la catastrophe...
Est-ce une nouvelle publicité pour une marque de jean ? Levis a-t-il voulu changer de dimension, et trouve-t-il les laveries des spots précédents, trop étriquées ?
Mais je ne vois aucune caméra alentour. Aucun top model non plus.
Juste des indiens accroupis qui frottent sans relâche des piles de linge, sans cesse renouvelées...
L'imaginaire du cinéma transforme parfois les habitants des bidonvilles en vedette de jeux télévisés, magie d'un "Slumdog millionaire". Mais la réalité est plus sinistre, et le futur de ceux qui s'y trouvent est moins glamour.
Dans le noir presque absolu qui y règne, des câbles, tels des serpents venimeux, courent sur les murs. Aucun fakir n'est là pour les dresser. Le seul chant que l'on y entend, est celui de la démarche lourde des porteurs d'eau. Même les enfants semblent être absents.
Pourtant à quelques minutes de là, trônent la fameuse Indian Gate, et le Taj Mahal Palace...
(Les trois photos ont été prises à Bombay en juillet 2012)
3 oct. 2013
SANS DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE, PAS DE SURVIE COLLECTIVE
Sans diversité, pas de performance globale... (3)
La diversité est donc un élément essentiel pour garantir la performance collective : sans elle, pas de flexibilité, pas d'adaptation rapide à un changement dans l'environnement. Dans le processus qui, à partir de plusieurs, donne naissance à un nouvel être, doté de l'esprit de la ruche, le fait que ces plusieurs soient différents est important.
Mais donc, faut-il que cette diversité soit innée, c'est-à-dire que les abeilles soient génétiquement diverses, ou suffit-il qu'elle soit acquise, suite aux différences entre les expériences individuelles vécues ?
Poursuivant son émission consacrée au rôle du renouvellement permanent de la diversité, Jean-Claude Ameisen relate les expériences qui se sont déroulées depuis les années 2000, et qui ont démontré que la différence génétique était essentielle.
L'expérience la plus frappante est celle menée par Heather Mattila et Thomas Seeley (1). Ils ont comparé l'évolution au moment critique de la naissance d'une nouvelle ruche : qu'advient-il si la colonie provient d'une reine ayant été inséminée par un seul mâle, versus une où elle a été inséminée par quinze mâles différents ?
La réponse est sans appel :
- Au bout de deux semaines, les colonies issus d'un patrimoine génétique plus divers ont construit un tiers de rayons de cire en plus, et les butineuses y ont collecté 40% de réserves supplémentaires,
- Au bout d'un mois, lorsque la floraison est maximum, le nombre des ouvrières des colonies génétiquement diverses est multiplié par trois, versus une augmentation de seulement 50% pour les autres,
- Fin août, une baisse de température provoque la disparition de la moitié des colonies génétiquement homogènes, alors que toutes les autres survivent.
- À la fin de l'hiver, toutes les colonies génétiquement homogènes ont disparu, alors qu'un quart des autres ont réussi à survivre et seront toujours en activité au printemps.
Ainsi l'évolution est sans pitié, et élimine ce qui est génétiquement homogène : c'est bien la diversité des gènes qui apporte la puissance à l'esprit de la ruche. Être confronté à des expériences diverses ne suffit pas : si l'on est initialement homogène, on ne sait pas en tirer parti... et l'on disparaît.
Et dire que d'aucuns dans nos sociétés ont peur de la diversité, et voudraient cloisonner le monde...
(à suivre)
(1) Genetic in Honey Bee Colonies Enhances Productivity and Fitness, Heather R. Mattila, Thomas D. Seeley, July 2007
2 oct. 2013
LA PERFORMANCE COLLECTIVE SUPPOSE DES DIFFÉRENCES
Pour nous, animaux à sang chaud, nous avons notre propre système de régulation de la température, et nous sommes capables de nous adapter par nous-mêmes aux variations extérieures, du moins tant que celles-ci restent à l'intérieur de certaines limites. Nous sommes en quelque sorte "auto-climatisé".
Rien de tel avec les abeilles. Or il est vital de maintenir la zone centrale de la ruche, là où se trouvent les larves, le plus proche possible de 35° C. Alors les voilà qui ventilent si la température au sein de la ruche devient trop élevée, ou vont chercher de l'eau pour qu'elle s'évapore. Si jamais c'est l'inverse, et que le centre est trop froid, elles frissonnent pour produire de la chaleur. Comment ceci est-il possible ? Parce que les abeilles sont "programmées" pour agir ainsi : dès que la température dépasse une certaine valeur, elles ventilent ; dès qu'elle devient inférieure, elles frissonnent. Efficace et simple.
Certes, mais imaginez que toutes les abeilles réagissent exactement à la même température de déclenchement : d'un seul coup, toutes les ouvrières ventileront ou frissonneront, et la température variera brutalement et de façon trop importante. Par exemple, si elles ventilent toutes ensemble, la température va devenir rapidement trop basse. Alors toutes ensemble, elles vont se mettre à contracter leurs muscles pour élever la température. Et cette fois, elle redeviendra trop élevée... Ainsi la température oscillera sans cesse, et les ouvrières n'auront jamais de repos, ne pourront jamais rien faire d'autre, et mourront d'épuisement.
