Comprendre que l'on n'est pas "deux"
Diriger efficacement, c’est aussi ne pas penser qu’il y a d’un côté celui qui travaille, de l’autre celui qui a des émotions. Les deux sont indissociables, nous ne sommes pas multiples, nous ne sommes qu’un, et toute tentative de division est un déni de soi-même. Celui qui vibre devant un match de football, à la lecture de Marcel Proust ou devant un film de Woody Allen, est aussi celui qui a à choisir quel investissement faire, relire un business plan ou évaluer la performance de ses collaborateurs. Lors de nos formations, on nous a fait croire que le management serait du domaine du rationnel et de la science, alors que l’être privé relèverait lui d’une autre sphère. Cette frontière est fausse et artificielle.
Cette acceptation de soi-même dans toutes ses composantes, toute sa diversité et tous ses mystères est un préalable pour pouvoir lâcher-prise, et avoir confiance en soi et en les autres. C’est un défi, car nous ne pouvons pas nous empêcher de comprendre ou de vouloir le faire : la tension entre cette volonté et l’acceptation du dépassement est réelle et irréductible. On ne peut que vivre avec, chaque jour un peu mieux.
C’est une condition nécessaire pour accepter ses intuitions, et ne pas se réfugier derrière une mathématisation artificielle du monde : on ne peut pas trouver une mer à l’issue d’un cheminement logique, car partir du futur est d’abord affaire d’imagination. Certes, cette imagination se nourrit de faits et d’informations, et il ne s’agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n’est pas par un raisonnement rationnel et séquentiel que l’on passe de ces faits à la mer, c’est par un saut créatif. Sans rêve, pas de créativité.