Ce n'est pas ce qui se passe, car, parce que toutes les abeilles ne sont pas identiques, elles n'ont pas exactement la même température de déclenchement : au départ, seules, quelques-unes vont intervenir. Si c'est suffisant, les autres n'interviendront pas. Si c'est insuffisant, le nombre d'abeilles intervenant augmentera progressivement. Et ainsi la température est efficacement régulée.
Mais ceci vient-il d'un processus d'adaptation et d'apprentissage, ou est-ce génétique ?
Ou formulé autrement, la performance collective suppose-t-elle une hétérogénéité structurelle et initiale, ou peut-elle être issue d'individus initialement identiques, et qui ont appris à être complémentaires ?
(à suivre)
1 oct. 2013
LA PUISSANCE COLLECTIVE NAÎT-ELLE DES SIMILITUDES ?
Qu'est-ce qui ressemble plus à une abeille à miel que sa sœur voisine ? Impossible de les distinguer. Pour nous, elles ne sont que des clones, et la force de la ruche vient précisément de cette unicité : une seule mère, toutes sœurs, toutes identiques.
Aucun conflit potentiel, pas d'étranger à surveiller, chacune n'a qu'un seul et même objectif : contribuer à la puissance du groupe. De la petitesse de chacune prise isolément, grâce à la merveille du collectif, naît ce que l'on appelle "l'esprit de la ruche". C'est la similitude qui permet la puissance du pack...
C'est ce que l'on a longtemps pensé : une seule reine, un seul patrimoine génétique, une tribu de jumelles parfaites.
Mais en fait, il n'en est rien, car si les abeilles ont bien une seule mère, elles n'ont pas le même père : lors de son vol nuptial, la reine est fécondée par une vingtaine de mâles, ce qui garantit une diversité génétique.
Mais est-ce si important, ou n'est-ce pas plutôt une source de faiblesse ? Une ruche ne serait-elle pas d'autant plus puissante que les abeilles qui la composent sont plus identiques ?
Et la réponse est décoiffante, et apporte comme un vent frais, au moment où tant de racismes latents et de peurs de la différence hantent nos sociétés...
(à suivre)
30 sept. 2013
INCERTITUDE, LÂCHER-PRISE, ACCEPTATION DU DÉPASSEMENT... ET STABILITÉ
Depuis début juillet, pour me permettre de finaliser mon nouveau livre, "Les Radeaux de feu", et aussi de prendre le temps de découvrir de nouveaux horizons - Singapour et Philippines -, mon blog a pris de longues vacances, et un best of a été diffusé pendant tout l'été.
Retour au live à partir d'aujourd'hui, avec un titre qui reprend maintenant les titres de mes deux derniers livres... mais les thèmes que je vais y aborder ne vont pas changer.
Toujours autour de l'incertitude, de l'acceptation du dépassement. Apprendre à accepter que la solution n'est pas toujours dans davantage de compréhension et de contrôle. Comprendre que la réponse à l'instabilité ambiante n'est pas dans une réactivité vibrionnaire et une agilité croissante qui permettrait de saisir tout ce qui se présente, mais dans la recherche de points fixes, ces mers qui pourront attirer durablement le flux de nos vies et de nos entreprises...
Apparents paradoxes qui constituent l'ossature de mon nouveau livre, et sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir en détail dans les semaines à venir.
Comme la parution effective des "Radeaux de feu" n'aura lieu que dans une quinzaine de jours, je ne commencerai sa présentation en détail que dans deux semaines.
D'ici là, je partagerai avec vous un patchwork issu de ma pérégrination estivale, de quelques lectures récentes, et de nouvelles saisies au hasard de mes télescopages personnels.
Et merci pour tous vos messages encourageants et votre fidélité !
PS : J'ai choisi ce dessin de Snoopy pour illustrer ce premier billet de retour, car j'aime sa capacité à mener son chemin quoi qu'il lui arrive. Il illustre à sa façon, ce que Dominique A dit dans sa merveilleuse chanson, "Le courage des oiseaux" : « Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé »... (voir mon billet-poème : "Être là, juste là")
27 sept. 2013
DRÔLE DE MONDE !
Les rues indiennes sont l'occasion de rencontres multiples, inattendues, issues du capharnaüm des télescopages multiples qui s'y produisent.
Parfois c'est un singe qui, juché sur un toit, affirme sa supériorité. Conscient d'être le roi de l'eau, celui qui décide qui va boire ou dépérir, celui qui donnera la vie ou la mort, imperturbable à ce qui l'entoure, il s'abreuve.
Un peu plus loin, ce sont des oiseaux, comme issus d'un film d'Hitchcock, qui ont pris possession des lieux. Les uns guettent les passants, qui se font furtifs et accélèrent leur pas, craignant de devenir à leur tour, victimes. Les autres mangent, et se repaissent de cette offrande des hommes.
Et les terrasses des palaces ne sont pas en reste. Ce ne sont ni des businessmen affairés que l'on y rencontre, ni des couples improvisés qui y balbutient en se découvrant mutuellement, ni des touristes qui s'y ressourcent avant de repartir vers de nouvelles découvertes.
Non, c'est un brouillard d'insecticide qui squatte la terrasse ! J'imagine la tête des clients qui, tout à l'heure, occuperont ces chaises, si jamais je leur montrais cette photo. Comment rester sereinement à deviser, sans craindre quelque retombée néfaste pour sa propre santé ?
(Les deux premières photos ont été prises à Bombay en juillet 2012. la troisième est la terrasse de l'hôtel Imperial à Delhi en juillet 2008.)